Principales causes de mort subite des bovins - Le Point Vétérinaire n° 228 du 01/09/2002
Le Point Vétérinaire n° 228 du 01/09/2002

PATHOLOGIE ET ANATOMOPATHOLOGIE BOVINES

Se former

COURS

Auteur(s) : François Schelcher*, Paul Cabanié**

Fonctions :
*Pathologie des ruminants,
ENVT,
23, chemin des Capelles,
31076 Toulouse Cedex
**Anatomie pathologique,
ENVT, 23, chemin des Capelles,
31076 Toulouse Cedex

Identifier la cause d’une mort subite permet de satisfaire aux exigences d’explications rationnelles et de prévenir l’extension des pertes. Parfois, cette situation s’inscrit dans le cadre d’une expertise clinique.

Une mort subite se définit d’abord par la brièveté de la phase morbide et se caractérise par le fait qu’aucun trouble clinique n’a été détecté avant la mort. Cette notion inclut donc généralement des affections ou maladies d’évolution inférieure à 12 ou 24 heures. Le concept de mort subite est en pratique étroitement lié à la périodicité d’observation des animaux. Par ailleurs, des symptômes subtils, par exemple des changements de comportement, peuvent être ignorés par des éleveurs peu attentifs. Ainsi l’attribution d’un qualificatif de “mort subite” varie selon les éleveurs ou le contexte (déficit conjoncturel ou structurel en main d’œuvre à l’origine d’un suivi relâché des animaux). La durée d’évolution doit cependant toujours être précisée. Elle est considérée comme certaine quand elle a été suivie de bout en bout ou comme probable quand elle est déduite d’observations successives.

Il est donc très difficile de proposer une liste exhaustive des causes de mort subite chez les bovins [3]. Compte tenu de l’importance des lésions dans le diagnostic, il paraît opportun de distinguer les causes des morts subites en deux groupes, selon la présence ou non de lésions orientatrices ou évocatrices.

Morts subites souvent accompagnées de lésions qui orientent le diagnostic

Ce groupe rassemble les entités susceptibles de se traduire par des lésions macroscopiques, bien que de façon non systématique. Il recouvre en fait des affections ou des maladies d’évolution certes suraiguë, mais suffisamment longue cependant pour que des lésions macroscopiques apparaissent. En effet pour certaines entités, par exemple les myocardoses dues à une carence en vitamine E-sélénium, et selon la durée d’évolution, des lésions macroscopiques sont, ou non, décelables.

1. Appareil digestif

Obstructions œsophagiennes

Les obstructions de l’œsophage dues à un corps étranger ont la plupart du temps une durée d’évolution qui permet l’observation des symptômes, mais peuvent dans de rares cas provoquer une météorisation gazeuse suraiguë du réticulo-rumen.

Acidose lactique aiguë

Plusieurs affections du réticulo-rumen sont parfois à l’origine d’une évolution très rapide. Lors d’acidose lactique aiguë par ingestion de glucides rapidement et hautement fermentescibles, la mort survient parfois très rapidement. La physiopathologie est hypothétique. Un choc endotoxinique a été évoqué. Il serait dû à la résorption de lipopolysaccharides consécutive à la lyse des bactéries cellulolytiques (Gram-) ruminales par abaissement du pH. Des complications d’entérotoxémie sont également possibles.

