La douleur, une histoire de neurones et de mécanismes électriques - Le Point Vétérinaire expert rural n° 352 du 01/01/2015
Le Point Vétérinaire expert rural n° 352 du 01/01/2015

PLAN DOULEUR

Article de synthèse

Auteur(s) : Thierry Poitte

Fonctions : Cliniques vétérinaires de l’île de Ré
17630 La Flotte-en-Ré
17410 Saint-Martin-de-Ré

La bonne connaissance des mécanismes physiopathologiques de la douleur guide le praticien pour mieux l’évaluer et mettre en place le traitement le plus adapté.

À l’origine de la douleur était le message nociceptif, relatant une agression tissulaire et véhiculé depuis la périphérie jusqu’aux centres supérieurs.

La principale voie de conduction de la nociception est composée de trois neurones : un neurone de premier ordre (corps cellulaire intraganglionnaire rachidien) s’articule avec un neurone de deuxième ordre (corps cellulaire intramédullaire) qui fait synapse avec un neurone de troisième ordre thalamique (étage supraspinal).

NOCICEPTEURS

Le nocicepteur désigne la terminaison nerveuse libre du neurone sensitif périphérique qui permet la transduction des stimulations nocives.

Les terminaisons libres sont les extrémités distales d’axones. Elles sont dépourvues de myéline, donc particulièrement vulnérables à certains agents chimiques. Cette caractéristique anatomique participe aux mécanismes d’hypersensibilisation et d’autoentretien de la douleur.

La douleur relève des systèmes sensoriels, mais se caractérise par l’absence de structures spécialisées et histologiquement définies, contrairement aux récepteurs dédiés à la vision et à l’audition, ou aux récepteurs somesthésiques impliqués dans le toucher et la proprioception.

Cette absence de spécialisation pour la douleur est dommageable car elle contribue à exclure une spécificité quantifiable par des mesures physiques.

L’évaluation de la douleur apparaît dès lors comme déjà marquée par la subjectivité.

Les nocicepteurs sont les terminaisons libres des fibres nerveuses (neurones primaires) dont les corps cellulaires se situent dans les ganglions trigéminés (pour les perceptions de la tête) et dans les ganglions des racines rachidiennes dorsales pour le reste du corps.

À la suite d’un stimulus, l’ouverture des canaux ioniques provoque une dépolarisation membranaire et déclenche un potentiel d’action : l’influx nerveux correspond au déplacement de ce potentiel d’action le long de la membrane du neurone.

Chaque neurone est formé d’un corps cellulaire et de prolongements fins nommés dendrites et axones.

→ Quatre zones fonctionnelles différentes sont distinguées sur les neurones de premier ordre :

– la terminaison périphérique siège de la transduction ;

– l’axone voie de conduction du signal ;

– le corps cellulaire ;

– la terminaison synaptique localisée dans la moelle épinière.

→ Trois groupes de fibres afférentes se distinguent : les fibres Aα et AΒ myélinisées, les fibres Aδ peu myélinisées et les fibres C amyéliniques (encadré 1).

Une vitesse rapide est corrélée avec le degré de myélinisation et l’importance du diamètre de la fibre. Si des stimulations nociceptives sont répétées avec une fréquence élevée sur les fibres C amyélinisées de petit diamètre, un effet cumulatif peut être observé, augmentant la perception de la douleur. Cette accumulation d’activités nociceptives aboutit à un phénomène dénommé wind up et participe à l’hypersensibilisation.

Les nocicepteurs spécifiques répondent essentiellement à des stimuli mécaniques intenses et à des températures qui ont atteint le seuil douloureux. Ils constituent les parties libres d’axones des fibres Ad. Ils sont présents au niveau cutané (200 par cm2).

Les nocicepteurs polymodaux (à convergences) répondent à des stimuli tactiles, thermiques ou chimiques. Ils constituent les terminaisons d’axones des fibres C. Ils sont présents sur les plans musculaire, tendineux, articulaire et viscéral (capsules des organes pleins, réseau musculaire des viscères creux). Des conditions environnantes d’ischémie, de distension et d’étirement activent ces mécanorécepteurs.

Il existe, enfin, des nocicepteurs silencieux dans les articulations et les organes creux (vessie, côlon). Ils s’activent uniquement dans des conditions d’inflammation locale ou par intervention du système sympathique. Ils jouent alors un rôle déterminant dans l’initiation de la sensibilisation centrale.

1. Canaux ioniques et récepteurs métabotropes

Les canaux ioniques sont des protéines membranaires tapissant les extrémités des fibres afférentes, l’axone et la terminaison synaptique. Leur ouverture et leur fermeture participent aux équilibres sodiques, calciques, chlorures et potassiques transmembranaires.

Les récepteurs métabotropes ne possèdent pas de canal ionique et n’induisent pas directement le déclenchement de potentiels d’action. Ces récepteurs sont couplés à la protéine G. Ils sont dits métabotropes car ils sont liés aux canaux ioniques par l’intervention de seconds messagers utilisant les protéines G.

Véritables modulateurs de l’excitabilité cellulaire, les canaux jouent un rôle fondamental dans la neurophysiologie de la douleur. Il existe trois types de canaux ioniques : transducteurs, voltage-dépendants et ligand-dépendants.

2. Canaux ioniques transducteurs

Les canaux ioniques transducteurs sont impliqués dans la genèse des signaux électriques, mais voient leur activité varier en fonction des conditions d’inflammation locale. Leur activation par une stimulation mécanique, thermique ou chimique provoque leur ouverture, laissant entrer des ions calcium ou sodium dans la terminaison périphérique et produisant un courant entrant dépolarisant la membrane.

Nociception thermique

Chez l’homme, les seuils de douleur concernant la température sont de 42 °C pour le chaud et de 10 °C pour le froid. La nociception thermique repose sur la mise en jeu de canaux thermosensibles appelés TRP (transient receptor potentiel), permettant de ressentir le chaud (TRPV1-4) et le froid (TRPM8 et TRPA1). Ces récepteurs sont essentiels au maintien de l’homéostasie et à la survie des tissus contre la chaleur et le froid extrêmes. Chaque canal possède une plage de température excitatrice et des agonistes naturels à l’origine de sensations bien connues, dont l’impression de brûlure délivrée par le piment ou la sensation de froid procurée par la menthe.

Le canal TRPV1 (V : vanilloïde) est très répandu dans les systèmes nerveux central et périphérique (encadré 2). Il s’ouvre sous la stimulation d’une température élevée (> 42 °C), d’ions H+ (cas des milieux acides) ou de la capsaïcine, laissant entrer des ions calcium et dépolarisant le neurone.

La capsaïcine, de la famille des vanilloïdes, est le composé actif du piment rouge (photo 1). C’est un alcaloïde irritant produisant une sensation de goût épicé, voire de brûlure dans la bouche. Appliquée localement, la capsaïcine rend une stimulation chaude douloureuse (allodynie) et une exacerbation de toute brûlure (hyperalgésie). Paradoxalement, ces sensations sont suivies d’effets analgésiques et anti-inflammatoires.

Le seuil d’ouverture de ce canal est fortement influencé par les conditions biochimiques locales dont l’acidité environnante : les ions H+ sont présents en grand nombre lorsque les tissus sont carencés en oxygène et en glucose, c’est-à-dire dans les hématomes, les zones d’ischémie, les milieux inflammatoires et les organes envahis par les tumeurs. Ils permettent alors une dépolarisation plus rapide, se produisant même en cas de température non douloureuse (30 °C).

Une forte corrélation relie donc douleur et acidose, ainsi que douleur et inflammation.

À l’inverse, le froid bloque le récepteur TRPV1, limitant la sensation douloureuse et justifiant l’intérêt de la cryothérapie.

Nociception mécanique

Les nocicepteurs mécaniques répondent à la piqûre, au pincement et à la torsion de la peau (TREK). La stimulation mécanique peut être aussi interne, liée à des contractions ou distensions (vésicales), à un œdème ou à des compressions (articulaires), ou à un envahissement de tumeurs. L’activation des canaux mécanosensibles provient de la déformation des extrémités des neurones sensoriels.

Le canal potassique TREK1 (twik related K+ channel) est impliqué dans la perception douloureuse polymodale, et notamment celle liée aux contraintes mécaniques. Exprimé largement dans les fibres C nociceptives, il pourrait constituer une cible d’intérêt majeur pour la pharmacologie de la douleur car il a été montré que les canaux TREK1 étaient indispensables a l’effet antalgique de la morphine (effecteurs des récepteurs m), mais n’étaient pas impliqués dans ses effets indésirables.

L’activation directe des canaux TREK1 pourrait donc conduire a une analgésie de type morphine, sans induire les effets délétères lie s aux opioïdes.

Nociception chimique

Les canaux ASIC (acid sensing ion channel) sont les récepteurs privilégiés des stimuli acides et notamment des protons (H+), acteurs majeurs de l’excitabilité neuronale.

Les nocicepteurs chémorécepteurs répondent aux agents toxiques externes (irritants, venins), mais surtout aux substances produites par les tissus lésés, de circonstances de survenue beaucoup plus fréquentes. Ils jouent un rôle prépondérant dans la douleur de l’inflammation et de l’ischémie tissulaires.

Cette fonction chémoréceptrice est à l’origine des douleurs inflammatoires et de la sensibilisation périphérique des nocicepteurs(1).

À la suite des stimuli nociceptifs, les canaux ioniques transducteurs s’ouvrent, laissent entrer des ions Ca ou Na dans la terminaison périphérique, et produisent un courant entrant dépolarisant la membrane. Si ce dernier est suffisant, les canaux ioniques voltage-dépendants s’ouvrent à leur tour, générant des salves de potentiels d’action révélateurs de l’intensité et de la durée du stimulus douloureux (encadré 3 et figure 1).

3. Canaux ioniques voltage-dépendants

Ce sont des récepteurs dont l’ouverture dépend du voltage. À partir d’un certain niveau de dépolarisation créé par les potentiels de plaque, les canaux sodiques sont activés, s’ouvrent et déclenchent alors une salve de potentiels d’action.

Canaux sodiques

Les canaux sodiques voltage-dépendants forment une famille de neuf canaux différents (Nav1.1 à Nav1.9) et participent à la genèse et à la propagation du signal nociceptif le long de l’axone.

La perte de fonctionnalité du canal Nav 1.7, à la suite des mutations génétiques, est à l’origine de la rare insensibilité congénitale à la douleur et souligne le rôle prépondérant de ce récepteur dans la transduction des signaux nociceptifs.

Ces canaux sodiques voltage-dépendants sont des cibles thérapeutiques de choix en cardiologie (antiarythmiques), en neurologie (anticonvulsivants) et en analgésie (anesthésiques locaux).

Canaux calciques

Les canaux calciques sont également impliqués dans le cheminement de l’information nociceptive et font, à ce titre, l’objet de recherches pharmacologiques prometteuses.

Les canaux calciques voltage-dépendants autorisent l’entrée du calcium dans la cellule : de nombreuses catégories structurelles ont été identifiées, mais ce sont les canaux calciques de type N (à haut seuil) qui interviennent le plus dans les douleurs par excès de nociception et neuropathiques.

L’ouverture des canaux calciques présynaptiques imposée par la dépolarisation engendre un courant calcique entrant et la libération des vésicules contenant les neurotransmetteurs. Ce mécanisme est appelé exocytose, et correspond à la fusion des membranes vésiculaires et cellulaires.

Les inhibiteurs calciques stoppent l’entrée du calcium dans la cellule et, en fonction de leur affinité propre pour certains canaux calciques et tissus, montrent des propriétés différentes, utilisées en thérapeutique (encadré 4).

La connaissance moléculaire des canaux calciques est à l’origine de la découverte d’outils pharmacologiques intéressants, comme les conotoxines qui sont des inhibiteurs calciques à effet analgésique prépondérant. Produites par des gastropodes marins en forme de cônes (Conus geographus), il s’agit de toxines peptidiques venant bloquer les canaux calciques de type N (photo 5).

L’importance de ces canaux calciques de type N est encore soulignée par l’efficacité remarquable des opioïdes. En effet, les morphiniques participent à l’inhibition des courants calciques des canaux N via leur fixation agoniste spécifique sur les récepteurs présynaptiques.

Les antagonistes des canaux calciques voltage-dépendants comme la gabapentine constituent d’autres pistes thérapeutiques, notamment pour les douleurs chroniques neuropathiques cancéreuses, diabétiques et migraineuses chez l’homme, ainsi que les névralgies trigéminales et post-herpétiques. L’utilisation de cette molécule est de plus en plus répandue en médecine vétérinaire, surtout pour la prise en charge des douleurs neuropathiques.

4. Canaux ioniques ligand-dépendants

Ces canaux sont dits ligand-dépendants quand leur ouverture est conditionnée par la fixation d’un neurotransmetteur ou d’un ligand sur un récepteur spécifique.

Les récepteurs contrôlés par les ligands sont dits ionotropes ou rapides car leur stimulation a pour effet d’ouvrir le canal intrarécepteur et de permettre un échange d’ions plus ou moins spécifiques selon le canal.

L’entrée de sodium dans le neurone produit une dépolarisation de la membrane (- 70 mV à + 40 mV) et la production d’un potentiel d’action qui se propage tout le long du neurone. La fixation de ligands comme le glutamate sur les récepteurs AMPA ou NMDA produit un potentiel postsynaptique excitateur (PPSE).

La liaison entre le neurotransmetteur et un récepteur ionotrope relève d’une action ponctuelle très rapide (milliseconde). Elle peut être représentée par l’image d’une clé entrant dans une serrure pour ouvrir une porte.

L’ouverture des canaux chlorure ou des canaux potassiques conduit à une hyperpolarisation de la membrane (- 70 mV à - 100 mV) et au blocage de l’influx. La membrane neuronale hyperpolarisée est alors plus difficile à dépolariser, donc moins sensible. La fixation de ligands comme l’acide γ-aminobutyrique (GABA) ou la glycine sur leurs récepteurs spécifiques produit un potentiel postsynaptique inhibiteur (PPSI) (figure 2).

Les neurones reçoivent plusieurs terminaisons excitatrices et inhibitrices. C’est la résultante de celles-ci qui conditionne ou non le passage de l’influx.

Dans le cadre du processus douloureux, une terminaison inhibitrice activée lors de stress, par exemple, peut amoindrir considérablement l’impact nocicepteur et contribuer à la modulation de la douleur.

Les récepteurs au glutamate AMPA et NMDA sont ligand-dépendants.

La régulation des récepteurs ionotropes peut se faire par la dépolarisation (cas des récepteurs NMDA activés par l’ouverture de nombreux récepteurs AMPA) ou par action chimique : les récepteurs GABAergiques voient leur durée d’ouverture commandée par les barbituriques et leur fréquence d’ouverture dirigée par les benzodiazépines.

Les récepteurs NMDA jouent un rôle fondamental dans les processus d’installation et de maintien de la douleur chronique. Leur modification structurelle (expulsion d’un ion magnésium) est à l’origine de leur activation, prérequis à la sensibilisation centrale(1).

5. Canaux métabotropes

Les récepteurs couplés à la protéine G sont dits métabotropes ou lents car ils sont liés aux canaux ioniques par l’intermédiaire de seconds messagers intracellulaires. Ces récepteurs modulent les nombreux processus chimiques neuronaux.

Quand un neurotransmetteur (premier messager) est reconnu et lié à un récepteur métabotrope, des molécules ponts appelées protéines G sont activées en même temps que d’autres enzymes liées à la membrane. L’activation de ces protéines G conduit à l’ouverture de canaux sensibles et/ou provoque une cascade de réactions chimiques faisant intervenir des seconds messagers. Ceux-ci agissent sur les canaux ioniques grâce à des effecteurs ultérieurs dont la protéine kinase C (PKC), particulièrement impliquée dans les hyperalgésies induites par les morphiniques.

Les récepteurs à la substance P ou aux morphiniques sont des récepteurs métabotropes (figure 3).

La liaison entre le neurotransmetteur et un récepteur métabotrope entraîne une action lente (secondes ou minutes) et durable. Elle peut être comparée à une clé de démarreur, venant faire tourner un moteur métabolique.

Ces récepteurs métabotropes modulent l’action des neurotransmetteurs excitateurs (glutamate) et des inhibiteurs (glycine). Ils ont un effet plutôt inhibiteur s’ils sont couplés à la protéine Gi dans la membrane cellulaire et un effet plutôt excitateur s’ils sont liés à la protéine Gs.

Les récepteurs métabotropes sont particulièrement importants dans la genèse du stimulus douloureux car les seconds messagers sollicités amplifient le signal, le déforment par excès (sensibilisation) et l’inscrivent dans la durée.

Conclusion

À l’origine de la douleur étaient des mécanismes physiopathologiques électriques de transduction et de propagation.

La recherche pharmacologique s’oriente vers le blocage de ces canaux ioniques grâce à des études portant sur le monde végétal (capsaïcine du piment rouge) et animal (peptides issus des toxines de la mygale, de l’anémone de mer, du cône de mer et du serpent mamba noir).

  • (1) Voir l’article “La douleur, une histoire d’hypersensibilisation”, du même auteur, à paraître dans Le Point Vétérinaire N° 355.

Références

  • 1. Voilley N. Acid-sensing ion channels (ASICs): new targets for the analgesic effects of non-steroid anti-inflammatory drugs (NSAIDs). Curr. Drug Targets Inflamm. Allergy. 2004;3(1):71-79.
  • 2. Voilley N, de Weille J, Mamet J et coll. Nonsteroid anti-inflammatory drugs inhibit both the activity and the inflammation-induced expression of acid-sensing ion channels in nociceptors. J. Neurosci. 2001;21(20):8026-8033.

CONFLIT D’INTÉRÊTS

Aucun.

ENCADRÉ 1
Les trois groupes de fibres afférentes

→ Les fibres Aα et Aβ myélinisées, à bas seuil d’activation et de fort diamètre (6 à 12 µm) conduisent très rapidement l’influx nerveux (30 à 120 m/s) et sont responsables des sensations tactiles et proprioceptives. Le recrutement sélectif de ces fibres par le massage ou la neurostimulation transcutanée permet l’activation d’interneurones inhibiteurs localisés sur la corne dorsale de la moelle épinière.

Ne répondant pas aux stimulations nociceptives et véhiculant uniquement des informations non nociceptives, les fibres A participent toutefois à la neurophysiologie de la douleur par ces mécanismes de modulation.

Les fibres Aβ représentent 20 % des fibres sensorielles cutanées, mais sont absentes de l’innervation viscérale, ce qui explique que le simple contact avec les viscères ne provoque habituellement aucune sensation.

→ Les fibres Aδ peu myélinisées, à haut seuil d’activation, de petit diamètre (1 à 5 µm) et de conduction rapide (4 à 30 m/s) correspondent à des mécano-nocicepteurs répondant à des stimulations mécaniques intenses et à des récepteurs polymodaux. La transmission rapide de l’influx nerveux occasionne une sensation précise, brève mais aiguë de piqure, qualifiée de première douleur et à l’origine du réflexe de retrait. Dix pour cent des fibres sensorielles sont des fibres Aδ .

Les fibres Aδ rejoignent le neurone de second ordre dans la corne dorsale, puis le thalamus latéral par le faisceau néo-spino-thalamique et, enfin, les aires S1 et S2 du cortex sensitif : la voie empruntée est dite de la douleur sensorielle.

→ Les fibres C, amyéliniques, de faible calibre (0,2 à 1,5 µ) et de conduction lente (0,4 à 2 m/s) sont essentiellement nociceptives et représentent 75 % des fibres des nerfs périphériques. Elles sont le support anatomique de la seconde douleur qui apparaît retardée et comme une sensation plus diffuse de brûlure.

Les fibres C constituent près de 80 % de l’ensemble des fibres afférentes cutanées et la quasi-totalité des fibres afférentes viscérales.

Elles sont parfois reliées aux fibres sympathiques postganglionnaires efférentes. Ce couplage est augmenté dans les ganglions de la racine dorsale en cas de lésion nerveuse, donc de douleurs neuropathiques.

Les fibres C rejoignent le neurone de second ordre dans la corne dorsale, puis, après un relais dans le tronc cérébral, le thalamus médian par le faisceau réticulo-spino-thalamique et, enfin, les structures limbiques et le cortex frontal : la voie empruntée est dite de la douleur émotionnelle.

Les caractéristiques histologiques des fibres Aδ et C préfigurent une dichotomie pérenne, de la périphérie au cortex, entre un système qualitatif d’analyse rapide spatio-temporelle de la douleur et un système lent véhiculant la douleur diffuse émotionnelle (tableau).

ENCADRÉ 2
Applications pratiques de l’activation et de l’antagonisme de TRPV1

La prévalence du canal TRPV1 dans les mécanismes nociceptifs en fait une cible thérapeutique de choix :

– l’activation soutenue de TRPV1 par des agonistes chimiques (capsaïcine) induit une désensibilisation des fibres nerveuses. Cette propriété est recherchée pour le traitement des douleurs neuropathiques rebelles aux thérapies conventionnelles (patch Qutenza®). L’application initiale est douloureuse et nécessite un prétraitement par un anesthésique topique (lidocaïne 5 % crème Emla®) ;

– les antagonistes de TRPV1 dont l’eugénol, composant principal du clou de girofle, ont démontré des effets analgésiques sur les douleurs inflammatoires et neuropathiques (dentisterie).

ENCADRÉ 3
Perspectives thérapeutiques du blocage des canaux ASIC

Les canaux ASIC sont impliqués dans les douleurs somatiques (cutanées, musculaires, ostéo-articulaires), viscérales (acidose gastrique, colites inflammatoires, maladies inflammatoires chroniques de l’intestin) et neuropathiques.

Ils représentent des cibles thérapeutiques de choix pour les douleurs chroniques (arthrose, douleurs chroniques postopératoires) dans lesquelles persistent des hyperactivités électriques et/ou chimiques.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens, au-delà de leurs actions sur la cascade acide arachidonique prostaglandines (blocage des COX), inhibent l’activité des canaux ASIC [1, 2].

Les peptides purifiés du venin de la mygale Psalmopeus cambridgei, de l’anémone de mer Anthopleura elegantissima et du serpent mamba noir Dendroaspis polylepis suppriment la douleur chez les rongeurs par inhibition des canaux ASIC exprimés dans les neurones centraux et périphériques (photos 2, 3 et 4).

Points forts

→ L’activation soutenue de TRPV1 par des agonistes chimiques induit une désensibilisation des fibres nerveuses. Cette propriété est utilisée pour le traitement des contractures, des douleurs musculaires ou ligamentaires, ou encore des douleurs neuropathiques.

→ Les canaux ioniques ASIC sont impliqués dans les douleurs viscérales et inflammatoires, notamment postopératoires. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens réduisent la stimulation de ces canaux, et certains peptides contenus dans les venins de mygale, d’anémone de mer ou de serpents (mamba noir) peuvent les bloquer.

→ Les canaux sodiques voltage-dépendants sont des cibles thérapeutiques de choix en cardiologie (antiarythmiques), en neurologie (anticonvulsivants) et en analgésie (anesthésiques locaux).

→ Certains inhibiteurs calciques agissent sur les fibres lisses non vasculaires et sont alors utilisés comme des antispasmodiques musculotropes (phloroglucinol lors de cystite douloureuse).

→ Les antagonistes des canaux calciques voltage-dépendants comme la gabapentine sont de plus en plus utilisés en médecine vétérinaire, surtout pour la prise en charge des douleurs neuropathiques.

ENCADRÉ 4
Application pratique : propriétés thérapeutiques des inhibiteurs calciques

→ Les inhibiteurs calciques à effet vasculaire prédominant provoquent une vasodilatation artérielle, une diminution des résistances périphériques et une baisse de la pression artérielle : la nifédipine (Adalate®), l’amlodipine (Amlor®) et la nicardipine (Loxen®) sont couramment utilisées en cardiologie vétérinaire.

→ Certains inhibiteurs calciques agissent sur les fibres lisses non vasculaires et sont alors utilisés comme antispasmodiques musculotropes : le phloroglucinol (Spasmoglucinol®) est classiquement prescrit lors de cystite douloureuse.

→ D’autres inhibiteurs calciques agissent sur les muscles striés, en réduisant leur force de contraction. Ainsi, le dantrolène (Dantrium®) est utilisé contre les contractures spastiques douloureuses d’origine neurologique et en cas de dyssynergie vésico-sphinctérienne chez les chiens mâles, où la relaxation du sphincter strié est recherché.

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