Mesure de la pression artérielle par la méthode Doppler - Le Point Vétérinaire n° 224 du 01/04/2002
Le Point Vétérinaire n° 224 du 01/04/2002

CARDIOLOGIE DES CARNIVORES DOMESTIQUES

Éclairer

NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Pr Valérie Chetboul

Fonctions : Unité pédagogique
de pathologie médicale
Unité de cardiologie
ENVA, 7 av. du Gal de Gaulle
94704 Maisons-Alfort Cedex

La méthode Doppler pallie les inconvénients de la méthode oscillométrique rencontrés chez le chat vigile.

Diagnostiquer une hypertension artérielle peut permettre de retarder, voirede réduire, par l'instauration d'un traitement antihypertenseur, ses conséquences organiques (rénales, oculaires, cardiaques et cérébrales), mais aussi de découvrir une affection systémique (phéochromo­cytome, par exemple) à l'origine de l'hypertension artérielle.

Le diagnostic de certitude nécessite la mesure de la pression artérielle. Les seules méthodes de mesure utilisables en pratique sont celles dites indirectes, simples d'emploi et non douloureuses (par opposition aux méthodes dites directes, “invasives”, qui consistent à placer un cathéter dans une artère). Ces techniques indirectes ont toutes pour principe l'utilisation d'un brassard qui permet l'occlusiond'une artère superficielle. Elles sont au nombre de deux : la méthode oscillométrique, qui a fait l'objet d'un précédent article(1), et la méthode Doppler. Quant à la méthode auscultatoire indirecte avec audition des sons de Korotkoff, couramment utilisée chez l'homme, elle ne peut être appliquée chez l'animal en raison du petit diamètre des artères [12].

L'effet Doppler

La méthode Doppler de mesure de la pression artérielle requiert (PHOTO 1a)(PHOTO 1b)(PHOTO 1c)(PHOTO 1d) :

- un brassard occlusif relié à un manomètre à pression ;

- un transducteur, à la fois émetteur et récepteur d'ultrasons, de fréquence 8 à 10MHz, placé en regard de l'artère à explorer, en aval du brassard, après un rasage de la zone correspondante et la mise en place d'un gel conducteur (photo 2)(photo 3)(photo 4). Ce transducteur a pour but de détecter le passage du flux sanguin artériel (voir la figure “Principes de mesure de la pression artérielleparla méthode Doppler”).

Le brassard peut être placé à la base de la queue, sur un membre antérieur ou éventuellement postérieur, en amont du transducteur (lui-même placé respectivement en regard de l'artère coccygienne, digitale palmaire commune ou plantaire interne). Pour certaines marques d'appareil, plusieurs tailles de brassard sont disponibles selon le format des animaux.

Une bonne corrélation avec les mesures directes

La méthode Doppler pallie les inconvénients de la méthode oscillométrique rencontrés chez le chat vigile : les valeurs obtenues sont en effet bien corrélées [4] à celles issues des mesures directes (r2 entre 0,822 et 0,826 selon le site de mesure), de même que chez le chien (r2 = 0,810). Chez le chat anesthésié, la corrélation est encore supérieure (r2 = 0,928).

Le coût de la méthode Doppler est en outre inférieur à celui de la méthode oscillométrique (moins de 1 524 e).

L'obtention de la pression artérielle diastolique est difficile

La méthode Doppler permet d'obtenir de façon relativement simple la pression artérielle systolique, mais ne permet pas toujours de déterminer la valeur de la pression diastolique (et donc de la pression moyenne). Or, la pression artérielle diastolique semble subir moins de variations au cours du temps que la systolique [3]. En outre, chez le chien surtout, son évolution est intéressante à analyser lors du suivi de l'efficacité d'un traitement anti-hypertenseur [18] : des baisses significatives de la pression artérielle diastolique peuvent en effet être enregistrées suite au traitement (ceci semble moins vrai chez le chat).

Un autre inconvénient, mais mineur : la méthode Doppler nécessite la tonte de la région explorée par le transducteur [3].

Distinguer l'hypertension “vraie” de “l'effet blouse blanche”

Les valeurs normales et celles considérées comme significatives d'une hypertension artérielle par l'effet Doppler et la méthode oscillométrique varient selon les études, et plus particulièrement suivant la race, l'âge des animaux, les techniques d'enregistrement, les sites de mesure et les manipulateurs [1, 16, 18, 19]. Les seuils supérieurs de normotension admis sont : 160 à 165 mmHg pour la pression artérielle systolique et 90 à 95mmHg pour la pression artérielle diastolique [7]. En dessous de ces seuils, l'opérateur peut conclure à une normotension. En revanche, mieux vaut être prudent lorsque des valeurs supérieures à ces seuils sont obtenues : il peut en effet tout aussi bien s'agir d'une hypertension “vraie” que d'un “effet blouse blanche” [2]. Afin de les diffé-rencier, il convient systématiquement :

- de réaliser plusieurs mesures et d'exclure de la moyenne les premières valeurs d'une série si elles se révèlent plus élevées que les suivantes ;

- de privilégier au maximum le calme ;

- d'évaluer l'état de stress de l'animal et d'interpréter les valeurs obtenues d'après celui-ci : la mise en évidence d'une tachycardie ou d'une grande variabilité de la fréquence cardiaque (mesurée de façon automatisée par les appareils oscillométriques) sont ainsi deux indices d'anxiété ;

- de prendre en compte les signes cliniques : l'association d'une pression artérielle systolique et/ou diastolique très élevée (> 200 mmHg et > 100 mmHg respectivement) et de symptômes (oculaires, cardiaques, etc.) compatibles avec une hypertension artérielle, oriente le diagnostic vers une hypertension vraie [6].

La standardisation du protocole de mesure de la pression artérielle est nécessaire et il convient d'être prudent quant à l'interprétation des valeurs mesurées.

(1) Chetboul V. Mesure de la pression artérielle chez le chien et chez le chat. Point Vét. 2002 ; 33(223): 12-13.

Limiter l'effet blouse blanche

→Quelle que soit la technique de mesure de la pression artérielle employée, plusieurs règles simples sont à respecter :

- ne jamais fonder le diagnostic d'hypertension artérielle sur une mesure isolée. Il convient d'en réaliser toujours plusieurs, puis d'effectuer la moyenne des trois à cinq (au minimum) dernières valeurs “stables” obtenues. Il est en effet fréquent de constater que les valeurs de pression artérielle sont plus élevées au début d'une série de mesures, en raison de l'appréhension de l'animal [3]. Il est en outre prouvé que mesurer cinq fois la pression artérielle et en calculer la moyenne permet d'augmenter significativement la corrélation avec les méthodes de mesure directe [4] ;

- préférer une pièce dont la température ambiante n'est pas trop basse, afin de limiter la survenue d'une vasoconstriction périphérique qui pourrait majorer la valeur réelle de la pression artérielle [10] ;

- opérer dans le calme [2], pour limiter “l'effet blouse blanche” (élévation aiguë de la pression artérielle en raison du stress). Si possible, mieux vaut laisser l'animal seul avec le propriétaire dans la salle d'examen avant de réaliser la mesure, cette période “d'acclimatation” pouvant durer dix à quinze minutes.

En savoir plus

- Saignes C-F, Salmon Y. Méthodes de mesure de la pression artérielle et leurs indications chez les carnivores domestiques. Point Vét. 1999 ; 30(201): 491-497.

- Saignes C-F, Salmon Y, Roegel C. Hypertension artérielle chez un chat. Point Vét. 1998 ; 29(195): 1167-1172.

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