Biopsies du foie - Le Point Vétérinaire n° 378 du 01/09/2017
Le Point Vétérinaire n° 378 du 01/09/2017

CHIRURGIE DIGESTIVE

Dossier

Auteur(s) : Sébastien Etchepareborde

Fonctions : CHV des Cordeliers
29, avenue du Maréchal-Joffre
77100 Meaux

Certaines précautions sont à prendre avant d’envisager des biopsies du foie, l’hémorragie étant le risque majeur. Quelle que que soit la technique employée, il est recommandé de réaliser plusieurs prélèvements.

La biopsie chirurgicale du foie n’est pas la seule méthode de prélèvement d’échantillons hépatiques. La technique la moins invasive est la cytoponction échoguidée. Son principal avantage est d’être réalisable facilement et sur animal vigile lorsque ce dernier est coopératif. En effet, cette méthode permet de s’affranchir d’anesthésier un animal débilité par une maladie hépatique grave. En revanche, l’intérêt de la cytoponction se limite au diagnostic de certaines tumeurs, ce procédé ne devant pas être utilisé dans le diagnostic des maladies diffuses (inflammatoires ou de surcharge). De plus, même sous contrôle échographique, sa sensibilité reste faible. En effet, seuls 30 % des échantillons chez le chien et 51 % chez le chat sont en accord avec la biopsie, qui reste la technique de référence [7]. Des prélèvements peuvent également être obtenus à l’aide d’un pistolet à biopsie (Tru-cut®). L’échantillon obtenu est néanmoins de petite taille et le taux de complications rapporté n’est pas négligeable : 22 % de complications mineures et 6 % de complications majeures nécessitant une transfusion, une perfusion, ou qui aboutissent à la mort de l’animal [2]. De plus, la concordance avec une biopsie oscille seulement de 48 % à 83 % selon les études [6]. La biopsie chirurgicale est un autre moyen d’obtenir un prélèvement de haute qualité, en offrant un contrôle visuel des éventuelles hémorragies et en permettant de les juguler si nécessaire.

1 Indications

De très nombreuses situations pathologiques requièrent une analyse histopathologique du parenchyme hépatique. Des modifications de celui-ci, de type nodulaire ou diffus, peuvent être observées lors d’un examen échographique, tomodensitométrique (scanner) ou par résonance magnétique. Ces examens sont sensibles (à l’exception de l’échographie lors de maladie diffuse), mais très peu spécifiques et informent insuffisamment sur la nature de l’altération. Une persistance de l’élévation des enzymes hépatiques, des acides biliaires ou de la bilirubine, malgré le traitement, une ascite ou une hépatomégalie inexpliquée sont des indications pour la réalisation d’une biopsie hépatique. L’intérêt de cette dernière réside aussi dans l’évaluation de la réponse à un traitement ou de la progression d’une maladie, et dans l’identification des hépatopathies race-dépendantes [8].

C’est parfois directement lors de la laparotomie exploratrice que des modifications du foie sont remarquées. Cela peut être dans le cadre d’un bilan d’extension concernant la cavité abdominale lors d’une chirurgie oncologique ou bien une découverte fortuite pendant une intervention chirurgicale sans relation avec le foie. Quelle que soit la situation, toute lésion hépatique constatée justifie l’obtention d’une ou de plusieurs biopsies. Enfin, cet acte est indiqué pour toutes les chirurgies hépato-biliaires (shunt porto­systémique, cholécystectomie, etc.), au cours desquelles une maladie sous-jacente du foie peut être mise en évidence.

2 Préparation de l’animal

Il n’existe pas de réelle contre-indication à réaliser des biopsies de foie chirurgicalement. Toutefois, certaines précautions doivent être prises avant d’envisager des biopsies hépatiques. Les biopsies hépatiques chirurgicales restent un geste accessible et associé à peu de complications. Les contre-indications sont dictées par la possibilité ou non d’opérer un animal qui présente une affection hépatique.

Prévention des hémorragies

Le risque principal de la biopsie chirurgicale est l’hémorragie. Le foie joue un rôle clé dans l’hémostase, notamment dans la production des facteurs de coagulation, du fibrinogène, de la vitamine K, ainsi que des anticoagulants tels que la protéine C ou la protéine S. Plusieurs études montrent que, pour plus de la moitié des animaux atteints d’une maladie hépatique de stade avancé, au moins un des deux temps de coagulation (temps de Quick ou temps de céphaline activée) est augmenté [1, 4]. Cependant, ces modifications ne sont pas une contre-indication majeure à la chirurgie et leur lien avec une tendance accrue à l’hémorragie chez des chiens présentant une maladie hépatique n’est pas clairement établi. Dans les cas les plus sévères, il est possible d’améliorer la fonction hémostatique par une administration de vitamine K 24 heures avant l’intervention chirurgicale. En cas de non-amélioration des temps de coagulation, une administration de plasma frais est essentielle si l’opération est indispensable.

Évaluation de la glycémie

Le foie est également un acteur important dans la régulation de la glycémie. L’hypoglycémie est rarement associée à une insuffisance hépatique, même terminale. Toutefois, chez des animaux débilités, de petite taille et souvent atteints d’une anorexie, ce facteur est important à surveiller. La glycémie doit donc être évaluée avant l’intervention chirurgicale (toujours en considérant que l’animal est potentiellement insuffisant hépatique) et corrigée via les solutés de perfusion si nécessaire.

Choix des molécules

Lors de l’établissement du protocole anesthésique, les molécules qui présentent un métabolisme hépatique ou un risque pour un animal insuffisant hépatique doivent être évitées. L’acépromazine possède un effet long et non réversible. De plus, son métabolisme repose principalement sur le foie. Cette molécule est donc déconseillée. Les α2-agonistes ne sont pas recommandés si l’animal est débilité. De même, l’halothane est connu pour présenter une certaine hépatotoxicité et est associé à une augmentation des paramètres hépatiques pendant au moins 2 semaines après une anesthésie chez un chien sain, contrairement à l’utilisation d’isoflurane ou de sévoflurane [5]. En revanche, les opioïdes, bien qu’ayant une métabolisation hépatique, sont des molécules de choix pour la sédation et la prise en charge de la douleur. Leur dose doit être adaptée et, dans les cas les plus sévères, une molécule à faible temps d’action (fentanyl, par exemple) peut être privilégiée. L’action des opioïdes est réversible à l’aide de naloxone.

3 Anatomie

Contrairement aux biopsies pancréatiques ou à une lobectomie du foie, les biopsies hépatiques ne nécessitent pas une connaissance accrue de l’anatomie de cet organe. Cependant, la localisation de la veine porte, de la veine cave caudale et du conduit hépatique biliaire, ainsi que du cholédoque doit être connue pour qu’ils soient gardés à distance du site de prélèvement. Il convient que la manipulation de l’organe soit adaptée à sa consistance fragile (encadré et figure).

4 Techniques

Quelle que soit la technique de biopsie chirurgicale du foie employée, il est toujours recommandé de multiplier le nombre de prélèvements afin d’obtenir des échantillons de plusieurs lobes, même si le parenchyme paraît homogène. Cette précision est encore plus vraie en cas de maladie hépatique diffuse.

Technique de suture-fracture ou de la guillotine

La technique de suture-fracture nécessite l’usage du matériel chirurgical standard uniquement, mis à part un fil de suture résorbable, de préférence monofilament, de taille 3-0 (déc.2) [3]. Elle permet de réaliser des biopsies seulement sur la périphérie des lobes. Elle peut être pratiquée en l’absence d’aide si la partie du lobe à biopsier est d’accès facile (lobes de la division gauche, par exemple), mais devient délicate à exécuter sans qu’un assistant maintienne le lobe dans d’autres régions. La mise en place délicate d’une pince de Babcock permet de s’affranchir d’un assistant, mais la portion traumatisée n’est pas exploitable sur le plan histologique.

En cas de maladie diffuse, l’extrémité d’un lobe facilement accessible est choisie (photo 1). Une solution alternative consiste à se servir des fissures qui peuvent apparaître sur la périphérie des lobes (photo 2). Une boucle de fil résorbable est préparée et passée autour de l’extrémité du lobe à biopsier (photo 3). La ligature est serrée sur le lobe avant de sécuriser le nœd (photo 4). Une paire de ciseaux est alors utilisée afin de prélever la portion de foie située distalement à la suture (photo 5). Il est aussi possible de créer deux échancrures hépatiques à l’aide d’un clamp vasculaire afin de placer facilement la boucle de suture.

Cette technique peut aussi être réalisée sans ligature en utilisant un bistouri harmonique ou du matériel de fusion tissulaire, sans que le risque hémorragique soit plus important. Ces instruments, de choix pour les chirurgies hépatiques en médecine humaine, restent cependant peu répandus dans les cliniques vétérinaires.

En raison de la ligature ou de la fusion des vaisseaux, ces deux méthodes de biopsie sont associées de manière significative à un saignement moins important que les prélèvements par biopsy punch, à l’aiguille ou par laparoscopie [6].

Biopsy punch

La technique au biopsy punch présente plusieurs avantages. Le premier est de permettre de réaliser des biopsies à des localisations autres que la périphérie des lobes, notamment en région hilaire. La manipulation est très simple à réaliser d’une seule main. Cela permet de maintenir le foie avec l’autre main et de s’affranchir d’un assistant. Un biopsy punch de 4 ou 6 mm est indispensable. Un saignement est toujours associé à cette technique, dont le contrôle requiert l’emploi d’un matériel hémostatique spécifique tel qu’une éponge de collagène (Pangen®) ou de gélatine (Gelfoam®).

Avant de réaliser la biopsie, des morceaux de collagène sont découpés à l’aide d’une paire de ciseaux ou du biopsy punch (photo 6). Une main isole et maintient le lobe de foie devant être biopsié. Le biopsy punch est ensuite enfoncé dans cette partie par l’autre main (photo 7). Une fois la “carotte” réalisée, une paire de ciseaux de Metzenbaum est utilisée pour inciser la biopsie à sa base et libérer le fragment (photo 8). Ce dernier doit être manipulé délicatement pour éviter tout écrasement qui altérerait son anatomie et rendrait l’analyse histopathologique difficile. Il ne doit pas être manipulé à la pince, mais porté par-dessous, avant d’être placé dans le formol pour l’envoi au laboratoire. Le trou créé dans le foie est comblé à l’aide d’un morceau de collagène, prédécoupé avant l’acte, pour arrêter le saignement (photos 9 et 10). Ces matériaux destinés à l’hémostase locale sont résorbables et peuvent être laissés in situ.

Biopsies par laparoscopie

Les biopsies par laparoscopie permettent de réaliser un geste chirurgical moins traumatique pour l’animal qu’une laparotomie, tout en combinant les avantages de procurer un échantillon de taille conséquente (comme en chirurgie ouverte) et de permettre de vérifier visuellement l’absence de saignement (contrairement aux cytoponctions échoguidées ou aux prélèvements au pistolet à biopsie). La laparoscopie permet une très bonne visualisation du foie. Une pince à biopsie est utilisée pour réaliser des prélèvements à la périphérie des lobes. La pince est refermée sur la zone à biopsier et maintenue fermée en position pendant une dizaine de secondes pour permettre l’écrasement des vaisseaux et ainsi réaliser l’hémostase (photo 11). Une fois ce délai passé, l’échantillon de foie est détaché par simple traction sur la pince. Si des saignements importants sont attendus, une pince à fusion tissulaire peut être utilisée pour limiter le risque hémorragique. Un morceau d’éponge de collagène ou de gélatine, tel qu’utilisé dans la technique avec le biopsy punch, peut également être placé sur la partie de foie biopsiée pour réduire les saignements.

Conclusion

La biopsie du foie est un acte simple. Quelques précautions préopératoires sont nécessaires pour le bon déroulement de la procédure, mais il n’existe pas de réelle contre-indication à sa mise en œuvre. Une analyse cytologique ou histopathologique de toute lésion hépatique découverte lors d’une laparotomie exploratrice est recommandée. Le coût de l’acte est négligeable et il est extrêmement rare que le propriétaire refuse en phase post­opératoire de soumettre ces prélèvements au laboratoire pour une analyse histopathologique.

Références

  • 1. Badylak SF, van Vleet JF. Alterations of prothrombin time and activated partial thromboplastin time in dogs with hepatic disease. Am. J. Vet. Res. 1981;42:2053-2056.
  • 2. Bigge LA, Brown DJ, Penninck DG. Correlation between coagulation profile findings and bleeding complications after ultrasound-guided biopsies: 434 cases (1993-1996). J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2001;37:228-233.
  • 3. Mayhew PD, Weisse C. Liver and biliary system. In: Tobias KM, Johnston SA, eds.Veterinary surgery small animal. 1st ed. Elsevier Saunders, Saint Louis. 2012:1601-1623.
  • 4. Prins M, Schellens CJMM, van Leeuwen MW et coll. Coagulation disorders in dogs with hepatic disease. Vet. J. 2010;185 (2):163-168.
  • 5. Topal A, Gul N, Ilcol Y et coll. Hepatic effects of halothane, isoflurane or sevoflurane anesthesia in dogs. J. Vet. Med. 2003;50:530-533.
  • 6. Vasanjee SC, Bubenik LJ, Hosgood G, Bauer R. Evaluation of hemorrhage, sample size, and collateral damage for five hepatic biopsy methods in dogs. Vet. Surg. 2006;35:86-91.
  • 7. Wang KY, Panciera DL, Al-Rukibat RK, Radi ZA. Accuracy of ultrasound-guided fine needle aspiration of the liver and cytologic findings in dogs and cats: 97 cases (1990-2000). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2004;224:75-78.
  • 8. Webster CRL. History, clinical signs, and physical findings in hepatobiliary disease. Textbook of veterinary internal medicine. 6th ed. Ed. Elsevier Saunders, St.Louis. 2005;225:1422-1431.

CONFLIT D’INTERETS

Aucun.

ENCADRÉ
Les aspects anatomiques du foie à retenir lors d’une biopsie

→ Le foie comporte trois divisions qui regroupent les six lobes. La division gauche comprend les lobes latéral gauche et médial gauche, la division centrale, les lobes carré et médial droit, et la division droite, les lobes latéral droit et caudé, lequel se divise en processus caudé et en processus papillaire.

→ Le foie est maintenu en place par différents ligaments. Le ligament coronaire le lie au diaphragme : c’est une continuation du péritoine recouvrant le foie. Dans cette structure, plusieurs ligaments dits triangulaires se distinguent nettement : l’un reliant le diaphragme au lobe latéral droit, un autre, plus discret, qui part du lobe médial droit, un autre encore rejoignant le lobe médial gauche. Un ligament hépato-rénal relie le lobe caudé au rein droit.

→ Les vaisseaux importants se rencontrent dans le hile : veine cave caudale, veine porte, artère hépatique.

→ Le foie est un organe fragile et friable qui saigne facilement lors des manipulations. Une exposition correcte en fonction de la zone à prélever permet d’éviter des tractions trop importantes sur les lobes, qui pourraient les léser. L’incision abdominale doit s’étendre jusqu’au processus xiphoïde du sternum cranialement pour une visualisation de tous les lobes du foie. L’aide d’un assistant pour exercer une rétraction craniale des tissus (estomac notamment) peut être utile dans les biopsies des lobes des divisions centrale et droite (la division gauche est en général d’accès plus facile).

Points forts

→ Idéalement, avant toute biopsie du foie, les temps de coagulation doivent être mesurés.

→ En cas de maladie hépatique diffuse, plusieurs lobes doivent être biopsiés.

→ La technique de la guillotine nécessite peu de matériel, mais ne permet de réaliser que des biopsies périphériques.

→ La technique avec le biopsy punch permet d’obtenir des prélèvements dans toutes les localisations hépatiques.

Les biopsies hépatiques réalisées par laparoscopie sont les moins invasives. Cette technique offre une excellente visualisation du foie et permet de contrôler d’éventuelles hémorragies.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à notre Newsletter

Découvrez en avant-première chaque mois le sommaire du Point Vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr