Echinococcus granulosus : révision taxonomique pour un ténia zoonotique - Le Point Vétérinaire expert rural n° 366 du 01/06/2016
Le Point Vétérinaire expert rural n° 366 du 01/06/2016

PARASITOSES IMPLIQUANT LES ANIMAUX DE RENTE

Fiche

Auteur(s) : Gérald Umhang*, Corinne Danan**, Franck Boué***

Fonctions :
*Anses, Laboratoire de la rage
et de la faune sauvage de Nancy,
LNR Echinococcus spp.
CS 40009 54220 Malzéville
**Direction générale de l’alimentation,
Bureau d’appui à la surveillance
de la chaîne alimentaire
251, rue de Vaugirard
75732 Paris Cedex 15
***Anses, Laboratoire de la rage
et de la faune sauvage de Nancy,
LNR Echinococcus spp.
CS 40009 54220 Malzéville

Cinq espèces différentes ont été constituées, mais E. multilocularis et Taenia hydatigena n’en font pas partie.

Echinococcus granulosus a été rebaptisé E. granulosus sensu lato pour représenter un complexe de cinq espèces différentes : E. granulosus sensu stricto, E. equinus, E. ortleppi, E. canadensis et E. felidis. Jusqu’au début des années 2000, ce parasite était considéré comme une seule et unique espèce qui regroupait plusieurs souches selon le type d’hôtes intermédiaires concernés (ovin, bovin, porc, cheval, cervidés). La biologie moléculaire dans les années 1990 a d’abord renforcé cette classification en y juxtaposant un système de génotypes (G1 à G10). Toutefois, pendant 20 ans, les données épidémiologiques, biochimiques et géographiques se sont accumulées sur différentes souches d’E. granulosus. En outre, grâce à l’évaluation phylogénétique des séquences mitochondriales et nucléaires (incluant le génome mitochondrial complet), les limites et les contradictions du système de génotypes/souches sont apparues. Une révision taxonomique du ge nre Echinococcus s’est imposée [3].

Cinq espèces

Cinq espèces différentes ont ainsi été constituées. Il est possible de distinguer pour chacune un cycle parasitaire caractéristique concernant des hôtes domestiques ou sauvages. Si l’hôte définitif est principalement le chien, une espèce parasitaire est rattachée de façon quasi spécifique à une seule espèce animale d’hôte intermédiaire chez lequel peuvent se développer préférentiellement le stade larvaire et les protoscolex (encadré, figure).

Un plan de surveillance récent en France a confirmé que le bovin n’est qu’un hôte accidentel d’E. granulosus sensu stricto par exemple : les larves y sont peu fertiles, contrairement à celles prélevées dans le foie des ovins. Par ailleurs, E. ortleppi a été identifié en France, pour la première fois. Le cycle est bovin-chien. Autre confirmation, E. canadensis concerne les porcs : il est décelé en Corse(1).

Conséquences de l’infestation par E. granulosus chez les hôtes intermédiaires

La saisie des viscères parasités lors de l’inspection sanitaire en abattoir est la conséquence la plus directe de l’infestation des animaux de rente par E. granulosus.

Si les poumons ne sont classiquement pas valorisés, la saisie du foie des ruminants parasités a des répercussions économiques. Cela revêt une importance particulière en Corse, où une spécialité de charcuterie, les figatelli, est produite avec du foie de porc (occasionnellement aussi de sanglier). À notre connaissance, l’impact de la saisie des foies infestés en Corse n’a pas été estimé, mais en raison de la prévalence élevée, la répercussion économique n’est pas négligeable [4]. En parallèle des saisies, la présence du parasite a également pour conséquences (indirectes) de diminuer la croissance, la fertilité, la production de lait ou de laine et la qualité de la viande. Généralement négligées par les éleveurs, elles sont méconnues et difficilement appréhendables. Elles pourraient pourtant être source de motivation pour une lutte intégrée contre l’hydatidose.

Ne pas confondre

E. granulosus ne doit pas être confondu avec E. multilocularis. Cette dernière espèce est responsable de l’échinococcose alvéolaire, qui a aussi un développement initial principalement hépatique. Par la suite, le développement du stade larvaire d’E. multilocularis évoque une tumeur : sa croissance est invasive et destructrice des tissus de l’hôte. La maladie potentiellement induite est sévère, le taux de létalité bien plus élevé que pour l’échinococcose kystique.

Le cycle d’E. multilocularis est sylvatique. Il repose principalement sur le renard et les micromammifères. E. multilocularis est historiquement cantonné dans l’est de la France, des études récentes ont toutefois permis de mettre en évidence une expansion de sa zone d’endémie jusque dans le Morbihan, à l’image de l’extension constatée en Europe [2]. Cette présence du parasite dans l’Ouest et le Nord daterait en fait de plusieurs décennies et serait longtemps restée insoupçonnée en raison de la faible prévalence chez le renard et de l’absence d’investigations [4].

À l’abattoir, E. granulosus peut être confondu avec T. hydatigena, qui donne des kystes à paroi rosée, translucides et flasques, couramment appelés “boules d’eau”, dans le foie.

Les formes peu développées et/ou calcifiées compliquent le diagnostic macroscopique car il est alors difficile de juger de la couleur (blanche ou rosée), de l’aspect (opaque ou translucide) et de la consistance (dure ou flasque), rendant difficile la diagnose différentielle en abattoir entre ces deux cestodoses larvaires (photos 2 et 3).

Impact zoonotique

L’homme peut être contaminé par E. granulosus de manière accidentelle, soit par ingestion d’œufs microscopiques présents sur des végétaux, soit par contact direct avec un chien infesté ou ses fèces.

Le stade larvaire du parasite se développe majoritairement sous la forme d’un kyste unique au niveau du foie. Des localisations pulmonaires ou dans d’autres organes peuvent aussi être observées. Les symptômes sont généralement associés au grossissement du kyste : celui-ci comprime les tissus voisins ou se rompt. Le taux de mortalité est faible (2 à 4 %), mais il augmente considérablement en l’absence de traitement chirurgical et/ou médicamenteux adapté [1].

En France, notamment en l’absence de données animales récentes, il a été admis que les cas d’hydatidose humaine étaient importés, notamment du Maghreb ou des pays de l’Europe de l’Est. Les résultats des récentes études de surveillance à l’abattoir ont incité l’Institut de veille sanitaire à mettre en place une enquête : il s’agit d’estimer l’incidence des cas d’hydatidose en France en utilisant une base de données hospitalière nationale (PMSI). L’incidence annuelle des cas hospitalisés de 0,18 pour 100 000 habitants s’avère stable entre 2005 et 2012, avec en moyenne 111 nouveaux cas et 158 hospitalisations par an. La Corse a été identifiée comme un foyer majeur avec un taux d’incidence cinq fois plus élevé que dans le reste de la France [5].

  • (1) Voir l’article “Hydatidose et Echinococcus granulosus : nouveaux éléments épidémiologiques” des mêmes auteurs, dans ce numéro.

Références

  • 1. Brunetti E, Kern P, Vuitton DA. Expert consensus for the diagnosis and treatment of cystic and alveolar echinococcosis in humans. Acta Trop. 2010;114(1):1- 16. Doi:10.1016/j.actatropica. 2009.11.001.
  • 2. Combes B, Comte S, Raton V et coll. Expansion géographique du parasite Echinococcus multilocularis chez le renard en France. Bull. Épidémiol. Santé Anim. Alimentation. 2013;57:16-18.
  • 3. Romig T, Ebi D, Wassermann M. Taxonomy and molecular epidemiology of Echinococcus granulosus sensu lato. Vet. Parasitol. 2015;213(3-4):76-84.
  • 4. Umhang G, Richomme C, Hormaz V et coll. Pigs and wild boar in Corsica harbor Echinococcus canadensis G6/7 at levels of concern for public health and local economy. Acta Trop. 2014;133:64-68.
  • 5. Van Cauteren D, Grenouillet F, de Valk H. Estimating the incidence of cystic echinococcosis in France using the French nationwide hospital medical information database. Proceedings of the International Symposium: Innovation for the Management of Echinococcosis, Besançon. 2014;27-29.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ
Aspects d’E. granulosus : un petit ver plat, des kystes hydatiques dans le foie, principalement

Comme les autres espèces d’échinocoques, le stade adulte d’E. granulosus est un ver plat de seulement quelques millimètres. Cela l’oppose aux cestodes du genre Taenia, dont la taille peut atteindre plusieurs mètres. Ce ver hermaphrodite fixé entre les villosités intestinales produit des œufs microscopiques (30 µm de diamètre) qui sont libérés dans l’environnement via les fèces de l’hôte définitif carnivore parasité. Une fois ingérés par un hôte intermédiaire herbivore, les œufs migrent principalement vers le foie ou potentiellement vers les poumons. Le stade larvaire se développe dans ces organes sous la forme de kystes (photo 1). Ces structures se remplissent de liquide hydatique. À l’intérieur, des capsules bourgeonnantes rattachées à la membrane interne, renfermant des protoscolex, se forment, constituant les futurs vers si ces viscères parasités sont consommés par un hôte définitif.

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