Focus sur l’isoérythrolyse néonatale - Le Point Vétérinaire n° 381 du 01/12/2017
Le Point Vétérinaire n° 381 du 01/12/2017

NÉONATALOGIE

Dossier

Auteur(s) : Aurélie Fournier*, Sylvie Chastant-Maillard**

Fonctions :
*NeoCare, IHAP, reproduction, université
de Toulouse, Inra, ENVT, 23, chemin des Capelles,
BP 87614, 31076 Toulouse Cedex 03
**UMR Inra/ENVT 1225 IHAP,
université de Toulouse,
INP-ENVT, Toulouse
s.chastant@envt.fr

L’isoérythrolyse néonatale entraîne un taux de mortalité important chez les chatons. Cette atteinte doit donc être bien comprise pour mettre en place une prévention adéquate.

La survie du nouveau-né dépend très largement de la prise du colostrum et plus précisément de la qualité du transfert passif de l’immunité colostrale. Spécificité du chaton par rapport au chiot, le colostrum peut paradoxalement se révéler délétère pour la survie du premier, lors d’isoérythrolyse néonatale [3].

1 Groupes sanguins chez le chat

Phénotypes et génotypes

Le chat possède trois groupes sanguins, A, B et AB. Ces groupes reflètent les antigènes portés par les hématies : les chats du groupe A portent l’antigène acide N-glycolylneuraminique (NeuGc) et ceux du groupe B, l’acide N-acétylneuraminique (NeuAc). La conversion de NeuAc en NeuGc est catalysée par une enzyme, la cytidine monophospho- N-acétylneuraminique acide hydrolase (CMAH), qui est active chez les chats A et inactive chez les chats B. Le groupe AB, extrêmement rare au sein de la population éline (sauf chez le ragdoll), serait lié à une CMAH partiellement active : les hématies portent alors les deux antigènes (NeuGc et NeuAc).

La CMAH est codée par trois allèles : un allèle A dominant sur l’allèle aAB, lui-même dominant sur l’allèle b. Les chats du groupe A sont donc de génotype A/A, A/aAB ou A/b, ceux du groupe B obligatoirement b/b et ceux du groupe AB de génotype aAB/b ou aAB/aAB [1].

Évaluation du risque d’isoérythrolyse

Si le groupe sanguin le plus représenté dans la population éline est le groupe A, la fréquence du groupe B varie selon les pays : 0 % de type B en Finlande, 15 % en France et jusqu’à 26 % en Australie [3]. Elle est également très variable d’une race à l’autre : 0 % chez le birman et le siamois, contre 41 % chez le devon rex, 40 % chez le british shorthair et 34 % chez le cornish rex [3]. Le phénotype AB serait extrêmement rare au sein de la population féline (< 1 %). Ainsi, selon la prévalence du groupe B dans une race, le risque d’apparition d’un cas d’isoérythrolyse néonatale dans une portée est très variable.

2 Mécanismes de l’isoérythrolyse

Présence et activité des anticorps

L’origine de l’isoérythrolyse néonatale est la présence de façon spontanée d’anticorps anti-A circulants chez les chattes du groupe B, même nullipares. Les chattes du groupe A possèdent inversement des anticorps anti-B (phénotype), mais l’activité biologique, et en particulier l’activité hémagglutinante, de ceux-ci est faible. Le colostrum des chattes du groupe B contient donc des anticorps anti-A. Si ces chattes du groupe B (de génotype b/b) ont été accouplées avec un mâle du groupe A (de génotype A/A, A/aAB ou A/b), les chatons de la portée seront de génotype A/b, aAB/b ou b/b. Les chatons A/b (donc du groupe A) ingèrent donc du colostrum contenant des anticorps anti-A. Ces anticorps, une fois transférés vers la circulation générale, vont se fixer sur les antigènes des hématies, provoquant leur destruction et leur agglutination (figure). En raison de la placentation de type endothéliochorial qui limite le passage des immunoglobulines de la mère vers le fœtus, le risque pendant la gestation est quasi nul [4].

Conséquences cliniques

L’hémolyse intravasculaire se traduit par une anémie et une hémoglobinurie. L’hémolyse extravasculaire entraîne un ictère. L’hémagglutination, pour sa part, provoque une nécrose des extrémités, par thrombo-embolie. L’intensité des symptômes est variable selon la quantité d’anticorps absorbés, allant d’une absence de signes jusqu’à la mort subite [2, 3]. Le chaton naît en apparente bonne santé et tète vigoureusement sa mère (photo 1). Les symptômes apparaissent ensuite, en quelques heures, voire en quelques jours. Même lorsque les chatons sont retirés à leur mère dès les premiers signes cliniques, le taux de mortalité reste élevé.

3 Prévention

La prévention de l’isoérythrolyse néonatale doit se faire en amont, en évitant la reproduction des femelles B avec un mâle A ou en séparant les chatons à risque, c’est-à-dire ceux de groupe sanguin A issus d’une mère du groupe B, jusqu’à la fermeture complète de la barrière intestinale, après groupage sanguin à la naissance au niveau du cordon ombilical [2] (photo 2). Ces nouveau-nés doivent être nourris avec un substitut de colostrum(1).

Conclusion

L’exemple de l’isoérythrolyse néonatale illustre bien que la prise en charge correcte des chatons commence dès le choix des reproducteurs, en particulier des femelles. Une fois ces précautions génétiques prises, le colostrum reste malgré tout le meilleur allié pour la santé et la survie néonatale du chaton.

  • (1) Voir l’article “Solutions alternatives au colostrum maternel” des mêmes auteurs, dans ce numéro.

Références

  • 1. Bighignoli B, Niini T, Grahn RA, et coll. Cytidine monophospho-Nacetylneuraminic acid hydroxylase (CMAH) mutations associated with the domestic cat AB blood group. BMC Genetics. 2007;8:27.
  • 2. Casal ML, Jezyk PF, Giger U. Transfer of colostral antibodies from queens to their kittens. Am J Vet Res. 1996;57 (11):1653-1658.
  • 3. Giger U, Casal ML. Feline colostrum – Friend or foe: maternal antibodies in queens and kittens. Journal of reproduction and fertility supplement. 1997;51:313-316.
  • 4. Miglino MA, Ambrosio CE, Dos Santo Martin D, et coll. The carnivore pregnancy: the development of the embryo and fetal membranes. Theriogenology. 2006;66:1699-1702.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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