Diagnostic d’une tumeur colique chez un chat - Le Point Vétérinaire n° 227 du 01/07/2002
Le Point Vétérinaire n° 227 du 01/07/2002

CAS CLINIQUE

Pratiquer

IMAGERIE

Auteur(s) : Françoise Roux*, Fouzia Stambouli**

Fonctions :
*ENVN
Imagerie médicale Atlantpôle, La Chantrerie, BP 40706, 44307 Nantes Cedex 3

Des clichés radiographiques sans préparation, puis avec un marquage du côlon, permettent le diagnostic d’une tumeur colique associée à des métastases chez un chat.

Un chat européen mâle castré, âgé de seize ans, est présenté à la consultation pour une constipation qui persiste depuis trois semaines. Divers traitements « classiques » ont été entrepris, sans amélioration. L’état général de l’animal se dégrade progressivement (hypothermie et déshydratation à 5 %). Le chat ne s’alimente pratiquement plus, il est maigri et une amyotrophie marquée est constatée. Une masse oblongue d’environ 6 cm, modérément mobile, dure et irrégulière, qui semble liée au tube digestif, est palpée en région abdominale caudale. Compte tenu de l’âge et de l’état de l’animal l’hypothèse, d’une tumeur digestive est la plus probable. Le chat est mis sous perfusion et les examens complémentaires sont entrepris d’emblée.

Radiographies abdominales sans préparation

Deux clichés radiographiques sans préparation de l’abdomen sont réalisés (face et profil droit) afin d’objectiver la masse abdominale et ses éventuelles répercussions sur le transit digestif (PHOTO 1a PHOTO 1b ET 2a 2b).

1. Qualité de l’image radiographique

La densité, le contraste, la netteté et le centrage son corrects. Le cadrage est un peu trop large cranialement.

L’animal est en discrète rotation sur la vue de profil, car les processus transverses des vertèbres lombaires sont imparfaitement superposées, ainsi que les deux iliums.

Sur la vue de face, la position est correcte, puisque la colonne vertébrale partage l’abdomen en deux parties égales.

Ces deux clichés sont interprétables.

2. Description de l’image

Le contraste abdominal est normal. L’estomac paraît vide, le fundus est bien visible sur la vue de face. La vacuité de nombreuses anses digestives, dont le contenu est aérique, est constatée. Toutes les anses intestinales n’ont pas le même diamètre, mais il est difficile de préciser s’il s’agit d’anses d’intestin grêle ou de côlon.

Une masse d’opacité hétérogène, plus ou moins minéralisée, est présente en partie ventrale et gauche de l’abdomen. Son aspect tubulaire évoque une origine digestive, mais il est impossible de déterminer à ce stade des examens si cette portion concerne l’intestin grêle ou le côlon.

3. Synthèse des clichés

La portion pulmonaire examinée présente des images suspectes de nodules pulmonaires qu’il convient d’objectiver par des clichés thoraciques.

La masse d’opacité hétérogène et la présence d’anses intestinales dilatées font suspecter une sub-obstruction chronique.

Pour confirmer l’origine de la masse opaque, un marquage du côlon est pratiqué.

Radiographies du thorax

Deux clichés radiographiques du thorax sont réalisés (incidences ventrodorsale et profil droit) afin d’objectiver les images nodulaires suspectes observées sur la portion thoracique du cliché abdominal (PHOTO 3a PHOTO 3bET 4a 4b).

1. Qualité de l’image radiographique

La densité, le contraste et la netteté sont corrects. Le cliché est bien cadré et centré sur le cœur et a été réalisé en fin d’inspiration.

Sur la vue de profil, l’animal est en position quasi parfaite car les articulations costovertébrales à l’aplomb du cœur sont bien superposées.

Sur la vue de face, l’animal est en rotation modérée : les sternèbres ne sont pas exactement superposées aux vertèbres.

Ces deux clichés sont interprétables.

2. Description de l’image

Le contact entre l’apex du cœur et le sternum est augmenté et la crosse aortique est protubérante. Ces images sont classiquement observées chez les chats âgés.

Le médiastin et les vaisseaux ne présentent pas d’anomalies visibles à l’examen radiographique.

L’ensemble du parenchyme pulmonaire, et principalement la partie caudale du champ pulmonaire, présente des images nodulaires multiples de 0,5 à 1 cm de diamètre, signes évocateurs de métastases pulmonaires.

Radiographies abdominales avec préparation

Des clichés radiographiques de l’abdomen (face et profil droit) sont réalisés après un marquage du côlon à l’aide de 25 ml de sulfate de baryum (Micropaque®) dilué dans 25 ml d’eau et administré par une sonde rectale (PHOTO 5a PHOTO 5b ET 6a6b).

1. Qualité de l’image radiographique

La densité, le contraste et la netteté sont corrects. Le cadrage et le centrage sont bons sur la vue de face, alors que la vue de profil est cadrée et centrée trop caudalement.

L’animal est en légère rotation sur la vue de profil, car la superposition des apophyses transverses des vertèbres lombaires est imparfaite et les iliums apparaissent légèrement décalés.

La vue de face révèle aussi une rotation : la colonne vertébrale ne partage pas l’abdomen de manière symétrique.

Le produit de contraste est en quantité suffisante pour marquer tout le côlon.

Ces deux clichés sont interprétables.

2. Description de l’image

La colonne de produit de contraste qui matérialisent le côlon est irrégulière sur environ 8 cm de long et son diamètre est rétréci. Des images par soustraction, d’origine pariétale, sont responsables de cette irrégularité. Une dilatation est présente en amont, associée à une accumulation de fèces.

Ces images par soustraction montrent une rigidité pariétale qui est présente sur les deux incidences. Elles sont fortement en faveur d’une infiltration de la paroi colique.

Diagnostic

1. Diagnostic radiographique

L’association d’images d’infiltration de la paroi colique et de nodules pulmonaires évoque fortement la présence d’une tumeur colique avec des métastases pulmonaires.

L’animal est euthanasié en raison du pronostic sombre et de son mauvais état général.

2. Diagnostic nécropsique

Un diagnostic de tumeur colorectale avec lymphadénite et lymphangite tumorale (PHOTO 7), associé à des métastases pulmonaires (PHOTO 8), est confirmé à l’autopsie.

L’examen histologique révèle un adénocarcinome tubuleux transpariétal avec une embolisation et des métastases pulmonaires d’origine colique.

Discussion

1. Examens d’imagerie pour le diagnostic

Les affections digestives peuvent être diagnostiquées par d’autres techniques d’imagerie médicale, principalement l’échographie et l’endoscopie. Le choix de la technique d’imagerie est essentiellement déterminé par la localisation de l’atteinte. Ainsi, les affections de l’estomac et du côlon sont préférentiellement diagnostiquées par fibroscopie, accompagnée de biopsies, alors que celles de l’intestin grêle sont plus facilement identifiables par échographie.

Les radiographies sans préparation restent un moyen facile à mettre en œuvre et peu onéreux pour appréhender toutes les portions du tube digestif. Toutefois, elles ne permettent pas le diagnostic histologique, qui nécessite la réalisation de biopsies.

2. Tumeurs colorectales

Chez le chat, les tumeurs colorectales représentent environ 15 % des tumeurs digestives. Les deux types histologiques les plus fréquemment rencontrés sont le lymphosarcome et l’adénocarcinome. Ce dernier est de loin la tumeur intestinale non hématopoïétique la plus fréquente. L’âge moyen d’apparition des carcinomes intestinaux est d’environ dix ans [1]. Les chats atteints d’adénocarcinome colique sont souvent plus âgés (âge moyen de seize ans) [2]. La durée médiane d’évolution des symptômes avant la consultation est de deux mois lors de formes coliques [2].

La dissémination métastatique est fréquemment observée lors d’adénocarcinome félin et représente environ la moitié des cas. Elle s’effectue par voie lymphatique et/ou par voie sanguine, et atteint principalement le foie et le poumon. La mise en évidence de métastases assombrit considérablement le pronostic et signe le plus souvent un diagnostic tardif [3].

Conclusion

Ce cas illustre des moyens diagnostiques simples et peu onéreux, comme des radiographies sans préparation et avec produit de contraste, permettent d’établir un diagnostic, sous réserve d’une lecture méthodique et raisonnée des clichés radiographiques.

Points forts

Les signes cliniques, les clichés radiographiques, avec ou sans préparation de l’abdomen, et les images nodulaires dans le champ pulmonaire, évocatrices de métastases, conduisent à suspecter une tumeur colique chez un chat.

Le marquage du côlon, réalisé par l’administration d’une solution de baryte par une sonde rectale, est une technique facile à mettre en œuvre et peu onéreuse pour le diagnostic de certaines affections digestives.

Il est également possible d’établir le diagnostic d’une affection colique par la fibroscopie, associée à une biopsie.

Bibliographie

  • 1 - Estrade M, Freiche V, Dargent F. Tumeurs gastro-intestinales chez le chat. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 1998 ; 33 : 107-121.
  • 2 - Ogilvie GK, Moore AS. Les tumeurs gastro-intestinales. In : Manuel pratique de cancérologie vétérinaire. Masson, Paris, éditions du Point Vétérinaire, Maisons-Alfort. 1997 : 355-356.
  • 3 - Patnaik AK et coll. Feline adenocarcinoma : a clinicopathooogic study of 22 cases. Vet. Pathol. 1976 ; 13 : 1.
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