Résultats et complications associés au traitement chirurgical de luxation médiale de rotule grade IV - Le Point Vétérinaire n° 369 du 01/10/2016
Le Point Vétérinaire n° 369 du 01/10/2016

CHIRURGIE ORTHOPÉDIQUE

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Auteur(s) : Claire Deroy-Bordenave

Fonctions : Centre hospitalier
vétérinaire Frégis
43, avenue Aristide-Briand
94110 Arcueil

Les luxations de la rotule sont des atteintes fréquentes dont le traitement chirurgical est classique et efficace. Il existe néanmoins des complications variées avec, comme facteur de risque en grade IV, l’âge : bilan de 24 cas.

La luxation médiale de la rotule est une des affections orthopédiques les plus communes du membre pelvien du chien. Une prédisposition à la luxation médiale de la rotule est rapportée chez les chiens de petites races (incluant le loulou de Poméranie, le yorkshire terrier, le caniche nain, le chihuahua et le bichon maltais [8], avec 12 fois plus de risques que chez les chiens de grandes races. De plus, chez les petites races, la luxation médiale représente 95 à 98 % de toutes les luxations, avec 50 à 93 % des chiens atteints bilatéralement [1, 2, 9].

Classification des luxations de la rotule

La luxation est classée, selon sa nature, en quatre grades.

→ La luxation de grade I est souvent une découverte fortuite lors de l’examen clinique et n’est généralement pas associée à une boiterie. La rotule peut être luxée manuellement lorsque le genou est en hyperextension et revient spontanément en place lorsque la pression est relâchée.

→ La luxation de grade II (luxation intermittente de la rotule) engendre une boiterie qui se résout lorsque la rotule retrouve sa place. Cette réduction est, comme dans le grade I, spontanée. La luxation de la rotule peut être mise en évidence lors de l’examen clinique par une rotation interne du tibia associée à une flexion du genou. La réduction se fait lorsque le genou est mis en extension avec une rotation externe.

→ Avec une luxation de grade III, la rotule est luxée de manière permanente. Elle peut être replacée par des manipulations, mais se reluxe spontanément. Ce grade peut être associé à une boiterie modérée à sévère.

→ La forme la plus sévère de luxation médiale de la rotule, classée grade IV, est caractérisée par une luxation permanente de la rotule ne pouvant être réduite manuellement (photo 1).

La luxation médiale de la rotule, selon sa sévérité, peut être associée à des déformations osseuses de degrés variables, incluant un coxa vara, un varus fémoral, une hypoplasie des bords trochléaires, une hypoplasie du condyle médial fémoral et un déplacement médial de la tubérosité tibiale associé à une rotation interne du tibia [3, 9, 10]. Ces déformations osseuses sont souvent associées à une luxation médiale de la rotule et sont plus fréquemment observées chez les chiens avec une luxation de grade IV [3, 9]. Une rupture du ligament croisé cranial concomitante est décrite dans 41 % des cas [4]. Les luxations de grade IV présentent un risque plus élevé de rupture du ligament croisé cranial, probablement secondaire à la rotation interne chronique du tibia [4].

Intervention chirurgicale

Une intervention chirurgicale est souvent recommandée pour réduire la douleur et la boiterie [7]. Les indications chirurgicales sont cependant toujours en débat. Le degré de déformation du squelette, la présence d’ostéoarthrose, d’instabilité du genou, et le potentiel de progression de l’arthrose varient fortement d’un individu à l’autre. Pour toutes ces raisons, le plan chirurgical se détermine au cas par cas. Une approche généralement acceptée est de recommander une intervention chirurgicale pour toutes les luxations médiales de grades III et IV, d’instaurer un traitement conservateur pour celles de grade I sans signes cliniques et une évaluation individuelle pour les autres cas [6]. La correction chirurgicale de la luxation de la rotule s’appuie sur le réalignement de l’appareil extenseur (mécanisme du quadriceps), la stabilisation de la rotule dans la trochlée du fémur et la correction des déformations osseuses, si nécessaire. La combinaison la plus utilisée regroupe la trochléoplastie, la desmotomie médiale, l’imbrication latérale de la capsule articulaire et du rétinaculum, et la transposition de la crête tibiale (photo 2) [1, 2, 9].

Une intervention chirurgicale traitant les deux genoux en même temps est décrite pour les chiens présentant une luxation bilatérale des rotules, avec un taux de complications et une récupération fonctionnelle des membres opérés similaires à une chirurgie unilatérale [5].

Complications et pronostic

Les complications sont variables et le pronostic est fonction du grade de luxation. Elles comprennent une union retardée au site d’ostéotomie de la transposition de la crête tibiale, une reluxation de la rotule, des infections et un développement d’ostéoarthrose [2]. La fréquence des complications, tous grades de luxation confondus, est de 18 %, avec 13 % de complications majeures nécessitant une reprise chirurgicale et 8 % de reluxation. Le taux de complications est plus élevé pour les chiens pesant plus de 20 kg et augmente avec le grade de luxation [2]. En effet, une forte corrélation existe entre la sévérité de la luxation, le risque de développer des complications postopératoires et le nombre de procédures chirurgicales requises. De plus, les cas traités avec une transposition de la crête tibiale et une trochléoplastie ont un risque de reluxation et de complications majeures moins élevé [2].

Une étude rétrospective sur 24 cas

L’objectif de cette étude est de déterminer les résultats et les complications à court et long termes des corrections chirurgicales des luxations médiales de rotule de grade IV.

Une étude rétrospective est ainsi menée de 2008 à 2014 à l’université de Floride. Le nombre de gestes chirurgicaux et d’implants utilisés, incluant la correction d’une rupture de ligament croisé concomitante du côté ipsilatéral, est rapporté. La recherche de déformation angulaire est réalisée radiographiquement avant chaque intervention chirurgicale. Les suivis à court et long termes sont effectués par un contrôle orthopédique et un questionnaire aux propriétaires. Le type de complications postopératoires est classé comme mineur, majeur ou catastrophique. Les récidives de luxation ont également été relevées. Les protocoles mis en œuvre sont standardisés.

Vingt-quatre chiens sont inclus dans cette étude comprenant 29 genoux.

Plusieurs gestes chirurgicaux sont souvent réalisés durant la même intervention, en fonction de chaque cas, et comprennent dans cette étude :

– une transposition de la crête tibiale (90 %) ;

– une sulcoplastie trochléaire (86 %) comprenant une trochléoplastie en wedge (38 %), en bloc (38 %), ou encore une trochléoplastie par abrasion (10 %) ;

– une desmotomie médiale (86 %) ;

– une imbrication latérale (93 %) ;

– une suture extracapsulaire antirotatoire (14 %) ;

– une ostéotomie correctrice fémorale (76 %) et tibiale (14 %).

Le nombre de gestes varie de trois à sept et n’est pas associé aux complications postopératoires.

79 % des chiens présentent un ligament croisé cranial intact au moment de l’intervention chirurgicale. Les 21 % restants sont traités de manière concomitante pour la luxation de la rotule et le ligament croisé, en utilisant deux techniques différentes suivant les cas. Une tibial plateau leveling osteotomy (TPLO) modifiée par la translation du segment distal latéralement, au lieu d’utiliser une transposition de la crête tibiale, est réalisée pour un tiers de ces cas. Une suture extracapsulaire est effectuée pour les autres.

Les complications postopératoires sont assez nombreuses et observées sur 55 % des genoux. Elles comprennent 28 % de complications mineures, 24 % de majeures et 3 % de catastrophiques (tableau). Une nouvelle intervention est requise pour 21 % d’entre elles. Le seul facteur de risque mis en évidence pour les complications dans cette étude est l’âge de l’animal.

Une luxation de la rotule en phase post­opératoire immédiate est observée dans 27 % des cas (grade I : 18 %, grade II : 3 %, grade III : 3 %, grade IV : 3 %) et une récidive de luxation de la rotule dans 38 % des cas (grade I : 18 %, grade II : 3 %, grade III : 14 %, grade IV : 3 %).

Les résultats cliniquessont bons.

Une récupération fonctionnelle postopératoire complète ou acceptable est mise en évidence chez tous les chiens sauf chez celui présentant une complication catastrophique (fracture fémorale à la suite de l’ostéotomie) par le contrôle orthopédique. Le taux de succès est de 93 %.

Conclusion

Il n’existe, à ce jour, aucun consensus sur le traitement des luxations médiales de la rotule. Le pronostic de récupération fonctionnelle et la fréquence de complications sont variables et dépendent fortement du grade de la luxation, avec un pronostic plus réservé et un nombre plus important de complications et de reluxation pour celles de grade IV.

Cet article est une synthèse de l’article “Outcomes and complications following surgical correction of gradeIV medial patellar luxation in dogs: 24 cases (2008-2014)” de Dunlap M et coll. J.Am. Vet. Med. Assoc. 2016;249:208-213.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Références

  • 1. Alam MR, Lee JI, Kang HS et coll. Frequency and distribution of patellar luxation in dogs. 134 cases (2000 to 2005). Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2007;20:59-64.
  • 2. Arthurs GI, Langley Hobbs SJ. Complications associated with corrective surgery for patellar luxation in 109 dogs. Vet. Surg. 2006;35:559-566.
  • 3. Bound N, Zakai D, Butterworth SJ et coll. The prevalence of canine patellar luxation in three centres: clinical features and radiographic evidence of limb deviation. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2009;22:32-37.
  • 4. Campbell CA, Horstman CL, Mason DR et coll. Severity of patellar luxation and frequency of concomitant cranial cruciate ligament rupture in dogs: 162 cases (2004-2007). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2010;236:887-891.
  • 5. Clerfond P, Huneault L, Dupuis J et coll. Unilateral or single-session bilateral surgery for correction of medial patellar luxation in small dogs: short and long-term outcomes. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2014;27:484-490.
  • 6. Kowaleski MP, Boudrieau RJ, Pozzi A. Stifle joint. In: Tobias KM, Johnston SA, ed. Veterinary Surgery: Small Animal. 1st ed. Elsevier Saunders, St Louis, MO. 2012;1:906-998.
  • 7. Roush JK. Canine patellar luxation. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 1993;23:855-868.
  • 8. Towle HA, Griffon DJ, Thomas MW et acoll. Pre and postoperative radiographic and computed tomographic evaluation of dogs with medial patellar luxation. Vet. Surg. 2005;34:265-272.
  • 9. Wangdee C, Theyse LFH, Techakumphu M et coll. Evaluation of surgical treatment of medial patellar luxation in Pomeranian dogs. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2013;26:435-439.
  • 10. Yasukawa S, Edamura K, Tanegashima K et coll. Evaluation of bone deformities of the femur, tibia, and patella in Toy Poodles with medial patellar luxation using computed tomography. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2016;29:29-38.
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