NUTRITION des NAC
Dossier
Auteur(s) : Isabelle Desprez*, Laëtitia Volait**, Charly Pignon***
Fonctions :
*Service NAC, CHUVA
ENV d’Alfort,
7, avenue du Général-de-Gaulle,
94704 Maisons-Alfort Cedex
**Service NAC, CHUVA
ENV d’Alfort,
7, avenue du Général-de-Gaulle,
94704 Maisons-Alfort Cedex
***Service NAC, CHUVA
ENV d’Alfort,
7, avenue du Général-de-Gaulle,
94704 Maisons-Alfort Cedex
Chez le lapin, l’anorexie peut entraîner rapidement des effets délétères dans l’organisme. Le plan de réalimentation doit être précoce, mais il ne s’agit pas d’une urgence vitale. Une fluidothérapie ou la lutte contre la douleur sont à instaurer en priorité.
Il convient dans un premier temps de réhydrater l’animal et de mettre en place un protocole analgésique, puis de vérifier qu’aucune obstruction des voies digestives n’est présente avant de commencer à réalimenter le lapin. L’objectif de la réalimentation est de restaurer la balance azotée en apportant assez de protéines et assez d’énergie pour subvenir au métabolisme basal, et le surcroît d’énergie nécessaire à l’organisme pour lutter contre le processus pathologique en cours. La réalimentation permet également de corriger certains désordres électrolytiques mineurs par voie orale (phosphore, potassium, etc.) et d’assurer la nutrition des entérocytes afin de prévenir l’aggravation des troubles digestifs.
Procurer un régime alimentaire adapté au lapin a pour objectif de lui apporter suffisamment de fibres pour assurer une motilité gastro-intestinale normale, ainsi que des quantités appropriées de nutriments.
Les protéines sont fournies par la nourriture ingérée, mais également via les cæcotrophes. Elles doivent constituer environ 12 à 16 % du régime alimentaire du lapin adulte sain, mais les besoins peuvent augmenter en cas de maladie, de gestation ou de lactation. Les sucres simples sont à apporter en quantités limitées afin d’éviter de provoquer leur fermentation excessive dans le cæcum, prédisposant le lapin à l’entérotoxémie. Les fibres représentent l’élément essentiel du régime alimentaire du lapin. Elles ont un rôle crucial dans la motilité gastro-intestinale, dans le maintien d’une dentition saine, et stimulent l’ingestion de cæcotrophes [1]. Leur digestibilité reste limitée, mais la portion non digestible est essentielle dans le contrôle de la motilité gastro-intestinale. Il est donc important de prendre en considération les quantités de fibres contenues dans l’aliment proposé. Un taux de fibres compris entre 20 et 25 % est considéré comme approprié. La matière grasse est une source d’énergie importante et contribue à l’appétence de l’aliment, mais elle ne doit pas être apportée en quantité excessive. Un taux compris entre 2,5 et 4 % est suffisant [3].
En ce qui concerne les vitamines et minéraux, la vitamine A doit être fournie à raison de 10 000 à 18 000 UI/kg de nourriture. Elle joue un rôle crucial dans le maintien de l’intégrité des épithéliums (digestif, respiratoire, etc.) et est considérée comme une “vitamine anti-infectieuse”. En effet, dans plusieurs espèces, il a été constaté que de faibles teneurs en vitamine A s’accompagnaient d’un déficit d’immunoglobulines. Les vitamines du groupe B sont normalement obtenues via la cæcotrophie. Il n’est donc pas nécessaire de supplémenter le lapin tant qu’il conserve ce comportement. Les besoins en vitamine C augmentent avec le stress. Aussi, même si le lapin est capable de la produire, il peut être nécessaire de le supplémenter en cas de maladie ou d’hospitalisation. Des doses de 10 à 50 ppm sont recommandées. La vitamine E est conseillée à raison de 50 mg/kg de nourriture et le calcium devrait représenter 0,5 à 1 % de la ration pour un taux de phosphore d’environ 0,5 % [1].
La quantité d’alimentation à utiliser doit être calculée à l’aide de la formule suivante :
métabolisme basal (MB) en kcal/J = 70 (poids vif en kg)0,75
À cela, il convient d’ajouter un facteur correcteur lié à la maladie (k) qui est compris entre 1,2 et 2 en fonction de la sévérité de l’atteinte :
énergie requise en kcal/J = k × MB.
L’énergie requise est ensuite divisée par la concentration énergétique sèche de l’alimentation. La quantité d’eau est ajoutée selon le plan de réhydratation. Un lapin en bonne condition peut recevoir dans un premier temps 75 à 100 % de son besoin journalier durant les premières 24 à 48 heures. Chez les animaux débilités, cette quantité est tout d’abord limitée à 40 à 70 % du besoin journalier, pour être progressivement augmentée sur 3 à 5 jours afin d’atteindre la somme requise. Idéalement, le lapin est nourri toutes les 8 heures. En moyenne, un volume de 10 à 20 ml/kg peut être administré à chaque repas [1].
De plus, de la nourriture fraîche devrait toujours être mise à sa disposition afin de l’encourager à se nourrir : foin, aliment de gavage, verdure fraîche (tableau 1).
La réalimentation n’est possible qu’après avoir exclu toute obstruction du tractus gastro-intestinal.
Le lapin doit être gavé en lui assurant une contention appropriée (l’animal est tenu fermement dans une serviette, avec la tête extériorisée) et un environnement calme. Pour la réalimentation, il est possible d’utiliser une seringue de 1 ml dont l’extrémité a été sectionnée, une seringue dédiée fournie par le fabricant ou une seringue drogueuse de 60 ml (photo 1). La seringue est introduite délicatement dans l’espace interdentaire et de petites quantités sont injectées dans la bouche du lapin (photo 2). La quantité maximale de gavage est de 60 ml/kg/j et peut être donnée par portions toutes les 4 heures [1, 2].
Dans certaines situations, le lapin tolère mal le gavage à la seringue (animal agité et stressé par les conditions d’hospitalisation ou moribond), ce qui peut conduire à la mise en place d’une sonde naso-œsophagienne. Celle-ci peut rester en place 2 à 3 jours. En effet, les lapins développent souvent des rhinites associées à la présence de cette sonde au bout de 3 jours.
Afin d’évaluer la longueur nécessaire de la sonde, il convient de mesurer la distance entre la narine et la dernière côte (photo 3a). Une goutte de lidocaïne est instillée dans la narine et, après environ 1 à 2 minutes, la sonde est insérée au niveau médio-dorsal de celle-ci, jusqu’au repère (photo 3b). Elle est fixée par un point simple, de la colle ou une agrafe sur le chanfrein, et son positionnement est systématiquement vérifié par un cliché radiographique (photos 3c et 3d).
Les complications rencontrées lors de la mise en place de la sonde peuvent être un placement incorrect dans les voies respiratoires et une irritation des muqueuses. Une épistaxis transitoire est parfois observée après le passage de la sonde dans les cavités nasales.
Contrairement aux carnivores domestiques, chez le lapin, la mise en place d’une collerette est déconseillée. En effet, cette dernière peut induire un stress non négligeable (et aggraver l’anorexie) et contrecarre l’ingestion de cæcotrophes, nécessaire au bon fonctionnement de l’appareil digestif [1, 2]. La sonde naso-œsophagienne n’empêche pas la réalimentation spontanée du lapin, même si elle peut gêner l’olfaction et la préhension alimentaire.
Une sonde d’œsophagostomie doit être envisagée si les deux techniques abordées précédemment sont impossibles à réaliser en raison de l’état clinique du lapin (fracture de la face, obstruction importante des cavités nasales secondaire à un jetage sévère). La mise en place de la sonde d’œsophagostomie requiert l’anesthésie générale de l’animal et suit les mêmes principes que chez les carnivores domestiques(1). Elle est donc préférentiellement posée à la suite d’une intervention chirurgicale, notamment une hémi-mandibulectomie ou une autre chirurgie “lourde” de la tête.
L’encolure de l’animal est tondue et préparée chirurgicalement. La sonde doit être suffisamment longue pour aller de l’incision jusqu’à la dernière côte. Une pince hémostatique courbe est introduite par la bouche dans la première portion cervicale de l’œsophage. Son extrémité vient tendre la peau du cou, permettant ainsi de visualiser le site d’œsophagostomie. Une légère incision est réalisée à l’aide d’une lame de bistouri. Les mors de la pince peuvent alors passer au travers de cette ouverture et saisir l’extrémité distale de la sonde. Celle-ci est tirée jusque dans la cavité buccale, puis réintroduite dans l’œsophage. Un faible volume de sérum physiologique (1 ml) peut être administré dans la sonde afin de vérifier l’absence de toux, signe qui révélerait un potentiel placement de la sonde dans les voies respiratoires. La position de la sonde est ensuite vérifiée à l’aide d’un cliché radiographique. Elle est maintenue en place par des points cutanés (photos 4 et 5). Une attention particulière doit être apportée à la plaie, qui doit être nettoyée et désinfectée tous les jours. Après retrait de la sonde, la plaie cicatrise par seconde intention.
Contrairement à la sonde naso-œsophagienne, la sonde d’œsophagostomie peut rester en place plusieurs semaines, voire plusieurs mois [1, 2].
Différents aliments de gavage existent et sont à la disposition du praticien (tableau 2). L’Emeraid Herbivore® ne contient que des fibres solubles, substrat destiné à la microflore du cæcum, ainsi que des nutriments ne nécessitant pas de digestion mécanique. De plus, ce produit passe dans les sondes nasogastrique et d’œsophagostomie de très petit diamètre. Il est donc destiné au lapin présentant un arrêt complet du transit, avec une absence de motilité. Cependant, dans la mesure où il ne contient pas de fibres insolubles, indispensables à la motilité gastro-intestinale, il n’est pas utilisé plus de 4 à 5 jours.
Les autres spécialités possèdent des fibres insolubles, mais, à l’exception du Critical Care Fine Grind®, elles ne peuvent être employées avec des sondes nasogastriques. De plus, elles sont destinées à être distribuées lorsqu’une motricité gastro-intestinale est toujours présente (même si elle est diminuée) car elles nécessitent une digestion mécanique. Elles peuvent être données au long cours.
De plus, il est indispensable de stimuler la motilité gastro-intestinale par de l’exercice et l’incorporation de fibres insolubles dans le plan de réalimentation. L’herbe fraîche est une source de fibres insolubles. Très appétente, elle doit être à la disposition d’un lapin dysorexique [1].
(1) Voir l’article “Mise en place d’une sonde d’Œsophagostomie” de H. Ballet. Le Point Vétérinaire 2011;320:12-13.
Aucun.
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