Classification de la rigidité articulaire congénitale chez les veaux de race blanc-bleu belge - Le Point Vétérinaire expert rural n° 364 du 01/04/2016
Le Point Vétérinaire expert rural n° 364 du 01/04/2016

AFFECTIONS ARTICULAIRES CONGÉNITALES DES BOVINS

Veille scientifique

Auteur(s) : Salem Djebala*, Arnaud Sartelet**, Arnaud Sartelet***, Nassim Moula****, Arnaud Sartelet*****, Kamal Touati******, Arnaud Sartelet*******

Fonctions :
*Bât. B42, Département clinique
des animaux de production,
avenue Cureghem, 7 D, Quartier,
4000 Liège, Belgique
**Bât. B42, Département clinique
des animaux de production,
avenue Cureghem, 7 D, Quartier,
4000 Liège, Belgique
***Bât. B42, Département clinique
des animaux de production,
avenue Cureghem, 7 D, Quartier,
4000 Liège, Belgique
****Bât. B42, Département clinique
des animaux de production,
avenue Cureghem, 7 D, Quartier,
4000 Liège, Belgique

Cet article présente une classification en quatre grades des veaux de race blanc-bleu belge atteints de rigidité articulaire congénitale, et le résultat des traitements effectués chez ces veaux.

Les malformations congénitales sont des anomalies de structure ou de fonction présentes à la naissance. Ces anomalies touchent toutes les races bovines et environ 3 % des naissances [1, 13].

Les malformations des membres sont les plus communes chez les ruminants [12]. La rigidité articulaire congénitale (RAC) est la malformation la plus fréquente chez les bovins (encadré) [8]. Elle affecte environ 1 % des veaux cul-de-poulain en Belgique [14].

Afin d’établir un diagnostic, un pronostic et un traitement adéquat, divers auteurs ont mis en place différentes classifications prenant en considération des critères variés. Les plus importantes sont la classification en deux grades, celle en trois grades et celle qui définit huit groupes pour les membres antérieurs et quatre pour les membres postérieurs [2, 10, 14]. Nous proposons une classification qui définit quatre grades.

CLASSIFICATION EN QUATRE GRADES

La classification en quatre grades proposée a été établie à partir de l’observation de 74 veaux blanc-bleu belge (BBB) référés par des praticiens à la clinique des ruminants de la faculté vétérinaire de Liège pour confirmer le diagnostic de RAC, établir un pronostic et mettre en place le traitement adéquat. Ces veaux sont tous nés par césarienne. Ils proviennent de différentes exploitations.

Différentes méthodes sont utilisées pour classifier la RAC chez les veaux. Celle qui définit trois grades et celle qui en définit deux ne sont pas complètes et précises, par rapport à celle décrite ici [2, 14]. En effet, elles ne prennent pas en considération tous les signes cliniques, notamment l’état général du veau, le nombre de membres et d’articulations atteints. La classification qui définit 32 groupes selon l’atteinte des membres antérieurs et postérieurs est compliquée et incomplète, car elle ne prend en considération que la flexion des membres [10].

L’anamnèse de chaque animal a été renseignée par le propriétaire et le vétérinaire référent. Elle comprend l’âge, le sexe, la race, la parité de la mère, la présentation du veau à la naissance et le statut de rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR) de l’élevage d’origine.

Un examen général complet est réalisé à l’arrivée de l’animal. Il comprend le poids, l’état d’embonpoint, l’attitude, l’état de conscience, le comportement, la respiration (fréquence, rythme, type), la température des extrémités et rectale, le pouls (fréquence, rythme, amplitude), l’état d’hydratation, la couleur des muqueuses et l’état des ganglions. Un contrôle de l’ombilic et de la bouche est aussi effectué.

Un examen neurologique est réalisé, suivi par un autre de l’appareil locomoteur, qui comporte une inspection afin d’évaluer la capacité du veau à se lever et à marcher et de localiser et de dénombrer les articulations atteintes. L’examen comporte aussi une manipulation pour évaluer la réductibilité de la flexion. Enfin, une palpation des membres du bas vers le haut permet de déceler des lésions, des tuméfactions et des zones de chaleurs ou des douleurs.

Les veaux sont ainsi classés en quatre grades selon la sévérité de la RAC. Ce classement sert à établir un pronostic et à définir un traitement adéquat pour chaque animal (tableau 1).

Chez le BBB, l’atteinte est toujours symétrique : soit une articulation sur chaque membre, soit deux sur chaque membre. Il n’est jamais observé d’atteinte d’une articulation d’un côté et de deux de l’autre. En revanche, une asymétrie peut être trouvée dans les autres races. Cette classification est spécifique au BBB.

ÂGE, POIDS, CLASSIFICATION DES VEAUX RÉFÉRÉS

Les analyses statistiques descriptives des données des 74 animaux sont réalisées en utilisant le logiciel SAS (2001). Le modèle linéaire général (GLM, SAS, 2001) est utilisé pour l’analyse des données quantitatives, et le test du χ22, SAS, 2001) l’est pour l’analyse des données qualitatives.

1. Âge

L’âge des veaux varie de 3 à 30 jours (J), avec une moyenne de 9,5 +/- 1 J.

Plus l’atteinte est sévère, plus les veaux référés sont jeunes (17,5 +/- 3 J en moyenne pour les atteintes de grade I contre 5,5 +/- 3 J pour les atteintes de grade IV). En effet, dans les cas bénins (grades I et II), les vétérinaires praticiens attendent que les veaux se rétablissent seuls ou essaient des traitements médicaux, alors qu’ils ne tardent pas à référer les grades III et IV en raison de la gravité de l’atteinte et des complications qui s’installent rapidement. Les animaux sont traités après l’âge de 5 J pour s’assurer qu’ils démarrent bien et ne présentent pas d’autres anomalies.

2. Poids

Le poids moyen des veaux référés est de 55 +/- 1,5 kg, soit 20 % plus élevé que celui des veaux normaux (44 kg pour les femelles et 47 kg pour les mâles) [5]. Il augmente avec le grade de la RAC, toutefois les animaux de grade IV sont moins lourds que ceux de grade III (tableau 2). Cela s’explique par le fait que la sévérité de la RAC n’est pas conditionnée uniquement par le poids du veau. Plusieurs autres facteurs se combinent pour réduire la mobilité in utero, tels que la taille et la parité de la mère [14].

3. Grade de la RAC

La plupart des veaux référés présentent une RAC de grade III (46 %). Le grade II arrive ensuite, suivi des grades IV puis I.

Par rapport à l’étude de Sartelet (2007), un faible taux de veaux présentant une RAC de grade IV est noté (10,8 contre 25 %) [11]. Cela est dû au fait que les vétérinaires praticiens euthanasient souvent en ferme les veaux sévèrement atteints. Un plus faible taux de veaux présentant une RAC de grades I et II est également observé. En effet, ces animaux sont souvent traités à la ferme par les vétérinaires praticiens depuis la vulgarisation et l’enseignement du traitement chirurgical dans les facultés de médecine vétérinaire. Cela explique aussi l’augmentation du nombre de veaux présentant une RAC III, pour lesquels les vétérinaires hésitent à traiter et qui sont donc référés systématiquement en clinique.

Les membres antérieurs sont plus touchés par la RAC (54 %) que les membres postérieurs (17,6 %), et certains veaux présentent une atteinte des quatre membres (20,3 %). Nos résultats sont comparables à ceux de Van Huffel (1990) [14]. En revanche, la RAC est plus sévère lorsque les membres postérieurs sont touchés : 100 % des veaux de grade I sont atteints aux membres antérieurs et plus le grade augmente, plus les membres postérieurs sont atteints.

4. Complications

La RAC est accompagnée de complications dans 23 % des cas. Plus la RAC est sévère, plus les veaux sont sujet à ces complications. Les plus fréquentes sont les omphalites (5,4 %), les arthrites (5,4 %) et les diarrhées (4 %). Les veaux atteints des membres postérieurs ou des quatre membres se lèvent difficilement ou ne parviennent pas à se lever, ce qui détériore rapidement l’état général. Cela explique aussi l’augmentation de la fréquence des complications parallèlement au grade de la RAC.

TRAITEMENT

La conduite à tenir diffère selon le grade de la RAC : traitement médicamenteux, immobilisation par des gouttières, ténotomie des tendons(1) contractés ou euthanasie (photos 3 à 7). Le traitement médical décrit par différents auteurs est le même : administration de vitamines et d’antibiotiques en plus des exercices d’étirement, et dans le cas où la flexion ne se réduit pas, une immobilisation en extension s’impose [2-4, 6]. Parmi les 74 veaux examinés, 90,5 % ont reçu des traitements et 9,5 % été euthanasiés. Ainsi, 1,3 % des veaux ont été traités à l’aide de pénicilline procaïne (Penikel®) pour prévenir les infections secondaires à la RAC, de vitamines A, D3, E (vitamine A, D3, E®) et de sélénium (Etosol-Se®), le temps que les membres se redressent. Des attelles ont été posées dans 9,5 % des cas et 79,9 % des veaux ont subi une chirurgie (tableau 3).

La répartition des différents traitements effectués pour chaque grade de la RAC est comparable à celle décrite dans l’étude de Sartelet (2007) : 75 % des veaux qui présentent une RAC de grade I sont traités par la pose d’attelles et 25 % par une chirurgie. Pour les grades II, 80 % sont traités chirurgicalement et 20 % par la pose d’attelles. Enfin, 90 % des grades III ont subi une chirurgie et 9 % sont euthanasiés [11].

Le traitement médical et l’immobilisation par des attelles sont envisageables pour le grade I et rarement pour le grade II. Le traitement adéquat pour le grade III est la chirurgie suivie d’une immobilisation en extension pendant 3 semaines.

La comparaison des techniques chirurgicales décrites par d’autres auteurs avec celle que nous avons utilisée fait apparaître quelques différences :

– le diamètre des attelles est réduit pour les différents auteurs, ce qui laisse peu de place pour la protection du membre. Des blessures surviennent plus rapidement, ce qui engendre une diminution du temps d’immobilisation à un maximum de 10 J. Dans notre étude, l’immobilisation est de 3 semaines et elle peut être prolongée si la flexion n’est pas complétement réduite, sans aucun risque de blessure ;

– dans les autres études, les auteurs conseillent de traiter un membre puis l’autre, alors que le traitement des deux membres simultanément permet de gagner du temps. En revanche, le propriétaire doit aider le veau à se lever jusqu’à ce que ce dernier le fasse de lui-même [6, 9].

Une enquête téléphonique a été réalisée auprès des éleveurs afin de connaître l’évolution et les résultats des traitements effectués. Le taux de succès est de 64,9 %. Les veaux morts après le traitement (35,1 %) sont soit euthanasiés en clinique parce que la RAC est irréductible, soit morts à la ferme pour des raisons inconnues. Le taux de survie diminue avec l’augmentation du grade de la RAC (tableau 4). Parmi les veaux traités, 7 sont abattus à un âge moyen de 6,8 +/- 1,4 mois, avec un poids de carcasse moyen de 125 +/- 14,1 kg.

D’après Anderson et ses collaborateurs (2008), 80 % des veaux traités peuvent atteindre le poids optimal d’abattage et d’après Sartelet (2007), seuls 51,5 % pourront être abattus à un poids optimal [2, 11]. Dans notre étude, 10,4 % des veaux sont abattus à un âge précoce et avec un poids de carcasse très faible. En revanche, dans 61,2 % des cas, le traitement a bien fonctionné : la RAC est bien réduite et les veaux traités ne présentent pas de retard de croissance.

Le succès des traitements effectués sur les grades I, II et III est comparable à celui obtenu par Sartelet (2007) [11]. Concernant le grade IV, 35 % sont traités chirurgicalement et 65 % sont euthanasiés, ce qui diffère de nos résultats, où le taux de veaux traités chirurgicalement est très élevé. Le succès des traitements pour ce grade est très faible, ce qui confirme que le pronostic des veaux atteints de RAC de grade IV est mauvais. Ainsi, l’euthanasie semble être la meilleure solution.

Conclusion

La RAC est une anomalie fréquente dans la race bovine BBB. Sa classification en quatre grades semble le meilleur moyen d’établir un diagnostic, un pronostic et le traitement adéquat. Un traitement médical et, plus rarement, une immobilisation par des attelles suffisent à traiter le grade I de la RAC. Pour les grades II et III qui ne présentent pas de complications, une ténotomie suivie d’une immobilisation pendant 3 semaines semble être le meilleur traitement. Pour le grade IV de la RAC, en revanche, une euthanasie est conseillée en raison des mauvais résultats des traitements. Idéalement, il convient d’effectuer les traitements entre 5 et 10 jours d’âge et leur réussite est tributaire des soins postopératoires réalisés à la ferme.

  • (1) Voir l’article “Ténotomie chez le veau” de Djebala et coll., Point Vet. 2016;363rural:66-67.

Références

  • 1. Amstutz HE, Anderson DP, Armour J. Le manuel vétérinaire Merk. 2e éd. Éd. D’après, Paris. 2002:2297p.
  • 2. Anderson DE, Saint Jean G. Diagnostic and management of tendon disorders in cattle. Vet. Clin. North Am. Food Anim. Pract. 1996;12 (1):85-116.
  • 3. Blower RW, Weaver AD. Affections congénitales. Dans : Guide pratique de la médecine bovine. 2e éd. Éd. Med’Com, Paris. 2006:223p.
  • 4. Gourreau JM, Bendali F. Maladies des bovins. 4e éd. Éd. France agricole, Paris. 2005:797p.
  • 5. Herd-book blanc-bleu belge. Caractéristiques. 2016. http://www.hbbbb.be/fr/pages/caracteristique.
  • 6. Laurent JL. Arcure et bouleture chez le veau cure chirurgicale. Bull. des GTV. 1998;1:41-45.
  • 7. Leipold HW, Green HJ, Huston K. Arthrogryposis and palatoschisis in neonatal charolais calves. Vet. Med. Small Anim. Clin. 1973;68 (10):1140-1146.
  • 8. Lucy KM, Indu VR, Harshan KR et coll. Arthrogryposis and associated defect in a newborn calf. Indian J. Anim. Res. 2010;44 (2):107-112.
  • 9. Ravary B, Satteler N, Roch N. Affections locomotrices. Dans : Néonatalogie du veau. Éd. Point. Vét., Paris. 2006:209-234.
  • 10. Russel RG, Doige CE, Oteruelo FT et coll. Variability in limb malformations and possible significance in the pathogenesis of an inherited congenital neuromuscular disease of charolais cattle (syndrome of arthrogryposis and palatoschisis). Vet. Pathol. 1985;22 (1):2-12.
  • 11. Sartelet A. Étude des principales maladies du système locomoteur chez les veaux de race Blanc-bleu Belge. Mémoire, diplôme d’étude approfondie en science vétérinaire. Université de Liège. 2007:33p.
  • 12. Shivaprakash BV, Dilip Kumar D. Incidence and management of congenital malformations of muscular system and limbs. Intas Polivet. 2009;10 (2):242-246.
  • 13. Somolec O, Kos J, Vnuk D et coll. Multiple congenital malformation in a simental female calf. Vet. Med. 2010;55 (4):194-198.
  • 14. Van Huffel X. Clinical and experimental contribution to the pathogenesis of congenital articular rigidity in the calf in Belgium. Phd thesis, université de Gent. 1990:135p.
  • 15. Van Huffel X, De Moor A. Reflections on the role of mechanical influences on foetal movement, and the relationship to arthrogryposis multiplex congenital in calves. Vlaam Diergeneeskund. Tidschrif. 1985;54 (6):470-481.

Conflit d’intérêts

Aucun

ENCADRÉ
Caractéristiques de la rigidité articulaire congénitale

La rigidité articulaire congénitale (RAC) des membres est liée à la rétraction des tendons fléchisseurs et de la gaine fibreuse qui les entoure. L’arcure est la rétraction qui concerne les tendons fléchisseurs médial et latéral du carpe (photo 1). La rétraction des tendons fléchisseurs superficiel et profond des doigts entraîne la bouleture (photo 2) [6]. La bouleture et l’arcure peuvent exister séparément ou conjointement chez un jeune veau [7].

La RAC observée dans la race blanc-bleu belge (BBB) est liée à l’hypomobilité des veaux in utero. Les données épidémiologiques montrent que les veaux présentant une RAC ont un poids 15 % supérieur à celui des veaux normaux et leurs mères sont souvent de parité inférieure à celles des veaux normaux [14, 15].

La RAC perturbe la position et le fonctionnement des membres, ce qui prédispose les veaux à des arthrites, périarthrites et omphalites [11].

Points forts

→ La classification en quatre grades des rigidités articulaires congénitales (RAC) établie chez les veaux de race blanc-bleu belge (BBB) tient compte du nombre de membres et d’articulations atteints, des signes cliniques et du pronostic.

→ Chez le veau BBB, l’atteinte est symétrique et les membres antérieurs sont davantage touchés.

→ Le traitement est également défini par la classification en quatre grades.

→ Dans l’idéal, les traitements sont réalisés entre 5 et 10 jours d’âge et leur réussite dépend de la continuité des soins en ferme.

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