Ankylose interphalangienne distale facilitée - Le Point Vétérinaire n° 226 du 01/06/2002
Le Point Vétérinaire n° 226 du 01/06/2002

TRAITEMENT DE L’ARTHRITE SEPTIQUE CHEZ LES BOVINS ADULTES

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CONDUITE À TENIR

Auteur(s) : André Desrochers

Fonctions : Département des sciences cliniques
Faculté de médecine vétérinaire,
Université de Montréal,
Saint-Hyacinthe J2S 7C6
(Québec, Canada).

L’ankylose facilitée est une alternative intéressante à l’amputation, lors d’arthrite septique de l’articulation interphalangienne distale chez certains bovins.

Les érosions et les abcès de la sole ou du talon, l’infection de la ligne blanche, le phlegmon interdigital et la dermatite interdigitale sont parmi les causes de boiterie les plus fréquentes chez la vache. Si elles sont négligées, ces infections peuvent affecter la bourse synoviale de l’os naviculaire, la phalange distale, la gaine synoviale des tendons fléchisseurs du pied et finalement l’articulation interphalangienne distale (ID). L’incidence de l’arthrite septique interphalangienne distale chez les bovins serait d’environ 3 à 8 % selon certains auteurs [7, 8].

Examen de l’animal

Les animaux atteints d’arthrite septique de l’articulation interphalangienne distale sont, la plupart du temps, présentés avec des signes de boiterie chronique. Ils ont souvent été traités pour une lésion de la sole (PHOTO 1) ou pour un traumatisme dans la région interdigitale (PHOTO 2). Comme toute arthrite septique, cette affection est très douloureuse. Les tissus situés au-dessus de la couronne sont rouges et tuméfiés. Une fistule peut être observée sur la face dorsolatérale de la couronne. L’animal a tendance à porter son poids sur l’onglon sain du même pied.

L’infection de la bourse tendineuse de l’os sésamoïde distal est caractérisée par une tuméfaction du talon. Si la gaine tendineuse des tendons fléchisseurs des doigts est infectée, la tuméfaction est importante au niveau des parties proximale et distale des onglons accessoires.

L’examen de la sole est important pour identifier l’affection primaire. En cas de fistule, une sonde peut être utilisée pour déterminer sa provenance. Ceci doit être réalisé avec soin, pour éviter de créer une communication où il n’y en avait pas.

La radiographie, si elle est disponible, est l’outil par excellence pour diagnostiquer l’arthrite septique interphalangienne distale. En raison de la chronicité de l’affection, les lésions radiographiques sont particulièrement évocatrices (PHOTO 3). Il est possible d’observer une inflammation marquée des tissus mous, une augmentation de l’espace articulaire interphalangien distal, une lyse de l’os sous-chondral de la phalange moyenne et/ou distale, une ostéomyélite de la phalange moyenne et/ou distale, une prolifération et une lyse de l’os naviculaire. L’importance des lésions radiologiques augmente avec l’ancienneté de l’affection.

Choix de la technique chirurgicale

Le traitement médical, souvent décevant, contraint le vétérinaire à choisir entre la chirurgie et la réforme. Le traitement chirurgical a pour objectif d’éliminer la portion de l’articulation et des os infectés. Les deux options disponibles sont l’amputation ou l’ankylose facilitée. Le choix de la technique doit tenir compte de la valeur économique et génétique de l’animal et de son poids.

L’amputation de l’onglon est efficace et économique. La plupart des animaux amputés retournent rapidement à leur niveau de production antérieur. Une vache avec un onglon amputé peut rester en production pendant environ dix à vingt mois [2, 4, 6]. Ainsi, pour une vache sans valeur génétique particulière, il est indiqué d’amputer l’onglon et de réformer l’animal après la fin de la lactation.

Cependant, le poids a une influence primordiale. Les résultats de l’amputation ne sont pas satisfaisants chez les animaux dont le poids est supérieur à 700 kg, car la pression sur l’onglon restant est trop importante. En outre, si l’objectif est de garder l’animal plus longtemps dans le troupeau, il est conseillé de conserver les deux onglons intacts. Ainsi, dans le cas de bovins d’un poids supérieur à 700 kg ou d’animaux de valeur génétique importante, le traitement par ankylose facilitée est préférable [6]. En sauvegardant l’onglon infecté, une stabilité et une biomécanique supérieures sont assurées, et l’animal peut être conservé plus longtemps. Avec de bonnes connaissances anatomiques des onglons et une contention adéquate de l’animal, cette technique est réalisable à la ferme.

