ÉTAPE 9 : Traitement des fractures de la tête du fémur sous contrôle fluoroscopique - Le Point Vétérinaire n° 372 du 01/01/2017
Le Point Vétérinaire n° 372 du 01/01/2017

EN 10 ÉTAPES

Auteur(s) : Julien Cabassu*, Sébastien Catheland**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire Cabassu,
12, avenue du Prado, 13006 Marseille

Le traitement mini-invasif des fractures du fémur proximal, avec une réduction à foyer fermé, permet de limiter les dommages vasculaires et les complications associées.

Les fractures du fémur proximal représentent approximativement 25 % des fractures du fémur. Les traumatismes à haute énergie induisent principalement des fractures comminutives intertrochantériennes ou sous-trochantériennes, tandis que les traumatismes à basse énergie entraînent plutôt des fractures épiphysaires, du col ou des fractures simples sous-trochantériennes. Les fractures du fémur proximal sont dans leur grande majorité diagnostiquées chez des animaux en croissance (91 %) et il s’agit principalement de fractures par glissement épiphysaire (70 %).

ANATOMIE

1. Connaissances anatomiques indispensables au chirurgien

La tête du fémur est une quasi-hémisphère entièrement recouvert de cartilage hyalin, excepté en regard de la fosse. Le col du fémur permet de décaler l’axe de la diaphyse fémorale latéralement. En contrepartie, il est donc soumis à des forces en flexion importantes. La ligne transverse est un rebord osseux s’étirant sur la surface craniale, de la tête du fémur au grand trochanter, qui permet de renforcer le col (photo 1). La tête et la partie proximale du col du fémur sont intracapsulaires. En effet, la capsule articulaire s’insère à proximité de la base du col du fémur [4].

Deux angles caractérisent la portion proximale du fémur (tête et col) relativement à la diaphyse fémorale : l’angle d’antéversion dans le plan transverse et l’angle d’inclinaison dans le plan frontal. L’angle d’antéversion est généralement compris entre 27 et 32 degrés et l’angle d’inclinaison entre 130 et 145 degrés. Ces angles sont importants à connaître et à identifier chez l’animal car ils guident la réduction et l’angle d’insertion des implants. La plaque de croissance de la tête du fémur, qui a une forme en L, est responsable de la croissance en longueur du col et d’approximativement 25 % de la longueur du fémur. La forme en L confère une stabilité temporaire après réduction d’une fracture de type Salter-Harris I ou II. La fermeture de cette plaque de croissance est observée chez le chien entre 9 et 12 mois et chez le chat entre 7 et 10 mois. Elle peut survenir plus tardivement chez les animaux stérilisés de façon précoce.

2. Vascularisation complexe

La vascularisation du col et de la tête du fémur est complexe (figure). Elle est très sensible à tout traumatisme. En effet, la vascularisation intra-osseuse et intracapsulaire de la tête et du col provient d’un unique anneau vasculaire extracapsulaire, localisé à la base du col du fémur. Il est formé de la connexion des artères fémorales circonflexes médiale et latérale et de l’artère glutéale caudale. De cet anneau extracapuslaire partent des artères intracapsulaires qui forment un réseau vasculaire en regard de l’épiphyse avant de pénétrer dans la plaque de croissance, et de vasculariser le col et l’épiphyse proximale [4]. La vascularisation provenant du ligament de la tête du fémur est significative chez le chat, mais inexistante chez le chien. Cette vascularisation complexe est à l’origine de la majorité des complications observées à la suite d’un traumatisme dans cette région, par l’altération de l’anneau vasculaire extracapsulaire et des artères intracapsulaires. Tout traumatisme supplémentaire, entraîné notamment par la manipulation ou l’incision capsulaire chirurgicale, accroît la dévascularisation de cette zone. Toute atteinte vasculaire, en particulier chez les chiens en croissance, peut provoquer un développement anormal de la tête et du col du fémur, ou une résorption de la tête et du col et l’apparition d’une arthrose.

TRAITEMENT MINI-INVASIF

1. Indications d’un traitement mini-invasif

L’indication principale d’un traitement mini-invasif lors de fracture de la tête du fémur est la fracture Salter-Harris de type I ou II de l’épiphyse proximale du fémur, stabilisée par des broches (photos 2a à 2d). Les fractures du col du fémur chez le chien ou le chat en croissance peuvent également être traitées avec cette technique à l’aide de broches. Celles du chien adulte nécessitent une stabilisation par une vis en compression. Pour sa part, l’auteur ne possède pas d’expérience personnelle en ce qui concerne l’utilisation d’une technique mini-invasive pour ce type de fracture et n’est pas au fait de tels cas.

Les fractures traitées par une approche mini-invasive doivent être récentes, datant de moins de 3 à 4 jours, réductibles à foyer fermé, sans manipulation forcée, ni nécrose marquée du col ou de la tête du fémur.

2. Technique chirurgicale

Matériel Pour le traitement mini-invasif, le matériel nécessaire ou recommandé inclut une fluoroscopie sur bras articulé (ou C-arm), un moteur chirurgical, des broches de tailles adaptées, un guide-broche, un guide permettant l’insertion de broches parallèles, un clamp de carmalt (ou un autre clamp long), des aiguilles hypodermiques dont le diamètre luminal est supérieur aux diamètres des broches utilisées et un coupe-broche. La table de chirurgie doit être radiotransparente.

Positionnement

Le positionnement de l’animal est primordial pour la réussite de cette intervention chirurgicale. Il doit permettre une observation fluoroscopique correcte du col et de la tête du fémur. La partie proximale du fémur doit être surélevée de la table d’opération afin de la “désuperposer” du reste du bassin et des organes pelviens. Cela permet également le placement du C-arm (fluoroscopie) et la manipulation de celui-ci autour du fémur proximal afin d’obtenir des images orthogonales (cranio-caudale et latérale). L’élévation du bassin entraîne une compression du diaphragme par les organes abdominaux. Il convient donc de contrôler l’anesthésie générale de l’animal et sa ventilation [4].

L’animal est préférentiellement positionné en décubitus latéral (photo 3).

Contrôle des images

Une fois l’animal positionné, il convient de contrôler la qualité des images obtenues au niveau tant des constantes que de la position (vues de face et de profil).

Réduction de la fracture

La réduction est obtenue en manipulant la hanche en flexion/extension, en abduction et en traction. Comme indiqué ci-dessus, elle est maintenue par la forme intrinsèque de la plaque de croissance. La hanche placée en extension permet d’exercer une légère pression sur la réduction qui est plus facilement préservée. Les manipulations doivent être limitées afin de ne pas endommager le réseau vasculaire.

Grâce à la fluoroscopie et à l’aide d’une aiguille hypodermique, le site d’entrée des implants est localisé distalement au grand trochanter, au niveau du petit trochanter et plutôt sur la partie caudale de la surface latérale du fémur (photos 4a et 4b). Cette position est localisée sur la vue de face en fluoroscopie. Les implants doivent alors être orientés proximalement et cranialement pour respecter un angle d’antéversion moyen de 27 degrés.

Une vue latérale est requise pour vérifier cette bonne orientation, avec une superposition du grand trochanter, du col et de la tête du fémur (photos 5a à 5d). Si l’axe de la broche est correct, cette dernière doit se superposer au col et à la tête du fémur, et être presque tangentielle à l’axe de la vue. Ainsi, l’avancement de la broche permet son insertion dans l’épiphyse proximale. Si la position de la broche n’est pas correcte, celle-ci est laissée en place comme guide afin de placer une seconde broche en corrigeant les angles d’insertion.

Si la vue latérale ne superpose pas le col et la tête du fémur, l’axe de la broche ne peut pas être vérifié, et il n’est pas garanti que la pointe de la broche soit localisée dans l’épiphyse. Une fois l’axe contrôlé sur la vue latérale, le C-arm est alors replacé afin d’obtenir une vue de face et la broche est avancée jusqu’à pénétrer dans l’épiphyse. À nouveau, une vue latérale permet de contrôler le bon positionnement de la broche.

Une ou deux autres broches parallèles supplémentaires sont placées selon la taille du chien ou du chat en respectant la même technique, si possible à l’aide d’un guide-broche permettant une insertion parallèle. Il est important de vérifier que les broches ne pénètrent pas dans l’espace articulaire, à l’aide de la fluoroscopie, mais également en manipulant la hanche afin de vérifier l’absence de “frottements”. Les broches sont alors coupées juste sous le niveau de la peau, permettant leur retrait facile après observation d’une guérison osseuse. Des radiographies postopératoires sont généralement réalisées dans les deux plans afin de vérifier le positionnement des broches et la qualité de la réduction.

Radiographies de contrôle

Des radiographies de contrôle sont effectuées à 3 semaines postopératoires. Les broches sont retirées après observation d’une guérison osseuse complète.

Pourquoi ce type de fixation ?

Le nombre de broches utilisées, entre une et quatre, n’a pas a priori d’influence sur la résorption du col du fémur, d’après une étude rétrospective [2]. Biomécaniquement, une stabilisation à l’aide de une ou de deux broches est proche de la stabilité initiale avec une plaque de croissance intacte. L’addition d’une troisième broche augmente la solidité de 29 % par rapport au fémur sain et de 45 % comparativement à une stabilisation par deux broches [1].

Le fait de placer les broches parallèles et non divergentes présente un avantage biologique en permettant de maintenir une croissance résiduelle éventuelle. De même, d’un point de vue biomécanique, les forces sont réparties de manière équitable entre des broches parallèles, mais de façon inégale entre des broches non parallèles, augmentant ainsi le risque de lâchage d’implants [4].

POURQUOI CHOISIR UNE TECHNIQUE MINI-INVASIVE ?

1. Avantages

Jusqu’à 100 % de complications ont été associées au traitement chirurgical conventionnel des fractures par glissement épiphysaire de la tête du fémur. Ces complications sont principalement une résorption du col du fémur (jusqu’à 70 % des cas) et un remodelage du col et de la tête du fémur. Ces remodelages sont plus fréquents chez les chiens traités à un jeune âge (moins de 4 mois) [2, 3]. Ces complications mènent à une résection de la tête et du col du fémur dans environ 20 % des cas traités chirurgicalement. D’après les publications récentes, la résorption du col est nettement diminuée, voire éliminée, suivant une réduction et une stabilisation percutanées précoces, en atténuant les dommages vasculaires iatrogéniques [5]. Cependant, ce type de traitement n’empêche pas l’arrêt de la croissance épiphysaire, qui est notamment observé chez les chiens jeunes (moins de 4 mois), ni l’apparition de phénomènes dégénératifs secondaires au traumatisme articulaire.

L’avantage de la fluoroscopie est que les broches peuvent être avancées jusque dans l’os sous-chondral sans pénétrer dans le cartilage articulaire grâce au guidage peropératoire.

2. Inconvénients

La stabilisation minimalement invasive des fractures proximales du fémur présente de nombreux avantages sur le plan biologique, mais reste une technique difficile. Il est important de déterminer une durée maximale accordée à la réussite de cette technique et de mettre en œuvre une méthode conventionnelle une fois cette durée dépassée afin de ne pas compromettre la stabilité anesthésique de l’animal. Le respect des règles de radioprotection est nécessaire et il convient de limiter au minimum l’utilisation de la fluoroscopie en phase peropératoire. Cette dernière est utilisée pour vérifier le bon déroulement de l’intervention chirurgicale. Cependant, le chirurgien doit bien connaître l’anatomie et la technique opératoire afin de limiter l’usage de la fluoroscopie. De plus, la préparation minutieuse de l’animal doit permettre d’obtenir rapidement des images de qualité tout en limitant les expositions aux rayons.

Conclusion

Les fractures Salter-Harris I et II de l’épiphyse proximale du fémur présentent un challenge chirurgical associé à une vascularisation complexe et fragile. Le traitement mini-invasif avec une réduction à foyer fermé et une fixation par insertion percutanée à l’aide de broches parallèles sous guidage fluoroscopique dans le col et la tête du fémur permet de limiter les dommages vasculaires et les complications associées en favorisant la résolution de la fracture. La connaissance de l’anatomie proximale du fémur et le planning chirurgical incluant le positionnement du malade et de la fluoroscopie sont indispensables à la réussite de l’intervention chirurgicale.

Références

  • 1. Belkoff SM, Millis DL, Probst CW. Biomechanical comparison of three internal fixations for treatment of slipped capital femoral epiphysis in immature dogs. Am. J. Vet. Res. 1992;53:2136-2140.
  • 2. DeCamp CE, Probst CW, Thomas MW. Internal fixation of femoral capital physeal injuries in dogs: 40 cases (1979-1987). J. Am. Vet. Med. Assoc. 1989;194:1750-1754.
  • 3. Gibson KL, VanEe RT, Pechman RD. Femoral capital physeal fractures in dogs: 34 cases (1979-1989). J. Am. Vet. Med. Assoc. 1991;198:886-890.
  • 4. Guiot L, Dejardin LM. Fractures of the femur. In: Tobias KM, Johnston SA. Veterinary surgery: small animal. Elsevier Health Sciences. 2013.
  • 5. Murphy SN. Fluoroscopic techniques in minimally invasive osteosynthesis. 17th ESVOT Congress, Venice, Italy. 2-4 oct 2014.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ La vascularisation du col et de la tête fémorale est complexe et sensible à tout traumatisme.

→ Le traitement standard des fractures Salter-Harris est associé à de nombreuses complications résultant du traumatisme initial et de l’abord chirurgical.

→ L’utilisation d’une réduction percutanée sous contrôle fluoroscopique, permettant le positionnement optimal des implants, limite les dommages iatrogéniques.

→ Le positionnement de l’animal et la qualité des vues fluoroscopiques sont essentiels à la réussite de cette technique.

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