Échocardiographie Doppler : technique et aspect normal - Le Point Vétérinaire n° 231 du 01/12/2002
Le Point Vétérinaire n° 231 du 01/12/2002

IMAGERIE DU CŒUR CHEZ LE CHIEN ET CHEZ LE CHAT

Pratiquer

IMAGERIE

Auteur(s) : Wilfried Maï

Fonctions : ANIMAGE, Laboratoire Creatis (CERMEP)
59 Boulevard Pinel
69003 Lyon

L’examen Doppler fournit une mesure de la vitesse, du sens et de la qualité du flux sanguin à l'intérieur du cœur et des gros vaisseaux, qui est le reflet de la fonction hémodynamique.

L’échocardiographie est une technique non invasive idéale pour examiner les structures cardiaques internes, mesurer la taille des cavités cardiaques et étudier le fonctionnement myocardique. L’examen Doppler fournit une mesure de la vitesse, du sens et de la qualité du flux sanguin à l’intérieur du cœur et des gros vaisseaux, qui est le reflet de la fonction hémodynamique. Cet examen permet en outre de mettre aisément en évidence les dysfonctionnements valvulaires et les communications anormales grâce aux différents modes d’étude : Doppler couleur, Doppler pulsé et Doppler continu.

L’effet Doppler

Les ultrasons obéissent au principe de l’effet Doppler : la fréquence du son réfléchi par un objet en mouvement varie en fonction de la vitesse et du sens de déplacement de cet objet.

L’exemple le plus connu aujourd’hui est celui du radar sur le bord de la route qui utilise ce principe pour mesurer les vitesses des voitures. Comme la majeure partie des objets en mouvement à l’intérieur du cœur et des gros vaisseaux est constituée par des cellules sanguines, le même principe est appliqué (voir l’ENCADRÉ « L’équation Doppler : vitesse du flux sanguin »).

Une représentation graphique du signal Doppler est possible et permet d’afficher les courbes de vitesse spectrale en fonction du temps. Une représentation auditive est également permise car les signaux Doppler, de faible fréquence, se situent dans une gamme fréquentielle audible par l’oreille humaine. Un couplage avec le signal électrocardiographique permet de distinguer les flux systoliques des flux diastoliques.

En choisissant de manière très précise l’orientation du faisceau d’ultrasons (à partir de coupes en mode bidimensionnel ou BD), il est possible de mesurer la vitesse du flux sanguin en pratiquement n’importe quel site du cœur ou des gros vaisseaux : dans l’aorte, dans l’artère pulmonaire, au niveau des valvules mitrale, tricuspide, aortique et pulmonaire.

Pour mesurer correctement les glissements de fréquence, l’angle entre le faisceau d’ultrasons et l’axe de déplacement du flux sanguin dans le cœur doit être aussi proche que possible de zéro degré : le faisceau d’ultrasons doit donc être aligné le plus parfaitement possible avec l’axe de déplacement du flux sanguin. Dans tous les cas, la sonde ne doit jamais être perpendiculaire à l’axe de déplacement du flux car les signaux Doppler ne peuvent alors être détectés. L’angle idéal est considéré comme inférieur à 20° car il est souvent difficile d’être exactement dans l’axe du flux. Les coupes qui permettent d’effectuer ces mesures ne sont pas nécessairement celles qui sont utilisées en mode BD traditionnel car l’échocardiographie bidimensionnelle offre les meilleures images des structures perpendiculaires au faisceau d’ultrasons (et non des structures situées dans son prolongement).

Modes Doppler pulsé et continu

1. Doppler pulsé

En mode pulsé, un seul cristal travaille alternativement en émission et en réception des ultrasons. La cadence avec laquelle sont émises des impulsions ultrasonores s’appelle la fréquence de répétition (PRF). La modification de la durée qui sépare l’émission de l’impulsion ultrasonore et le moment où la sonde recueille le signal Doppler permet de sélectionner la profondeur de l’examen : le signal pulsé ne présente pas d’ambiguïté en distance. En pratique, l’axe de tir Doppler est réglé à partir d’une image BD et le site choisi pour la mesure est déterminé par l’ajustement d’un petit curseur mobile sur l’axe de tir, appelé « volume-échantillon ».

Le temps qui doit être alloué à l’écoute des ondes réfléchies limite les vélocités maximales qui peuvent être enregistrées par le Doppler pulsé. À chaque fréquence de répétition (déterminée par la profondeur du volume-échantillon choisi) correspond un changement de fréquence maximal enregistrable ((f), égal à la moitié de la fréquence de répétition : cette limite est appelée limite de Nyquist. Les changements de fréquence qui excèdent cette limite donnent lieu à un artefact appelé repliement, ambiguïté de vitesse ou « aliasing ». Lorsque cet artefact survient, la partie de l’enveloppe Doppler qui excède cette limite est tronquée (écrêtage des vitesses maximales) et part du bord opposé de l’écran (ambiguïté en vitesse pour les hautes vélocités). Ce phénomène peut gêner la mesure des vélocités maximales et empêcher, lorsqu’il est sévère, de connaître le sens du flux. Pour augmenter la limite de Nyquist, il est possible de moduler la ligne du zéro, d’utiliser un transducteur de fréquence plus faible, ou d’augmenter la fréquence de répétition en sélectionnant un échantillon volontairement très proche du transducteur (technique de Doppler en haute fréquence de répétition ou high-PRF). Cette dernière technique met le transducteur en position d’émission et de réception quasi-continues et lui permet de capter l’ensemble des signaux Doppler rencontrés le long du faisceau sans être gêné par une limite de Nyquist, devenue très haute. En revanche, il n’est pas possible de connaître la profondeur exacte de l’origine de ces vélocités (ambiguïté en distance), ce qui rapproche ce mode du Doppler continu.

2. Doppler continu

Pour mesurer des glissements de fréquence supérieurs à la limite de Nyquist, il est possible d’utiliser un flux continu d’ultrasons (Doppler continu). Pour cela, il convient de disposer d’une sonde dans laquelle les cristaux qui émettent et reçoivent les ultrasons sont différents. Cette modalité permet de mesurer n’importe quelle vitesse (pas d’ambiguïté en vitesse). En revanche, toutes les vélocités le long du faisceau sont enregistrées, ce qui rend la localisation de l’origine du flux impossible (ambiguïté en distance). Elle ne doit donc être utilisée que lorsque les structures à explorer peuvent être repérées avec exactitude.

3. Aspect des courbes Doppler chez l’animal normal

• Les signaux Doppler sont recueillis en guidant l’axe de tir Doppler à partir d’une coupe bidimensionnelle (voir la FIGURE « représentation schématique du mode d’obtention des tirs Doppler »). Il convient toutefois de tenir compte de facteurs qui peuvent influencer les valeurs normales des vélocités enregistrées chez le chien sain (voir le TABLEAU « Vélocités maximales (moyenne et déviation standard) des flux intracardiaques normaux chez le chien conscient (Doppler pulsé) »). Ainsi, l’augmentation de la fréquence cardiaque et la diminution du poids sont associées à une augmentation de la vitesse mesurée.

• L’information Doppler est affichée sous la forme d’un diagramme spectral ou spectre de fréquence. Le spectre de fréquence (voir la FIGURE « Diagramme de représentation spectrale du signal Doppler ») se présente comme une série de lignes verticales juxtaposées :

– l’axe des x représente l’échelle du temps ;

– l’axe des y représente les fréquences Doppler ou encore les vitesses (cf l’équation Doppler) ;

– chaque ligne verticale montre la répartition des fréquences (ou des vitesses) dans le vaisseau à un instant donné ;

– pour chaque point d’une barre verticale, la brillance correspond à l’énergie (ou puissance) et augmente avec la densité (le nombre par unité de volume) de globules rouges à l’origine de cette valeur de fréquence.

En d’autres termes, le diagramme spectral représente les variations temporelles de l’histogramme des fréquences présentes à l’intérieur du volume d’échantillonnage considéré. Il permet donc de détecter la présence et la direction du flux et de caractériser le profil de l’écoulement.

• Un flux laminaire est représenté en mode pulsé par une enveloppe Doppler vide, car le caractère de l’écoulement fait qu’en un point du vaisseau, les valeurs de vitesses sont homogènes à un temps t donné.

En cas de turbulences, à un point du vaisseau et à un moment donné, une grande répartition des valeurs de vitesses est au contraire notée, depuis des vitesses nulles jusqu’à une valeur maximale. Dans ce cas, l’enveloppe obtenue en mode Doppler pulsée est remplie.