Préparation de l’animal

L’animal doit être immobilisé de façon à permettre l’accès à l’onglon infecté. L’intervention est réalisée de préférence sur l’animal debout dans une cage de contention, ou bien immobilisé en décubitus latéral, avec une sédation et une analgésie appropriées(1).

L’anesthésie locorégionale intraveineuse sous garrot est rapide et efficace pour l’analgésie de la région affectée(2). Le garrot est placé à mi-hauteur du métatarse ou du métacarpe, ce qui rend visible la veine dorsale digitale commune. Selon la taille de l’animal, 10 à 30 ml de lidocaïne à 2 % sans épinéphrine peuvent être injectés dans cette veine. Si la tuméfaction de la partie distale du membre rend la visualisation de cette veine impossible, la veine interdigitale est utilisée. Cette dernière, invisible, est localisée en insérant une aiguille (4 cm x 18 G) perpendiculairement à la peau, dans la région interdigitale, au niveau proximal de la phalange proximale. L’anesthésie dure environ une heure. Dans les cas où il existe une inflammation marquée et où la veine n’est pas visualisée, un bloc en quatre points est effectué [3].

Technique chirurgicale

1. Voie d’abord

Le choix de l’approche dépend de la localisation et de l’origine de l’infection articulaire, ainsi que de l’expérience du chirurgien [1, 3, 5]. Étant donné que l’origine la plus fréquente de l’arthrite septique interphalangienne distale est une lésion au niveau de la sole, nous décrivons l’approche dite solaire. Quoi qu’invasive, cette dernière permet : une bonne visualisation de l’articulation, l’excision de l’os sésamoïde souvent infecté, un drainage de la gaine synoviale, si nécessaire, et le drainage adéquat de l’articulation.

2. Temps opératoires

La sole caudale et le talon sont d’abord parés suffisamment pour qu’une incision puisse être pratiquée avec une lame de bistouri. L’incision cutanée débute à la jonction du talon et de la peau, ou sous l’onglon accessoire lors de tendinite et/ou de ténosynovite nécrotique. Elle se prolonge distalement au niveau de la sole et se termine par une incision elliptique autour de la région nécrotique qui se situe, en général, à la jonction sole-talon.

La sole est incisée et enlevée. Si le tendon fléchisseur profond et sa gaine sont infectés et nécrosés, ils sont incisés à environ 2 cm distalement à l’onglon accessoire. Le tendon est disséqué et excisé de son attache à la phalange distale. Le sésamoïde distal est excisé, après la section des ligaments collatéraux et distal, donnant ainsi accès à l’articulation interphalangienne distale. Une perceuse, avec un foret d’environ 10 mm, est utilisée pour débrider l’articulation. Le point d’entrée du foret est la sole et le point de sortie est situé sous le bourrelet coronaire (PHOTOS 4 et 5). Il est essentiel d’enlever tout l’os nécrotique. Une fois le tissu nécrotique réséqué, la cavité est abondamment irriguée avec une solution de povidone iodée. Par la suite, une mèche iodée est insérée par la sole dans la cavité et extériorisée par la muraille dorsale.

Soins postopératoires

Il est préférable de placer un pansement, qui sera conservé de cinq à dix jours selon l’hygiène des locaux où est placé l’animal et la facilité pour le changer.

Pour atténuer la douleur et améliorer le confort de l’animal, une talonnette est placée sur l’onglon sain(3) et des analgésiques sont administrés si besoin.

Il est nécessaire d’administrer un antibiotique à large spectre pendant au moins cinq jours, selon l’agent infectieux en cause et l’étendue des dommages. L’irrigation avec une solution iodée est répétée au besoin, jusqu’au contrôle de l’infection et à l’établissement d’un tissu de granulation sain. Le pronostic est excellent pour un retour en production, mais environ 15 % des bovins ainsi opérés conservent une déformation de l’onglon.

  • (1) Voir l’article : - Bouisset S, Assié S. Immobilisation et sédation des bovins. Point Vét. 2000 ; 31(n° spécial “Chirurgie des ruminants”) : 637-641.

  • (2) Voir l’article : - Bouisset S, Assié S. Anesthésie des membres chez les bovins. Point Vét. 2001 ; 32(n° spécial “Chirurgie des ruminants”) : 69-72.

  • (3) Voir l’article : - Assié S, Bouisset S. Chirurgie du doit chez les bovins. Point Vét. 2001 ; 32(n° spécial “Chirurgie des ruminants”) : 73-76.

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