Un chien de race doit être capable de se reproduire… même s’il n’est pas un reproducteur - Le Point Vétérinaire n° 381 du 01/12/2017
Le Point Vétérinaire n° 381 du 01/12/2017

GARANTIE DE CONFORMITÉ

Juridique

Auteur(s) : Christian Diaz

Fonctions : 7, rue Saint-Jean
31130 Balma

Même s’il est acheté pour un usage exclusif de compagnie, un chien de race doit être capable de se reproduire.

Les faits

Le 26 mai 2014, Mme Acheteuse acquiert auprès de Mme Vendeuse un chiot de race spitz poméranien inscrit au Livre des origines rançais (LOF). Selon les certificats vétérinaires du 23 mai, le chien était en excellente santé et les deux testicules en place à cette date. Le 10 mars 2015, un autre vétérinaire certifie que le testicule gauche n’est pas en place, anomalie interdisant la confirmation, donc la possibilité de se reproduire dans la race.

L’acheteuse saisit le tribunal d’instance en invoquant la garantie de conformité des biens meubles et réclame la restitution de la moitié du prix d’achat.

Le jugement

Le 10 novembre 2015, le tribunal d’instance condamne la vendeuse à verser à l’acheteuse 1 750 €, relevant le défaut de conformité : « L’absence de descente du testicule gauche, anomalie d’autant plus grave qu’elle est prévue par la liste des vices rédhibitoires et affecte un chien de pure race inscrit au LOF […] si la convention de vente prévoyait un usage personnel et familial, excluant toute utilisation à des fins de reproduction, cette clause ne peut exclure le fait qu’un chien de race soit reproducteur […]. »

La Cour de cassation confirme ce jugement le 20 septembre 2017 et condamne en outre la vendeuse à verser 3 000 € pour les frais exposés, en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile.

Pédagogie du jugement

Reconnaissance du statut de l’animal en tant que bien meuble

Par ce jugement, au nom de la garantie de conformité des biens meubles, le tribunal confirme que l’animal, bien qu’être sensible, reste soumis au régime des biens corporels, conformément aux dispositions de l’article 515-14 du Code civil.

Avantage au consommateur

Dans cette affaire, le tribunal d’instance contredit un autre tribunal d’instance (arrêt du tribunal d’instance de Toulon du 14 novembre 2011) selon lequel « dès lors qu’il n’est pas justifié que l’ectopie testiculaire enlève au chien les qualités qui peuvent être légitimement attendues d’un animal de compagnie, cette affection ne suffit pas à elle seule à caractériser un défaut de délivrance conforme ».

Bien que le certificat de cession ait mentionné que l’animal était destiné à un usage de compagnie, le juge a, ici, considéré que, malgré cette disposition, un chien de race devait être apte à la reproduction, même s’il n’a pas été acquis dans cet objectif.

Il est néanmoins possible de s’interroger sur la formulation selon laquelle « une clause excluant toute utilisation à des fins de reproduction ne peut exclure qu’un chien de race soit reproducteur ».

Cette décision consacre une fois de plus la bienveillance particulière des juges à l’égard des consommateurs, dans le prolongement de l’arrêt Delgado du 9 décembre 2015, abondamment commenté, qui, bien que reconnaissant la qualité de bien meuble du chien, avait cependant conclu au caractère irremplaçable de l’animal de compagnie, eu égard au lien d’affection le liant à son maître.

Mais cette attitude hyperprotectrice des magistrats envers le consommateur pourrait être contre-productive, à l’instar de ce qui a été observé à la fin des années 1990 dans le domaine de la responsabilité médicale où la volonté indemnitaire des juges a conduit les professionnels à prendre des mesures (les notes d’information sont devenues des polycopiés d’information, les primes d’assurance ont flambé, dissuadant certains d’exercer les activités à risque), telles que, par la suite, les magistrats ont été contraints d’assouplir quelque peu leur position.

Importance du certificat vétérinaire avant cession

Dans cette affaire, un certificat vétérinaire a contredit le certificat obligatoire avant cession plusieurs mois plus tard. Même s’il n’est pas impossible, en l’espèce, que le testicule ectopique ait “fait l’ascenseur”, une telle situation nous permet d’insister une ois de plus sur la rigueur nécessaire lors de la rédaction de ce document qui engage la responsabilité du praticien.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Source

Cour de cassation, 20 septembre 2017.

Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr