Recherche de résidus d’antibiotiques dans la filière bovine française : des progrès à intensifier - Le Point Vétérinaire expert rural n° 376 du 01/06/2017
Le Point Vétérinaire expert rural n° 376 du 01/06/2017

MÉDICAMENTS VÉTÉRINAIRES EN PRODUCTION ANIMALE

Questions­réponses

Auteur(s) : Brigitte Roudaut*, Isabelle Fournet**, D. Hurtaud-Pessel***, Pascal Sanders****

Fonctions :
*Anses, Laboratoire de Fougères, Laboratoire
national de référence résidus de médicaments
vétérinaires, 10B, rue Claude-Bourgelat, Javené,
35306 Fougères Cedex
**Direction générale de l’alimentation, Bureau
des intrants et de la santé publique en élevage,
251, rue de Vaugirard, 75732 Paris Cedex 15
brigitte.roudaut@anses.fr
***Anses, Laboratoire de Fougères, Laboratoire
national de référence résidus de médicaments
vétérinaires, 10B, rue Claude-Bourgelat, Javené,
35306 Fougères Cedex
****Anses, Laboratoire de Fougères, Laboratoire
national de référence résidus de médicaments
vétérinaires, 10B, rue Claude-Bourgelat, Javené,
35306 Fougères Cedex

Les taux de non-conformité pour les prélèvements sur la viande de bovin sont faibles, mais plus élevés qu’en production porcine, par exemple.

Les résidus d’antibiotiques dans les denrées d’origine animale proviennent de l’administration d’un médicament vétérinaire antibiotique à un animal. En filière bovine, les plans de contrôle officiels visent à relever les traces éventuelles de ces substances antibiotiques dans la viande et le lait. Le risque en termes de santé publique a été préalablement évalué et a conduit à la définition des limites maximales de résidus (LMR) dans ces denrées pour les substances autorisées (règlement [UE] n° 37/2010). Les médicaments contenant les antibiotiques autorisés sont soumis à une évaluation en vue de la délivrance de l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Cette procédure conduit à la détermination des temps d’attente à respecter entre la dernière administration du médicament et la commercialisation des produits issus de l’animal (lait, viande, abats) [2]. Les méthodes d’analyse utilisées lors des contrôles officiels sont régulièrement révisées et validées par le Laboratoire national de référence (LNR) pour les résidus de médicaments vétérinaires pour intégrer les nouvelles molécules mises sur le marché et intensifier la surveillance.

L’exemple de la surveillance de la viande bovine sera ici mis en avant, sur la base de deux analyses portant sur des résultats constatés entre 2011 et 2014.

QUELS CONTRÔLES AUTOUR DES ANTI­BIOTIQUES EN FILIÈRE VIANDE BOVINE ?

Depuis 1989, des plans de contrôle pour la recherche de résidus d’antibiotiques sont mis en place en production primaire bovine. Ils répondent aux exigences européennes, en particulier de la directive 96/23/ CE du Conseil du 29 avril 1996 « relative aux mesures de contrôle à mettre en œuvre à l’égard de certaines substances et de leurs résidus dans les animaux vivants et leurs produits ».

Ces plans doivent être ciblés. En 2013, près de 3 900 prélèvements de viande ont ainsi été effectués en abattoir en utilisant divers critères de ciblage.

Les prélèvements ont été répartis et analysés selon cinq stratégies analytiques associant différentes méthodes d’analyse, trois en monorésidu (une seule famille d’antibiotiques) et deux en multirésidu.

QUELS ANTIBIOTIQUES SONT RETROUVÉS DANS LES MUSCLES ?

Pour la viande de bovin, les non-conformités concernent d’abord les tétracyclines (42 %), puis les aminosides (28 %) et les macrolides (23 %), mais aussi les fluoroquinolones et les bêtalactamines (figure).

Les macrolides mis sur le marché récemment ont aussi été détectés à partir de ces années (tulathromycine, gamithromycine). Les résultats démontrent logiquement une plus grande capacité de détection des non-conformités à l’aide des stratégies multirésidu, notamment avec le dépistage à l’aide de la méthode CL-SM/SM, par comparaison avec les approches fondées sur des méthodes monorésidu (tableau 1).

QUEL TYPE DE BOVIN EST PRINCIPALEMENT CONCERNÉ ?

Les non-conformités concernent essentiellement les vaches laitières de réforme (44 %), puis les veaux et les jeunes bovins (30 %), et, enfin, les vaches allaitantes (26 %). Concernant les vaches de réforme, dans 42 % des cas, le critère de ciblage est un état visuel moyen de la carcasse. Pour les veaux et les jeunes bovins, dans 50 % des cas, c’est une infiltration du collier, et, enfin, pour les vaches allaitantes, dans 43 % des cas, il s’agit d’une donnée fournie par l’information sur la chaîne alimentaire (ICA) (document accompagnant le bovin).

Parmi les critères de ciblage retenus figurent aussi la myosite, la pleurésie, les lésions, l’arthrite, la pneumonie et la péritonite.

COMMENT QUALIFIER GLOBALEMENT LES RÉSULTATS EN VIANDE BOVINE ?

Le taux global de 0,7 % de non-conformité pour les prélèvements de 2013 sur la viande de bovin peut être considéré comme très faible au regard des critères de ciblage utilisés [3].

Au cours des 5 dernières années, l’exposition globale des animaux aux antibiotiques a diminué de 20 % et, en 2013, de 7,3 % par rapport à 2012. Pour les bovins, elle a diminué de 6,6 % entre 2012 et 2013 et de 9,5 % entre 2011 et 2015 [1].

À QUOI SONT DUES LES NON-CONFORMITÉS ?

À la suite de ces non-conformités, des inspections en élevage sont réalisées par les vétérinaires inspecteurs des directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DD (CS) PP). D’après ces inspections, le non-respect du temps d’attente est la cause la plus fréquente de non-conformité vis-à-vis de la présence de résidus dans les viandes de bovins (34 %). Un non-respect de la prescription du vétérinaire a également été mis en cause, bien que moins souvent (16 %) : il s’agit d’erreurs sur les doses ou sur les animaux traités, etc. Dans la moitié des cas, les causes n’ont pas pu être identifiées (des temps d’attente “obsolètes” sont parfois incriminés en pratique ; un travail de revalidation a été effectué récemment par l’ANMV pour les antiparasitaires). D’autres non-conformités sont ressorties de ces inspections en élevage, liées à de mauvaises pratiques d’élevage (absence d’un registre ou document incomplet, tenue de la pharmacie lacunaire).

Des avertissements et/ou des rappels à la réglementation ont été effectués auprès des éleveurs concernés (photo 1) [3, 4].

POURQUOI INTENSIFIER LA SURVEILLANCE ?

Dans le contexte actuel de promotion d’un emploi prudent des antibiotiques pour réduire les risques d’antibio­résistance en médecine vétérinaire, un bon usage des médicaments est promu dans les différentes filières animales. Un changement des pratiques d’utilisation des médicaments antibiotiques s’annonce. Il convient de surveiller des résidus plus divers, provenant de l’usage de différentes familles d’antibiotiques pour détecter d’éventuelles nouvelles pratiques à risque.

Depuis 2014, il a été décidé d’accroître le nombre de prélèvements à analyser directement avec la nouvelle méthode CL/SM-SM (chromatographie liquide couplée à un spectromètre de masse) en recherche multirésidu. En 2015, plus de 2 000 prélèvements de viande et 1 100 prélèvements de lait ont été prévus pour l’analyse via cette nouvelle stratégie analytique.

Les années suivantes, le nombre d’échantillons ainsi analysés s’est encore accru (3 000 en 2016 pour la viande bovine). Plus de 80 analytes sont désormais recherchés, incluant des molécules récentes, dont huit macrolides, toujours au plus près des LMR par rapport aux traditionnelles méthodes d’inhibition (encadré, photo 2). Une troisième approche, “non ciblée”, fait aussi l’objet de recherches par le LNR (appareil hybride à haute résolution en spectrométrie de masse) (photo 3).

QUELS AUTRES CONTRÔLES POUR LES BOVINS ?

Outre la viande, le lait est intensément surveillé. En 2013, 560 prélèvements de lait cru (1 100 en 2016) ont ainsi été effectués dans les élevages ayant déjà présenté des résultats non conformes (lors des autocontrôles effectués par les laboratoires interprofessionnels laitiers) ou vendant du lait cru en remise directe, ou n’ayant jamais fait l’objet d’un prélèvement.

Au-delà du lait cru, des contrôles sur les résidus d’antibiotiques sont effectués par les laboratoires interprofessionnels laitiers dans le cadre du paiement du lait en fonction de sa qualité. Les kits commerciaux utilisés pour cette recherche sont régulièrement revus pour étendre le dépistage aux nouvelles molécules et aux pratiques (par exemple, tests macrolides mis en application depuis mars 2017).

À côté des plans visant les antibiotiques autorisés ou non dans la filière bovine, d’autres contrôles officiels ciblent les substances interdites telles que le chloramphénicol.

COMMENT SITUER LES RÉSULTATS PAR RAPPORT AUX AUTRES FILIÈRES DE PRODUCTION ?

Les résultats sont significativement moins bons en viande bovine (0,7 %) (tableau 2) [6]. Les animaux de cette espèce sont globalement moins traités de leur vivant que les porcs. Or, les résultats en termes de présence de résidus d’antibiotiques sont meilleurs en viande porcine. Alors que les porcins sont en moyenne plus exposés aux antibiotiques que les bovins, ils le sont moins pendant les jours qui précèdent l’abattage [1].

La non-conformité vis-à-vis des résidus d’antibiotiques en viande porcine est seulement de 0,4 % avec la technique LC-SM/SM en 2014 (et 0,12 % en microbiologie de 2011 à 2014). L’apparition de résultats non conformes a été reliée à l’accroissement de la taille de l’échantillon (484 contre 300) cette année-là. Les tétracyclines sont les plus utilisées dans cette filière, mais ce sont des sulfamides qui sont surtout identifiés en résidus (et la voie orale domine). Chez les petits ruminants, même constat : bien moins de résidus qu’en filière bovine (respectivement 0,76 % et 0,40 % par les deux méthodes). Le mouton est la seule espèce concernée et la dihydrostreptomycine est en cause dans la moitié des cas (50 %). L’usage hors AMM est largement cité dans cette espèce (qui est peu traitée avec les antibiotiques). Le passage à la nouvelle méthode a permis une détection accrue d’un facteur 1,9.

Conclusion

Ainsi, des progrès en filière viande bovine sont attendus. Le respect des modalités d’utilisation (voie d’administration, posologie) et du temps d’attente des médicaments vétérinaires administrés aux espèces animales élevées pour la production de denrées à consommation humaine est crucial : il permet de garantir avec une très forte probabilité des niveaux de résidus inférieurs aux LMR et une absence de risque toxicologique pour le consommateur. Il existe en plus des contrôles réglementaires décrits ici (demandés par l’Union européenne), des autocontrôles réalisés par les abattoirs ou les distributeurs. De plus, des projets de recherche visent à mesurer l’exposition des consommateurs à différents contaminants chimiques dans les viandes. Des études sur les contaminations croisées de l’aliment pour les animaux sont également en cours pour les veaux, les porcs et les volailles.

Références

1. Chevance A, Moulin G. Suivi des ventes de médicaments vétérinaires contenant des antibiotiques en France en 2013. Éd. Anses-ANMV Fougères. 2014. Rapport consultable en ligne : https://www.anses.fr/sites/default/files/documents/ANMV-Ra-Antibiotiques2013.pdf. 2. Commission européenne. Règlement (UE) n° 37/2010 du 22 décembre 2009 relatif aux substances pharmacologiquement actives et à leur classification en ce qui concerne les limites maximales de résidus dans les aliments d’origine animale. 3. Commission européenne. Directive 96/23/CE du Conseil du 29 avril 1996 relative aux mesures de contrôle à mettre en œuvre à l’égard de certaines substances et de leurs résidus dans les animaux vivants et leurs produits et abrogeant les directives 85/538/CEE et 86/469/CEE et les décisions 89/187/CEE et 91/664/CEE. 4. DGAL. Bilan des plans de contrôle et de surveillance mis en œuvre en 2013. Rapport consultable en ligne sur http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Bilan_PSPC_2013_cle0e1631.pdf. 5. Fournet I, Roudaut B. Les plans de contrôle et de surveillance nationaux en filière bovine pour la recherche de résidus d’antibiotiques. Bull. Épidémiol. Santé Anim. Alimentation. 2015;68 (spéc. “Vigilance sur la chaîne alimentaire”):35-36. 6. Roudaut B, Bessiral M, Gaugain M et coll. Contribution of mass analytical methods to identification of antibiotic residues in meat – Application to antibiotic control in France. In: Residue of veterinary drug in food. Proceedings of the Euroresidue VIII Conference. Ed. A. Bergwerff. 2016:49-53.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ
Apport de la chromatographie en phase liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem, pour la détection des résidus d’antibiotiques dans la viande bovine

Les méthodes qui reposent sur l’inhibition de croissance sont une première approche pour la détection d’antibiotiques dans la viande, mais d’autres plus rapides et plus performantes, et permettant de s’approcher au plus près des limites maximales de résidus (LMR) sont également validées à l’échelon européen. Ainsi, un screening multi-antibiotique est désormais réalisé via des méthodes de chromatographie couplées à la spectrométrie de masse (LC-MS/MS, pour liquid-chromatography coupled to tandem mass-spectrometer) [5]. Dix laboratoires officiels y recourent en France (avec différents appareils). L’information obtenue est rapide et large (61 antibiotiques dès les premières années de sa mise en place). Les progrès sont indéniables, mais la comparaison avec les autres filières montre que des progrès sont encore possibles. Moins de 2 % de carcasses toutes espèces confondues étaient non conformes de 2011 à 2014 (au-dessus des LMR). Cela est supérieur aux résultats obtenus avec les méthodes traditionnelles (0,61 %). Dans la viande bovine, 3,3 fois plus de résultats non conformes sont constatés avec les nouvelles techniques (écart significatif). Les résultats sont généralement plus précis et considérablement améliorés, en particulier pour certaines familles (macrolides, (fluoro) quinolones, sulfamides, notamment).

Points forts

→ Le taux global de 0,7 % de non-conformité pour les prélèvements de 2013 sur la viande de bovin peut être considéré comme très faible au regard des critères de ciblage utilisés.

→ Le non-respect du temps d’attente est la cause la plus fréquente de non-conformité vis-à-vis de la présence de résidus d’antibiotiques dans les denrées d’origine animale (34 %).

→ Une approche, “non ciblée”, fait l’objet de recherches par le Laboratoire national de référence.

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