Fièvre aphteuse en Afrique du Nord : inquiétante incursion transsaharienne

Un épisode de fièvre aphteuse a été confirmé ce printemps en Algérie et en Tunisie. Son origine se trouve probablement loin dans le Sud, le virus ayant “fait un bond” transsaharien assez peu courant, donc notable.

QUELLES SONT LES CARACTÉRISTIQUES DES FOYERS AFRICAINS RÉCENTS ?

L’Algérie a déclaré officiellement à l’Organisation mondiale de la santé (OIE) trois foyers de fièvre aphteuse au nord du pays entre le 24 mars et le 6 avril derniers. Sur l’ensemble de ces trois foyers, à peu près 43 % des bovins présents ont exprimé des signes cliniques de la maladie. Ce nouvel épisode de fièvre aphteuse ne s’est pas cantonné à l’Algérie puisqu’un foyer de sérotype A a été notifié à l’OIE le 28 avril chez des bovins au nord de la Tunisie, dans la région de Bizerte. Parmi les 22 bovins d’un même troupeau, 17 ont présenté des signes cliniques de la maladie. Un second foyer a été signalé le 8 mai dans cette même région, toujours chez des bovins (deux cas cliniques).

QUELLE EST L’ORIGINE DE CETTE SOUCHE

Les prélèvements envoyés au Laboratoire OIE de référence en Italie (IZSLER) ont permis d’établir que la souche isolée était de sérotype A, appartenant à la lignée A/ AFRICA/G-IV.

L’apparition de cette souche en Afrique du Nord représente l’incursion d’une souche inattendue aux abords du continent européen (^figure).

Des foyers récents dus à cette lignée ont été signalés en Égypte en 2016. Cependant, l’analyse génétique montre que cette souche est plus proche des virus isolés au Nigeria en 2015 et au Cameroun en 2013.

Le sérotype A n’avait pas été signalé en Algérie depuis 1977. Cet événement représente ainsi la première transmission transsaharienne de la fièvre aphteuse depuis 1999 lorsque la souche de l’ouest de l’Afrique, O-Maghreb, a entraîné des foyers de fièvre aphteuse en Algérie et dans les pays voisins.

QUELS SONT LES RISQUES D’INTRODUCTION EN EUROPE ?

Il n’existe aucun risque d’introduction par le commerce légal puisque l’Union européenne n’importe pas d’animaux ou de produits dérivés de ces pays. Le risque majeur est représenté par l’introduction illégale d’animaux ou de produits d’origine animale contaminés qui pourraient être au contact des espèces sensibles à la fièvre aphteuse.

La transmission mécanique par des personnes ayant visité des foyers de fièvre aphteuse et se rendant ensuite dans des élevages en Europe sans respecter des mesures de biosécurité est une autre possibilité. Pour prévenir cette transmission, il convient d’éviter de visiter des élevages d’espèces sensibles au moins pendant 3 jours et de désinfecter les habits potentiellement contaminés avec un produit adapté, notamment.

QUELLES SONT LES CARACTÉRISTIQUES PROPRES À CE SÉROTYPE ?

Les informations épidémiologiques ne sont actuellement pas suffisantes pour répondre avec exactitude à cette question.

Pour rappel, en Tunisie et en Algérie, des campagnes de vaccination ont été mises en place lors de foyers dus au type O signalés entre 2014 et 2015. Il est d’ores et déjà possible d’affirmer que les bovins présents dans les élevages n’étaient pas protégés contre cette souche : un grand nombre a exprimé des signes cliniques (^{photos 1}, ² et ³).

D’AUTRES FOYERS DANS LE MONDE REPRÉSENTENT-ILS UN RISQUE POUR NOTRE ÉLEVAGE ?

La maladie est toujours présente dans plusieurs régions du monde. Le risque majeur étant associé à des introductions illégales, il est difficile de le quantifier. Souvent, les introductions dans des pays indemnes de la maladie sont imprévisibles.

Cela a été le cas au Royaume-Uni en 2001 et, plus récemment, à l’île Maurice en 2016. La source d’introduction la plus probable au Royaume-Uni était des déchets alimentaires donnés à des porcs.

QUELLES SONT LES AUTRES SOURCES POSSIBLES DE CONTAGIOSITÉ DE LA MALADIE ?

Outre les sources de contamination déjà évoquées (animaux, produits d’origine animale, transmission mécanique), le risque d’introduction à partir de la faune sauvage peut également être évoqué. Actuellement, hormis les buffles africains (Sincerus caffer) infectés de manière persistante, la maladie n’est établie dans aucune population d’animaux sauvages en Europe ou sur tout autre continent.

En 2010, le sérotype O a été détecté en Bulgarie chez des sangliers, puis dans des espèces domestiques.

Cet événement exceptionnel a suscité des interrogations en ce qui concerne le maintien et la propagation de la fièvre aphteuse dans la faune sauvage en Europe. Cette question a été abordée par un groupe d’experts de l’autorité sanitaire alimentaire européenne (EFSA) : des données d’enquêtes disponibles sur les sangliers et les chevreuils en Bulgarie et dans la Thrace occidentale (Turquie) ont été utilisées pour faire des simulations de transmission de la maladie, grâce à un modèle mathématique. Il est apparu que les populations de sangliers et de chevreuils de ces pays ne permettaient pas d’entretenir la maladie à long terme (en l’absence de réintroduction à partir des animaux domestiques) [¹].

Conclusion

Ainsi, au-delà de ces récents foyers en Afrique du Nord, il convient que toutes les personnes au contact d’animaux domestiques ou sauvages soient sensibilisées à l’importance de signaler le plus rapidement possible toute suspicion de fièvre aphteuse. C’est la seule manière possible de détecter l’introduction de la maladie et de permettre ainsi un contrôle le plus précoce possible. La procédure d’alerte de la fièvre aphteuse existante permet de traiter les suspicions dans les plus brefs délais : la cellule d’alertes ainsi que le Laboratoire national de référence pour la fièvre aphteuse, basés à l’Anses de Maisons-Alfort, sont opérationnels 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 (joindre pour cela la DDPP).

Références