Électroretinographie et hyperpression intra-oculaire - Le Point Vétérinaire n° 225 du 01/05/2002
Le Point Vétérinaire n° 225 du 01/05/2002

OPHTALMOLOGIE DES CARNIVORES DOMESTIQUES

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NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Serge Rosolen

Fonctions : Docteur ès sciencesPraticien exclusif
en ophtalmologie119, boulevard Voltaire
92600 Asnières

Lors d'un examen électrorétinographique, l'enregistrement de l'onde i est recommandé pour le diagnostic et le suivi thérapeutique du “glaucome”.

Les hyperpressions oculaires traduisent des affections graves qui aboutissent, dans la plupart des cas, à une destruction rapide des cellules ganglionnaires rétiniennes, ce qui conduit inéluctablement à lacécité. Le traitement consiste à faire baisser cette hyperpression, mais il se révèle généralement inefficace et l'atteinte rétinienne est souvent le stade ultime de l'évolution de cette hyperpression. Il est même parfois nécessaire de pratiquer une énucléation ou de mettre en place une prothèse.

Le diagnostic des “glaucomes” est délicat

Ces hyperpressions sont improprement appelées “glaucomes”, selon la terminologie humaine. Le glaucome est, en effet, une neuropathie optique antérieure accompagnée ou non d'une hyperpression oculaire, dont la pathogénie reste encore mal connue. Chez l'homme, seuls 10 % des patients atteints de glaucome présentent une augmentation de la pression intra-oculaire et 90 % présentent des modifications du champ visuel [1]. Il en est vraisemblablement de même chez l'animal, mais le relevé du champ visuel est un examen difficile à réaliser chez les animaux, généralement peu coopératifs et non doués deparole ! En médecine vétérinaire, les “glaucomes” sont ainsi probablement sous-diagnostiqués.

L'électrorétinographie est un examen de choix

L'électrorétinographie est néanmoins une technique objective pour évaluer la fonction visuelle de l'animal. L'électrorétinogramme (ERG) obtenu traduit, à un instant donné, la différence de potentiel entre la rétine et la cornée, prise comme référence.

Selon les paramètres de la stimulation, notamment de la fréquencetemporellede présentation du stimulus, il est possible de mettre en évidence la réponse des cellules rétiniennes grâce, par exemple, à l'ERG flash. Quinze stimuli flash “blancs” standard (intensité de 3,5 cd.s/m2) délivrés en ambiance photopique à une fréquencetemporellede 1,2 Hz, après une adaptation rétinienneàlalumière ambiante pendant deux heures, permettent de recueillir les réponses des cellules rétiniennes (système photopique). Ces réponses se traduisent par une déflection négative (onde-a), suivie par une déflection positive (onde-b), puis par une déflection positive (onde-i) qui peut se situer au-dessous de la ligne de base (voir la FIGURE “Onde i chez le chien, le chat, le miniporc, le lapin et le singe”). L'onde-a traduit l'activitédesphotorécepteurs (hyperpolarisation), l'onde-bsuitla cinétique de dépolarisation des cellules de Müller par l'intermédiaire des cellules bipolaires, et l'onde-i est générée par les cellules ganglionnaires rétiniennes et par une partie du nerf optique. Chacune de ces ondes peut être caractérisée par son temps de culmination.

L'onde i de l'électrorétinogramme chez les animaux

P. Gouras [2] a été le premier à émettre l'hypothèse que l'onde i de l'ERG pouvait être générée par les cellules ganglionnaires rétinienneset/ou le nerf optique, ou par une structure située en avant ou en arrière du chiasma. Il a également été démontré que l'onde i de l'ERG était synchrone de l'onde P50 du pattern-ERG, seul examen électrophysiologiquequi permet, chez l'homme, de mettre en évidence le fonctionnement des cellules ganglionnaires [3]. Cet examen, difficile à réaliser chez l'animal, consiste à stimuler une portion localisée de la rétine. Il convient donc de mesurer la réfraction oculaire, puis de corriger d'éventuels défauts de réfraction, avant d'être certain d'effectuer une stimulation focalisée en un point précis de la rétine.

Il a en outre été récemment montré qu'une hyperpression induite expérimentalement dans un œil provoque une destruction des cellules ganglionnaires rétiniennes et entraîne la disparition de l'ondei du côté où l'hyperpression intra-oculaire est présente [4].

Dans les mêmes conditions d'enregistrement que celles décrites ci-dessus, il a été possible d'enregistrer des ondes i chez le chien, le chat, le lapin et le singe. Le temps de culmination de cette onde est de l'ordre de 35 à 40 milli-secondes (selon les conditions de stimulation) chez toutes les espèces testées, à l'exception du chat, pour lequel il est plus court.

Cette onde disparaît au bout de quelques mois du côté hypertendu, aussi bien lors d'hyperpression induite chez le miniporc que lors d'hyperpressions oculaires chroniques modérées observées chez le chien (voir la FIGURE “Disparition de l'onde i dans deux cas d'hyperpressionintra-oculaire”).

Intérêts

L'étude de l'onde i devrait permettre d'évaluer la destruction des cellules ganglionnaires rétiniennes lors du suivi thérapeutique des animaux qui présentent une hyperpression oculaire, ainsi que dans le cadre du dépistage des “glaucomes” aprèssion normale (affections peu ou pas diagnostiquées chez l'animal), notamment lors du dépistage de tares oculaires.

Le recueil et l'enregistrement de l'onde i sont en outre faciles à réaliser chez l'animal, aussi bien en pratique clinique qu'en pharmacologie ou en toxicologie, car ils s'inscrivent dans des procédures classiques d'enregistrement des examens électrophysiologiques [5].

Les praticiens qui possèdent une chaîne d'électrophysiologie, équipée de deux photostimulateurs permettant de stimuler simultanément les deux yeux, peuvent enregistrer cette onde.

Limites

Il convient de replacer l'électrorétinogramme dans son contexte clinique. La mise en œuvre de cet examen complémentaire nécessite en outre une formation à l'électrophysiologie.

  • 1 - Bengston B. The prevalence of glaucoma. Br. J. Ophthalmol. 1981 ; 65 : 46-49.
  • 2 - Gouras P, Mackay CJ. Detecting early postchiasmatic visually evoked responses. Clin. Vis. Science. 1988 ; 3 : 119-124.
  • 3 - Rousseau S, McKerral M, Lachapelle P. The I-wave : bridging flash and electroretinography. Functionnal Neuroscience. 1996 ; 46 : 165-171.
  • 4 - Rosolen SG. Thèse de doctorat d'université René Descartes-Paris V. Étude d'une hyperpression oculaire induite chez le miniporc : électrorétinographie et image du fond d'œil par ophtalmoscopie laser à balayage. 2001 : 239 pages.
  • 5 - Narfstrom K, Ekesten B, Rosolen SG et coll. Guidelines for electroretinography in dogs. Doc. Ophthalmol. 2002 (sous presse).
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