Quelques interventions chez les petits ruminants - Le Point Vétérinaire n° 230 du 01/11/2002
Le Point Vétérinaire n° 230 du 01/11/2002

GESTES TECHNIQUES

Se former

CONDUITE À TENIR

Auteur(s) : Philippe Casamitjana

Fonctions : Clinique vétérinaire Saint-Jean,
2, rue Saint-Barthélémy,
31210 Montréjeau

L’écornage, l’ablation des glandes multilobulaires et l’urétrostomie constituent des interventions chirurgicales simples, faciles à proposer et à mettre en œuvre chez les petits ruminants.

L’écornage et l’ablation des glandes multilobulaires, ou “glandes odorantes”, sont des interventions de convenance, principalement réalisées chez les caprins. L’urétrostomie est une intervention d’urgence, pratiquée surtout chez les ovins mâles, lorsqu’une urolithiase obstructive met en jeu la vie de l’animal. Elle ne constitue qu’une solution de court terme.

L’écornage

L’écornage des petits ruminants se pratique principalement chez les caprins(1) , pour différents motifs :

- supprimer les risques de blessures lors de combats entre les animaux du troupeau, à l’occasion des remises en question permanentes de la hiérarchie ;

- apaiser l’ambiance des animaux en claustration, car une fois “désarmés” les animaux se battent moins et la stabulation est plus calme ;

- rendre la manipulation plus aisée et éviter les risques d’accrochage au niveau des clôtures.

Néanmoins, l’écornage diminue les capacités de défense des animaux, ce qui peut être un inconvénient lorsque le troupeau est attaqué par des chiens (les chèvres cornues savent très bien se servir de leurs cornes pour tenir en respect leurs agresseurs).

Dans les pays anglo-saxons seuls les animaux écornés peuvent être enregistrés sur les livres généalogiques des races caprines laitières. Chez les caprins, le caractère motte (absence de cornes) est lié à un gène récessif d’infertilité, ce qui doit faire éliminer ce caractère dans la sélection.

1. L’écornage chez les jeunes

Le moment le meilleur et le moins traumatisant pour écorner un animal se situe entre cinq et sept jours chez les femelles et entre trois et cinq jours chez les mâles, chez qui les cornes se développent plus rapidement. À cet âge il est facile de détruire entièrement le corium, d’où part la croissance de la corne ultérieurement. Chez les races naines, il est possible d’attendre huit à quinze jours si l’opérateur ne dispose pas de matériel d’une taille adaptée à celui de l’embase du cornillon. Il est en effet indispensable de détruire la totalité de cette embase, au risque de voir pousser des morceaux de cornes tordus au raz du crâne.

La cautérisation est la méthode la plus utilisée et la mieux adaptée. Elle se pratique avec une contention manuelle et en général sans anesthésie. Une cautérisation doit être bien ciblée et rapide : c'est-à-dire que le thermocautère, électrique en général, doit être suffisamment chaud, d’une puissance minimum de 200 W, et être appliqué entre 5 à 10 secondes maximum. Il existe des écorneurs à gaz, qui fonctionnent en tous lieux et en tous temps.

S’il y a trop de poils pour bien viser l’embase du cornillon, il est nécessaire de couper le poil pour le faire apparaître. Cela permet d’être plus précis, de dégager moins de fumée et finalement d’appliquer moins longtemps le thermocautère.

Les femelles nécessitent parfois un thermocautère plus large que les mâles. Les embouts vendus dans le commerce varient de 16 à 25 mm de diamètre.

La cryochirurgie peut également être utilisée, dès l’âge de deux jours, sans inconvénient.

2. L’écornage chez l’adulte

L’écornage peut être pratiqué au-dessus ou en dessous de l’embase. Si l’écornage est réalisé au-dessus de l’embase, la corne continue à pousser ultérieurement : tout dépend du but recherché.

Anesthésie

Les caprins adultes sont particulièrement sensibles à la douleur et bêlent fortement dès la moindre perception douloureuse. Ils sont fréquemment victimes de chocs lors d’interventions, quand la douleur n’est pas maîtrisée. L’anesthésie générale facilite la contention et est recommandée chez les caprins de compagnie. L’anesthésie locorégionale peut suffire dans les autres cas. Les sites d’injection (voir la FIGURE “Sites d’injection pour l’anesthésie locale de la corne chez la chèvre”) se situent :

a. au niveau du nerf infratrochléaire, sur le rebord dorsomédial de l’orbite ;

b. au niveau des branches du nerf zygomatico-temporal, en arrière du processus zygomatique de l’os frontal.

La lidocaïne étant assez toxique chez les caprins, il est conseillé de la diluer de moitié dans du sérum physiologique. Un volume total de 2 ml est injecté à chacun des sites.

Pose d’élastique de castration à la base de la corne

Un élastique de castration peut être posé à la base de la corne, après avoir entaillé au couteau toute la circonférence de la base, pour que l’élastique tienne. Ce dernier provoque une sténose de la circulation sanguine de la corne, et celle-ci tombe par nécrose au bout d’un mois environ, souvent au moindre choc. La pose de l’élastique est douloureuse pendant une dizaine d’heures, ainsi que l’arrachement de la corne nécrosée.

Ablation sanglante

Après avoir posé un garrot à la base des cornes, comme chez les bovins, la corne est sciée à la scie-fil, l’emplacement du trait de section ayant été indiqué à la scie égoïne. Une cautérisation permet d’arrêter les petites hémorragies. Une fois la corne coupée, un pansement est mis en place et laissé jusqu’à la cicatrisation.

Dans les deux cas, l’antibioprévention (pénicilline-streptomycine) et la séroprévention antitétanique sont de règle.

Ablation des glandes multilobulaires du bouc

L’ablation des glandes multilobulaires (ou “glandes odorantes”) est pratiquée afin de diminuer l’odeur désagréable du bouc. L’origine essentielle de l’odeur du bouc provient en effet des glandes sébacées multilobulaires, localisées caudomédialement aux cornes (voir la FIGURE “Ablation des glandes multilobulaires chez le bouc cornu”), ou aux bosses chez les boucs mottes (voir la FIGURE “Position des glandes multilobulaires chez le bouc motte”). L’urine n’a pas d’odeur particulière. Les fonctions des glandes sébacées multilobulaires et des autres glandes sébacées du cou ou des épaules augmentent sous l’influence de la testostérone.

Il convient de savoir qu’après avoir subi cette exérèse, le bouc ne détecte et ne stimule plus les œstrus.

Il est préférable d’intervenir en dehors de la saison sexuelle, les glandes étant moins développées. L’animal est tranquillisé (xylazine 0,05 mg/kg par voie intraveineuse), puis une anesthésie locale (lidocaïne) est pratiquée autour du lieu d’incision.

La peau est incisée par deux traits de bistouri en diagonale derrière les cornes, en rabattant vers l’arrière le volet cutané (voir la FIGURE “Ablation des glandes multilobulaires chez le bouc cornu”). L’excision des glandes se fait aux ciseaux, et la cautérisation des vaisseaux à l’électrocoagulation. Quelques points de suture cutanée ferment la plaie, puis une compresse est cousue à la peau en guise de pansement. Elle sera retirée dès la moindre suppuration, ou au bout de quinze jours.

Urétrostomie

L’urétrostomie est indiquée chez les petits ruminants mâles, atteints de lithiase urinaire, en état de rétention urinaire par obstruction urétrale. Il est ainsi possible de sauver l’animal, mais rarement son aptitude à reproduire.

L’intervention doit être pratiquée le plus précocement possible, afin d’éviter les complications rénales. Elle intervient en général après une tentative de soins médicaux (antispasmodiques, antibiotiques et anti-inflammatoires), toujours accompagnés d’une modification du rapport phosphocalcique dans l’alimentation. Les calculs sont composés de phosphates ammoniaco-magnésiens formés lors d’excès de phosphates urinaires. Les teneurs indiquées sont 3,5 g/kg de phosphore et 10 g/kg de calcium dans la matière sèche ingérée. Dans les rations riches en céréales, fréquentes lors de l’engraissement, les apports en phosphore sont excédentaires. L’adjonction de 1 à 2 % de chlorure d’ammonium dans l’aliment empêche la précipitation des phosphates.

La section du filet et les urétrostomies scrotale et ischiatique sont des interventions d’urgence très simples, qui ne constituent pas des solutions de long terme. L’obtention de rémissions plus longues nécessite le recours à d’autres techniques (urétrostomie périnéale avec création d’une fistule urétrale permanente, ou cystostomie).

1. Section du filet

Parfois les calculs sont situés au niveau de l’appendice vermiforme, ou processus urétral, dit encore “filet” (voir la FIGURE “Partie libre du pénis du bélier”). Il suffit alors de sectionner le filet après avoir évaginé le pénis. C’est le cas le plus bénin et le plus simple, avec le minimum de complications.

2. Urétrostomie en région scrotale

Lorsque l’obstruction est plus haute, il convient de vérifier si elle se situe dans l’urètre distal, en aval de l’arcade ischiatique (généralement au niveau de l’inflexion sigmoïde du pénis). La zone d’obstruction peut être localisée visuellement lorsque le pénis est évaginé, ou par sondage urétral après section du filet (chez le bélier, l’introduction de la sonde peut être rendue difficile par l’existence d’un récessus urétral). Dans ce cas, l’urétrostomie sera pratiquée en région scrotale.

Cette opération se réalise sur l’animal couché, les membres attachés, sous anesthésie épidurale.

La verge est tenue évaginée par un aide. L’obstruction est localisée. L’urètre est incisé au bistouri sur toute la longueur de la zone obstruée, sur la face inférieure du pénis. L’ensemble des calculs est évacué. La plaie est généralement laissée béante, mais il est possible de la suturer si aucune inflammation n’est présente.

3. Urétrostomie en région ischiatique

Si l’obstruction n’est pas en partie distale, l’urétrostomie est pratiquée en région ischiatique, sur l’animal debout, après anesthésie épidurale. Le lieu d’incision se situe face à l’arcade ischiatique au milieu de la verge (voir les FIGURES “Lieu d’incision pour l’urétrostomie en région ischiatique” et “Coupe transversale de la verge au niveau de l’arcade ischiatique”). L’urètre est ici peu profond ; le risque d’hémorragie est faible, car les vaisseaux sont situés plus profondément. Après une incision verticale de 4 cm, l’urètre est débridé du corps caverneux et posé sur sonde cannelée. Il peut être alors cathétérisé jusqu’à la vessie(2), et les calculs peuvent être extraits. Généralement la plaie est laissée béante jusqu’à l’abattage de l’animal.

4. Suites opératoires

Les plaies d’urétrostomie cicatrisent en général seules en trois à quatre semaines. L’infiltration urinaire peut donner lieu à des collections, qu’il convient de ponctionner. L’antibiothérapie à large spectre par voie générale est de règle pendant dix jours (pénicilline-streptomycine ou quinolones).

  • (1) Chez les ovins, l’écornage est beaucoup plus rare. Il se pratique lors de lésions traumatiques des cornes, ou lorsque la forme des cornes recourbées crée des lésions au sommet du crâne.

  • (2) L’existence d’un récessus urétral peut cependant rendre malaisée la cathétérisation de l’urètre.

Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr