Les héparines lors de thrombo-embolie - Le Point Vétérinaire n° 229 du 01/10/2002
Le Point Vétérinaire n° 229 du 01/10/2002

TRAITEMENT DES COAGULOPATHIES CHEZ LES CARNIVORES DOMESTIQUES

Se former

COURS

Auteur(s) : Agnès Borie*, Valérie Chetboul**

Fonctions :
*Chemin des Plantes
91800 Boussy-Saint-Antoine
**Unité de cardiologie, ENVA
7, avenue du Général-de-Gaulle
94704 Maisons-Alfort

Les héparines de bas poids moléculaire représentent un espoir pour le traitement et la prévention des thrombo-embolies chez le chien et chez le chat. Les protocoles d’administration restent néanmoins à définir.

La thrombo-embolie est un processus pathologique caractérisé par l’interruption partielle ou totale de la circulation sanguine dans un vaisseau en raison de la présence d’un agrégat composé principalement de plaquettes, de fibrine et de cellules sanguines [12, 41].

L’incidence globale de ce processus pathologique n’est pas connue chez le chien ni chez le chat, mais il semble néanmoins relativement fréquent. Un grand nombre de maladies associées aux thrombo-embolies ont en effet une incidence élevée chez les carnivores domestiques [15, 27]. Un quart à la moitié des chats atteints de cardiomyopathie développent un épisode de thrombo-embolie [4, 26], ainsi que 40 % des chiens atteints d’amyloïdose rénale [10].

Les traitements curatifs ou préventifs disponibles sont loin d’être satisfaisants, en raison de leur manque d’efficacité (aspirine) ou de leur utilisation pratique difficile :

- certains protocoles sont peu compatibles avec la vie de l’animal (un animal sous antivitamines K, par exemple, ne doit pas sortir, ni risquer de se cogner ou de chuter) ; d’autres nécessitent une gestion médicale lourde (thrombolytiques et thrombectomie) ;

- les principes actifs sont fréquemment réservés à l’usage hospitalier. C’est le cas des thrombolytiques : streptokinase(1), urokinase(1), rt-PA(1) et rétéplase (1), et des inhibiteurs de la glycoprotéine GP2b/3a (une intégrine plaquettaire), comme l’abciximab (Réopro®(1)) ;

- certains traitements doivent être mis en place dans des délais très brefs et nécessitent un matériel sophistiqué (thrombolyse, thrombectomie) ;

- le coût de ces traitements est souvent prohibitif (thrombolytiques, concentrés d’antithrombine III ou ATIII).

Au sein de cet arsenal thérapeutique, les héparines restent les molécules les plus employées lorsqu’une activité anticoagulante rapide est nécessaire (lors de thrombose aiguë).

Devant les résultats peu satisfaisants obtenus avec les antiplaquettaires dans les traitements préventifs, l’utilisation prophylactique des héparines et de celles que l’on nomme les “nouvelles héparines” se développe progressivement.

Les différentes héparines

Les héparines sont des mélanges hétérogènes de glycosaminoglycanes polysulfatés [6, 28, 29, 33]. Cette hétérogénéité, qui concerne à la fois leur taille et leur constitution chimique, conditionne leurs activités biologiques in vivo et in vitro, ainsi que leurs caractéristiques pharmacocinétiques.

En agissant sur ces paramètres (composition chimique et taille), les chercheurs et les industriels ont tenté d’obtenir des préparations plus efficaces pour la prévention et le traitement des thrombo-embolies, avec un risque hémorragique aussi réduit que possible [29]. À partir des préparations d’héparines non fractionnées appelées “héparines standards” ou HS, et dont le poids moléculaire moyen est de 15 000 daltons, des préparations de polysaccharides dont le poids moléculaire moyen est de l’ordre de 5 000 daltons ont été obtenues par dépolymérisation : les HBPM ou héparines de bas poids moléculaire [2, 16, 29, 42].

La réduction de la taille des chaînes confère aux HBPM des propriétés originales, en particulier concernant leur activité biologique et leur pharmacocinétique.

Aucune HBPM ne dispose d’une autorisation de mise sur le marché vétérinaire. La nadroparine calcique(1) (Fraxiparine®), la daltéparine sodique(1) (Fragmine®) et l’énoxaparine sodique(1) (Lovénox®) sont administrées chez l’homme par voie sous-cutanée, toutes les douze heures. Commercialisées depuis peu, la tinzaparine sodique(1) (Innohep®) et la nadroparine calcique(1) (Fraxodi®) ne nécessitent qu’une seule injection quotidienne.

Activité anticoagulante ou antithrombotique principale des héparines

Les héparines (HS ou HBPM) agissent en augmentant la vitesse de neutralisation par l’ATIII, principal inhibiteur naturel de l’hémostase, des facteurs activés de la coagulation (voir les ENCADRÉS “Déroulement de l’hémostase secondaire in vivo” et “Principaux régulateurs de la génération de thrombine”).

Cette catalyse de la neutralisation peut se produire de deux façons différentes selon le poids moléculaire de la préparation d’héparine, lequel conditionne le facteur de la coagulation préférentiellement neutralisé par le biais de l’ATIII [6, 19, 20, 29, 43, 44].

• L’héparine peut fournir une surface pour l’interaction ATIII-facteurs activés de la coagulation. Dans ce cas, les molécules d’héparine doivent être suffisamment grandes pour former un complexe trimoléculaire avec l’ATIII et le facteur activé ; il s’agit donc ici des HS. Cependant, in vivo, l’encombrement stérique de ce complexe [HS-ATIII] est tel qu’il ne peut accéder aux facteurs activés fixés sur les phospholipides plaquettaires (le F3P) du thrombus en formation. In vivo, donc, l’HS ne semble neutraliser que le facteur IIa (qui est libre dans le sang). Les autres facteurs activés, le Xa en particulier, fixés sur le thrombus, sont à l’abri de l’action de l’HS (voir la FIGURE “Mécanismes d’action des HS

• L’héparine peut également catalyser la neutralisation des facteurs activés en altérant la conformation de l’ATIII, après liaison à cette dernière. Cette neutralisation ne nécessite pas de liaison directe entre la molécule d’héparine et le facteur activé : c’est le cas pour le facteur Xa.

In vivo, le facteur Xa étant fixé sur le F3P, seuls les complexes de faible encombrement stérique peuvent l’atteindre, c’est-à-dire les complexes [HBPM-ATIII]. Les fragments les plus courts des HBPM inhibent donc presque exclusivement le Xa puisqu’il leur manque la longue chaîne nécessaire pour se lier à la fois à l’ATIII et à la thrombine (voir la FIGURE “Mécanismes d’action des HBPM ).

Ainsi, plus le poids moléculaire de la préparation d’héparine est élevé, plus l’activité anti-IIa augmente. Inversement, plus le nombre de chaînes de grande taille diminue, plus l’activité anti-Xa augmente.

Propriétés pharmacologiques des héparines

La pharmacologie des héparines dépend de deux caractéristiques essentielles qui diffèrent notablement selon qu’il s’agit des HS ou des HBPM :

- la liaison aux éléments plasmatiques, aux cellules endothéliales et aux plaquettes, qui est forte pour les HS et faible pour les HBPM ;

- l’élimination, qui semble dépendre du poids moléculaire. Elle est plus rapide pour les molécules de grande taille que pour celles de petite taille [6, 29, 42].

Ces deux données conditionnent une grande partie de la pharmacologie des héparines (voir le TABLEAU “Principales propriétés pharmacologiques des héparines”).

Protocoles thérapeutiques

1. Objectif thérapeutique

L’HS possède une activité antithrombine importante, c’est-à-dire facilement mesurable. Cette activité anticoagulante est mise à profit in vitro pour la mesure du temps de céphaline activé (ou TCA). Celui-ci doit être compris entre 1,5 et 2,5 fois celui du témoin dans les traitements curatifs [6, 13, 35, 36].

Les HBPM ont une activité anti-IIa trop faible pour être mesurée par le TCA. Ce test reste normal aux posologies curatives. La surveillance de l’efficacité antithrombotique s’effectue donc par la mesure de l’activité anti-Xa. Celle-ci doit être comprise entre 0,5 et 1 UI/ml dans les traitements curatifs chez l’être humain. Il semblerait qu’il en soit de même chez le chien [23, 29, 42].

2. Protocoles d’administration

Les doses proposées avec les HS peuvent varier d’un facteur douze selon les auteurs, ce qui traduit bien la variabilité des niveaux d’anticoagulation (voir le TABLEAU “Protocoles d’administration des héparines chez le chien et chez le chat”). La fréquence des injections est élevée et doit être adaptée à la dose [3, 6, 9, 13, 17, 20, 21, 24, 25, 31, 33, 35, 36].

Chez l’être humain, avec les HBPM, un seul protocole d’administration est recommandé dans les traitements curatifs. Le rythme des injections est constant quelle que soit la dose [29]. Chez des chiens sains, une seule étude [30] rapporte quelques valeurs hémostatiques après administration d’un type d’HBPM (la daltéparine(1) sodique). Résultats qui ne peuvent, en aucun cas, être généralisés. Chez le chien, il pourrait être nécessaire de renouveler les injections toutes les huit heures [30]. Chez le chat, aucune donnée relative aux HBPM n’est disponible.

3. Surveillance

Le protocole d’administration des héparines standards est adapté selon les résultats biologiques. Il est par conséquent nécessaire d’effectuer deux temps de coagulation activés par jour jusqu’à l’obtention d’un état stable [6, 17, 29].

Lors de l’administration d’HBPM, la stabilité des résultats permet de n’effectuer qu’un ou deux contrôles de l’activité anti-Xa en cours de traitement [23, 29, 42]. Chez l’être humain, lors de traitements curatifs à deux injections quotidiennes d’HBPM, une mesure de l’activité anti-Xa est effectuée au deuxième jour du traitement entre la troisième et la quatrième heure après l’injection sous-cutanée.

4. Interprétation des contrôles biologiques

L’interprétation des contrôles biologiques est plus délicate avec les héparines standards qu’avec les héparines de bas poids moléculaire (voir l’ENCADRÉ “Surveillance des traitements aux héparines : interprétation des contrôles biologiques”) [17, 29, 33, 43].

Lorsque l’objectif thérapeutique n’est pas atteint, diverses hypothèses sont à envisager :

- une neutralisation partielle de l’héparine par le facteur IV plaquettaire est possible avec les HS. Les HBPM y sont, en revanche, moins sensibles. D’un point de vue pratique, le facteur IV plaquettaire a un effet neutralisant de l’HS d’autant plus grand que le délai avant centrifugation du prélèvement est long. Pour mesurer un TCA, il convient donc de faire décanter le plasma dans le délai de moins d’une heure suivant le prélèvement ou d’utiliser des tubes spéciaux contenant un inhibiteur des fonctions plaquettaires ;

- la présence d’un syndrome inflammatoire avec élévation du fibrinogène et du facteur VIII retentit surtout sur le TCA, mais peu, voire pas, sur la mesure de l’activité anti-Xa ;

- une augmentation des protéines fixant plus ou moins l’héparine (surtout les héparines standards) ;

- une élimination accrue de l’héparine, qui concerne principalement des molécules de grande taille comme les HS ;

- dans la mesure où les héparines agissent par l’intermédiaire de l’ATIII, un déficit de cet inhibiteur peut potentiellement être à l’origine d’une résistance biologique à l’héparine. Néanmoins, dans cette hypothèse, les HBPM y seraient moins sensibles puisqu’une partie de leur activité antithrombotique est supposée indépendante de l’ATIII (les HBPM agiraient en libérant du TFPI (tissue factor pathway inhibitor), responsable de la neutralisation du complexe FT-VIIa ) ;

- une posologie non adaptée est plus probable avec les HS, compte tenu de la variabilité des recommandations ;

- un biais de laboratoire peut être la cause d’une sous-estimation de l’activité anti-Xa du patient.

À l’inverse, lorsque l’objectif thérapeutique est dépassé, les hypothèses sont les suivantes :

- lors de la réalisation de l’examen biologique, certains réactifs (céphaline + activateur) sont très sensibles et la zone thérapeutique peut alors être dépassée ;

- une posologie inadaptée est plus probable avec les HS ;

- une diminution de l’élimination et une accumulation chez les animaux insuffisants rénaux sont envisageables avec les deux types d’héparine ;

- il convient également d’envisager un trouble de la coagulation, non identifié à l’origine et responsable d’un allongement du TCA (qui est un test global), plutôt qu’une augmentation de l’activité anti-Xa.

Protocoles préventifs

En prévention, bien que les doses recommandées avec les HS soient faibles, un contrôle quotidien du TCA est nécessaire [3, 5, 10, 14, 29, 34].

Chez le chien, des protocoles de prévention des thrombo-embolies par l’administration d’HBPM dans la période périopératoire ont montré leur efficacité. La stabilité des résultats obtenus semble confirmer qu’aucun contrôle de l’activité anti-Xa n’est nécessaire aux doses préventives (sauf dans certains cas particuliers, comme lors d’insuffisance rénale, puisque l’élimination des HBPM s’effectue par voie rénale) [16, 29, 37].

Complications majeures

La survenue occasionnelle de “thrombopénies sévères à l’héparine” remettrait en question l’utilisation des HBPM en prévention des thrombo-embolies chez les animaux atteints d’affections à risque.

Bien documentées chez l’homme, ces thrombopénies d’origine immunologique surviennent après cinq à quinze jours de traitement. Bien qu’elles soient rares, leur gravité interdit d’administrer de l’héparine pendant plus de dix jours consécutifs [3, 6, 29]. Compte tenu de la faible liaison des HBPM aux plaquettes, elles seraient moins fréquentes avec ces dernières [42].

Chez le chien et chez le chat, ces thrombopénies graves n’ont fait l’objet d’aucune publication à notre connaissance, que ce soit avec les HS ou avec les HBPM.

La survenue d’une hémorragie reste la complication la plus fréquente. Les manifestations hémorragiques semblent toutefois moindres avec les HBPM [3, 6, 29, 33].

Conclusion

Chez les carnivores domestiques, les HBPM apparaissent actuellement comme les molécules d’avenir dans le traitement médical des thrombo-embolies. Elles s’accompagnent d’un “confort” d’utilisation parfaitement adapté aux contraintes de la pratique vétérinaire.

Néanmoins, de nombreux points restent à éclaircir pour une utilisation optimale avec un minimum de risques :

- quelles sont les propriétés pharmacologiques des HBPM chez le chat ?

- quelle est la pharmacologie des HBPM “longue action” chez les carnivores domestiques (ces HBPM ne nécessitent qu’une injection par jour chez l’être humain) ?

- qu’en est-il des thrombopénies graves avec les HBPM (qui constituent peut-être la limite d’un traitement préventif sur le long terme) ?

(1) Médicament à usage humain.

Déroulement de l’hémostase secondaire in vivo

Les recherches portant sur les déficits humains en facteurs de la coagulation ont fait évoluer la compréhension des événements de l’hémostase secondaire et ont conduit à revoir le schéma classique de la coagulation plasmatique (voir la FIGURE “Hémostase secondaire et principaux régulateurs de la génération de thrombine ).

Synthèse de thromboplastine tissulaire suite à la lésion pariétale

L’hémostase secondaire serait initiée par la voie extrinsèque, quand le facteur tissulaire est exposé au flux sanguin et forme un complexe calcium-dépendant avec le facteur VII, qui se lie à sa partie phospholipidique (complexe “extrinsic tenase”). Le facteur VII est alors transformé en VIIa actif, ce qui permet l’expression de son activité protéolytique vis-à-vis des facteurs IX et X (voir le TABLEAU “Composants des trois complexes enzymatiques majeurs de l’hémostase secondaire”).

Formation du complexe prothrombinase et génération de thrombine

Le facteur Xa forme avec le F3P et le calcium ionisé le complexe prothrombinase, capable d’hydrolyser la prothrombine, facteur II, en thrombine IIa.

Les molécules de thrombine qui viennent d’être produites ont des destins divers :

- certaines sont emportées dans le courant circulatoire et sont donc perdues pour la coagulation car les molécules de IIa sont libres, c’est-à-dire non fixées au F3P ;

- d’autres sont neutralisées par l’ATIII fixée aux molécules d’héparane sulfate des cellules endothéliales ;

- d’autres activent les plaquettes, ce qui entraîne une agrégation irréversible ;

- d’autres activent respectivement les facteurs V et VIII en Va et VIIIa, qui jouent alors leur rôle de cofacteur de façon considérablement accrue, ce qui est à l’origine d’un fort accroissement de la génération de thrombine. Il s’agit de la double boucle de rétro-activation de la génération de thrombine ;

- d’autres activent les facteurs XI et XIII ;

- certaines molécules de thrombine forment un complexe avec la thrombomoduline à la surface des cellules endothéliales.

Activation du facteur IX

Les molécules de VIIa et/ou les complexes “extrinsic tenase” ont précédemment activé de façon rapide le facteur X en Xa. Plus lentement, le VIIa hydrolyse et active le facteur IX en IXa. Il s’agit de la principale voie d’activation du facteur IX (appelée “boucle Josso”). Le facteur IX constitue avec le F3P, le calcium ionisé et le facteur VIII comme cofacteur (et surtout le facteur VIIIa), le complexe “intrinsic tenase” qui hydrolyse le facteur X en Xa, ce dernier participant à la formation du complexe prothrombinase.

L’activation du facteur IX est lente à se mettre en place, mais cette voie est prépondérante quantitativement dans la génération de thrombine.

L’activation du facteur X par le complexe FT-VIIa est, au contraire, très rapide. Cette voie constitue le “starter” de la coagulation qui permet la génération des premières molécules de thrombine.

L’autre voie d’activation du facteur IX serait de moindre importance. Des molécules de thrombine activent le facteur XI en XIa, lequel active à son tour le facteur IX.

Formation de fibrine

La thrombine agit comme enzyme protéolytique et convertit le fibrinogène en monomères de fibrine, qui s’associent les uns aux autres et constituent un caillot de fibrine peu stable. Ce caillot est rapidement stabilisé par le facteur XIIIa, préalablement activé par la thrombine [1, 20, 29, 39].

À l’issue de la coagulation plasmatique, le réseau de fibrine formé à la surface des plaquettes emprisonne des globules rouges et renforce le clou plaquettaire pendant la cicatrisation du vaisseau [9, 22]. Parallèlement au déroulement de la coagulation, l’activation du système fibrinolytique permet une dissolution progressive du caillot de fibrine [20].

Remarque : chez l’homme, il est actuellement établi que les notions de voies intrinsèque et extrinsèque de la coagulation sont obsolètes pour décrire la génération de thrombine in vivo. Le facteur XII de la coagulation et les facteurs prékallicréine et kininogène n’interviennent pas in vivo (leur déficit n’est d’ailleurs pas hémorragipare) mais dans les tests de coagulation in vitro. On ne parle pas de complexe “extrinsic” ou “intrinsic tenase”, mais respectivement de complexe FT-VIIa et de complexe de la tenase [29]. Chez le chien comme chez le chat, le déficit congénital en facteur XII (relativement fréquent), bien qu’à l’origine d’allongement des temps de coagulation in vitro, ne s’exprime pas cliniquement in vivo [8, 11, 20, 38].

Principaux régulateurs de la génération de thrombine

L’héparane sulfate et le dermatane sulfate, mucopolysaccharides qui constituent le glycocalix (glycoprotéines de la surface de l’endothélium), stimulent l’activité des protéases inhibitrices de la coagulation (antithrombine III et héparine cofacteur II respectivement).

La membrane endothéliale contient également un récepteur de surface pour la thrombine : la thrombomoduline, glycoprotéine à double rôle antithrombotique [20, 39, 43]. La thrombomoduline fixe la thrombineIIa et empêche ainsi la transformation du fibrinogène en fibrine. Elle lui fait perdre ses propriétés agrégantes vis-à-vis des plaquettes et ses capacités d’activation des facteurs V et VIII.

L’antithrombine III, principal inhibiteur naturel de l’hémostase, est responsable d’environ 80 % de l’activité inhibitrice totale du plasma [19, 44]. Elle agit en inactivant les facteurs de la coagulation IIa, IXa, Xa, XIa et XIIa [20, 18, 43].

In vitro, en l’absence d’héparine ou de substances “heparin-like”, l’ATIII forme lentement des complexes inactifs en se liant avec les formes activées de la plupart des sérines protéases de la coagulation (exception faite du facteur VII) [19, 43]. L’héparine ou les glycosaminoglycanes “heparin-like” de la surface endothéliale augmentent nettement la vitesse de neutralisation des sérines protéases par l’ATIII (particulièrement pour les facteurs IIa et Xa), soit en altérant la conformation de l’ATIII, ce qui rend les sites d’attachement aux protéases de la coagulation plus accessibles, soit en fournissant une surface pour l’interaction ATIII-protéases de la coagulation [19, 20, 43, 44].

Le facteur IV plaquettaire (ou facteur anti-héparine) libéré par les plaquettes activées peut interférer avec l’activation de l’ATIII en se liant aux groupes “heparin-like” des cellules endothéliales. Il s’agit d’un compétiteur de l’ATIII sur les sites d’attachement de l’héparine [19, 20].

Le système de la protéine C fait intervenir plusieurs molécules : la protéine C, la protéine S, la thrombomoduline, un facteur du complément (C4b BP ou “C4b binding protein”), des inhibiteurs, des récepteurs membranaires et les facteurs Va et VIIIa de la coagulation.

La protéine C n’est fonctionnelle qu’après activation. Celle-ci s’effectue par le complexe thrombine-thrombomoduline en présence de calcium. La protéine C activée (protéine Ca) forme ensuite un complexe stœchiométrique avec la forme libre de la protéine S, lequel se fixe sur le F3P. La protéine Ca diminue alors nettement la production de thrombine par inactivation protéolytique des facteurs Va et VIIIa [20, 29, 43].

Le TFPI (tissue factor pathway inhibitor) est un important mécanisme de rétrocontrôle négatif qui neutralise le complexe VIIa/FT, mais dont l’action inhibitrice dépend de la présence du facteur Xa. Il reconnaît et neutralise le facteur Xa produit, puis le complexe TFPI-Xa se fixe sur le complexe FT-VIIa, ce qui bloque son activité [29].

Le cofacteur II de l’héparine neutralise le facteur IIa uniquement, après activation de la surface des cellules de l’endothélium vasculaire par le dermatane sulfate.

Surveillance des traitements aux héparines : interprétation des contrôles biologiques

Héparine standard (HS)

• Allongement insuffisant du temps de céphaline activé (TCA)

- Neutralisation partielle de l’héparine par le facteur IV plaquettaire

- Syndrome inflammatoire avec élévation du fibrinogène, du facteur VIII

- Augmentation des protéines fixant l’hs (chémokines, facteurs de croissance, etc.)

- Élimination accrue (stade débutant de thromboses majeures)

- Déficit en ATIII (?)

- Posologie non adaptée

• Allongement excessif du TCA

- Technique de laboratoire (réactifs sensibles)

- Posologie non adaptée

- Diminution de l’élimination

- Problème de coagulation méconnu

Héparine de bas poids moléculaire (HBPM)

• Activité aXa < 0,5 UI/ml

- Déficit en ATIII (?)

- Technique de laboratoire (lors de test chronométrique)

• Activité aXa > 1 UI/ml

- Diminution de l’élimination

- Problème de coagulation méconnu

Points forts

La structure des héparines conditionne leurs activités biologiques et leurs caractéristiques pharmacocinétiques.

Avec les héparines de bas poids moléculaire (HBPM), les réponses au traitement sont beaucoup plus prévisibles qu’avec les héparines standards (HS) et le suivi des traitements s’en trouve allégé.

Le nombre d’injections quotidiennes est moindre lors de traitements avec les HBPM.

La surveillance des traitements avec les HS s’effectue par la mesure du temps de céphaline activé, celle des traitements avec les HBPM par la mesure de l’activité anti-Xa.

L’interprétation des contrôles biologiques est plus délicate avec les HS qu’avec les HBPM.

Remerciements au Dr D. Massignon (enseignant à la Faculté de médecine de Lyon-Nord, spécialisé dans l’hémostase).

En savoir plus

- Borie A. Approches thérapeutiques des thrombo-embolies chez les carnivores domestiques. Thèse pour le doctorat vétérinaire ENVA. 2001.

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