Ponction du rumen et ruminostomie - La Semaine Vétérinaire n° 224 du 01/04/2002
La Semaine Vétérinaire n° 224 du 01/04/2002

PATHOLOGIE DIGESTIVE DES BOVINS

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CONDUITE À TENIR

Auteur(s) : Adrian Steiner*, Richard Eicher**

Fonctions :
*Clinique des ruminants
Université de Berne, Bremgartenstr. 109a,
3012 Berne (Suisse)

Il est parfois nécessaire de créer et de maintenir une ouverture du rumen vers l'extérieur. Le choix entre ponction et mise en place d'un trocart ou réalisation d'une ruminostomie dépend de la situation rencontrée.

Dans différentes circonstances, il peut être nécessaire de ponctionner le rumen d'un bovin et de mettre en place un trocart, ou de réaliser une ruminostomie, soit à la suite d'une ruminotomie, soit d'emblée. Toutes ces interventions sont réalisées dans le creux du flanc gauche, de préférence sur l'animal debout.

Il ne s'agit la plupart du temps que de traitements symptomatiques, souvent d'urgence. Il est impératif dans tous les cas que le traitement de la cause primaire du trouble soit entrepris dans les plus brefs délais. Le pronostic dépend en premier lieu du succès du traitement de cette cause primaire.

Ponction du rumen au moyen d'un trocart classique

La ponction du rumen à l'aide d'un trocart à rumen classique n'est pratiquée qu'en cas d'extrême urgence, lorsqu'une météorisation aiguë ne peut être corrigée par sondage œsophagien [2]. La ponction est couronnée de succès en cas de météorisation gazeuse, mais reste pratiquement sans effet lors de météorisation spumeuse.

Cette technique ne doit en aucun cas être utilisée si le rumen n'est pas dilaté, c'est-à-dire si sa paroi n'est pas en contact étroit avec la paroi abdominale.

L'instrument utilisé se compose d'un mandrin métallique d'au moins 15 cm de longueur, muni d'un manche, coulissant dans une canule métallique terminée par une plaque de fixation perforée de deux trous (PHOTO 1).

La ponction doit être réalisée un travers de main au-dessous des processus transverses des vertèbres lombaires, à une distance de trois doigts caudalement à la dernière côte [2] (voir la FIGURE “Lieu d'élection pour la ponction ruminale”).

Si l'état général de l'animal le permet, le site de ponction est tondu, nettoyé, désinfecté.

Une incision cutanée d'environ 1 cm de longueur est pratiquée. Le trocart est ensuite introduit en direction du coude droit. Une forte pression est alors exercée sur l'instrument en direction de l'abdomen, de façon à perforer d'un coup sec la paroi du rumen. Le mandrin est retiré avec précaution, ce qui libère le gaz accumulé dans le rumen. La canule est fixée à la peau au moyen de deux points simples.

Dès que la canule est bien fixée, la cause primaire de la météorisation (par exemple un corps étranger intra-œsophagien) doit être éliminée. Une couverture antibiotique est mise en place(1) et sera maintenue jusqu'à cinq ou sept jours après le retrait de la canule. Celle-ci doit être retirée dès que le processus d'éructation normal est de nouveau possible. Pour le vérifier, il peut être utile de fermer provisoirement l'orifice et d'observer l'animal pendant huit à douze heures.

Lors du retrait de la gaine, le mandrin est réintroduit, les points sont ôtés, et une forte pression est exercée contre la paroi abdominale dans la région de la plaie, afin de minimiser les risques de contamination.

L'apparition d'emphysème sous-cutané, l'infection de la plaie ou la péritonite sont des complications relativement fréquentes même si l'intervention a été réalisée dans les règles de l'art [2]. En cas d'infection de la plaie, le traitement antibiotique doit être prolongé pendant au moins une semaine. L'étendue de la péritonite est généralement limitée. Le pronostic dépend de la surface impliquée, il peut être de réservé à mauvais si l'extension est importante. Au besoin, une excision chirurgicale large de la région concernée (paroi abdominale et paroi du rumen) pourra être réalisée.

Utilisation du trocart à vis de Buff

Lors de météorisation chronique, surtout chez les jeunes animaux, il est possible d'utiliser un trocart à vis de Buff [1, 3, 5].

Le trocart à vis de Buff se compose d'un mandrin métallique et d'une canule filetée en plastique [1] (PHOTO 2). La condition requise pour l'utilisation de ce trocart est une pression intraruminale élevée, qui au besoin peut être produite au moyen d'une sonde gastrique.

La localisation de prédilection est la même que celle de la ponction à l'aide d'un trocart classique (voir la FIGURE “Lieu d'élection pour la ponction ruminale”). Le site est tondu et nettoyé, un anesthésique local est infiltré (20 ml de lidocaïne à 2 %) et, finalement, le site est désinfecté. Une incision cutanée d'environ 3 cm de longueur est pratiquée au moyen d'une lame de bistouri n° 11 [1]. Le trocart monté est placé dans la plaie cutanée et introduit dans la paroi abdominale en imprimant un mouvement rotatif dans le sens horaire sous pression constante, jusqu'à ce que la résistance diminue soudainement, indiquant que l'extrémité du filetage se trouve dans le rumen. La sortie de gaz lors du retrait du mandrin permet de vérifier le bon positionnement. La plaque de fixation est légèrement tirée vers l'extérieur pour créer une bonne surface de contact entre la paroi du rumen et le péritoine. L'espace ainsi créé entre la peau et la plaque de fixation est comblé par de la gaze enroulée autour de l'axe du trocart (voir la FIGURE “Trocart à vis en place”). Cette mise en place a pour but d'empêcher la sortie massive de jus de rumen dans la cavité abdominale.

Ce trocart peut être laissé en place plusieurs semaines. Une prophylaxie anti-infectieuse est mise en place(1). Il ne se développe en général qu'une très légère péritonite focalisée, sans conséquence clinique. La canule n'est retirée qu'au moment où sa fermeture temporaire (par exemple avec un bouchon de caoutchouc) ne provoque pas de récidive de météorisation pendant plusieurs jours. La canule est retirée, soit en lui imprimant un mouvement rotatif dans le sens anti-horaire, soit en sectionnant la plaque de fixation au moyen d'une pince coupante (tenailles). Dans ce cas, la partie filetée de la gaine tombe dans le rumen. Elle sera la plupart du temps régurgitée lors de la rumination [3]. La fistule résultante se résorbe spontanément en quelques jours.

Ruminostomie à la suite d'une ruminotomie

Une ruminotomie suivie d'une ruminostomie est indiquée lors de météorisation chronique due à une affection du nerf vague (syndrome de Hoflund) [4, 6, 7, 11], en cas de sténose fonctionnelle, après le retrait d'un corps étranger ou le drainage d'un abcès périréticulaire [10]. En cas de syndrome de Hoflund, les chances de succès ne sont que de l'ordre de 30 % [9].

Après la vidange du rumen ou le retrait du corps étranger, la paroi du rumen est refermée par un double surjet de Cushing, en commençant à la commissure ventrale. Cependant, le surjet s'interrompt à 1 cm de la commissure dorsale, où une suture en bourse est posée. Un tube de caoutchouc de diamètre inférieur à 1 cm et d'environ 20 cm de longueur est introduit sur environ 10 cm dans le contenu ruminal. La suture en bourse est fermée autour de ce tube, qui est obturé provisoirement au moyen d'un bouchon, afin d'éviter la sortie de jus de rumen. La surface du rumen est rincée avec du soluté NaCl à 0,9 % et débarrassée avec soin des éventuels débris alimentaires ou de la fibrine avec des compresses stériles humides. Les pinces de fixation, l'arceau de Weingart et finalement le champ placé dans la commissure ventrale de la plaie sont retirés. L'opérateur se nettoie mains et bras, passe une nouvelle blouse et des gants stériles, et change de trousse chirurgicale. Un fragment cutané circulaire de 3 cm de diamètre est excisé à la commissure dorsale de la plaie. Le rumen est fixé à la paroi abdominale à l'aide de quatre points en U horizontaux placés à 8, 11, 13 et 16 heures au moyen d'un fil irrésorbable déc. 7 (USP 2). La suture traverse la peau, le tissu sous-cutané, le muscle oblique externe, charge la paroi du rumen de manière séromusculaire et ressort par les mêmes couches. Les quatre points sont tendus et noués simultanément. La fermeture de la paroi abdominale est réalisée classiquement, les surjets s'arrêtant juste au bord de la fistule. Une fois la plaie refermée, le tube est fixé à la peau caudalement au site d'intervention (PHOTO 3) et le bouchon peut être retiré du tuyau, libérant ainsi le gaz accumulé dans l'intervalle.

Une prophylaxie anti-infectieuse postopératoire est indiquée(2).

Ruminostomie sans ruminotomie préalable

Une ruminostomie sans ruminotomie préalable est indiquée pour évacuer de manière continue la phase gazeuse du rumen et pour réaliser une alimentation intraruminale chez des animaux atteints de paralysie de la déglutition en cas de tétanos, de listériose ou de botulisme. Cette technique peut aussi être utilisée pour préparer une vache fistulée donneuse de jus de rumen pour transfaunation ou encore pour garantir un accès permanent aux préestomacs à des fins de recherche [12].

Le flanc gauche est préparé et une anesthésie locale est réalisée (anesthésie paravertébrale distale ou proximale ; bloc en L inversé). Après la préparation du site opératoire, un fragment cutané circulaire de 4 cm de diamètre est excisé à un travers de main ventralement aux processus transverses et trois doigts caudalement à la dernière côte. Les muscles oblique externe, oblique interne et transverse, ainsi que le péritoine, sont incisés verticalement. Le rumen est saisi au moyen d'une pince atraumatique et extériorisé. La portion extériorisée est fixée à la peau au moyen de quatre points en U horizontaux (voir la FIGURE “Fixation de la paroi du rumen à la peau lors de ruminostomie simple”). Un fragment circulaire de 2 cm de diamètre au maximum est excisé dans la paroi du rumen, et les bords de la paroi ruminale sont fixés à la peau par des points simples [8, 12]. Les couches musculaires séparées verticalement exercent une pression latérale sur la paroi du rumen, permettant un bon contact entre la muqueuse du rumen des bords cranial et caudal. Ceci fait office de valve, permettant la sortie des gaz mais retenant la majeure partie du contenu liquide du rumen [12]. L'alimentation intraruminale se fait au moyen d'une sonde passée par la fistule.

Une prophylaxie anti-infectieuse postopératoire est indiquée(2).

Une fistule pratiquée de cette manière reste ouverte tant qu'une quantité de gaz, supérieure à la normale, s'accumule dans le rumen. Dès que l'éructation fonctionne de nouveau et que la météorisation chronique disparaît, la fistule se referme d'elle-même [12]. Dans le cas contraire, une deuxième opération est indiquée, par laquelle la fistule persistante est excisée en totalité au moyen d'une incision en forme de feuille de laurier. Les plaies du rumen et la paroi abdominale sont refermées une à une.

(1) Par exemple : pénicilline, 30 000 UI/kg de poids vif par voie intramusculaire, une fois par jour.

(2) Par exemple : pénicilline, 30 000 UI/kg de poids vif par voie intramusculaire, une fois par jour.

ATTENTION

Dans la pratique,on constate souvent que lors de météorisation aiguë, la ponction est réalisée trop caudalement et ventralement, ce qui favorise l'apparition de graves péritonites, souvent fatales pour l'animal. Une localisation correcte de la ponction est primordiale pour éviter les complications.

À lire également

- Jallu F. Pose d'un trocart chez les ruminants. Point Vét. 2000 ; 31(n° spécial “Chirurgie des bovins et des petits ruminants“) : 727-728.

- Sattler N. La ruminostomie chez les bovins. Point Vét. 2000 ; 31(n° spécial “Chirurgie des bovins et des petits ruminants”) : 725.

- Steiner A, Eicher R. La ruminotomie chez les bovins. Point Vét. 2000 ; 31(n° spécial “Chirurgie des bovins et des petits ruminants”) : 719-724.

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