La limite, lors de mort subite, entre acidose ruminale stricto sensu et entérotoxémie est souvent difficile à établir. Lors d’acidose isolée, l’essentiel des lésions siège dans le réticulo-rumen. La congestion pariétale parfois décrite semble d’un faible intérêt diagnostique. En revanche, les caractères du contenu ruminal sont d’une grande valeur orientatrice : odeur aigrelette constante, couleur jaune à vert pâle fréquente, contenu anormalement aqueux. L’évaluation du pH ruminal apporte un élément objectif appréciable, soit à l’aide de papier pH, soit à l’aide d’un pH-mètre correctement et régulièrement étalonné (PHOTO 1). Sur l’animal vivant, un pH ruminal inférieur à 5,5 est indicateur d’acidose. L’évolution du pH après la mort a été peu étudiée. Sur du contenu de rumen à pH physiologique (5,8 à 7,7) au moment de la mort, on constate une chute modérée au bout de 24 heures et à température ambiante d’environ 0,5 unité pH [10]. L’interprétation des valeurs seuils, c’est-à-dire comprises entre 5 et 5,5, doit donc être réalisée avec prudence et à la lumière du contexte d’élevage. Une valeur de 5,3 sur une vache allaitante nourrie habituellement au foin peut être retenue comme significative dans les conclusions nécropsiques. Sur un taurillon en fin d’engraissement avec un régime riche en concentrés, la relation acidose-mortalité paraîtrait moins nette.

Intoxication par l’azote non protéique

Lors d’intoxication par l’azote non protéique, en particulier par l’urée, l’hyperammoniémie conduit à la mort parfois en quelques minutes. Les lésions macroscopiques sont habituellement absentes. Cependant, le contenu ruminal a une odeur ammoniacale et son pH se situe souvent au-dessus des valeurs physiologiques, c’est-à-dire entre 7 et 8.

Indigestion spumeuse aiguë

L’indigestion spumeuse aiguë est une cause de mort très rapide. Le pH de stabilité maximale des mousses est à 5,8. Les spumosités, évidentes lors d’autopsie très précoce, ont le plus souvent disparu 12 heures après la mort [4]. Lors d’autopsie différée, il est indispensable de distinguer les météorisations spumeuses ou gazeuses survenues ante-mortem de la production de gaz post-mortem, en particulier par les bactéries de putréfaction. Lors de météorisation ante-mortem, l’intense distension ruminale chasse le sang des viscères abdominaux et de l’arrière-main. Ainsi foie, rate, reins, nœuds lymphatiques abdominaux, pelviens et des membres postérieurs apparaissent pâles. A l’inverse, une congestion marquée avec hémorragies punctiformes des masses musculaires thoraciques, de l’encolure, des nœuds lymphatiques de l’avant-main et de la tête est notée. Les poumons peuvent être collabés. L’œsophage est congestionné dans sa partie cervicale et exsangue dans sa partie thoracique. La séparation entre ces deux zones est nette et franche [4]. Le même phénomène est observé sur la trachée. Un œdème de la vulve et du périnée est possible. Le diaphragme peut être rompu sous la pression abdominale et de fausses hernies inguinales peuvent aussi apparaître.

Affections de la caillette

Lors d’affection de la caillette, la météorisation aiguë avec forte distension de l’organe peut rapidement conduire à la mort chez le veau. Chez le veau comme chez l’adulte, torsion ou volvulus de la caillette sont aussi très rapidement létaux. Cependant, dans la plupart des cas, une phase de distension préalable de l’organe a pu être détectée cliniquement. La cause la plus fréquente de mort subite à point de départ abomasal est l’ulcère perforant (PHOTOS 2 et 3) et, à un moindre degré, hémorragique. Un ulcère perforant provoque une péritonite suraiguë alimentaire. Lorsqu’il s’ouvre dans une zone située en regard de l’omentum, l’évolution est cependant plus longue. Lors d’ulcères hémorragiques non perforants, la mortalité est rarement aussi brutale.

Affections intestinales

Certaines affections intestinales, comme les torsions du mésentère ou les volvulus, sont très rapidement mortelles dans quelques cas. La phase clinique peut donc facilement passer inaperçue.

Entérotoxémies

Les entérotoxémies constituent une cause probablement très fréquente de mort subite chez les bovins. Leur diagnostic n’est cependant pas toujours possible avec certitude. Face à une anse intestinale rouge et à une putréfaction un peu accentuée, attribuer systématiquement la mort à une entérotoxémie conduit inévitablement à des erreurs par excès.

C. perfringens est l’espèce la plus fréquemment impliquée dans les entérotoxémies. C. sordellii a pu également être isolé(1). Quel que soit le type ou l’espèce de Clostridium, des éléments pathogéniques communs peuvent être dégagés. L’arrivée d’un substrat alimentaire non dégradé dans l’intestin, associé ou non à des perturbations de la motricité digestive et à une rupture de l’effet barrière de la flore intestinale, provoque une multiplication des bactéries et la toxinogenèse. Les toxines sont responsables des lésions de dégénérescence des organes (rein, encéphale, foie, myocarde), ainsi que des épanchements cavitaires et hémorragies multifocales par atteinte endothéliale. Les phénomènes putréfactifs sont intenses et précoces suite à l’envahissement ante-mortem des différents organes par les Clostridium qui, habituellement, ne se développent qu’après la mort.

En l’absence de lésions intestinales marquées et lors d’autopsie tardive (critère à moduler en fonction des circonstances, notamment climatiques), il est difficile de distinguer la putréfaction normale de la putréfaction consécutive à l’entérotoxémie (PHOTO 4). Le dénombrement des Clostridium, l’appréciation semi-quantitative (bactérioscopie) ou l’identification des toxines n’ont par ailleurs d’intérêt que lors de prélèvement très précoce.

2. Affections cardiaques

Atteintes du myocarde

Lors de mort subite, la tentation est grande de l’attribuer à un dysfonctionnement cardiaque. La fréquence des troubles cardiaques chez les bovins est très inférieure à celle de l’homme mais s’avère cependant difficile à évaluer. Se fonder sur les seules lésions macroscopiques conduit peut-être à une sous-estimation. Ainsi, pour le myocarde, la dégénérescence et la nécrose (myocardose) nécessitent au moins une douzaine d’heures pour avoir une traduction macroscopique nette (PHOTO 5). On conçoit donc que, si la lésion initiale est étendue ou touche le système nerveux de conduction, la mort survienne par défaillance de la pompe cardiaque avant l’apparition des lésions macroscopiques. Microscopiquement, l’utilisation de coloration spéciale (hématoxyline, fuchsine basique, acide picrique) permet de déceler des lésions du myocarde dès la deuxième heure après le début de l’atteinte [2]. Dans la plupart des cas, les lésions de nécrose sont les plus marquées sur le ventricule gauche, qui subit de fortes tensions à chaque systole.

Chez le veau, la carence en vitamine E-sélénium est la cause la plus fréquente de myocardose. Celle-ci se manifeste par des lésions blanchâ-tres d’aspect parfois crayeux toujours sous-endocardiques et sous-épicardiques, aux limites nettes(2). Divers toxiques, médicamenteux (monensin, lasalocid, fer), végétaux (gossypol des tourteaux de coton, hétérosides de Nerium oleander), le fluoroacétate utilisé comme rodenticide ou présent dans les végétaux, provoquent également des troubles dégénératifs. Dans certains cas, la myocardose est d’origine génétique.

Un agent infectieux comme Haemophilus somnus est susceptible de provoquer des infarctus post-thrombotiques, rapidement envahis par des granulocytes neutrophiles, et qui, après un certain temps d’évolution, sont de véritables abcès myocardiques.

Des myocardiopathies avec hypertrophie excentrique cardiaque peuvent, lors de décompensation brutale, entrer également dans le cadre des morts subites.

Atteintes de l’endocarde

Outre le myocarde, l’atteinte de l’endocarde lors d’endocardite valvulaire (valvulopathie thrombosante) ou murale peut dans de rares cas conduire à une mort brutale, sans symptômes nets préalables.

Atteintes du péricarde

Lors d’hémopéricarde (PHOTO 6), suite à la migration d’un corps étranger réticulaire, la mort survient brutalement par un phénomène de tamponnade (insuffisance fonctionnelle cardiaque suite au remplissage brutal de la cavité péricardique par du sang). Les corps étrangers peuvent aussi provoquer la mort brutalement par atteinte du tissu nodal.

3. Mammites

Les mammites sont rarement à l’origine de mort subite au sens strict. Elles sont, en revanche, assez fréquemment évoquées lors de mort inexpliquée qui suit une phase clinique peu évocatrice, en particulier dans la période puerpérale. Plusieurs genres bactériens sont responsables de mammite suraiguë : E. coli, Klebsiella, Pseudomonas, S. uberis, S. aureus, etc. La mort est due à un choc endotoxinique dans le cas des entérobactéries, à un choc septique dans le cas de S. uberis par exemple. Le diagnostic post-mortem de mammite est assez souvent délicat lors d’évolution très rapide. Les lésions macroscopiques parenchymateuses sont souvent peu marquées et les phénomènes congestifs difficiles à percevoir car souvent obscurcis par l’hypostase. Les modifications du lait n’apportent pas toujours l’aide espérée. En effet, ses altérations macroscopiques sont souvent minimes lors de mammite à entérobactérie, et les mammites banales intercurrentes, donc sans lien avec le processus létal, sont assez fréquentes. En outre, la survenue en phase colostrale gêne l’évaluation des caractères macroscopiques du lait.

Par ailleurs, l’absence d’attributs pathogènes spécifiques sur les E. coli responsables de mammites ne facilite pas l’interprétation lors d’isolement d’un petit nombre de ces bactéries.

4. Appareil génital

Les métrites suraiguës sont exceptionnellement à l’origine de mort subite. En revanche, les ruptures utérines et les hémorragies à point de départ génital sont plus fréquemment impliquées. Les ruptures utérines compliquées de péritonite diffuse suraiguë ou d’hémorragie sévère sont rapidement fatales. La quantification de l’hémorragie peut être appréciée directement par le volume ou par le poids de sang collecté dans la lumière et dans les parois de l’organe. Souvent, cependant, une partie notable des pertes sanguines s’est écoulée à l’extérieur. La gravité de l’hémorragie s’évalue donc aussi indirectement par l’intensité de l’anémie, appréciable sur la carcasse et sur les viscères. Dans le cas d’une expertise, ces précisions sont indispensables chaque fois que la mort est reliée à la perte sanguine, quel qu’en soit le siège (utérus, poumon, intestin, etc.).

5. Appareil respiratoire

Affections d’origine infectieuse

Des infections localisées au tractus respiratoire sont très rarement responsables de mort rapide sans prodromes. Dans certains cas de pleurésie ou de pleuropneumonie due en particulier à M. haemolytica et d’évolution suraiguë, la phase clinique peut être très brève.

Asphyxies accidentelles

Divers accidents sont susceptibles de provoquer une asphyxie par obstruction ou occlusion des voies aériennes : morceau de placenta dans la trachée, bovin pendu dans un cornadis, bronchopneumonie par fausse déglutition. Les lésions locales sont assez significatives. Cependant, certains cas sont difficiles à interpréter en l’absence d’anamnèse précise. Ainsi, des lésions cervicales de congestion et d’hémorragie provoquées par une compression externe peuvent ne survenir que lors de l’agonie. Elles ne sont alors que secondaires. La cause qui a provoqué la chute et la compression (par l’attache ou par le cornadis par exemple) peut rester inapparente.

Œdème pulmonaire

L’œdème pulmonaire est souvent une non-lésion, mais peut dans certains cas (caractère interstitiel, abondance) orienter le praticien vers des phénomènes d’hypersensibilité de type 1 (anaphylaxie) ou de toxicité pulmonaire, souvent d’origine végétale comme l’œdème et l’emphysème pulmonaire aigu dit “emphysème des regains”, dû à l’action toxique du 3-méthyl-indole.

6. Système nerveux

Peu de lésions macroscopiques sont observées sur le système nerveux central, même si celui-ci est fréquemment impliqué fonctionnellement ou à l’échelle microscopique dans les morts subites.

Certaines méningites bactériennes ont une évolution foudroyante. Les lésions sont souvent difficiles à déceler. Le liquide céphalorachidien est trouble, les méninges sont congestionnées, opaques. Les bactéries impliquées sont nombreuses : E. coli, Streptococcus, Listeria, Salmonella, etc. Haemophilus somnus peut provoquer des lésions caractéristiques de l’encéphale avec des foyers de nécrose hémorragique parfois observés lors d’évolution suraiguë.

Différents chocs traumatiques peuvent se traduire par des hémorragies cérébrales à l’origine de mort rapide.

7. Affections cutanéo musculaires

Les toxi-infections gangreneuses ont un point de départ possible à partir de la peau ou du tissu conjonctif et des muscles. De nombreuses espèces de Clostridium peuvent être mises en évidence, souvent en association : C. chauvoei, C. sordellii, C. septicum, C. perfringens A, parfois C. novyi B. Un traumatisme inoculateur est le plus souvent observé lors d’infection à C. septicum, C. perfringens A, C. novyi B (gangrène gazeuse). Dans certains cas, lors de charbon symptomatique (Cl. chauvoei), les spores germent et se développent sans qu’il y ait rupture apparente de l’intégrité cutanée. Les signes locaux, la tumeur charbonneuse, sont très caractéristiques. Ils concernent le plus souvent les membres, parfois l’encolure et la poitrine (C. sordellii), et comportent des lésions de nécrose musculaire, des sérosités abondantes et sanguinolentes, des crépitations révélant la présence de gaz et une odeur rance (photo7) [2]. En phase finale, les exotoxines et les Clostridium envahissent l’organisme. Il s’ensuit une putréfaction généralisée et anormalement précoce et intense. Ainsi, lors d’autopsie tardive, il est parfois difficile d’identifier la lésion initiale.

8. Infections et toxi-infections généralisées

Septicémies

Les septicémies chez les bovins ont de nombreuses causes, essentiellement bactériennes, dont les plus fréquentes sont E. coli, Salmonella, M. haemolytica, B. anthracis, L. monocytogenes. Lors d’évolution suraiguë, les lésions spécifiques, à la porte d’entrée, sont généralement minimes, donc peu orientatrices pour le diagnostic causal. Lors d’évolution suraiguë, les lésions générales ne sont pas spécifiques et traduisent généralement l’évolution d’un choc septique : congestion, hémorragies multifocales, déshydratation. Dans le cas du charbon bactéridien, il convient de noter les lésions de la rate qui apparaît hypertrophiée et boueuse, l’incoagulabilité sanguine avec des écoulements de sang aux orifices naturels, la putréfaction rapide et les œdèmes cavitaires ou infiltrant le tissu conjonctif.

Lors d’évolution un peu plus longue, des lésions localisées, soit à la porte d’entrée (entérite, pneumonie), soit secondaires à la dissémination (sérosite), permettent d’affirmer le nature septicémique du processus sans pour autant identifier la cause précise.

Syndromes ictéro-hémoglobinuriques

Différentes causes de syndrome ictéro-hémoglobinurique sont identifiées avec une évolution suraiguë. Dans ce cas, l’ictère est inexistant ou minime. Seules la splénomégalie, l’hémoglobinurie lors d’hémolyse intravasculaire et l’anémie plus ou moins marquée sont décelables. Babésiose, anaplasmose, leptospirose ont ainsi été rendues responsables de mort subite.

Morts subites rarement accompagnées de lésions spécifiques

L’absence de lésions macroscopiques spécifiques peut être due à diverses causes :

- les troubles sont fonctionnels sans répercussion lésionnelle (par exemple, l’hypomagniésiémie, le botulisme) ;

- les lésions microscopiques apparaissent, mais la mort survient avant qu’il y ait une traduction macroscopique, soit parce que les troubles sont diffus, soit parce qu’ils sont localisés mais atteignent alors les fonctions vitales (système nerveux, cœur).

La plupart des causes envisagées précédemment peuvent ainsi provoquer très rapidement la mort sans lésion macroscopique évocatrice. D’autres entités n’ont jamais d’expression lésionnelle macroscopique spécifique. Dans tous les cas, les circonstances d’apparition sont déterminantes pour le diagnostic. L’examen nécropsique est intéressant par ses aspects négatifs (absence de lésions macroscopiques expliquant la mort) et pour réaliser divers prélèvements afin d’évaluer les suspicions issues de l’anamnèse.

1. Troubles métaboliques

Hypomagniésiémie

L’hypomagnésiémie peut se traduire par des morts subites chez le veau entre deux et quatre mois lors d’allaitement exclusif et chez l’adulte lors de la mise à l’herbe (tétanie d’herbage) au printemps et en automne, ou après un stress marqué comme le transport (tétanie de transport). La confirmation peut être tentée à partir d’un dosage de magnésium sur un prélèvement de vitré. Les concentrations de magnésium restent proches des valeurs ante-mortem pendant environ 48 heures à température ambiante. Doser le magnésium à partir du sang du cadavre ne présente aucun intérêt (voir le TABLEAU “Évolution ).

Hypocalcémie

Lors d’hypocalcémie, il serait possible d’évaluer les concentrations en calcium à partir du sang du cadavre ou du vitré. Les teneurs resteraient assez constantes par rapport aux valeurs ante-mortem. Habituellement rencontrée dans les premiers jours après la mise bas chez les vaches laitières, l’hypocalcémie peut également être observée lors d’intoxication par les oxalates.

2. Intoxications

De nombreuses intoxications sont à l’origine de morts subites (voir les TABLEAUX “Principales intoxications non végétales à l’origine de mort subite” et “Plantes impliquées dans les morts subites des bovins”). Les lésions décrites sont souvent peu prédictives de la cause toxique. Les toxiques ingérés sont d’origine alimentaire (toxiques végétaux, urée), sont consommés accidentellement (pesticides, engrais azoté) ou sont administrés à titre thérapeutique (lévamisole, bithionol). Dans quelques cas exceptionnels (gaz H2S, CO2), l’intoxication a lieu par inhalation. Enfin, divers accidents iatrogènes sont à l’origine de morts très rapides suite à l’injection de solutés calciques, d’anesthésique ou de divers antibiotiques. Dans tous les cas, les données épidémiologiques sont indispensables. Il paraît en particulier nécessaire d’évaluer le risque toxique, en particulier dans le cas d’intoxication accidentelle avec des pesticides. La comparaison de la quantité de toxique vraisemblablement reçue avec la toxicité potentielle du produit, déduite de la dose létale 50 (index phytosanitaire), conduit à retenir ou à rejeter l’hypothèse formulée, malgré d’évidentes approximations (DL50 extrapolée à partir de données obtenues sur des animaux de laboratoire). L’observation des symptômes sur des animaux moins gravement atteints et présentant une évolution plus longue apporte de précieux renseignements pour le diagnostic.

3. Causes physiques

Les décharges électriques sont des causes fréquemment évoquées de mort subite (foudroiement, électrocution). Le pouvoir létal de l’électricité est principalement lié à l’intensité (mesurée en ampères), à la durée du passage du courant électrique au sein de l’organisme, aux contacts de l’animal avec le sol et, secondairement, à la différence de potentiel (mesurée en volts). Les animaux peuvent tolérer de forts voltages si l’ampérage est faible. A titre d’exemple, pour la foudre, l’intensité serait supérieure à 200 000 A et la ddp estimée en millions de volts. Chez la vache, un effet répulsif est observé dès 15 mA (5 à 15 mA chez l’homme). Un courant électrique d’intensité supérieure à 20 mA pourrait être létal [1].

La fulguration survient à l’occasion d’orages, donc principalement à la belle saison et à l’extérieur [8, 9]. Lors de fulguration, les cas sont souvent sporadiques mais plusieurs bovins peuvent être atteints simultanément. Lors d’électrocution, beaucoup de morts isolées ne sont pas rapportées à leur véritable cause. L’électrocution peut aussi atteindre plusieurs bovins en même temps, généralement dans les mêmes conditions (âge, lieu) ou, à l’inverse, être à l’origine de morts successives sans aucun lien apparent entre elles, sans aucune unité de temps ou de stade physiologique, mais toujours avec une unité de lieu. La plupart des bovins atteints meurent en quelques instants par inhibition des centres vitaux médullaires. Dans de très rares cas de fulguration et plus fréquemment lors d’électrocution, les bovins peuvent en réchapper, la convalescence durant de quelques minutes à quelques mois. Elle est accompagnée le plus souvent de signes nerveux (hyperesthésie/dépression, nystagmus, cécité). Certains cas de paralysie sont liés, outre la commotion, à des fractures du rachis ou du bassin [5].

D’autres causes physiques sont parfois évoquées : coup de chaleur, mortalité par balle. Les circonstances d’apparition doivent là encore être très bien précisées. Une autopsie minutieuse est nécessaire lors de mort par balle afin de trouver le point d’impact.

4. Lésions nerveuses centrales

Diverses causes à l’origine de lésions du système nerveux central non traduites macroscopiquement sont parfois à l’origine de mort subite : carence en thiamine, nécrose du cortex cérébral, maladie d’Aujeszky.

(1) L’existence d’“entérotoxémies colibacillaires”, similaires à la maladie de l’œdème décrite dans l’espèce porcine, n’est pas prouvée chez les bovins bien que des éléments de suspicion semblent exister.

(2) Chez l’adulte, une carence en cuivre sévère a été à l’origine de mort subite par dégénérescence du myocarde (Falling Disease).

ATTENTION

Lors d’autopsie dans un contexte de mort subite, il est intéressant de rechercher toutes les traces d'injection intramusculaire (encolures, glutéaux) et intraveineuse qui, lorsqu'elles existent, entraînent une suspicion légitime sur le caractère subit de la mort !

ATTENTION

Dans tous les cas d’atteinte cardiaque avérée ou suspectée, il est intéressant de rechercher les traces éventuelles d’insuffisance fonctionnelle sur le plan tant pulmonaire (congestion, œdème) qu’hépatique (congestion passive avec foie “muscade”). Ces lésions permettent, lorsqu’elles existent, de renforcer la suspicion de lésion cardiaque et autorisent dans le meilleur des cas l’évaluation la durée d’évolution réelle.

ATTENTION

Le botulisme, intoxination actuellement assimilée dans certaines situations à une toxi-infection, évolue dans de rares cas de façon suraiguë. Lors d’évolution normale aiguë à subaiguë, le tableau clinique est très proche de celui de l’hypocalcémie.

Points forts

Le concept de mort subite est étroitement lié à la périodicité d’observation des animaux.

Deux étapes dominent la démarche diagnostique : l’anamnèse et l’examen nécropsique.

L’anamnèse et l’examen de l’environnement sont toujours indispensables et souvent déterminants.

Des autopsies précoces et complètes sont indispensables pour élucider les cas de mort subite.

La connaissance de non-lésions et de lésions non significatives permet une interprétation plus réaliste et rigoureuse des lésions d’intérêt.

Dans les cas de mort subite, le tableau nécropsique est souvent décevant par son apparente pauvreté. Néanmoins, l’apport d’une anamnèse précise et complète associée aux examens de laboratoire post-mortem (biochimie, histopathologie, toxicologie, microbiologie) permet de réduire le nombre de cas inexpliqués.

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