Échocardiographie en mode temps-mouvement - Le Point Vétérinaire n° 230 du 01/11/2002
Le Point Vétérinaire n° 230 du 01/11/2002

IMAGERIE DU CŒUR CHEZ LE CHIEN ET CHEZ LE CHAT

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IMAGERIE

Auteur(s) : Wilfried Maï

Fonctions : Animage, Laboratoire Creatis (CERMEP)
59 Boulevard Pinel
69003 Lyon

Le mode temps-mouvement complète l’examen échographique cardiaque bidimensionnel. Il permet le calcul d’index, témoins objectifs de la fonction cardiaque.

L’échocardiographie en mode temps-mouvement (TM) permet de visualiser, en fonction du temps, les mouvements des structures cardiaques rencontrées par un faisceau linéaire (et non plus plan) d’ultrasons [7].

Les structures dont le mouvement est à étudier sont choisies à partir des images bidimensionnelles puis, dans un deuxième temps, l’orientation du faisceau d’ultrasons qui coupe ces structures est définie : ce faisceau représente l’ordonnée de la coupe temps-mouvement (encore appelé axe de tir TM) [7].

Intérêt du mode temps-mouvement

L’intérêt du mode TM est qu’il permet une étude dynamique chiffrée du fonctionnement cardiaque. Alors que le mode bidimensionnel ne permet qu’une étude subjective de la morphologie et du fonctionnement ventriculaires, le mode TM, grâce aux valeurs qu’il fournit, permet d’apprécier de manière objective la taille des cavités et celle des parois, ainsi que la fonction myocardique (calcul de la fraction de raccourcissement et autres paramètres de la fonction cardiaque).

Incidences

Quatre incidences sont classiquement décrites (toutes obtenues par abord parasternal droit) [1, 2, 3, 5, 6]. Par convention, les structures qui s’éloignent du transducteur ont un mouvement dit “postérieur” et les structures qui s’en approchent ont un mouvement dit “antérieur”.

Ces termes descriptifs, empruntés à la cardiologie humaine, font référence à des éléments d’orientation anatomique propres à l’homme et inadaptés aux carnivores domestiques mais il est néanmoins d’usage de les employer.

1. Incidence transapexienne

L’incidence transapexienne est peu utilisée en pratique. Le faisceau d’ultrasons rencontre successivement : la paroi thoracique, qui apparaît sous la forme de traits sériés très échogènes ; la paroi latérale du ventricule droit, peu distincte ; la cavité ventriculaire droite anéchogène ; le septum interventriculaire ; la cavité ventriculaire gauche dans sa portion apicale, bordée par sa paroi libre (ou “postérieure”) qui est épaissie par le muscle papillaire ; puis le péricarde, très échogène.

Le septum interventriculaire et la paroi libre du ventricule gauche se rapprochent en systole, le mouvement du septum étant le plus marqué.

2. Incidence transventriculaire équatoriale

La coupe TM transventriculaire équatoriale s’obtient à partir de la coupe grand axe ou petit axe transventriculaire en mode bidimensionnel (PHOTO 1). L’axe de tir TM est placé perpendiculairement au septum interventriculaire et représente un axe de symétrie orthogonale pour les deux piliers du ventricule gauche. Cette coupe, très utilisée en pratique, permet d’étudier les mouvements des deux ventricules et d’effectuer sur ceux-ci, en systole ou en diastole, des mesures dont les valeurs usuelles sont bien établies en fonction de l’espèce et du format de l’animal.

Le septum et la paroi postérieure du ventricule gauche se rapprochent en systole et s’écartent en diastole (PHOTO 2). Ce synchronisme entre les deux parois du ventricule gauche constitue un critère de bon alignement avec le petit axe ventriculaire. L’amplitude du mouvement septal est toutefois inférieure à celle de la paroi libre du ventricule gauche et le septum remonte vers le transducteur avant la fin de la systole. Un petit mouvement septal “postérieur” est en outre présent en protodiastole : il résulte probablement du remplissage légèrement désynchronisé des deux ventricules. Le remplissage ventriculaire qui résulte de la contraction atriale se traduit par un accroissement de l’écartement des parois ventriculaires en télédiastole (après l’onde P de l’électrocardiogramme (ECG).

Il est fréquent d’observer des éléments échogènes antérieurement à la paroi libre du ventricule gauche pendant la systole : ils correspondent à une partie des cordages valvulaires qui croisent l’axe de tir TM à cette phase du cycle cardiaque.

Pour mesurer les paramètres cardiaques, de petits curseurs peuvent être déplacés sur le moniteur : l’un marque le premier repère, l’autre le second. Une fois les repères choisis, l’ordinateur calcule les distances entre les deux repères.

Les valeurs des paramètres suivants peuvent être obtenues :

- diamètre interne télédiastolique du ventricule gauche (Dd) ;

- diamètre interne télésystolique du ventricule gauche (Ds) ;

- diamètre interne télédiastolique du ventricule droit (VDd) ;

- épaisseur télédiastolique de la paroi postérieure (libre) du ventricule gauche (PPVGd) ;

- épaisseur télésystolique de la paroi postérieure (libre) du ventricule gauche (PPVGs) ;

- épaisseur télédiastolique du septum interventriculaire (Sd) ;

- épaisseur télésystolique du septum interventriculaire (Ss).

D’après les critères de l’American Society of Echocardiography, les mesures diastoliques s’effectuent en télédiastole, au moment de l’onde Q de l’ECG, juste avant l’épaississement systolique. Les mesures systoliques sont réalisées à la fin de l’onde T de l’ECG, ce qui correspond au point le plus postérieur du mouvement descendant du septum interventriculaire.

Un certain nombre d’indices de la fonction ventriculaire peuvent être obtenus à partir des mesures prises sur le ventricule gauche.

La fraction de raccourcissement (FR) du ventricule gauche est ainsi un élément d’évaluation de la contractilité myocardique (voir les TABLEAUX “Valeurs échocardiographiques TM normales chez le chien” et “Valeurs échocardiographiques TM normales chez le chat”). Sa formule de calcul est la suivante :

FR = [(Dd-Ds) / Dd] x 100.

Sa valeur normale chez le chien est de 29 à 45 %.

D’autres paramètres similaires peuvent être calculés, comme le pourcentage d’épaississement des parois : (épaisseur systolique - épaisseur diastolique) / épaisseur systolique, toujours supérieur à 30 % chez l’animal normal.

3. Incidence transmitrale

L’incidence transmitrale est obtenue à partir d’une coupe petit axe transmitrale (PHOTO 3) ou à partir d’une coupe grand axe quatre cavités. Les feuillets de la valvule mitrale sont visibles. Leur écartement pendant la diastole varie : il est maximal en protodiastole, puis diminue en mésodiastole, pour augmenter de nouveau lors de la contraction des atria (systole atriale). Les deux feuillets sont coaptés en systole. L’ouverture de la valvule mitrale a donc un caractère biphasique : la première phase correspond au remplissage passif du ventricule et la deuxième phase au remplissage actif. Le feuillet septal, le plus facilement visible, dessine donc un M (PHOTO 4), alors que le feuillet pariétal dessine un W. Ce dernier n’est pas aussi nettement visible que le feuillet septal.

Différents index, d’intérêt variable, peuvent être calculés. La distance E-S qui sépare le point maximal d’ouverture du feuillet septal du septum interventriculaire a ainsi une valeur de 6 +/- 3 mm chez le chien normal. Cette distance augmente lors de chute du débit aortique ou de dilatation sévère de l’anneau atrioventriculaire.

4. Incidence transaortique

Il est possible de passer à la coupe temps-mouvement à partir de deux images en mode BD (coupe petit axe transaortique ou coupe grand axe cinq cavités par abord parasternal droit) (PHOTO 5). Le mode TM permet alors de visualiser les mouvements de la racine aortique, de l’atrium gauche et de la chambre de chasse du ventricule droit.

La racine de l’aorte apparaît sous la forme de deux traits parallèles animés d’un mouvement antérieur en systole et d’un mouvement postérieur en diastole (PHOTO 6). Le mouvement en forme de vague de l’aorte au cours de la systole est désigné sous le terme de “mouvement d’excursion systolique de l’aorte”. Les cuspides aortiques non coronaire et gauche sont réunies en un trait situé dans le tiers médian de la racine aortique en diastole. Elles se séparent en systole et forment alors deux traits échogènes parallèles, qui se rejoignent abruptement en fin de systole. L’ensemble forme un parallélogramme, parfois appelé “la boîte aortique”.

Le faisceau traverse également l’atrium gauche. Plus précisément, c’est l’auricule gauche qui apparaît sur cette coupe TM, plutôt que le corps de l’atrium gauche. Sa paroi latérale est animée du même mouvement que la racine aortique, mais nettement plus atténué.

Cette coupe permet en particulier de comparer la taille de l’aorte et celle de l’atrium gauche, qui sont normalement de la même taille. Pour effectuer cette comparaison, les diamètres télédiastoliques de la racine aortique (Aod) et télésystolique de l’atrium gauche (AGs) sont calculés, puis le rapport AGs/Aod, qui est en moyenne égal à 0,99 (variation de 0,8 à 1,2).

Des paramètres de fonction des valves aortiques peuvent également être observés, comme par exemple le temps d’éjection, qui correspond au temps séparant leur ouverture de leur fermeture.

L’échocardiographie en mode temps-mouvement complète avantageusement l’échocardiographie en mode bidimensionnel en apportant des données chiffrées sur la fonction cardiaque et des valeurs de références sur les dimensions pariétales et cavitaires, ce qui permet :

- de différencier les “hypertrophies excentriques” des “hypertrophies concentriques” donc les surcharges volumétriques des surcharges barométriques ;

- d’obtenir des valeurs de référence dans le but d’effectuer un suivi objectif des modifications morphologiques induites par une cardiopathie.

Diagramme TM du feuillet mitral septal

Différents points caractéristiques peuvent être signalés sur le diagramme TM du feuillet septal, obtenu à partir de la coupe BD transmitrale :

- -C : point de fermeture initiale de la valve mitrale ;

- - -D : point initial d’ouverture de la valve mitrale ;

- E : point maximal d’ouverture ;

- -F : point partiel de fermeture en mésodiastole ;

- -A : point maxima de réouverture en télédiastole.

Sous cette incidence, le septum a un mouvement postérieur en diastole et antérieur en systole.

En savoir plus

- Maï W. Aspect radiographique normal du cœur. Point Vét. 2002;33(228):72-76.

- Maï W. Échocardiographie bidimensionnelle. Point Vét. 2002;33(229):

Points forts

Le mode temps-mouvement (TM) permet une étude dynamique chiffrée du fonctionnement cardiaque, alors que le mode bidimensionnel ne permet qu’une étude subjective de la morphologie et du fonctionnement ventriculaires.

La coupe TM transventriculaire équatoriale, qui s’obtient à partir de la coupe grand axe ou petit axe transventriculaire en mode bidimensionnel, est fréquemment utilisée. Elle permet d’effectuer sur les deux ventricules, en systole ou en diastole, des mesures dont les valeurs usuelles sont établies en fonction de l’espèce et du format de l’animal.

À partir des mesures du ventricule gauche, un certain nombre d’indices de la fonction ventriculaire peuvent être obtenus. La fraction de raccourcissement du ventricule gauche est ainsi un élément d’évaluation de la contractilité myocardique.

  • 1 - Bonagura J, O’Grady M, Herring D. Echocardiography : principles of interpretation. Vet. Clin. N. Amer. - Small Anim. Pract. 1985;15(6):1177-1194.
  • 2 - Chetboul V, Pouchelon J. Échographie en cardiologie : technique et aspect normal. Rec. Méd. Vét. 1995;171(4/5):287-298.
  • 3 - De Madron E, Bonagura J, Herring D. Two-dimensional echocardiography in the normal cat. Vet. Radiol. 1985;26(5):149-158.
  • 4 - Jacobs G, Knight DH. M-mode echocardiographic measurements in nonanesthetized healthy cats : effects of body weight, heart rate, and other variables. Am. J. Vet. Res. 1985;46 (8):1705-1711.
  • 5 - Kienle R, Thomas W. Echocardiography. In : Nyland T, Mattoon J. Veterinary Diagnostic Ultrasound. WB Saunders, Philadelphia. 1995:198-255.
  • 6 - Lusk R, Ettinger S. Echocardiographic techniques in the dog and cat. J. Amer. Anim. Hosp. Assn. 1990;26:472-488.
  • 7 - Maï W. L’image échographique : formation et qualité. Point Vét. 1999;30(201):71-76.
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