Intérêt de l’échographie dans le diagnostic de la thrombose de la veine cave caudale - Le Point Vétérinaire expert rural n° 375 du 01/05/2017
Le Point Vétérinaire expert rural n° 375 du 01/05/2017

IMAGERIE EN MÉDECINE BOVINE

Avis d’expert

Auteur(s) : Nora Cesbron

Fonctions : Oniris
Atlanpôle La Chantrerie
CS 40706
44307 Nantes Cedex 3
nora.cesbron@oniris-nantes.fr

L’échographie améliore l’abord diagnostique de cette maladie des vaches laitières qui reste difficile à cerner.

C’est pour la médecine humaine qu’Hippocrate a inventé le terme de sémiologie (étude des signes cliniques et des symptômes des maladies, et de la façon de les relever et de les présenter en vue du diagnostic). Suspecter et avérer une thrombose de la veine cave caudale (TVCC) du vivant de l’animal est un défi diagnostique au quotidien pour le praticien. Cet article éclaire de façon échographique cette problématique.

LES SAIGNEMENTS SPECTACULAIRES RÉSUMENT-ILS LA TVCC ?

La TVCC est une affection des bovins très spectaculaire dans sa phase terminale puisqu’elle aboutit à une mort par hémorragie pulmonaire massive. L’animal est retrouvé dans une mare de sang (photo 1). Cette maladie impressionne aussi par l’ampleur des lésions retrouvées à l’autopsie : un thrombus, mais aussi des abcès, du sang et une thrombo-embolie qui touche de multiples organes.

Largement décrite à la faveur de cas cliniques, elle est extrêmement bien documentée [3, 5]. Elle reste pourtant un défi diagnostique considérable sur le terrain. Les signes cliniques ne sont pas spécifiques : anorexie, dyspnée mixte et diarrhée, parfois inconstants. Ils peuvent rester frustes. L’épistaxis (hémorragie nasale), souvent qualifiée de “pathognomonique”, est en réalité un vrai signe d’appel de TVCC. Elle correspond à une hémoptysie (hémorragie d’origine pulmonaire) (photo 2). Ce symptôme peut être discret (un petit caillot de sang dans un coin de la stabulation) ou passer inaperçu (photo 3) [1, 8, 7].

QUELLE EST LA PLACE DE L’ÉCHOGRAPHIE DANS LE DIAGNOSTIC ?

Dans les années 1990, le professeur Ueli Braun commence à échographier le foie de bovins. Il conclut très vite à l’intérêt d’utiliser l’échographie pour préciser le diagnostic ante-mortem de la TVCC [2, 4]. À la faveur de l’étude de douze cas, Sigrist et coll. qualifient cet examen d’outil d’avenir (d’espoir) pour l’établissement du diagnostic de cette affection [9].

Il y a encore 20 ans, la difficulté de mise en œuvre de l’échographie par le vétérinaire en exploitation pouvait être mise en avant. Cela tenait surtout au manque de matériel adéquat. Un échographe “mobile” du type de ceux qui sont utilisés pour le suivi de reproduction ne suffisait pas car la sonde n’était pas adaptée. Une sonde sectorielle à basse fréquence de 3,5 MHz permet de visualiser les vaisseaux hépatiques d’intérêt situés plus profondément dans la coupole diaphragmatique de la cavité abdominale.

L’arrivée de nouveaux échographes plus adaptés à la pratique de terrain a remis l’échographie au goût du jour dans le diagnostic de la TVCC. Le pronostic reste inchangé, mais la confirmation du diagnostic devient un atout majeur dans la gestion du devenir de l’animal par l’éleveur. En particulier, la poursuite des antibiotiques peut être reconsidérée : même une amélioration passagère ne justifie pas de les continuer. Une réforme extrêmement rapide s’impose. L’état de subacidose possiblement à l’origine de la TVCC mérite aussi d’être mis en évidence (audit de troupeau) [1].

Les appareils actuellement disponibles procurent une très bonne qualité d’image. Légers, ils peuvent être portés en bandoulière, voire connectés avec des interfaces de type lunette ou écran déporté. Ils ont gagné en autonomie grâce aux progrès dans les batteries.

Une même unité échographique peut recevoir plusieurs sondes. Le modèle classique pour la reproduction (linéaire, moyenne fréquence 5 à 7 MHz) est facilement changé pour une sonde sectorielle qui ouvre le champ d’exploration dans la cavité abdominale et qui peut développer des basses fréquences permettant d’augmenter la profondeur d’examen. Une sonde de 3,5 MHz permet d’aller jusqu’à 30 cm de profondeur (2,5 MHz, jusqu’à 35 cm de profondeur pour les gros gabarits).

QUELS SONT LES IMAGES NORMALES ET LES REPÈRES HÉPATIQUES ?

L’examen échographique du foie s’effectue avec une sonde sectorielle de basse fréquence (2,5 à 3,5 MHz). Les dixième, onzième et douzième espaces intercostaux du côté droit permettent l’accès à une grande partie du foie (photo 4). Le parenchyme hépatique est échogène et homogène en nuance de gris. Les vaisseaux sanguins hépatiques apparaissent anéchogènes en coupes transversale (rond) et longitudinale (tube). Les canaux biliaires, de plus petite taille, sont visibles par endroits sous la forme de deux traits blancs hyperéchogènes (coupe longitudinale).

Deux vaisseaux hépatiques sont importants à identifier, tout d’abord, pour se repérer et structurer l’image échographique, ensuite, parce que leur modification est pathologique.

Normalement, la veine cave caudale prend un aspect triangulaire en coupe transversale, visible dans les onzième et douzième espaces intercostaux. Dans le prolongement, la veine sus-hépatique droite est visible en coupe longitudinale. La veine porte est ronde en coupe transversale et montre un contour régulier blanc hyper­échogène. De nombreux vaisseaux s’abouchent à cette veine porte, visibles en coupe longitudinale, anéchogènes avec un bord hyperéchogène, formant parfois une étoile ou une image en “bunny” (oreilles et tête de lapin) lors de la manipulation de la sonde qui consiste à dérouler le vaisseau (photos 5, 6 et 7) [6].

QUELLES SONT LES MODIFICATIONS HÉPATIQUES LORS DE TVCC ?

Dans le cas d’une TVCC, la modification la plus spécifique compatible avec le diagnostic concerne la veine cave caudale elle-même. Sa forme devient ovoïde à ronde en coupe transversale (photo 8). En effet, le thrombus généralement situé dans la partie diaphragmatique de la veine cave, en position craniale, provoque en amont une congestion responsable de la dilatation du vaisseau. La dilatation se répercute sur l’ensemble du réseau veineux cave et de nombreuses coupes transversales de vaisseaux apparaissent alors sur l’image (plein de ronds noirs au sein du parenchyme gris). Il est possible également de distinguer un épaississement de la veine cave dilatée sous la forme d’une paroi hyperéchogène, révélant la phlébite associée au thrombus. Celui-ci est très rarement visible. S’il est volumineux, quelques fragments sont décelables (photo 9) [6].

POURQUOI ET COMMENT POURSUIVRE L’EXAMEN SUR LE THORAX CRANIAL ?

Le thorax en position craniale est également intéressant à échographier pour visualiser la plèvre et les poumons. Des modifications des images échographiques de cette région peuvent confirmer la présence d’une trombo-embolie pulmonaire, tout en estimant son étendue et sa sévérité. L’éleveur est ainsi informé qu’il est susceptible de retrouver sa vache morte le lendemain sur une litière couverte de sang.

L’exploration plèvre-poumons requiert cette fois-ci une sonde linéaire de moyenne fréquence, l’idéal étant 5 MHz. Il est inutile d’aller trop en profondeur, car les anomalies sont visibles sur la plèvre et autres parties les plus superficielles du poumon.

Du côté droit, le positionnement de la sonde dans le sixième et jusqu’au dixième espace intercostal permet d’explorer une bonne partie du champ pulmonaire. Normalement, la seule image visible est celle de la plèvre, c’est-à-dire une ligne blanche hyperéchogène, qui fait suite aux couches de peau et de muscles intercostaux, zones grises hypoéchogènes, et qui bouge horizontalement sur l’écran, synchrone des mouvements respiratoires. En dessous, le poumon n’est pas visible car il est empli d’air, entraînant une réflexion des ultrasons sous la forme de multiples et successives lignes blanches hyper­échogènes (photo 10).

Lors de thrombo-embolie pulmonaire, la plèvre apparaît discontinue en regard des zones modifiées par la présence d’un thrombus embolisé dans un vaisseau pulmonaire, du sang est accumulé dans les bronches et le parenchyme pulmonaire, et des lésions de pneumonie focale consécutives à l’arrêt de la circulation sanguine sont observées (photo 11).

Conclusion

Ainsi, lors de forte suspicion clinique de TVCC, l’échographie du foie apporte un éclairage interne précieux. La visualisation d’une dilatation de cette veine, qui s’accompagne parfois de la présence d’abcès dans le parenchyme hépatique, associée à des modifications des images du thorax compatibles avec une thrombo-embolie permet de conforter le diagnostic, avec un pronostic sombre.

Références

  • 1. Belbis G, Gosset P, Crespeau F et coll. Thrombose de la veine cave postérieure chez une vache. Point Vét. 2009;297:63-67.
  • 2. Braun U. Ultrasonography of the liver in cattle. Vet. Clin. North Am. Food Anim. Pract. 2009;25(3):591-609.
  • 3. Braun U. Clinical findings and diagnosis of thrombosis of the caudal vena cava in cattle. Vet. J. 2008;175(1):118-125.
  • 4. Braun U. Ultrasonographic examination of the liver in cows. Am. J. Vet. Res. 1990;51(10):1522-1526.
  • 5. Braun U, Flückiger M, Feige K, Pospischil A. Diagnosis by ultrasonography of congestion of the caudal vena cava secondary to thrombosis in 12 cows. Vet. Rec. 2002;150(7):209-213.
  • 6. Buczinski S. Échographie des bovins. Éd. du Point Vétérinaire. 2009;191p.
  • 7. Gudmundson J, Radostits OM, Doige CE. Pulmonary thromboembolism in cattle due to thrombosis of the posterior vena cava associated with hepatic abscessation. Can. Vet. J. 1978;19:304-309.
  • 8. Lamain G, Richard L. Épistaxis chez les bovins. Point Vét. 2014;348:50-55.
  • 9. Sigrist I, Francoz D, Buczinski S. Dix cas de thrombose de la veine cave caudale. Point Vét. 2008;284:69-73.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Un audit de troupeau pour rechercher une subacidose peut prolonger un diagnostic étayé de thrombose de la veine cave caudale (TVCC).

→ Une sonde moyenne fréquence permet d’imager les aspects thoraciques de la maladie, alors qu’une basse fréquence est requise pour s’assurer de la visualisation d’une VCC modifiée.

→ Le thrombus généralement situé dans la partie diaphragmatique de la VC, en position craniale, provoque en amont une congestion responsable de la dilatation du vaisseau et de l’ensemble du réseau veineux cave.

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