Antibiotiques topiques versus produits d’hygiène dans le traitement de la dermatite digitée - Le Point Vétérinaire expert rural n° 370 du 01/11/2016
Le Point Vétérinaire expert rural n° 370 du 01/11/2016

MALADIES DES PIEDS DES BOVINS

Thérapeutique

Auteur(s) : Anne Relun*, Hervé Pouliquen**, Yassine Mallem***

Fonctions :
*BIOEPAR, INRA, Oniris
**Unité de pharmacologie-toxicologie, Oniris,
Atlanpôle La Chantrerie,
BP 40706
44307 Nantes Cedex 3

Les modalités d’application sont aussi importantes que le produit utilisé pour le traitement de la dermatite digitée.

La dermatite digitée (DD) est une des principales causes de boiterie chez les bovins laitiers (photo). C’est une maladie infectieuse d’origine polymicrobienne avec un rôle primordial de quatre groupes de tréponèmes : Treponema phagedenis-like, T. denticola/T. pedis-like, T. medium/T. vincentii-like et T. refringens-like. Alors que les traitements antibiotiques topiques ont longtemps été la référence, quelques antiseptiques ont aussi vu leur efficacité testée.

EFFICACITÉ CURATIVE

De nombreux antibiotiques et antiseptiques ont prouvé leur efficacité dans des études in vitro et in vivo [1, 2]. Parmi les antibiotiques topiques testés in vivo, l’oxytétracycline (OTC) est l’antibiotique dont l’efficacité est la mieux documentée, avec des guérisons cliniques observées dès 3 jours après le début du traitement et entre 72 et 92 % de cas observés comme étant guéris 28 jours plus tard, dans la plupart des études. D’autres antibiotiques, telle la lincomycine seule ou associée à la spectinomycine, ont induit des pourcentages de guérison du même ordre que ceux observés pour l’OTC [3]. Quelques antiseptiques ont également été testés dans des essais cliniques (acide salicylique, cuivre et zinc chélatés, sels métalliques, etc.). Ils ont montré une efficacité au moins similaire aux antibiotiques topiques auxquels ils étaient comparés, en étant appliqués sous bandage (tableau) [1].

Au-delà du produit, plusieurs études ont montré que l’efficacité du traitement topique dépendait également du mode d’application, de la précocité du traitement et de l’hygiène de l’environnement des pieds. Aucun consensus n’existe sur le régime optimal d’application.

RISQUES DE RÉSISTANCES

La résistance à l’OTC a été rapportée dès les années 2000 avec des taux de guérison à 30 jours avoisinant les 20 % dans certains troupeaux. Comme cet antibiotique a une sensibilité intermédiaire vis-à-vis des tréponèmes associés à la DD, il pourrait participer à leur enkystement dans les couches profondes du derme, ce qui pourrait expliquer les taux élevés de récurrence post-traitement, particulièrement lorsque le système immunitaire est plus faible comme au pic de lactation [1]. Des gènes de résistance au cuivre et au zinc ont récemment été découverts dans le microbiote de lésions actives de DD [4].

ASPECTS RÉGLEMENTAIRES

En France, la plupart des produits autorisés pour le traitement topique des lésions de DD contiennent des antibiotiques. Certains médicaments ont un résumé des caractéristiques du produit explicite pour le traitement de la DD chez les bovins (Animedazon® Spray, Cyclo® Spray, Taf Spray®), avec des temps d’attente nuls pour la viande et le lait. D’autres ont comme indication le traitement des infections cutanées à agents pathogènes sensibles aux tétracyclines, au thiamphénicol ou au sulfanilamide (Negerol®, Orospray®, Oxytetrin P®), et peuvent à ce titre être utilisés dans le traitement de la DD. Orospray® ne peut cependant pas être employé chez les vaches laitières.

Un seul produit antiseptique, à base de cuivre et de zinc, a depuis 2013 une autorisation de mise sur le marché pour le traitement de la DD (Intra Hoof Fit® Gel). Les autres spécialités contenant des antiseptiques sont des produits d’hygiène des pieds qui, à ce titre, ne devraient pas être utilisés pour le traitement de la DD.

Références

  • 1. Evans NJ, Murray RD, Carter SD. Bovine digital dermatitis: current concepts from laboratory to farm. Vet. J. 2016;211:3-13.
  • 2. Hartshorn RE, Thomas EC, Anklam K et coll. Short communication: minimum bactericidal concentration of disinfectants evaluated for bovine digital dermatitis-associated Treponema phagedenis- like spirochetes. J. Dairy Sci. 2013;96(5): 3034-3038.
  • 3. Laven RA, Logue DN. Treatment strategies for digital dermatitis for the UK. Vet. J. 2006;171(1):79-88.
  • 4. Zinicola M, Higgins H, Lima S et coll. Shotgun metagenomic sequencing reveals functional genes and microbiome associated with bovine digital dermatitis. PLoS One. 2015;10(7):e0133674.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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