Enfin, en mode Doppler continu, toutes les vitesses sanguines sont échantillonnées le long de l’axe de tir. Le plus souvent cela correspond à une grande dispersion spectrale et une enveloppe Doppler remplie est obtenue dans tous les cas.

Flux transmitral

Le flux transmitral (PHOTO 1) est obtenu à partir d’une coupe parasternale gauche apicale, deux ou quatre cavités, qui permet d’aligner correctement l’axe de tir Doppler avec l’axe principal du flux sanguin.

En mode pulsé, le volume échantillon doit être placé juste sous l’orifice mitral, en partie médiane de l’anneau atrioventriculaire.

Typiquement, le flux est diastolique, biphasique et positif. Deux ondes de remplissage sont présentes : la première, appelée E, correspond au remplissage passif du ventricule gauche ; la seconde, appelée A, correspond au remplissage actif du ventricule gauche lié à la systole atriale. Cette deuxième onde se produit juste après l’onde P de l’électrocardiogramme.

Flux transtricuspidien

Le flux transtricuspidien est également obtenu à partir de coupes apicales par abord parasternal gauche. Un déplacement du transducteur d’un espace intercostal en direction craniale à partir de cette coupe facilite en général la mesure. Les caractéristiques sont les mêmes que pour le flux transmitral. Il est décrit une régurgitation tricuspidienne physiologique chez 50 % des animaux normaux, comme cela est rapporté chez l’enfant. Elle est normalement modérée et très localisée à l’orifice valvulaire.

Flux transaortique

Le flux transaortique est obtenu à partir d’une coupe apicale cinq cavités par abord parasternal gauche, en plaçant le volume échantillon juste après les valves sigmoïdes par rapport au sens d’écoulement du sang. Typiquement, un flux négatif, monophasique et systolique est enregistré. Un déplacement caudal de la sonde d’un espace intercostal, avec une angulation marquée en direction dorsale, permet d’obtenir de meilleures mesures. Ce flux peut, dans de rares cas, être enregistré à partir d’une coupe cinq cavités par abord rétroxyphoïdien.

Flux transpulmonaire

Le flux transpulmonaire est obtenu à partir d’une coupe transversale transaortique par abord parasternal droit. Sur cette coupe, la chambre de chasse et le tronc pulmonaire se présentent en coupe longitudinale et l’alignement avec l’axe de tir Doppler est correct. Certains auteurs proposent de modifier la coupe obtenue par abord droit par un déplacement ventral et cranial de la sonde. L’axe est placé en superposition avec le plan sagittal de la chambre d’éjection et le volume échantillon est placé juste après les valves sigmoïdes dans le sens d’écoulement du sang. Un flux systolique, monophasique et négatif, qui forme un triangle isocèle, est enregistré (PHOTO 2). Comme au niveau des valves tricuspides, une insuffisance physiologique est décrite chez 25 % des individus normaux, sans traduction auscultatoire.

Mode Doppler couleur

Le mode couleur est un autre système d’affichage des informations Doppler. Il vise à obtenir une information sur la vitesse des cibles en chaque point d’une image échographique et à la présenter sur l’écran, selon une échelle de couleur qui correspond aux différentes vitesses.

Pour un point donné de l’image, le traitement initial est analogue à celui décrit en mode Doppler pulsé : l’échographie qui provient d’une profondeur donnée est évaluée sur des tirs successifs et l’évolution de cette valeur au cours du temps correspond au signal Doppler. À la différence du Doppler pulsé, il n’existe pas une seule fenêtre Doppler : plusieurs volumes échantillons (également appelés « fenêtres » ou « portes ») le long d’une ligne ultrasonore sont régulièrement espacés le long de l’axe. Cette opération est ensuite répétée sur plusieurs lignes adjacentes, de manière à obtenir l’information dans un secteur plan de l’image.

L’information est codée en couleur : en général, les flux qui se dirigent vers la sonde (vitesses positives) sont représentés en couleurs chaudes (rouge, orange), alors que les flux qui s’éloignent de la sonde (vitesses négatives) sont représentés en couleurs froides (dégradé de bleu). Un troisième codage (vert ou jaune selon les machines) permet d’afficher une information sur les flux turbulents (caractérisés par l’hétérogénéité des vitesses et des directions des cellules sanguines). Le résultat final est une véritable « cartographie » en couleur des flux sanguins dans l’espace plan exploré. Cette information couleur est superposée à une image BD classique, ce qui permet d’effectuer un excellent repérage anatomique des flux dans la région imagée (PHOTO 3).

La nature des procédés utilisés, très proche du mode Doppler pulsé (le mode couleur est un mode pulsé multiporte et multi-axe), fait que le Doppler couleur fournit une mesure de la vitesse du sang qui dépend de l’angle d’incidence et qui est également soumis au phénomène d’aliasing.

Ce système permet un gain de temps considérable dans l’examen, en mettant en évidence de manière aisée l’existence de flux sanguins anormaux (flux surnuméraires de régurgitation ou shunts congénitaux). En outre, la mise en évidence d’artefacts dus au dépassement de la limite de Nyquist et de turbulences permet de suspecter l’existence d’une sténose. Le mode couleur est également une aide pour placer l’axe d’enregistrement afin d’obtenir une mesure en mode pulsé et de recueillir ainsi des informations quantitatives sur un flux de régurgitation, de sténose ou en présence d’une communication.

Ce survol succinct de la technologie Doppler permet de comprendre combien cette technique est complémentaire de l’examen anatomique fourni par l’échocardiographie bidimensionnelle et temps-mouvement. L’écho-Doppler apporte des informations fonctionnelles utiles sur l’hémodynamique cardiaque et permet de comprendre plus précisément l’anomalie auscultatoire identifiée à l’examen clinique, d’en établir la cause, le pronostic, et également de diriger le plan de traitement. Une connaissance des mécanismes physiques mis en jeu et des réglages indispensables est cependant nécessaire à l’obtention d’un examen de qualité diagnostique.

L’équation Doppler : vitesse du flux sanguin

La vitesse du flux sanguin rencontré par le faisceau d’ultrasons peut être donnée par l’équation Doppler :

V = (f x c/2fo x cos ?

– V : vitesse du flux sanguin (en m/s) ;

– (f : variation (ou glissement) de fréquence des ultrasons (en Hz) ;

– c : célérité du son (dans les tissus mous : 1 540 m/s) ;

– f0 : fréquence initiale du faisceau d’ultrasons ;

–  ? : angle entre le faisceau d’ultrasons et l’axe de déplacement du flux sanguin dans le cœur ou le vaisseau.

Si le sang se dirige vers la sonde, la fréquence du signal réfléchi augmente (Df > 0). Si le sang s’éloigne de la sonde, cette fréquence diminue (Df < 0). Les flux sanguins dirigés vers la sonde sont ainsi représentés par une vitesse positive et les flux qui s’éloignent de la sonde par une vitesse négative.

En savoir plus

– Maï W. Aspect radiographique normal du cœur du chien et du chat. Point Vét. 2002 ; 33(228): 72-76.

– Maï W. Echocardiographie bidimensionnelle. Point Vét. 2002 ; 33(229): 74-79.

– Maï V. Echocardiographie en mode temps-mouvement. Point Vét. 2002 ; 33(230): 76-79.

Points forts

En choisissant de manière précise l’orientation du faisceau d’ultrasons à partir de coupes en mode bidimensionnel, il est possible de mesurer la vitesse du flux sanguin quel que soit le site du cœur ou des gros vaisseaux.

L’angle idéal est considéré comme inférieur à 20° car il est souvent difficile d’être exactement dans l’axe du flux.

Le temps qui doit être alloué à l’écoute des ondes réfléchies limite les vélocités maximales qui peuvent être enregistrées en mode Doppler pulsé.

Le mode continu permet de mesurer n’importe quelle vitesse mais toutes les vélocités le long du faisceau sont enregistrées, ce qui rend la localisation de l’origine du flux impossible.

Le diagramme spectral représente les variations temporelles de l’histogramme des fréquences présentes à l’intérieur du volume d’échantillonnage considéré. Il permet donc de détecter la présence et la direction du flux et de caractériser le profil de l’écoulement.

Le résultat final du mode Doppler couleur est une véritable « cartographie » en couleur des flux sanguins dans l’espace plan exploré. Cette information couleur est superposée à une image BD classique, ce qui permet d’effectuer un excellent repérage anatomique des flux dans la région imagée.

Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr