Relancer l’appétit des vaches malades ou en post-partum - Le Point Vétérinaire n° 222 du 01/01/2002
Le Point Vétérinaire n° 222 du 01/01/2002

FLUIDOTHÉRAPIE PAR VOIE ORALE

Eclairer

NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Cyril Berg

Au vêlage ou en convalescence, l’appétit des vaches diminue. La fluidothérapie orale peut être indiquée pour augmenter l’ingestion et lutter contre la déshydratation.

Après le vêlage, les vaches laitières présentent les particularités suivantes :

- un appétit faible alors que les besoins énergétiques sont élevés ;

- une déshydratation importante liée aux pertes d’eau durant la mise bas, aux besoins de thermorégulation, à l’entrée en production et au changement de ration (augmentation du taux protéique) ;

- une dépression des défenses immunitaires.

Eau et électrolytes

Afin de lutter contre ces phénomènes de début de lactation, des préparations à faire avaler (sous forme de poudre) ont été mises au point : Forcidral® et Xeris Drench-pack® pour le drenchage. La première est bue spontanément, la seconde est apportée directement dans le rumen à l’aide d’une pompe. Le principe de Forcidral® est de profiter de la sensationde soif intense immédiatement après le vêlage. L’absorption volontaire peut être ainsi de vingt à trente litres d’eau. Dans le cas du drenchage, la vache absorbe effectivement les trente litres d’eau, puisque l’administration est effectuée à l’aide d’une pompe, le lendemain de la mise bas ou, mieux encore, dans les douze heures qui suivent. Ces préparations se composent essentiellement d’eau, de propylène-glycol, de propionate, de levures, d’électrolytes et de calcium.

Risques d’acétonémie et de stéatose

La sous-alimentation autour du vêlage est à l’origine d’une augmentation des acides gras non estérifiés. Elle est suivie d’une accumulation de triglycérides au niveau du foie, conduisant à une baisse d’efficacité de la néoglucogenèse (inférieure à 50 % chez les vaches laitières en fin de gestation) [1]. Les risques sont alors l’apparition d’une acétonémie et d’une stéatose du foie.

Augmentation de la capacité d’ingestion

Par la consommation de grands volumes de liquides, le rumen, qui a la propriété d’être élastique dans les deux jours qui suivent levêlage, se redéploie. Sa capacité d’ingestion est alors accrue de l’ordre de 15 % [2]. En outre, les électrolytes, en accroissant la pression osmotique au niveau du rumen, augmentent l’imbibition de son contenu et la vitesse de transit. Une action stimulante sur la motilité du rumen et de la caillette est alors observée, permettant de lutter contre les déplacements de l’abomasum. L’apport des ions K+ et Na+ relève aussi la balance anions/cations, améliore la capacité tampon du sang et aide la vache à faire face aux situations acidogènes que représentent l’entrée en production et le stress thermique lié au vêlage [3, 4, 5].

Ainsi, la consommation de grands volumes d’eau, additionnés des différentes préparations, permet d’accroître la capacité d’ingestion des vaches fraîchement vêlées, jusqu’à 1,5 kg de matière sèche ingérée par jour. Cette consommation supplémentaire s’accompagne d’une augmentation de la production à l’entrée en lactation et d’une meilleure persistance [2].

Amélioration du statut énergétique de début de lactation

L’apport de composés gluco-formateurs contribue à maintenir la glycémie. Les effets négatifs d’une lipomobilisation intense et d’une élévation trop brutale de la concentration plasmatique en acides gras non estérifiés sont ainsi limités. La sécrétion pancréatique d’insuline est stimulée. Cet apport énergétique au vêlage est d’autant plus efficace que la glycémie est faible à ce moment.

Le développement des papilles ruménales est favorisé par l’augmentation de la concentration d’insuline et par les fermentations propioniques. Le développement de la muqueuse ruménale améliore ainsi le statut énergétique des animauxen début de lactation, en permettant une meilleure capacité d’absorption des acides gras volatiles (AGV) [6].

Lutte contre la déshydratation

Au vêlage, la vache laitière mange moins, mais elle est également déshydratée. La déshydratation du secteur extracellulaire se traduit par une réduction significative du volume sanguin et une baisse de l’irrigation des tissus périphériques par rapport aux niveaux du prepartum, d’où une faiblesse musculaire généralisée. L’ingestion d’eau seule peut avoir un effet favorable, mais elle ne restaure pas durablement le volume extracellulaire, par manque de minéraux. En outre, elle ne permet pas à l’organisme d’absorber l’eau aussi rapidement qu’avec des formules contenant des solutés en proportion équilibrée. L’absorption nette d’eau est, en effet, stimulée par celle des minéraux [7]. De plus, sodium, chlorure et potassium sont essentiels pour l’homéostasie de l’organisme à travers la pression osmotique, l’équilibre acido-basique et la transmission de l’influx neuromusculaire [8].

Augmentation de l’absorption d’eau et d’électrolytes

La pression osmotique du rumen est, en conditions normales, égale à celle du sang (osmolarité sanguine des bovins adultes : 290 à 350 mosm/l = 2(Na+ + K+) + glucose + urée (mmol/l)). Les échanges d’eau par diffusion au travers du rumen sont très rapides (de l’ordre de 140 l/h) et le temps moyen de présence d’une molécule d’eau dans le rumen n’est que de 60 minutes [9]. L’équilibre eau/ions étant étroitement régulé, l’apport d’ions (Na+, K+, Cl-) augmente l’absorption nettede l’eau apportée (création d’un gradient osmotique favorable) et augmente la rétention de ces ions [4, 5]. Dans le cas de Forcidral®, stimulée par l’absorption du sodium et par une formulation appétente, l’ingestion d’eau supplémentée est supérieure de 20 à 30 % par rapport à celle d’eau seule et atteint généralement les trente litres.

L’apport équilibré d’électrolytes du secteur extracellulaire (Na+, Cl-, bicarbonates) et du secteur intracellulaire (K+) restaure rapidement et efficacement les compartiments liquidiens (apport d’eau, rétablissement des concentrations et des gradients ioniques) [7], lutte contre l’hypovolémie et renforce l’irrigation des tissus périphériques.

Le fonctionnement rénal étant rétabli et la diurèse stimulée, l’excrétion des déchets azotés, liés à l’augmentation brutale du niveau protéique de la ration, est facilitée.

Technique du drenchage (de 2 à 10 minutes)

Pour un maximum d’efficacité, le drenchage doit être effectué le lendemain du vêlage, avant toute autre alimentation. La vache est bloquée au cornadis, lorsque cela est possible. Et dans le même temps, Xeris Drench-pack® est mélangé à trente litres d’eau à 38 °C. La pompe est ensuite branchée et brasse le mélange (PHOTO 1). La sonde ruminale est introduite dans le rumen, sans être raccordée à la pompe. Pour ce faire, il s’agit de se placer du côté droit de l’animal, d’introduire la main gauche au travers de la bouche, puis d’introduire la sonde entre la main et la langue de l’animal. Il convient ensuite de laisser l’animal avaler cette sonde.

La protection en plastique noir reste à l’extérieur de la bouche. Elle est fixée avec une ficelle qui fait le tour de la tête en passant derrière les oreilles. De cette façon, l’animal ne recrache pas la sonde.

Une fois, en place, la vache doit mastiquer. Il convient alors d’écouter au niveau de l’embout pompier si la sonde est bien dans le rumen et pas dans les poumons (PHOTO 2). Les deux embouts sont ensuite raccordés. La pompe est actionnée en appuyant sur la pédale. Un aide peut soutenir la tête en position haute à la mise en route de la pompe. En cas d’éructation, l’alimentation électrique doit être arrêtée. Elle n’est reprise que lorsque l’animal a retrouvé son calme.

Cette technique permet un brassage du contenu de la panse, qui stimule la reprise de la motricité : contractions, éructations et rumination. En outre, la solution administrée sous pression mélange les différentes phases du rumen. Ainsi, les gaz sont libérés plus facilement de la phase solide et sont ensuite éructés.

Fluidothérapies orale et parentérale

Ces techniques de fluidothérapie par voie orale peuvent accompagner des fluidothérapies par voie veineuse et en augmenter l’efficacité. Ainsi, l’utilisation de faibles volumes de soluté salé hypertonique (2 400 mosm/l NaCl, 4 à 5 ml/kg en intraveineuse lente, soit 2 l de soluté salé hypertonique à 7,2 % pour une vache adulte) a prouvé son intérêt, notamment dans le traitement du choc endotoxinique et du choc hémorragique chez les bovins. Sur des vaches atteintes de mammites coliformes induites expérimentalement, ils corrigent rapidement l’hypovolémie en puisant dans les réserves d’eau libre du secteur intracellulaire et du tractus digestif, par gradient osmotique. Ceci a pour conséquence une augmentation du débit cardiaque, de la pression artérielle, de l’apport d’oxygène aux tissus et du niveau de filtration glomérulaire [10]. La perfusion du soluté salé hypertonique s’accompagne d’une sensation de soif intense et permet la consommation volontaire de quarante litres d’eau supplémentaires par rapport à des animaux perfusés à l’aide de grands volumes de solution saline isotonique (300 mosm/l, 5 ml/kg de poids vif) [10]. L’effet positif sur l’augmentation du volume plasmatique et du débit cardiaque après l’administration intraveineuse du soluté salé hypertonique, qui est généralement de courte durée (limité à cent vingt minutes), peut être prolongé en mettant à disposition des animaux une solution buvable d’électrolytes adaptée [11, 12]. L’absorption de cette solution orale, hypotonique ou isotonique par rapport au plasma, crée un mouvement d’eau important du rumen vers l’espace extracellulaire et s’accompagne d’une absorption nette d’électrolytes et d’eau à partir du fluide ruménal. Plus lente que lors de perfusion, elle en prend le relais et permet de prolonger son effet, du fait de la grande capacité volumique du rumen [10]. L’épithélium ruménal étant librement perméable à l’eau, la perfusion de soluté hypertonique crée un gradient favorable à l’absorption d’eau et de larges quantités de Na+ au travers du rumen.

Complément thérapeutique intéressant

L’intérêt de ces fluidothérapies réside ainsi dans le fait qu’elles sont utilisables dans différentes situations : en post-partum, mais aussi après toute opération (caillette, césarienne) ou maladie (acétonémie, hypocalcémie, mammite aiguë). Chacun trouvera donc bon nombre d’applications possibles pour ces techniques, qui représenteront probablement un geste très apprécié par l’éleveur : dans les quinze minutes qui suivent le traitement, l’animal se remet à manger ou à ruminer. Elles correspondent ainsi à un complément thérapeutique intéressant chaque fois qu’il s’agira de réhydrater ou de relancer l’appétit d’un bovin malade.

En ce qui concerne Xeris Drench-pack®, le coût par vache revient à 7,62 € HT pour le vétérinaire. Le prix de la pompe est de 533,57 € HT.

Remerciements pour leur collaboration à :

- Agri Santé : Forcidral®

- Supranimal/Xeris : Xeris Drench-pack®

Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr