Survie après exérèse d’un adénocarcinome des glandes apocrines des sacs anaux - Le Point Vétérinaire n° 361 du 01/12/2015
Le Point Vétérinaire n° 361 du 01/12/2015

CANCÉROLOGIE CANINE

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Auteur(s) : Mathieu Retournard

Fonctions : Clinique vétérinaire du
Grand-Saule, 7, rue des
Carrières, 89100 Sens

Contrairement à la règle, la survie après le retrait d’un adénocarcinome des sacs anaux ne semble pas dépendre des marges d’exérèse ni de la taille, mais uniquement de l’extension lymphatique.

Les atteintes des sacs anaux sont relativement fréquentes chez le chien, avec environ 12 % d’individus atteints au cours de leur vie.

Épidémiologie et clinique

Le plus souvent, ces affections sont sans gravité (engorgement ou infection). Cependant, les tumeurs sont relativement représentées. Dans 58 à 96 % des cas, il s’agit d’adénomes périanaux bénins. Et les adénocarcinomes des glandes apocrines des sacs anaux (Agasa) représentent 17 % des cas (photo). Ces tumeurs se développent à partir des glandes apocrines situées dans la paroi des sacs anaux. Elles sont localement invasives et métastasent dans environ 50 % des cas. Les sites de métastase les plus fréquents sont les nœuds lymphatiques (NL) régionaux (lymphocentre iliosacral, NL iliaque médial et sous-lombaire), les organes abdominaux, mais aussi les os. Les femelles sont autant atteintes que les mâles et la stérilisation est sans effet sur l’incidence de la maladie.

Les signes cliniques observés dépendent en grande partie de la localisation et de la taille de la masse. Une douleur, un ténesme, une tuméfaction locale et une ulcération peuvent ainsi être présents. D’autres symptômes apparaissent parfois (polyuro-polydipsie, ou PUPD, anorexie, léthargie, faiblesse), qui sont secondaires à une hypercalcémie, existant dans 25 à 53 % des cas.

Le traitement de choix repose sur une exérèse chirurgicale. Il est recommandé d’effectuer ensuite un traitement adjuvant (chimiothérapie ou radiothérapie) en fonction, notamment, de la présence ou non de métastase.

Les facteurs pronostiques rapportés par certaines études, mais controversés par d’autres, sont la taille de la masse, la présence de métastases et celle d’une hypercalcémie.

Étude rétrospective sur 42 cas

Les chiens présentés à l’hôpital vétérinaire de Cleveland-Massillon (États-Unis) entre 2005 et 2011 et qui ont subi le retrait d’une masse périanale ont été intégrés à l’étude. N’ont été retenus que ceux dont le diagnostic histologique était en faveur d’un Agasa avec excision totale. Pour chaque animal, les informations suivantes ont été consignées : âge, sexe, race, poids, nature des symptômes, durée d’évolution, résultats des examens préopératoires (numération et formule sanguines, ou NFS, biochimie, analyse d’urine, radiographies thoraciques et abdominales, examen cytologique, échographie abdominale, scanner), taille de la masse, localisation (droite ou gauche), nombre et type d’interventions pratiquées, résultats histopathologiques, présence de métastases, durée de rémission, thérapie adjuvante, date de récidive, durée de survie et date de la mort.

Pour chaque animal, la chirurgie a été pratiquée aux fins de retirer, si possible avec une marge, l’intégralité de la masse. Chez les animaux présentant une adénomégalie sous-lombaire, le NL a été excisé durant la même anesthésie. La méthode statistique choisie est celle de Kaplan-Meier.

Quarante-deux chiens ont ainsi été rétrospectivement recrutés, avec une moyenne d’âge de 10,36 +/- 2,05 ans. Le poids moyen était de 27 +/- 11,7 kg. Tous les animaux étaient stérilisés, aussi bien les femelles (50 % de l’effectif) que les mâles. La plupart étaient issus d’un croisement (12 chiens), suivis par les bergers allemands (7 chiens), les labradors retrievers (2 chiens), les golden retrievers (2 chiens), les huskies (2 chiens) et les shetlands (2 chiens). L’âge, le poids et le sexe étaient sans effet sur la survie.

La durée moyenne d’évolution des symptômes était de 44,8 +/- 63 jours. Les signes cliniques rencontrés étaient principalement une tuméfaction (57 % des cas), un syndrome PUPD (40 %), du ténesme (27 %), une faiblesse du train arrière (22 %) et une dysorexie (17 %).

Un examen cytologique préopératoire (prélèvement à l’aiguille fine) a été pratiqué chez 29 chiens, qui a été en faveur d’un Agasa dans tous les cas. Chez 40 chiens, une NFS et une analyse biochimique ont été effectuées. Une hypercalcémie a été identifiée chez 8 animaux, mais aucun des paramètres mesurés n’avait de corrélation avec la survie, y compris la calcémie. Un dosage postopératoire de la calcémie a été réalisé chez 5 des 8 chiens qui présentaient une hypercalcémie préopératoire. Chez ces 5 individus, la calcémie est revenue dans les normes après l’exérèse de la masse.

Les donnés épidémiologiques obtenues dans cette étude sont similaires à celles des travaux récents, avec une répartition homogène entre les mâles et les femelles, et la probable absence d’une influence hormonale sur le développement des Agasa puisque tous les animaux atteints sont stérilisés. Les symptômes rencontrés sont également similaires à ceux décrits dans les revues scientifiques, avec seulement 57 % des animaux avec un gonflement périanal, ce qui suggère que la visualisation de la masse n’est pas toujours le premier critère de consultation.

L’espérance de vie est affectée par une adénopathie sous-lombaire

Une échographie abdominale a pu être pratiquée chez 30 chiens. Une adénopathie sous-lombaire a été identifiée dans 43 % des cas (13 chiens sur 30). Par recoupement des résultats des examens radiographiques, échographiques, et des CT-scan abdominaux, 16 chiens sur 42 (47,6 %) présentaient une adénopathie sous-lombaire préopératoire. Le retrait chirurgical du NL hypertrophié a été pratiqué chez ces 16 animaux et l’analyse histologique a révélé une infiltration tumorale dans tous les cas.

Une différence significative a été observée en ce qui concerne la durée de rémission (197 jours contre 529 jours) et la survie moyenne (422 jours contre 529 jours) entre les chiens présentant une adénopathie sous-lombaire et les autres (figure). De plus, les animaux pour lesquels un retrait chirurgical du NL hypertrophié a été réalisé avaient une durée de survie moindre. Ces résultats, au premier abord étonnants, ne sont pas si inattendus. En effet, les animaux dont les NL sont infiltrés se trouvent à un stade plus avancé de la maladie. Des études complémentaires sont toutefois nécessaires afin d’évaluer si l’exérèse des NL hypertrophiés a un intérêt ou non.

La chimiothérapie est sans effet sur la survie

Une chimiothérapie a été recommandée pour tous les animaux, mais réalisée uniquement chez 21 d’entre eux, au minimum 14 jours après la chirurgie. Parmi les chiens qui en ont bénéficié, 52,4 % présentaient des métastases sous-lombaires et 42,9 % avaient subi une exérèse incomplète. Les molécules de chimiothérapie utilisées ont été le carboplatine, le chlorambucil, la prednisone, la cisplatine, le tocéranibe et la doxorubicine. La durée moyenne de survie a été de 531 +/- 391 jours (de 119 à 1 699 jours avec une médiane à 404 jours). Chez 26 chiens (62 %) une progression ou une récidive de la maladie a été notée dans des délais de 399 +/- 401 jours.

Aucun effet significatif n’a été observé sur la survie en ce qui concerne l’administration ou non d’une chimiothérapie postopératoire.

La taille de la masse, la présence d’une hypercalcémie et un retrait incomplet n’affectent pas la survie

La répartition gauche-droite était approximativement homogène (52,4 % à droite contre 47,6 % à gauche) et, chez 3 chiens, une petite masse controlatérale a été observée. La taille moyenne de la lésion retirée est de 4,39 +/- 1,83 cm. Certaines études font état d’une association entre la taille de la masse et la durée de survie chez les animaux présentant un Agasa. L’une a montré que l’espérance de vie des individus dont la superficie de la masse excédait 10 cm2 était moindre. Dans une autre, les chiens avec une tumeur de plus de 2,5 cm de longueur vivaient moins longtemps. Dans la présente, les animaux ont été séparés en deux groupes en fonction de la taille de la masse (plus ou moins de 4,5 cm). Aucune différence n’a été observée en termes de durée de rémission ou de survie.

Les précédents travaux ont rapporté que chez 25 à 53 % des chiens atteints d’un Agasa, une hypercalcémie est mise en évidence. De plus, cette dernière constituait un facteur pronostique négatif. Cependant, d’autres études rapportaient des résultats contraires. Dans la nôtre, une hyper­calcémie a été identifiée chez 8 chiens sur 40 (20 %). Aucune conséquence significative de l’hypercalcémie n’a été constatée sur la survie.

Les marges d’exérèse sont disponibles pour 39 chiens. Leur examen révèle que 43,6 % des ablations ont été complètes, 20,5 % marginales et 35,9 % incomplètes. Seulement 2 chiens ont présenté une récidive au niveau du site chirurgical, respectivement 1 mois et 1 an après la première exérèse. Aucune conséquence de l’ampleur des marges de retrait sur la survie ou la durée de rémission n’a été notée. Autrement dit, les animaux chez lesquels l’ablation a été incomplète n’ont pas été plus nombreux à présenter une récidive que les autres. À la lumière de ces résultats, les auteurs recommandent donc que l’examen des marges d’exérèse ne soit pas le seul critère pour déterminer si une chimiothérapie doit être pratiquée. De plus, tous les Agasa doivent être considérés comme des tumeurs possédant un potentiel métastatique, et ce indépendamment des marges d’exérèse. Les auteurs rappellent également que, même si le retrait est incomplet, il peut permettre de contrôler l’hypercalcémie et les symptômes qui en découlent.

Résultats à interpréter avec précaution

L’administration de molécules de chimiothérapie chez les 21 chiens n’a pas entraîné d’effet significatif sur la survie. Cependant, cette étude comporte quelques biais, notamment en ce qui concerne la décision de réaliser ou non une chimiothérapie. En effet, cette décision a été prise par les propriétaires, et non de façon aléatoire, ce qui peut influencer les résultats de l’essai. Il est possible que les propriétaires des animaux dont la maladie était déjà à un stade avancé, ou de ceux avec d’éventuelles métastases, voire des marges d’excision incomplètes, aient été plus enclins à accepter une chimiothérapie que les autres. C’est probablement ce manque de répartition aléatoire entre les deux groupes qui est à l’origine de résultats surprenants tels qu’une durée de rémission moins importante chez les animaux qui ont bénéficié d’une chimiothérapie, ou encore une durée de survie inférieure pour les animaux dont le NL sous-lombaire a été retiré.

De plus, l’absence de protocoles standardisés concernant l’évaluation préopératoire, les traitements postopératoires et le suivi peut constituer une limite importante en ce qui concerne les résultats de cette étude.

Conclusion

À la lumière de cette étude, et en dépit de quelques biais sur le recrutement, l’évaluation préopératoire et le suivi, il apparaît que la présence d’une adénopathie sous-lombaire constitue un facteur pronostique négatif. L’administration postopératoire d’agents de chimiothérapie ne modifie pas la survie. Cependant, l’absence de randomisation et de contrôle rend l’interprétation de ces résultats délicate. Toutefois, les durées de survie moyenne constatées corroborent les données des études plus récentes et semblent confirmer le bénéfice d’une chirurgie chez des chiens atteints d’un Agasa, et ce même si l’exérèse est incomplète.

Conflit d’intérêts

Aucun

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