Infécondité chez six chattes d’élevage - Le Point Vétérinaire n° 222 du 01/01/2002
Le Point Vétérinaire n° 222 du 01/01/2002

REPRODUCTION FÉLINE ET PATHOLOGIE D'ÉLEVAGE

Pratiquer

CAS CLINIQUE

Auteur(s) : Michel Houard*, Florence Le Sueur Almosni**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire
Route de Mantes
78240 Chambourcy
**47, avenue de la Forêt
78510 Triel-sur-Seine

Des infections bactériennes et/ou des sérologies anti-chlamydiæ sont mises en évidence chez des chattes d’élevage stériles, malgré des chaleurs et des saillies normales. Des traitements spécifiques permettent de rétablir la fécondité.

Cette étude porte sur six chattes. Cinq d’entre elles, issues d’un même élevage, sont présentées à la consultation en l’espace de deux mois en raison d’une stérilité asymptomatique : trois maine coon sont nées dans l’élevage (H, K et T), une maine coon (M) et une munchkin (My) sont issues d’un autre élevage. Outre ces cinq chattes, une chatte orientale (O), d’un élevage différent, est présentée pour des troubles génitaux.

Cas clinique

1. Anamnèse

Les chats acquis par l’élevage sont testés FeLV, FIV et PIF à leur entrée (M et My). En revanche, les chattes nées dans l’élevage et qui n’en sont jamais sorties (H, K et T) ne sont pas testées.

Les vaccinations sont à jour, excepté celle contre la chlamydiose. Les chattes ne sont pas élevées en box mais en groupe, dans des conditions correctes.

Les chattes présentent des cycles réguliers et acceptent la saillie par le mâle. Cependant, elles reviennent en chaleur un mois et demi plus tard, sans être gestantes. L’étalon a sailli d’autres femelles pendant cette même période. Ces dernières ont mis bas normalement.

En outre, une de ces cinq chattes (My) a déjà eu une portée normale avant de devenir stérile.

Chaque chaleur de la chatte orientale (O) s’accompagne de pertes glaireuses anormales qui ne permettent pas d’envisager une saillie. Malgré un traitement de la métrite (méthylergométrine : Méthergin®(1), cinq gouttes par jour pendant dix jours ; Wombyl P.A.® et Organométryl®(2) selon la posologie recommandée), le retour en chaleur s’accompagne systématiquement d’une nouvelle métrite. Les tests de dépistage FeLV, FIV et PIF sont négatifs et ses vaccinations sont à jour (sauf celle contre la chlamydiose). Les conditions d’élevage, en groupe, sont excellentes.

2. Examen clinique

L’examen clinique des cinq chattes qui proviennent du premier élevage ne révèle aucun symptôme, ni aucun écoulement vulvaire.

La chatte issue du deuxième élevage (O) ne présente aucun symptôme, ni aucune atteinte de l’état général, hormis les pertes glaireuses.

3. Examens complémentaires

Un lavage du col utérin, suivi de l’étalement sur lame du liquide recueilli (voir l’ENCADRÉ “Lavage du col utérin, puis étalement sur lame et analyse du liquide recueilli”), ainsi qu’une prise de sang pour rechercher les anticorps anti-chlamydiae (seuil de positivité du laboratoire : 1/30), sont réalisés chez les six chattes ">(voir le TABLEAU “Résultats de la sérologie anti-chlamydiae”).

Les lames et le liquide de lavage du col utérin restants sont analysés par un laboratoire vétérinaire (la méthode du prélèvement n’étant pas compatible avec une culture anaérobie, celle-ci n’est pas demandée).

L’examen cytologique des lames de la chatte M permet de déceler la présence de quelques Cocci Gram positif. Aucune levure n’est mise en évidence. Chez les chattes H et T, cet examen ne révèle la présence d’aucun germe ni levure (voir le TABLEAU “Résultats de l’analyse bactériologique et de l’antibiogramme”). Il n’est pas effectué sur les autres chattes.

4. Traitement médical et résultat

Le traitement médical est fondé sur les résultats de la sérologie anti-chlamydiae et de la culture bactériologique (voir le TABLEAU “Traitements et résultats cliniques obtenus”).

• Les chattes H et T, qui présentent une sérologie chlamydienne positive sans autre germe isolé à la culture, reçoivent de la doxycycline (Ronaxan®) pendant huit semaines. Après le traitement, une saillie fécondante est obtenue dès les chaleurs suivantes. La mise bas se déroule normalement et les deux chattes donnent naissance à deux chatons chacune, en bonne santé.

• La chatte K, qui présente une sérologie chlamydienne positive associée à une infection bactérienne, reste stérile malgré un traitement anti-chlamydien (doxycycline) et antibactérien (enrofloxacine, Baytril®) de longue durée.

• La chatte M, qui présente une infection bactérienne à Streptococcus, est traitée avec des antibiotiques choisis selon les résultats de l’antibiogramme (amoxicilline, Clamoxyl®(1)) pendant une longue durée. Elle est saillie dès les chaleurs suivantes. Fécondée, elle met bas normalement une portée de trois chatons en bonne santé.

• La chatte My souffre d’une infection bactérienne mixte génitale. Une antibiothérapie choisie selon les résultats de l’antibiogramme (marbofloxacine : Marbocyl®, pendant deux mois) permet l’obtention d’une saillie fécondante au retour des chaleurs (dans ce cas, six mois plus tard). Deux chatons naissent en parfaite santé.

Depuis leur traitement, aucune chatte du premier élevage ne présente de troubles de la reproduction, hormis K.

• Chez la chatte O, une chlamydiose génitale est suspectée. Un premier traitement à la doxycycline est instauré pendant quarante jours. Une deuxième sérologie anti-chlamydiae se révèle positive, avec un titre supérieur à la première. Un nouveau traitement à la doxycycline d’une durée de quarante jours est décidé et une vaccination anti-chlamydiae est entreprise dès la fin de l’antibiothérapie. Une sérologie anti-chlamydiae est réalisée quinze jours après la vaccination : le titre d’anticorps est de 1/40. La chatte présente alors toujours des pertes glaireuses. Un traitement de la métrite (Méthergin®(1), Wombyl®, Organométryl®(2)) est instauré et le rappel de vaccination anti-chlamydiae est effectué un mois plus tard. La chatte revient en chaleurs, cette fois sans pertes, et est saillie. Elle met bas deux mois après une portée de sept chatons, dont trois mort-nés. Depuis, ses chaleurs sont normales et elle est régulièrement saillie.

Discussion

L’infécondité chez la chatte constitue un problème dans les élevages de races sélectionnées. Le faible nombre de cas et de références bibliographiques récentes explique les difficultés rencontrées par les praticiens lors d’infécondité féline.

Chez les chattes, les causes d’infertilité à cycles réguliers sont diverses [1, 4, 5] (voir l’ENCADRÉ “Infertilité chez la chatte à cycle régulier”). Lors de saillie suivie d’ovulation (arrêt des chaleurs pendant trente jours au moins et/ou dosage de la progestéronémie), mais qui ne s’accompagne pas de gestation, des examens simples (lavage du col utérin et sérologie anti-chlamydiae) peuvent aboutir à un diagnostic précis et à l’instauration de traitements efficaces.

Dans le cas présenté, le mâle utilisé pour les saillies n’est pas responsable de l’absence de gestation, puisqu’il a fécondé pendant la même période d’autres chattes qui ont mis bas normalement. L’infécondité est donc consécutive à des avortements. L’examen des sécrétions vaginales a permis d’isoler des germes pathogènes dans deux cas et de déterminer leurs antibiogrammes. Le traitement spécifique de l’infection génitale s’est alors accompagné de la disparition des troubles d’infertilité. Cependant, quatre chattes sur six ont présenté une sérologie anti-chlamydiae positive. L’une d’elles était en outre atteinte d’une infection bactérienne mixte et est restée stérile malgré l’antibiothérapie. Chez les trois autres, aucune bactérie n’a été mise en évidence lors de l’examen du liquide de lavage du col. Le rôle des chlamydiae dans ces infécondités est donc suspecté.

Même si, jusqu’à présent, aucune étude scientifique n’a pu certifier que Chlamydia psittaci était responsable d’infertilité chez la chatte [b], le traitement à la doxycycline de ces trois animaux a permis l’obtention de portées saines dès les chaleurs suivantes. Le nombre de chatons des portées des chattes My, M et H peut paraître anormalement faible, mais cela est assez fréquent chez certaines lignées de maine coon. La chlamydiose est en outre responsable d’avortements chez la femme, chez les animaux de rente et chez les mammifères domestiques (qui jouent le rôle de réservoir). Ces avortements à chlamydiae ne s’accompagnent d’aucun signe spécifique [3]. S’ils se produisent en début de gestation, la chatte peut revenir en chaleur le mois suivant sans présenter aucun signe de gestation. Les chattes présentées n’avaient jamais pu avoir de portées auparavant : il est donc possible d’émettre l’hypothèse que l’infection génitale s’est produite très précocement (par exemple, transmise par la mère lors de la mise bas ou au moment du sevrage) et qu’elle est restée latente jusqu’à l’apparition des chaleurs [a]. Deux observations corroborent cette hypothèse, sans toutefois apporter de certitude :

- les chattes K, H et T sont issues du même élevage et leur sérologie anti-chlamydiae est positive ;

- nous avons observé, dans un élevage de rex devon avec de nombreux cas de chlamydiose oculaire, qu’un certain nombre de chatons femelles présentaient des pertes vulvaires vers l’âge d’un à deux mois et devenaient stériles par la suite.

Conclusion

Lors d’infertilité à chaleurs normales chez les chattes, il semble important d’associer systématiquement une sérologie anti-chlamydiae à l’examen bactériologique des sécrétions génitales. Si la sérologie se révèle positive, il est fortement conseillé d’instaurer un traitement spécifique (doxycycline) à long terme, même lorsque le titre en anticorps est faible.

(1) Médicament à usage humain.

(2) N’est plus commercialisé.

Lavage du col utérin, puis étalement sur lame et analyse du liquide recueilli (méthode personnelle)

Moment du prélèvement

Ce prélèvement est intéressant à effectuer au moment des chaleurs pour deux raisons :

- les chattes se laissent faire plus facilement à ce moment ;

- le but est de rechercher des métrites subcliniques qui ne se développent que lorsque l’utérus est réactionnel.

Technique

Préparation : nettoyage de la région vaginale à l’aide d’un antiseptique (bétadine, par exemple) en écartant bien les poils.

Contention : pendant qu’un aide maintient la tête et les membres postérieurs, le praticien relève la queue d’une main et glisse la sonde urinaire de l’autre (PHOTO 1). La contention est très légère car les chattes se laissent faire pendant les chaleurs.

Méthode : pendant les chaleurs, une sonde urinaire à chat, sans le mandrin, est glissée le long du plafond vaginal (vérifier que la fosse clitoridienne est bien passée). La sonde est poussée jusqu’à ce qu’elle butte sur le col. 0,5 ml de sérum physiologique est injecté, puis aspiré (PHOTO 2). Sur la lame, la présence de sécrétions génitales est vérifiée (absence de cellules vaginales, présence de fragments celluloïdes et de quelques cellules de l’endomètre). Le reste du liquide récolté est conservé pour effectuer éventuellement un antibiogramme.

Remarque 1 : nous préférons cette méthode à celle du frottis vaginal [2], car ce dernier risque de déclencher l’ovulation de la chatte s’il est effectué pendant les chaleurs. Le frottis semble en outre difficile à effectuer sans anesthésie, car la chatte manifeste des réactions vives lors de l’ovulation.

Remarque 2 : l’utilisation d’une sonde urinaire permet de ne pas déclencher l’ovulation de la chatte en chaleur.

Infertilité chez la chatte à cycle régulier

Échec de la saillie

Refus de l’accouplement

1 Par le mâle : libido insuffisante

- causes physiques (lésions de la verge, lithiase urinaire) ;

- causes comportementales/saillie “chez le mâle”.

2·Par la femelle :

- infections locales ;

- trouble comportemental.

Saillie incomplète ne provoquant pas l’ovulation

Observer le déroulement de la saillie.

Progestéronémie, cinq jours après la monte.

Saillie non suivie de gestation

Infertilité du mâle : spermogramme.

Avortement.

1 Origine infectieuse :

herpèsvirose, PIF, FeLV, panleucopénie, toxoplasmose, microbisme d’élevage.

2 Origine non infectieuse :

- gènes léthaux ;

- traumatisme ;

- alimentaire (acides gras, vitamine A) ;

- iatrogène ;

- hypolutéïnisme.

D’après [1].

Points forts

Chez la chatte, lors de saillie suivie d’ovulation non accompagnée de gestation, des examens simples (lavage du col utérin et sérologie anti-chlamydiae) peuvent aboutir à un diagnostic précis et à l’instauration de traitements efficaces.

La chlamydiose est responsable d’avortements chez la femme, les animaux de rente et les mammifères domestiques (qui jouent le rôle de réservoir).

Si la sérologie anti-chlamydiae se révèle positive, il est fortement conseillé d’instituer un traitement spécifique (doxycycline) à long terme, même lorsque le titre en anticorps est faible.

Congrès

a - Wills JM. Transmission of feline Chlamydia psittaci from dam to kittens. First conference of european society for Chlamydia research, 30 may-1st june 1988.

En savoir plus

Fontbonne A, Garnier F. Données récentes en physiologie et endocrinologie sexuelles dans l’espèce féline. Point Vét. 1998 ; 29(195): 1107-1112.

À lire également

b - Chantal J, Barthes B. La chlamydiose féline : aspects épidémio-cliniques. L’Action vétérinaire. 1999 ; 1474(supp): 4-9.

  • 1 - Dumon CH. Infertilité chez la chatte. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 2000;35:169-177.
  • 2 - Prats Esteve A. Frottis vaginaux chez la chatte. Les indispensables de l’animal de compagnie : reproduction. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. Ed. Paris.1992:59-62.
  • 3 - Rodolakis A, Arrican Bouvery N. Vet. Repro. 2000:29-32.
  • 4 - Tainturier D. Causes non infectieuses et infectieuses d’infécondité, d’avortement et de mortinatalité dans l’espèce féline. Reproduction. In : Encyclopédie vétérinaire, éditions techniques eds, Paris.1992:1700.
  • 5 - Troy GC, Heron MA. Infections causes of infertility, abortion and stillborth in cats. In : Current therapy in theriogenology 2. WB Saunders eds, Philadelphia. 1986:834-856.
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