L’enregistrement Holter chez le chien - Le Point Vétérinaire n° 226 du 01/06/2002
Le Point Vétérinaire n° 226 du 01/06/2002

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COURS

Auteur(s) : Dominique Tessier-Vetzel*, Valérie Chetboul**, Jean-Louis Pouchelon***

Fonctions :
*ENVA,
unité de cardiologie,
service de médecine,
7, avenue du Général de Gaulle,
94704 Maisons-Alfort

Le Holter permet de quantifier et de qualifier un trouble du rythme, de détecter une arythmie isolée et d’évaluer l’efficacité d’un traitement anti-arythmique avec plus de fiabilité que l’électrocardiogramme ponctuel.

L’enregistrement Holter ou Holter (du nom de son inventeur, le docteur Norman Holter) permet l’enregistrement continu de l’activité électrique du cœur sur une durée généralement fixée à vingt-quatre heures. Il assure ensuite le traitement informatisé de ce signal. Cet examen complémentaire, non invasif et précis, est devenu indispensable à toute approche rythmologique rigoureuse et fondée.

Utilisé en médecine humaine depuis les années 50, le Holter s’est imposé en médecine vétérinaire aux États-Unis à partir des années 90 [4, 6]. Il est toutefois encore largement sous-utilisé en France, en raison du coût de l’appareillage nécessaire (investissement de l’ordre de 30 000e).

L’enregistrement Holter

1. Matériel d’enregistrement

Enregistreur

L’acquisition Holter s’effectue à l’aide d’enregistreurs à cassette magnétique, alimentés par piles, et capables d’enregistrer jusqu’à trois dérivations (PHOTO 1). Ils disposent le plus souvent d’une horloge interne qui permet de relier avec certitude le signal électrocardiographique à un moment précis de la journée. Un bouton “event” (événement) peut être pressé par l’observateur afin de rattacher certains signes cliniques (syncope) ou événements (effort, sommeil) au tracé électrocardiographique concomittant (PHOTO 2).

En médecine humaine, ces systèmes magnétiques sont progressivement remplacés par des enregistreurs entièrement numériques (qui permettent une stabilité accrue du signal, mais sont plus onéreux).

Connexion au patient

Le boîtier d’enregistrement est relié à l’animal à l’aide d’un câble constitué par cinq cordons indépendants, repérés par des couleurs distinctes : quatre permettent l’enregistrement des différentes dérivations, le cinquième correspond à la masse.

Ces cordons sont rattachés à l’animal grâce à des connecteurs à pression, fixés sur des patches pédiatriques collés à la peau par un gel adhésif (PHOTO 3).

2. Préparation de l’animal

La mise en place du système Holter s’effectue toujours chez le chien en station debout. Les cinq patches sont collés sur le thorax, au niveau de zones standardisées préalablement tondues, dégraissées à l’éther et séchées (PHOTO 4). Chaque câble est connecté à un patch précis selon son code couleur (PHOTO 5).

L’opérateur vérifie l’absence de tension sur les câbles, puis solidarise l’ensemble à l’aide de bandes de type Velpeau®. L’enregistreur est alors protégé par une housse spécifique. La fixation finale est réalisée à l’aide de bandes adhésives (PHOTOS 6 et 7) ou mieux, auto-adhésives.

3. Déroulement de l’enregistrement

L’animal peut retourner au domicile de son propriétaire pendant le déroulement de l’enregistrement et conserve alors une activité quotidienne normale. Les informations ainsi collectées se rapprochent davantage de la réalité. L’activité physique peut toutefois altérer la qualité de l’enregistrement et réduire la durée analysable. Le propriétaire doit alors surveiller étroitement certains signes cliniques (syncope, essoufflement) et vérifier la stabilité du dispositif d’enregistrement.

L’animal peut également être hospitalisé pendant la phase d’enregistrement. Cette solution permet de réduire l’importance des artefacts, mais peut induire une sous-estimation (réduction de l’activité physique) ou une surestimation (stress) des troubles du rythme cardiaque.

4. Durée d’enregistrement

Plus la durée d’enregistrement Holter est élevée, plus la fiabilité de l’analyse croît. Un enregistrement sur vingt-quatre heures constitue la période de référence. Il peut être intéressant de l’augmenter, en particulier lorsque les symptômes ayant motivé l’enregistrement Holter (syncope) ne se sont pas produits au cours de l’enregistrement.

Analyse de l’enregistrement

1. Acquisition de l’enregistrement Holter

A la fin de la durée d’enregistrement, l’animal est déconnecté de l’enregistreur. La cassette magnétique est alors introduite dans un lecteur spécifique relié à un système informatique afin de numériser l’enregistrement Holter.

2. Analyse

Une fois numérisées, les données sont étudiées à l’aide d’un logiciel informatique spécifique. La procédure d’analyse doit alors toujours suivre un schéma rigoureux.

Informations concernant l’animal

Un dossier Holter est constitué pour tout nouvel animal. Il renferme les coordonnées du vétérinaire traitant, l’identification de l’animal, les horaires de début et de fin d’enregistrement, le motif d’enregistrement Holter et le(s) traitement(s) éventuel(s) administré(s) (PHOTO 8).

Journal des symptômes

Il est possible de préciser les symptômes observés et l’activité physique de l’animal selon l’heure d’enregistrement. Cette technique permet ainsi de mettre en exergue certaines portions du tracé électrocardiographique obtenu, afin de relier avec davantage de facilité un événement critique à une anomalie du rythme cardiaque (PHOTO 9).

Critères d’analyse

Avant d’effectuer l’analyse de l’enregistrement Holter, il est nécessaire de :

- préciser l’exigence de qualité du signal (cette étape influence la quantité de signaux rejetés par le système informatique lorsqu’ils sont considérés comme des artefacts) ;

- indiquer le nombre de dérivations à analyser ;

- sélectionner le programme “adulte” ou “pédiatrique” (adapté aux animaux jeunes ou de petit format) ;

- fixer les limites de normalité (seuils de bradycardie ou de tachycardie, prématurité d’un complexe).

Ces critères d’analyse peuvent en permanence être modifiés au cours de la procédure d’analyse (PHOTO 10). Il est ainsi possible de contrôler au mieux l’exactitude de l’interprétation informatique du tracé électrocardiographique.

Contrôle de la calibration

La plupart des systèmes Holter enregistrent initialement et automatiquement un signal carré de 1 mV sur plusieurs minutes. Il convient de s’assurer de l’exactitude de cette procédure de calibration avant de commencer l’interprétation du tracé.

Analyse des données

Il est souvent nécessaire de corriger les résultats de l’analyse automatique, car le système informatique commet fréquemment des erreurs. Plusieurs heures sont parfois nécessaires pour identifier les artefacts et corriger les défauts d’interprétation. Le cardiologue est aidé dans cette tâche par le regroupement informatique de familles d’arythmies, qui lui permet ainsi de corriger simultanément les erreurs répétitives.

3. Edition du rapport Holter

Il est possible d’éditer un rapport Holter qui contient toutes les informations nécessaires au diagnostic rythmologique.

Ce rapport comprend :

- la durée et la qualité de l’enregistrement ;

- les fréquences cardiaques moyenne, minimale et maximale selon chaque heure et sur la totalité de l’enregistrement (PHOTO 11) ;

- le temps passé en bradycardie et en tachycardie ;

- la nature, le nombre et la répartition horaire des arythmies cardiaques diagnostiquées ;

- l’éventuelle corrélation entre les signes cliniques observés et le tracé électrocardiographique ;

- les recommandations thérapeutiques et les indications de suivi.

Indications de l’enregistrement Holter

1. Limites de l’électrocardiogramme ponctuel

L’appréciation du rythme cardiaque d’un animal par un électrocardiogramme (ECG) ponctuel est principalement limitée par la courte durée d’enregistrement. Pris comme unique référence, cet examen peut induire certaines erreurs :

- surestimation de la fréquence cardiaque ;

- surestimation ou sous-estimation de la sévérité d’une arythmie ;

- détection impossible d’une arythmie cardiaque ponctuelle.

2. Indications cliniques du Holter

L’enregistrement Holter, réalisé sur vingt-quatre heures, permet de pallier les limites de l’ECG. Il est indiqué afin de :

- confirmer ou infirmer l’origine rythmique d’un événement : syncope (PHOTOS 12a et 12b) [5] ;

- détecter une arythmie cardiaque isolée : diagnostic précoce de myocardiopathie dilatée chez le boxer ou le dobermann [3], recherche des phases de tachycardies isolées associées à un sick sinus syndrome (PHOTOS 13a et 13b), etc. ;

- quantifier une arythmie cardiaque : calcul précis de la réponse ventriculaire lors de fibrillation atriale, calcul du nombre moyen d’extrasystoles par minute, etc. ;

- qualifieravecprécisionunearythmie cardiaque : extrasystoles monomorphes et/ou polymorphes, isolées et/ou en salve (PHOTO 14), etc. ;

- déterminer l’efficacité d’un traitement anti-arythmique : évolution du nombre et de la morphologie des extrasystoles ventriculaires (un traitement est considéré efficace lors d’une diminution du nombre d’extrasystoles sur vingt-quatre heures de 70 à 80 % [2, 4] (90 % en médecine humaine [7]), calcul du ralentissement de la réponse ventriculaire lors de fibrillation atriale (PHOTO 15a), etc ;

- contrôler l’innocuité d’un traitement anti-arythmique : administration de digoxine(1) et survenue d’arythmies ventriculaires, par exemple (PHOTO 15b).

Outre ces facultés diagnostiques, le Holter pourrait éventuellement permettre de préciser le pronostic de certaines cardiopathies. L’intérêt de l’analyse de la variabilité sinusale lors de myocardiopathie dilatée est ainsi actuellement à l’étude en médecine vétérinaire [1]. Une régression marquée de ce paramètre est en effet un facteur pronostique péjoratif recherché en médecine humaine.

Conclusion

L’enregistrement Holter, dont les indications sont multiples, a permis des progrès majeurs dans la connaissance de la rythmologie canine. Sa contribution à la formulation d’un pronostic sera précisée dans un futur proche et devrait inciter à davantage de prudence vis-à-vis des conclusions parfois hâtives établies à partir d’un ECG ponctuel.

L’enregistrement Holter possède néanmoins certaines limites. Son encombrement est la principale d’entre elles. Il rend l’enregistrement difficilement réalisable chez des individus de petit format (< 5 kg).

Certaines instabilités de l’enregistrement engendrées par les mouvements de l’animal compliquent parfois l’interprétation morphologique. Les systèmes numériques récents ont amélioré la stabilité du signal sans néanmoins résoudre complètement ce problème.

Enfin, lesenregistreursd’événements cardiaques (“cardiac event recorder”) secondent utilement l’enregistrement Holter dans l’exploration de symptômes ponctuels (syncope, faiblesse transitoire, etc.), éventuellement non survenus sur la période d’enregistrement (vingt-quatre, voire quarante-huit heures selon la vitesse d’enregistrement sélectionnée). Ces enregistreurs, qui bénéficient d’un faible encombrement, peuvent être laissés en place pendant une semaine. L’enregistrement est alors déclenché par un observateur et permet ainsi de confirmer ou d’infirmer une cause rythmologique dans la survenue de ces manifestations.

  • (1) Médicament à usage humain.

Points forts

La méthode Holter permet d’enregistrer en continu l’activité électrique du cœur sur vingt-quatre heures et d’assurer un traitement informatisé du signal.

L’animal peut retourner chez son propriétaire et conserver une activité normale pendant l’enregistrement.

La longue durée d’enregistrement augmente la fiabilité de l’analyse.

Il est possible de mettre en relation les symptômes observés et l’activité physique selon l’heure d’enregistrement.

Les résultats de l’analyse automatique doivent être corrigés en raison des erreurs possibles. En outre, l’encombrement de l’appareillage est peu adapté aux animaux de petite taille (< 5 kg) et l’équipement est encore onéreux.

Remerciements : L’unité de cardiologie d’Alfort tient à remercier le laboratoire Novartis pour son soutien dans la mise en place du premier centre d’enregistrement et d’analyse Holter vétérinaire français.

En savoir plus

- Chetboul V. Cardiologie des carnivores domestiques. Mesure de la pression artérielle chez le chien et chez le chat. Point Vét. 2002 ; 33(223) : 12-13.

- Chetboul V. Cardiologie des carnivores domestiques. Mesure de la pression artérielle par la méthode Doppler. Point Vét. 2002 ; 33(224) : 12-13.

- Hugnet C, Cadoré J.-L. Cardiologie. Point Vét. 1996 ; 28(“affections héréditaires et congénitales des carnivores domestiques”) : 565.

- Le Bobinnec G. Le suivi thérapeutique du chien insuffisant cardiaque. Point Vét. 1998 ; 29(188) : 33-43.

Bibliographie

  • 1 - Calvert CA, Jacobs GJ. Heart rate variability in dobermann pinschers with and without echocardiographic evidence of dilated cardiomyopathy. Amer. J. Vet. Res. 2000 ; 61 : 506-511.
  • 2 - Calvert CA, Pickus CW, Jacobs GJ. Efficacy and toxicity of tocainide for the treatment of ventricular tachyarrhythmias. J. Vet. Intern. Med. 1996 ; 10(4) : 235-240.
  • 3 - Calvert CA, Wall M. Results of ambulatory electrocardiography in overtly healthy dobermann pinschers with equivocal echocardiographic evidence of dilated cardiomyopathy. J. Amer. Vet. Med. Assn. 2001 ; 219(6) : 782-4.
  • 4 - Goodwin JK. Holter monitoring and cardiac event recording. Vet. Clin. N. Amer.- Small Anim. Pract. 1998 ; 28(6) : 1391-1407.
  • 5 - Miller RH, Lehmkuhl LB, Bonagura JD et coll. Retrospective analysis of the clinical utility of ambulatory electrocardiographic (Holter) recordings in syncopal dogs : 44 cases (1991-1995). J. Vet. Intern. Med. 1999 ; 13 : 111-122.
  • 6 - Ware WA. Practical use of holter monitoring. Compend. Educ. Pract. Vet. 1998 ; 20(2) : 167-177.
  • 7 - Winkle RA. Antiarrythmic drug effect mimicked by spontaneous variability of ventricular ectopic activity. Circulation. 1978 ; 57 : 116-1121.
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