La détection rapide des pics de LH cherche ses “chefs d’orchestre” - Le Point Vétérinaire expert rural n° 357 du 01/07/2015
Le Point Vétérinaire expert rural n° 357 du 01/07/2015

MAÎTRISE DE LA REPRODUCTION EN ÉLEVAGE BOVIN

Questions-réponses

Auteur(s) : Béatrice Bouquet

Fonctions : 8, rue des Déportés 80220 Gamaches

Les éleveurs peuvent détecter les pics de l’hormone lutéinisante pour mieux cibler l’insémination artificielle. Dans la jungle des outils de contrôle de la reproduction bovine, une nouvelle voie s’ouvre pour le pathologiste individuel.

Chez la vache, les intervalles entre le début des chaleurs et l’ovulation semblent irréguliers et ne peuvent pas être utilisés avec certitude comme points de référence pour prédire l’ovulation. En revanche, le pic préovulatoire de l’hormone lutéinisante (LH) induit l’ovulation 24 heures plus tard (encadré 1). Il constitue l’indicateur le plus précis du moment optimal pour l’insémination artificielle (IA) [7]. Jusqu’à il y a peu, au moins 5 heures étaient nécessaires et des manipulations complexes en laboratoire pour le détecter, par exemple avec LH Detect® en France [1 et N. Picard Hagen, communication personnelle]. Depuis 3 ans, un test rapide réalisable en 45 minutes en élevage sur quelques gouttes de sang prélevées sur tube hépariné (Predi’Bov®) est proposé par la société ReproPharm issue de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) (figure 1). Référencé dans certaines centrales, il reste peu utilisé en pratique vétérinaire courante. Son intérêt initialement pressenti concernait l’amélioration des résultats de transplantation embryonnaire. Cependant, des études réalisées en élevage en France suggèrent un bénéfice plus large, en particulier chez les vaches en échec répété à l’insémination (repeat-breeders) (photo) [6].

POURQUOI DÉTECTER LES PICS DE LH EN DEHORS DE LA SUPEROVULATION ?

Les dernières heures de maturation folliculaire sont importantes pour préserver le potentiel de fertilité et de développement des ovocytes. Prédire exactement le moment de l’ovulation est important [1]. Détecter le pic de LH permet de déterminer le moment optimal de l’IA, mais aussi de confirmer des chaleurs naturelles (encadré 2). La mise en place d’une semence de haute valeur et/ou sexée est ainsi “sécurisée”. Sur des chaleurs naturelles (sans traitement de synchronisation ou de superovulation), le test Predi’Bov® est à effectuer dès les tout premiers signes de chaleurs.

Dans le Pas-de-Calais (groupe G5) et en Bretagne (réseau Cristal), 11 cabinets vétérinaires et 50 éleveurs ont participé à un essai sur 730 vaches laitières (de race prim’holstein à 99 %). Il s’agissait surtout de jeunes bovins (70 % de génisses, de primipares et de secondes lactations). Globalement, le taux de femelles gestantes est amélioré de 10 points si l’IA a lieu dans la fenêtre de 7 à 15 heures après un test positif et jusqu’à 22 points (différence hautement significative avec p = 0,0018) dans la fenêtre étroite de 8 à 10 heures.

En restant dans le créneau large de 7 à 15 heures, la différence est significative (de nouveau + 22 points) pour les primipares (elle ne l’est ni pour les nullipares, malgré les 11 points d’amélioration apparente, ni pour les secondes lactations, avec 12 points de gagnés). Le gain de fertilité associé à l’insémination sur pic de LH détecté est énorme chez les primipares, dans le créneau étroit de 8 à 10 heures (+ 28 points).

Un “décalage de pic de LH” peut être à l’origine d’une infertilité (25 % des vaches ovuleraient plus de 30 heures après le début des chaleurs) [7]. Toutefois, il convient de ne pas oublier les autres causes majeures d’infertilité relatives à l’utérus (métrite) ou à des dysfonctionnements ovariens, rappelle Nicole Picard Hagen, de l’École nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT).

QUEL INTÉRÊT CHEZ DES VACHES EN ÉCHEC RÉPÉTÉ À L’INSÉMINATION ?

Utilisateur du test en pratique vétérinaire de la reproduction bovine, Claude Joly, praticien au sein du groupe G5 (62), témoigne de l’intérêt particulier à conseiller un test chez une vache “qui n’en est pas à ses premières IA”.

Dans les études réalisées et centralisées pour la partie statistique par les chercheurs de ReproPharm, l’impact négatif et significatif du rang d’IA sur le taux de gestation a été mis en évidence (test exact de Fisher avec p < 0,001). Le recours à la détection rapide du pic de LH augmente le taux de fertilité dès l’IA1 et compense la perte de fertilité associée aux IA répétées. Si entre IA2 et IA4, il n’existe qu’une tendance à l’intérêt de détecter le pic de LH, audelà (IA5 à IA11), la différence est significativement en faveur d’une IA dans la fenêtre de 7 à 15 heures (donc détectée par Predi’Bov®), pour l’effet sur le taux de gestation (13 % versus 30 % avec p < 0,002).

Dans la fenêtre d’insémination plus étroite de 8 à 10 heures, dès l’IA1, le taux de gestation est significativement meilleur par rapport à une IA hors fenêtre (81 % versus 48 % de femelles gravides, p < 0,001). Ainsi, même si le nombre d’IA ne démontre pas d’effet délétère dans ce contexte, Predi’Bov® prouve son effet améliorateur.

QUELLES UTILISATIONS LORS DU RECOURS À DES PROTOCOLES HORMONAUX ?

    QUEL INTÉRÊT À DÉTECTER LE PIC DE LH LORS DE LA PRODUCTION D’EMBRYONS ?

      QUEL GAIN EN EMBRYONS VIABLES ET EN TAUX DE GESTATION ESPÉRER GRÂCE AU TEST ?

        ET SUR DES VACHES ALLAITANTES ?

          DANS QUEL CONTEXTE LE TEST ARRIVE-T-IL EN FRANCE ?

          Les tests au chevet de la vache ont le vent en poupe commercialement : tests de mesure de la progestérone au chevet de l’élevage, détection des anticorps antichorio- gonadotropine équine (eCG) dans le sérum qui perturbent la collecte d’embryon… Diverses spécialités sont en préparation : « Nos produits s’inscrivent dans la démarche d’une agriculture durable et nous nous efforçons de développer des outils simples, permettant de répondre aux critères de compétitivité économique, de simplification du travail, de préservation de l’environnement, de bien-être animal et d’écoute de la demande sociétale », expliquent les concepteurs de ReproPharm (Marie-Christine Maurel, Éric Reiter et Florian Guillou).

          LES TESTS “REPRO” À LA FERME ALLEGERONT.ILS LA DÉPENDANCE DES ÉLEVEURS VIS-À-VIS DES INTERVENANTS EXTERNES

          Le test peut contribuer à augmenter l’efficacité de la conduite de la reproduction dans les élevages. Détecter les pics de LH ne revient pas à laisser l’éleveur piloter seul la reproduction. La décision du recours au test ou la marche à suivre après le résultat rouvre la porte à une discussion entre l’éleveur et le vétérinaire, sur la base d’un suivi individuel en pathologie de la reproduction, témoigne Claude Joly. Le test n’est pas destiné à être réalisé sur tout le troupeau. Il permet d’aller plus loin dans la gestion de certaines vaches à problèmes (repeat-breeders), de sécuriser des inséminations en optimisant la synchronisation IA-ovulation. « Le vétérinaire doit placer cet outil dans le réfrigérateur des éleveurs car le test ne peut que servir son approche pathologiste et individuelle de la reproduction bovine. » Cela va bien au-delà d’un intérêt pédagogique à démontrer la disparité des intervalles pic de LH-chaleurs.

          EST-IL JUSTIFIÉ DE CONSEILLER ÉCONOMIQUEMENT LES TESTS LH RAPIDES ?

          Les données chiffrées avancées par le concepteur du test dans les différents contextes d’utilisation (IA classique, synchronisation, transplantation embryonnaire) relativisent son coût (figure 3). Éviter tout retard dans la mise à la reproduction mérite quelques investissements, en outils et en suivi.

          EXISTE-T-IL D’AUTRES MOYENS D’AFFINER LE REPÉRAGE DE L’OVULATION ?

          En 2008, un essai australien qui combinait des mesures de conductivité et de température vaginale a abouti à une déception sur l’intérêt de la mesure de conductivité pour la détection de l’œstrus [4]. En revanche, la seule température vaginale pouvait permettre de détecter le pic de LH, via un algorithme, donc de choisir le moment optimal de l’IA. L’étude portait sur 12 vaches hors lactation, préalablement synchronisées, mais évaluées sur des cycles spontanés. La sonde utilisée pour le recueil des données était recouverte de plastique et laissée en place dans le vagin. L’augmentation moyenne de température au moment de l’oestrus n’est que de 0,48 °C. En conséquence, un outil (thermomètre) et des modalités de mesure (insertion ?) adaptés s’imposent avant de transposer cette donnée en pratique courante.

          Conclusion

          Ainsi, le test de détection rapide du pic de LH est en train d’asseoir expérimentalement et en élevage commercial son intérêt dans des champs d’application plus larges que ceux imaginés initialement par ses développeurs.

          Sur le plan pratique, si sa réalisation ne prend que 45 minutes, en revanche, elle se heurte à la diminution du personnel disponible, parallèlement à l’augmentation annoncée du nombre de bovins dans les exploitations, au sortir des quotas laitiers… En chef d’orchestre de la reproduction, le vétérinaire peut trouver une place en élevage à ce type d’outil, au-delà de celle de violon d’Ingres d’éleveurs qui auraient raté leur vocation de chimistes. Il s’agit là de proposer à l’éleveur toute solution innovante pouvant contribuer à mieux rentabiliser la reproduction dans son élevage.

          Références

          • 1. Bernard C, Valet JP, Béland R et coll. Prediction in cattle by rapid measurement of plasma LH and by laparoscopic observation. Can. J. Comp. Med. 1984;48 (1):97-101.
          • 2. Devine TL, Looper ML, Pryor JH et coll. Commercial application of a new cow-side LH assay for determining optimum AI intervals in superovulated beef donors in the USA: A preliminary study. Poster 14e Conférence annuelle de l’International Embryo Transfer Society (IETS), Reno (Nevada, Etats.Unis), 12-14 janvier 2014:98.
          • 3. Dupuy L, Joly C, Decourtye J et coll. Predi’Bov®, un test utilisable en ferme pour détecter le pic préovulatoire de LH dans le but d’optimiser la production d’embryons transférables chez la vache. Poster 19es Rencontres recherches ruminants, Paris. 2012:355.
          • 4. Dupuy L, Joly C, Decourtye J et coll. Detecting pre-ovulatory luteinizing hormone peaks in order to optimize the ratio of viable embryos using Predi’Bov®, a new on-farm ovulation test. 39th Annual Conference of the IETS. Hannover Congress Centrum (Allemagne), 19-22 janvier 2013:153.
          • 5. Fischer AD, Morton R, Dempsey JMA et coll. Evaluation of a new approach for the estimation of the time of the LH surge in dairy cows using vaginal temperature and electrodeless conductivity measurements. Theriogenology. 2008;70:1065-1074.
          • 6. Quinton H, Charreaux F, Morel A et coll. Using a luteinizing hormone surge detection test, Predi’Bov®, to optimize the time of artificial insemination during a superovulation protocol in a Holstein heifers herd. Poster 4es journées annuelles IETS, Versailles, 10-13 janvier 2015:150.
          • 7. ReproPharm. Des outils innovants au service de la reproduction. Document à l’usage des journalistes. 2015.
          • 8. Saumande J, Humblot P. The vairability in the interval between estrus and ovulation in cattle and its determinants. Anim. Reprod. Sci. 2005;85:171-182.

          Conflit d’intérêts

          Aucun pour l’auteur de cet article. Concernant l’origine des données, les études citées, seules disponibles sur ce sujet, ont été réalisées par et pour le concepteur du test.

          ENCADRÉ 1
          La reproduction bovine en heures

          → Intervalle chaleursovulation : 2 à 96 heures.

          → Intervalle pic de l’hormone lutéinisante (LH)-ovulation : 24 heures (constant).

          → Durée de vie d’un ovule : 6 à 10 heures.

          → Durée de vie d’un spermatozoïde : 18 à 24 heures.

          → Temps de remontée dans le tractus génital : 10 heures.

          → Fenêtre de fécondation : 6 à 10 heures.

          → Fenêtre d’insémination après un test rapide de détection de la LH : 7 à 15 heures (voire 8 à 10 heures si possible).

          ENCADRÉ 2
          Prendre en compte les ovulations décalées par rapport aux chaleurs

          → La longueur et l’amplitude des variations de l’intervalle entre le début des chaleurs et l’ovulation, surtout chez les vaches, engendrent une infertilité, entre autres causes [8].

          → D’après une étude sur 12 génisses de race holstein préalablement synchronisées, les variations de l’intervalle entre l’oestrus et le pic de l’hormone lutéinisante (LH) expliquent 80,6 % de celles de l’intervalle entre l’oestrus et l’ovulation. Les écarts de ces intervalles seraient sous une dépendance ovarienne.

          L’intervalle entre le début de l’oestrus et le pic de LH (donc aussi entre l’ovulation et l’œstrus) est plus élevé chez les nullipares que chez les multipares (4,15 heures versus 1), avec p < 0,002, essai sur 12 génisses et 35 vaches [8]).

          Les variations dans cet intervalle sont plus fortes chez les multipares que chez les nullipares (1,2 contre 0,8 heure, p = 0,01).

          Il convient d’en tenir compte lors de l’analyse des échecs à la mise à la reproduction. Cela est connu de longue date, mais a été confirmé récemment avec des moyens “modernes” (suivis hormonaux, échographiques et visuels de l’oestrus, et outils statistiques).

          Points forts

          → Les variations de l’intervalle entre l’oestrus et l’ovulation sont sous dépendance ovarienne et plus importantes chez les multipares.

          → Dans le contexte des protocoles hormonaux, la détection du pic de l’hormone lutéinisante (LH) s’effectue 36 heures après le retrait d’une spirale de progestagène, 24 heures après celui d’un implant auriculaire, 52 heures après la deuxième injection de PGF2 á et 1 h 30 après la seconde injection de gonadolibérine d’un “GPG” (Ovsynch).

          → La température vaginale permettrait de détecter l’ovulation via un algorithme, mais les essais en conductivité sont décevants.

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