Lésion osseuse bénigne chez un chien - Le Point Vétérinaire n° 225 du 01/05/2002
Le Point Vétérinaire n° 225 du 01/05/2002

RADIOGRAPHIE OSSEUSE CHEZ LES CARNIVORES DOMESTIQUES

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IMAGERIE

Auteur(s) : Wilfried Maï

Fonctions : DMV, dipl. ECVDI, DEA IMB
Animage,
laboratoire Créatis, Cermep
59, boulevard Pinel, 69003 Lyon

Il convient d'interpréter avec prudence les clichés radiographiques réalisés pour le bilan d'extension d'un cancer. L'observation d'une anomalie n'est, en effet, pas forcément liée aux commémoratifs.

Un chien épagneul breton mâle âgé de neuf ans est présenté à la consultation pour un syndrome prostatique qui évolue depuis plusieurs mois. Outre des signes urinaires et digestifs (pollakiurie, dysurie, hématurie, constipation), une boiterie intermittente du membre pelvien droit est signalée et l'extension de la hanche droite est douloureuse.

Les examens paracliniques effectués (analyse d'urine, échographie prostatique, cytoponction et biopsie prostatique) permettent d'établir que le chien est atteint d'un carcinome prostatique.

Compte tenu de la présence d'une tumeur maligne de la prostate, de l'existence d'une boiterie du membre pelvien droit et de la potentialité métastatique osseuse connue des tumeurs du petit bassin, une radiographie de face et de profil du bassin est décidée. Seule la radiographie de face est présentée ici (PHOTO 1), le cliché de profil n'apportant pas d'information supplémentaire.

Examen radiographique

1. Qualité radiographique

Le centrage, le cadrage, l'exposition, le contraste et la netteté sont corrects.

2. Signes radiographiques

Une lésion osseuse transparente est visible au niveau du col de l'ilium droit, immédiatement craniale à l'articulation de la hanche droite. Cette lésion présente une expansion centrifuge et il en résulte une déformation par un gonflement du col iliaque. La lésion s'étend sur 4 cm et la corticale est diffusément amincie, mais sans présenter de zones lytiques circonscrites. Aucune production osseuse périostée ou endostée n'est visible. La zone de transition de la lésion avec l'os sain est franche sur le pourtour, et la lésion apparaît circonscrite. Il est difficile d'évaluer une éventuelle réaction des tissus mous autour de lalésion, compte tenu de sa situation profonde et de l'épaisseur des tissus qui l'entourent.

Le reste du bassin, ainsi que la partie visible des fémurs et de la colonne lombosacrée, ne présentent pas d'anomalie.

3. Synthèse des signes radiographiques

Une lésion monostotique(1) est localisée au col de l'ilium droit. Elle apparaît sous la forme d'une large cavité transparente, avec un amincissement diffus de la corticale sans interruption, une zone de transition nettement marquée et une absence de réaction osseuse périostée. Elle présente donc les caractères d'une lésion osseuse non agressive (voir le TABLEAU “Évaluation radiographique de l'agressivité d'une lésion osseuse”).

Hypothèses diagnostiques

Parmi les lésions osseuses qui peuvent présenter un tel aspect, les tumeurs bénignes ou les kystes osseux sont à envisager. Les tumeurs bénignes osseuses les plus fréquentes sont les ostéochondromes et les enchondromes.

• Les ostéochondromes sont solitaires ou multiples, atteignent les jeunes animaux et se situent plutôt sur les métaphyses des os longs et sur les jonctions chondrocostales. Ces tumeurs se développent à la surface des os et se forment par ossification endochondrale, en créant des exostoses recouvertes de cartilage. Elles constituent donc des déformations osseuses à croissance périphérique, d'opacité minérale et de contour net. Manifestement, la lésion osseuse présentée dans le cas décrit n'a pas ces caractéristiques.

• Les enchondromes sont des tumeurs particulièrement rares, qui apparaissent sous forme de lésions transparentes dans la métaphyse ou dans la diaphyse des os longs, donc dans une localisation différente de celle présentée ici. Il est possible que ces lésions soient liées à une anomalie de l'ossification endochondrale.

• Les kystes osseux peuvent atteindre un ou plusieurs os, avec une localisation préférentielle en région diaphysaire ou métaphysaire des os longs. Le plus souvent, les chiens atteints sont jeunes, mais ces affections peuvent rester longtemps asymptomatiques et elles ne sont parfois découvertes que lorsque l'animal est relativement âgé. La lésion apparaît transparente, l'os est gonflé et sa corticale est amincie. De fines cloisons sont parfois visibles dans la cavité. Des fractures peuvent compliquer le tableau. Les signes radiographiques observés sur ce cliché sont compatibles avec cette hypothèse [1].

• L'hypothèse d'une métastase de la tumeur prostatique est peu probable, car l'aspect radiographique de ces lésions est généralement plus agressif et leur évolution est souvent polyostotique d'emblée, avec une atteinte des vertèbres lombaires et sacrées, des os du bassin et, parfois, des fémurs. Elles apparaissent comme des lésions hétérogènes, qui associent une lyse et une production osseuse, avec une limite floue et une fréquente réaction périostée irrégulière et discontinue [2, 3, 4].

Conclusion

L'animal a été euthanasié en raison de l'existence du cancer prostatique. Un examen histopathologique a révélé que la lésion osseuse était effectivement une lésion kystique bénigne.

Ce cas clinique montre que les signes radiographiques doivent être décrits avec précision et interprétés avec prudence, sans se laisser influencer par les éléments connus de l'anamnèse, qui sont parfois susceptibles de conduire à un diagnostic erroné, par excès ou par défaut.

  • (1) Lésion simple et unique de l'os.

En savoir plus

4- Venturini L, Maï W, Marchal T. Carcinome vésical transitionnel : douleur lombosacrée liée à des métastases chez un chien. Point Vét. 2001 ; 32(216)  : 56-60.

Points forts

La présence d'une tumeur maligne de la prostate et d'une boiterie d'un membre pelvien justifie la réalisation d'un cliché radiographique du bassin.

En raison du caractère métastatique des tumeurs prostatiques, les lésions osseuses agressives sont recherchées.

Une lésion osseuse bénigne, comme un kyste osseux, peut expliquer une boiterie.

Il convient d'interpréter les signes radiographiques avec prudence, sans se laisser influencer par l'anamnèse.

  • 1 - Biery DN, Goldschmidt M, Riser WH et coll. Bone cysts in the dog. Vet. Radiol. 1976 ; 17 : 202.
  • 2 - Konde LJ. Aggressive versus non aggressive bone lesions. In : Thrall DE. Textbook of veterinary diagnostic radiology, 3rd edition, WB Saunders, Philadelphia. 1998 : 663 pages.
  • 3 - Thrall DE. Bone tumor versus bone infections. In : Thrall DE. Textbook of veterinary diagnostic radiology, 3rd edition, WB Saunders, Philadelphia. 1998 : 663 pages.
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