Expression clinique et modalités d’apparition des mammites à S. uberis - Le Point Vétérinaire expert rural n° 362 du 01/01/2016
Le Point Vétérinaire expert rural n° 362 du 01/01/2016

INFECTIONS MAMMAIRES EN ÉLEVAGE BOVIN LAITIER

Étude

Auteur(s) : Olivier Samson*, Nicolas Gaudout**, Bruno Pertant***, Sébastien Cousin****, Ellen Schmitt*****

Fonctions :
*Clinique vétérinaire Vetformance,
1, rue Pasteur, 53700 Villaines-la-Juhel
olivier.samson@vetformance.fr
**Clinique vétérinaire Vetformance,
1, rue Pasteur, 53700 Villaines-la-Juhel
olivier.samson@vetformance.fr
***Clinique vétérinaire du Bocage,
Avenue Robinson, 61800 Tinchebray
****Clinique vétérinaire
des Saulniers, Le Haut Beauvais,
35130 La Guerche-de-Bretagne
*****Clinique vétérinaire Vetformance,
1, rue Pasteur, 53700 Villaines-la-Juhel
olivier.samson@vetformance.fr

Une étude de terrain a été conduite sur l’expression clinique et les modalités d’apparition des mammites à Streptococcus uberis en relation avec la vache, l’élevage et sa conduite.

La qualité du lait est un enjeu important pour la filière laitière. C’est aussi un secteur de l’élevage qui suscite une forte consommation d’antibiotiques. Streptococcus uberis est un agent pathogène majeur. L’expression clinique des mammites qui lui sont associées est variable : de l’augmentation du taux cellulaire sans signes à une symptomatologie aiguë et généralisée pouvant conduire à la non-valeur économique de la vache ou à sa mort. Une mammite à S. uberis peut être transitoire ou chronique.

Nous avons analysé 624 laits de quartiers de vaches à mammites, dont 251 impliquant S. uberis. Pour les vaches positives pour ce germe, des informations ont été récoltées les concernant, ou relevant de l’élevage et de sa conduite, données disponibles directement à la ferme. Il s’agissait in fine de rechercher l’influence de ces facteurs sur l’expression des mammites à S. uberis et leur issue.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

1. Échantillonnage et analyse bactériologique

D’août 2012 à janvier 2014, des prélèvements de lait de vaches affectées de mammites cliniques ou subcliniques (n = 624) ont été récoltés de façon exhaustive dans la clientèle de trois cliniques vétérinaires situées à l’ouest de la France : Villaines-la-Juhel (Mayenne), La Guerche-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine) et Tinchebray (Orne). Les échantillons ont été réalisés par les vétérinaires ou les éleveurs. Les analyses bactériologiques ont été effectuées au laboratoire interne respectif de chaque clinique, selon la méthode de culture bactérienne [2, 3]. L’échantillon était considéré positif pour S. uberis lorsque :

- un seul type de colonie était présent sur les géloses BCP (bromocresol purple), CNA (colistin and nalidixic acid) et COS (type Columbia + 5 % de sang de mouton) ;

- le test à la catalase était négatif ;

- le test de l’esculine était positif ;

- et ce dernier était sensible à la pénicilline.

Finalement, 235 résultats positifs ont été inclus dans l’étude.

2. Récolte et analyse des données sur la vache et l’élevage

Des données ont aussi été récoltées sur les vaches, l’élevage et ses pratiques. Accessibles rapidement et facilement, elles sont issues du registre sanitaire, des résultats du Contrôle laitier et d’un questionnaire rempli par l’éleveur (encadrés 1 à 3, figure 1).

Les analyses statistiques ont été réalisées avec Statistix, version 10 (Analytical Software, Talahasse, FL).

RÉSULTATS

1. Influence de la vache, de l’élevage et des pratiques d’élevage sur l’expression clinique de la mammite

Ont été trouvés influents (selon le test du x2 avec p < 0,05) :

1/ pour une mammite sévère : la parité (en l’occurrence primipare : 1), la classe de nombre de jours en lactation (JEL) (< 100), l’absence de post-trempage, la réalisation d’un traitement (que ce soit intramammaire [IMam], antibiotique injectable [AbInj] ou anti-inflammatoire non stéroïdien [AINS]) ;

2/ pour une première mammite non sévère : la parité (cette fois deuxième veau), le traitement (uniquement IMam) ;

3/ pour une deuxième mammite et plus, non sévère : la parité (troisième lactation et plus), la classe de JEL (100 à 200), l’absence de post-trempage et l’existence d’un traitement (IMam et AbInj) ;

4/ pour une infection subclinique : la parité (1) et l’absence de post-trempage (figure 2).

Ces données peuvent se lire plus facilement ainsi :

- les mammites sévères sont plus souvent rapportées chez les primipares et les vaches en début de lactation ;

- les vaches en deuxième lactation font davantage de mammites non sévères, et il s’agit souvent de leur première mammite pour cette lactation, contrairement aux vaches en troisième lactation et plus qui en sont à leur deuxième mammite ou davantage, non sévère ;

- les vaches en deuxième et en troisième lactation (ou davantage) font davantage de mammites non sévères. Lorsqu’un prélèvement de lait de mammite est apporté à la clinique pour analyse, c’est souvent la première mammite dans la lactation, lorsque la vache est en deuxième lactation. En revanche, pour une vache en troisième lactation et plus, la vache a déjà fait une ou plusieurs mammites dans la lactation en cours ;

- les mammites subcliniques sont plus souvent le fait des primipares ;

- les éleveurs utilisant le post-trempage observent moins de mammites sévères, à répétition et subcliniques ;

- les éleveurs ont tendance à traiter les mammites sévères en associant antibiotiques IMam, AbInj et AINS.

2. Influence de la vache, de l’élevage et?des pratiques d’élevage sur l’issue de?la mammite

Ont été trouvés influents (test du x2 p < 0,05) :

- pour la guérison, un historique inflammatoire B, une parité à 1 et 2 ;

- pour la non-guérison, un historique inflammatoire H, une parité à 3 ;

- pour un statut indéterminé, un historique inflammatoire indéterminié (ID), un traitement IMam, AbInj et AINS ;

- pour une issue inconnue, un historique inflammatoire ID, un traitement IMam, AbInj et AINS.

La guérison n’est associée ni aux signes cliniques ni au traitement. Il n’existe pas de corrélation entre la guérison ou non et les traitements administrés.

La guérison est plus souvent associée à un historique inflammatoire peu important, et est en général consignée chez les vaches en première et en deuxième lactation.

Une issue inconnue est associée à un historique ID et un traitement intensif : les vaches ayant récemment vêlé et qui présentent une mammite sévère à S. uberis ont un risque élevé d’être réformées précocement ou de mourir et ce, malgré un traitement associant IMam, AbInj et AINS (figure 3).

DISCUSSION

Les primipares et les vaches en début de lactation sont plus sensibles aux mammites sévères à S. uberis et sont réformées plus fréquemment malgré les traitements entrepris : une attention particulière doit être portée aux primipares et aux vaches ayant récemment vêlé.

À la suite d’une mammite à S. uberis, les vaches âgées ont un taux de réforme plus bas, mais sont plus sujettes aux mammites à répétition : la “préservation” de la mamelle est importante pour la longévité des vaches.

Le post-trempage est un facteur clé permettant de diminuer les mammites, quelle que soit leur expression clinique. Il s’effectue en fin de traite et consiste à appliquer un cosmétique sur les trayons à l’aide d’un gobelet de trempage. Ces produits sont généralement composés d’un polymère constituant une membrane imperméable aux bactéries, mais perméable à l’air et à l’eau, et d’un désinfectant formant une barrière germicide.

L’historique de la mammite fondé sur les comptages cellulaires mensuels précédant l’événement est utile pour en prédire l’issue : il devrait être inclus dans les protocoles de traitement des mammites à S. uberis.

Instituer un traitement uniquement sur l’utilisation d’antibiotiques et d’anti-inflammatoires n’est pas satisfaisant.

Les propositions de traitement des mammites à S. uberis publiées par le passé restent valides [1]. Cette étude montre que grâce à des données facilement accessibles (résultats des comptages cellulaires de la vache), l’historique inflammatoire de la vache peut être défini avant la survenue de la mammite et une décision de traitement peut être étayée. L’éleveur peut alors économiser de l’argent et éviter une consommation inutile d’antibiotiques dans certains cas.

Dans cette étude, la majorité des mammites à S. uberis a été diagnostiquée chez des vaches ayant accès au bâtiment (88,3 %), que ce soit sur aire paillée (77,9 % des cas) ou en logettes (22,1 %). Les mammites à S. uberis apparaîtraient principalement quand les vaches sont logées à l’intérieur et se couchent sur une aire paillée. Dès lors, les vaches pour lesquelles le post-trempage est utilisé présentent moins de mammites à S. uberis.

Ce germe ambivalent se classerait ici en agent pathogène « d’environnement », même si aucune corrélation entre le type de logement ou de couchage et l’expression clinique ou l’issue de la mammite n’est établie (photo 2).

Conclusion

Les éleveurs sollicités pour cette étude en ont favorablement accueilli les résultats. Ils ont parfaitement intégré que la réalisation d’une analyse bactériologique et l’utilisation de l’historique inflammatoire d’une vache leur permettaient de savoir s’il convenait de traiter ou de tarir un quartier. L’étude a aussi illustré que les antibiotiques ne sont pas moins efficaces qu’auparavant, simplement ils ne peuvent pas tout régler.

Toutes les souches pathogènes de cette étude ont été conservées. Il serait intéressant de déterminer, par la suite, s’il existe une corrélation entre leurs facteurs de virulence et l’expression clinique ou l’issue de la mammite.

Références

  • 1. Sérieys F. Le traitement ciblé des mammites cliniques : enjeux, raisonnement, mise en œuvre. Bulletin des GTV. 2010;57:39-48.
  • 2. Société française de microbiologie. Antibiogramme vétérinaire du comité de l’antibiogramme de la Société francaise de microbiologie. Éd.?Institut Pasteur 2013, Paris. http://www.sfm-microbiologie.org/UserFiles/files/casfm/CASFM_VET2015.pdf : 13p.
  • 3. Soussy CJ. Laboratory handbook on bovine mastitis. Éd. NMC, New York. 1999:222p.

Conflit d’intérêts

Aucun

ENCADRÉ 1
Autres données récoltées

Pour chaque vache

→ Date de la mammite.

→ Traitement réalisé : intramammaire (IMam), antibiotique injectable (AbInj) et anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS).

→ Résultats du Contrôle laitier 3?mois avant la mammite, le mois de la mammite et 3?mois après la mammite : comptage cellulaire (CC), niveau de production (P), parité, jours en lactation (JEL), taux protéique et taux butyreux.

Au niveau de l’élevage

Hygiène de traite : pré- et post-trempage (photo 1) ? Accès à la pâture (dehors ou en bâtiment) ? Type de couchage (logette ou aire paillée ?).

ENCADRÉ 2
Classification des mammites selon leur expression clinique

Les cas de mammites de cette étude ont été classés en quatre catégories :

1/ mammite clinique avec des signes locaux et généraux (si température rectale supérieure à 39 °C) ;

2/ première mammite dans la lactation en cours avec uniquement des signes locaux (anomalies de l’aspect du lait avec ou sans anomalies du quartier) ;

3/ deuxième mammite ou plus dans la lactation en cours avec uniquement des signes locaux (anomalies de l’aspect du lait avec ou sans anomalies du quartier) ;

4/ mammite subclinique caractérisée par une augmentation du comptage cellulaire (> 200 000 cellules/ml d’après le Contrôle laitier) sans aucun signe local.

ENCADRÉ 3
Classification des mammites par profil inflammatoire

La classification des mammites par leur profil inflammatoire est fondée sur les comptages cellulaires des 3 mois précédents et suivants la mammite (données du Contrôle laitier).

→ Avant la mammite, l’inflammation est qualifiée de :

- basse (B) si au plus un résultat mensuel sur trois est supérieur à 200 000 comptages cellules/ml ;

- haute (H) si deux ou trois résultats mensuels sur trois sont supérieurs à 200 000 comptages cellulaires/ml.

→ Après la survenue de la mammite, la classification est la même, mais prend en compte les trois comptages cellulaires mensuels obtenus après la mammite.

Le schéma inflammatoire est indéterminé (ID) en cas de données manquantes. Avant la survenue de la mammite, cela correspond à l’absence de contrôle cellulaire : génisse, vache tarie ou vêlée mais pas encore contrôlée. Après, il s’agit d’une vache morte, réformée ou tarie depuis plus de 2 mois.

En combinant les trois schémas inflammatoires avant et après la mammite, neuf profils sont obtenus :

- B-B, H-B, ID-B : profils considérés comme “guéris” ;

- B-H, H-H, ID-H : profils considérés comme “persistants” ;

- B-ID, H-ID, ID-ID : profils considérés comme “inconnus”.

Points forts

→ La “préservation” de la mamelle est importante pour la longévité des vaches.

→ Le post-trempage est un facteur clé permettant de diminuer les mammites, quelle que soit leur expression clinique.

→ L’historique de la mammite fondé sur les comptages cellulaires mensuels précédant l’événement devrait être inclus dans les?protocoles de traitement des mammites à S. uberis.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à notre Newsletter

Découvrez en avant-première chaque mois le sommaire du Point Vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr