Prise en charge pharmacologique du traumatisme crânien - Le Point Vétérinaire n° 356 du 01/06/2015
Le Point Vétérinaire n° 356 du 01/06/2015

RÉANIMATION CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT

Dossier

Auteur(s) : Tatiana Cruciani

Fonctions : Clinique vétérinaire Veto34, 17, bd Alsace-Lorraine,
94170 Le Perreux-sur-Marne
Clinique vétérinaire V24, 108, rue Rivay,
92300 Levallois-Perret
tatiana.cruciani@hotmail.fr

Lors de traumatisme crânien, la prise en charge pharmacologique a deux objectifs : une stabilisation extracrânienne et une stabilisation intracrânienne.

Les lésions primaires d’un traumatisme crânien ne peuvent être traitées, l’attention du clinicien doit donc se porter sur la prévention, la reconnaissance et le traitement des lésions secondaires [8]. Cependant, peu d’études existent en médecine vétérinaire et les traitements restent controversés [5, 6, 8]. Les recommandations de traitement reposent essentiellement sur des travaux chez l’homme et l’expérience des cliniciens [8]. Après stabilisation systémique de l’animal (volémie et oxygénation/ventilation), les objectifs du traitement sont l’optimisation de la perfusion cérébrale et la diminution de la pression intracrânienne, ainsi que du métabolisme cérébral [3, 8].

1 Prise en charge pharmacologique systémique : stabilisation extracrânienne

Fluidothérapie

OBJECTIFS, RISQUES ET BÉNÉFICES

L’objectif premier de la fluidothérapie chez les animaux polytraumatisés est de restaurer rapidement le volume intravasculaire pour maintenir une pression artérielle, donc une pression de perfusion cérébrale adéquates [3, 5, 8]. En effet, cette dernière est définie comme suit : pression de perfusion cérébrale = pression artérielle moyenne - pression intracrânienne [1, 3, 8, 10]. Or des mécanismes d’autorégulation permettent de garder une pression de perfusion cérébrale constante, entre 50 et 150 mmHg de pression artérielle moyenne [1, 2, 8, 10].

Le choix du type de fluide (soluté isotonique ou hypertonique de sodium, colloïdes ou produits sanguins) reste l’objet de controverses dans le cas des animaux polytraumatisés crâniens [2, 8]. La barrière hémato-méningée intacte est perméable à l’eau, mais presque imperméable aux ions et aux protéines de haut poids moléculaire [8]. En revanche, lorsqu’elle est lésée, elle peut devenir perméable à certaines molécules, modifiant ainsi les pressions osmotique et oncotique [8]. Le choix du soluté utilisé peut donc revêtir une certaine importance dans la formation de l’œdème cérébral [8]. Les fluides hypotoniques doivent être évités puisqu’ils contribuent à la formation de l’œdème [1]. En effet, ils entraînent surtout une expansion intracellulaire (et notamment au niveau cérébral), à la suite du flux d’eau libre de l’espace vasculaire vers l’espace intracellulaire (gradient de pression osmotique). La restriction de la fluidothérapie pour prévenir l’exacerbation de l’œdème cérébral est aussi contre-indiquée [1, 5, 8]. En effet, les bénéfices obtenus lors de la restauration de la pression de perfusion cérébrale sont supérieurs aux risques potentiels d’œdème cérébral [8]. De plus, la déshydratation a des effets délétères sur le métabolisme cérébral [5].

NACL 0,9 %

Pour les animaux ne présentant pas d’anomalies électrolytiques, le chlorure de sodium (NaCl) 0,9 % est le soluté de choix pour la prise en charge initiale. En effet, avec son contenu en sodium, le NaCl 0,9 % est très légèrement hypertonique et sa part d’eau libre est moindre par rapport à celles des autres isotoniques de sodium. Ainsi, il contribue dans une moindre mesure à la formation de l’œdème cérébral [3]. Lors d’un état de choc, des bolus de 20 à 30 ml/kg chez le chien et de 10 à 20 ml/kg chez le chat, correspondant environ au quart de la dose de choc (90 ml/kg chez le chien et 60 ml/kg chez le chat), peuvent être administrés sur 15 à 20 minutes et répétés jusqu’à l’amélioration de la perfusion tissulaire (évaluée grâce à la normalisation de la fréquence cardiaque, de la qualité du pouls, de la couleur des muqueuses, du temps de remplissage capillaire et de la pression sanguine) [2, 8]. Cependant, certaines études recommandent plutôt l’utilisation de colloïdes ou de cristalloïdes hypertoniques pour leur rapidité de restauration du volume sanguin, donc de la pression sanguine, tout en limitant le volume de fluide administré [5]. En effet, les cristalloïdes isotoniques sont extravasés vers l’espace interstitiel dans l’heure qui suit l’administration, nécessitant de plus grands volumes pour restaurer la volémie, ce qui peut exacerber l’œdème cérébral [5].

COLLOÏDES

Les colloïdes permettent aussi de traiter l’hypovolémie systémique, notamment celle qui répond peu aux cristalloïdes isotoniques. Cependant, les échanges de fluides entre les compartiments vasculaire et extravasculaire du cerveau sont surtout dictés par l’osmolarité, plutôt que par la pression oncotique plasmatique. Ainsi, les colloïdes n’ont pas apporté de bénéfice par rapport aux cristalloïdes sur la formation et le traitement de l’œdème cérébral [2, 8]. Mais, en raison de la redistribution rapide des cristalloïdes isotoniques après administration, une association de cristalloïdes (iso- ou hypertoniques) et de colloïdes peut prolonger l’expansion volumique [2, 8]. Des bolus de 5 ml/kg de colloïdes, soit environ un quart de la dose de choc (10 à 20 ml/kg), peuvent être administrés sur 15 à 20 minutes lors d’hypovolémie, renouvelés jusqu’à normalisation de la perfusion tissulaire, avec en complément des fluides isotoniques pour prévenir la déshydratation tissulaire [1, 2, 8].

CRISTALLOÏDES HYPERTONIQUES

Les cristalloïdes hypertoniques de sodium (NaCl 7,5 %, NaCl 10 % disponibles en France) permettent une amélioration rapide de la volémie lors de choc hypovolémique grâce à de petits volumes et ont de nombreux avantages dans le cadre de la prise en charge d’un traumatisé crânien [1, 2, 8]. En effet, ils ont principalement une action osmotique, entraînant un mouvement d’eau de l’espace intracellulaire et interstitiel vers l’espace intravasculaire, et diminuant ainsi d’œdème cérébral. Les doses recommandées sont de 4 ml/kg de NaCl 7,5 % ou 5,3 à 5,4 ml/kg de NaCl 3 % (le NaCl 10 % peut être dilué pour obtenir du NaCl 7,5 % ou 3 %), administrées sur quelques minutes [1, 2, 8].

L’effet des cristalloïdes hypertoniques étant très transitoire, leur utilisation combinée avec des colloïdes prolonge la durée de l’expansion volémique [8]. Cette association de solutés est donc une bonne option thérapeutique lors d’hypovolémie et d’augmentation de la pression intracrânienne chez des animaux correctement hydratés.

PRODUITS SANGUINS

Les animaux gravement anémiés doivent recevoir une transfusion de sang total ou de culot globulaire (actuellement encore peu disponible en France) pour obtenir une distribution adéquate d’oxygène aux tissus lésés [2].

Oxygénation et ventilation

La supplémentation en oxygène est recommandée pour tous les animaux présentant un traumatisme crânien afin de diminuer le risque de lésions secondaires [3, 5, 8, 10]. Elle se fait idéalement au masque lors des phases d’évaluation initiale et de stabilisation de l’animal, la cage à oxygène minimisant l’accès au malade pour les réévaluations ultérieures [2, 5, 8]. Les sondes à oxygène nasales ou nasotrachéales peuvent aussi être utilisées, mais les stimulations nasales provoquent parfois des éternuements ou une toux susceptibles d’augmenter la pression intracrânienne (photo 1) [1, 2, 5, 8]. Le gel à la lidocaïne diminue ce risque [5]. Chez les animaux comateux ou qui présentent une saturation artérielle en oxygène inférieure à 60 % malgré l’oxygénothérapie, une intubation et une ventilation manuelle ou mécanique sont parfois requises (photo 2) [5, 8]. La meilleure méthode de supplémentation en oxygène est celle qui s’adapte au cas par cas [2].

L’oxymétrie de pouls et la gazométrie artérielle permettent de suivre le statut de l’animal [8]. La pression partielle artérielle en dioxyde de carbone (PaCO2) est le paramètre le plus important qui contrôle le débit et le volume sanguins dans un cerveau normal [8]. En effet, une hypercapnie, une hypoventilation ou une acidose respiratoire (augmentation de la PaCO2) entraînent une vasodilatation cérébrale, avec un excès du débit sanguin par rapport à la demande et une élévation du volume sanguin intracrânien, menant à une hausse de la pression intracrânienne [1, 3, 8, 10]. Les phases d’hypoventilation peuvent être limitées par des réflexes simples : mettre la tête en extension, éviter les colliers ou les pansements comprimant les voies respiratoires, dégager les voies respiratoires supérieures. Si ces mesures ne suffisent pas, les animaux en hypoventilation sont intubés et ventilés, la PaCO2 ne dépassant pas 40 mmHg. À l’inverse, une hypocapnie, une hyperventilation ou une alcalose respiratoire (diminution de la PaCO2) ont été utilisées comme méthodes pour diminuer la pression intracrânienne. En effet, la baisse de la PaCO2 entraîne une vasoconstriction cérébrale et une diminution du volume sanguin cérébral, et, par conséquent, de la pression intracrânienne [1, 2, 5, 8, 10]. Cependant, même une hypocapnie modérée peut provoquer une vasoconstriction diminuant le débit sanguin cérébral global et perpétuant une hypoperfusion du tissu cérébral, avec une élévation du risque de lésions ischémiques [1, 3, 5, 8, 10]. L’hyperventilation doit donc être limitée à de brèves périodes lors d’une dégradation aiguë du statut neurologique de l’animal et il convient de maintenir la PaCO2 supérieure à 30 mmHg (figure 1) [1, 2, 3, 8, 10].

Gestion de la douleur

La gestion de la douleur est essentielle dans la prévention de l’augmentation de la pression intracrânienne lors de traumatisme crânien [1, 2, 8]. En effet, la douleur et l’agitation augmentent le métabolisme et le débit sanguin cérébraux [2]. Cependant, le niveau d’analgésie et de sédation doit être contrôlé, notamment pour maintenir la pression artérielle et la ventilation, et si possible permettre l’évaluation de l’état neurologique de l’animal [2].

Les opioïdes sont communément utilisés chez les animaux critiques, en raison de leurs faibles répercussions cardiovasculaires et de la facilité à les antagoniser [1, 2, 8]. Ils entraînent cependant une dépression respiratoire et une hypotension, dont les conséquences sont plus graves lors d’augmentation de la pression intracrânienne [1, 8]. Une titration (ajustement continuel de la dose, fondé sur la réponse de l’animal) pour obtenir une analgésie adéquate reste sûre, lorsqu’elle est associée à une surveillance de la ventilation [1, 8]. Les opioïdes agonistes purs, le fentanyl et la morphine, peuvent être administrés en perfusion à débit constant (CRI) après un bolus pour prévenir les variations d’analgésie et les effets secondaires dus à une concentration plasmatique plus élevée (tableau 1) [1, 2, 8, 9]. Ces molécules peuvent être rapidement antagonisées par de la naloxone en cas de dépression respiratoire ou cardiovasculaire (0,01 à 0,04 mg/kg, à renouveler si nécessaire, par voie intraveineuse (IV), intramusculaire, sous-cutanée ou endotrachéale) [1, 4, 8]. Les opioïdes agonistes/antagonistes et agonistes partiels, tels que le butorphanol et la buprénorphine, entraînent de moindres dépressions cardiovasculaire et respiratoire. Cependant, la buprénorphine est difficilement antagonisée par la naloxone et le butorphanol possède un effet analgésique moindre et de courte durée (2 heures) [1, 8].

La médétomidine et la kétamine ont été utilisées pour leur activité analgésique, mais les effets secondaires sont nombreux et particulièrement importants en cas de traumatisme crânien : les α2-agonistes entraînent une bradycardie, pouvant diminuer la perfusion cérébrale, et une hypoventilation, susceptible d’augmenter la pression intracrânienne ; et la kétamine élève le métabolisme cérébral et la demande en oxygène.

Sédation et anesthésie

Il est parfois nécessaire de sédater ou d’anesthésier un animal traumatisé crânien lors de sa prise en charge, par exemple pour effectuer un examen d’imagerie, mettre en place une ventilation mécanique ou réaliser une chirurgie d’urgence [1].

Malgré la controverse associée à l’emploi de certains anesthésiques injectables, les barbituriques et le propofol, possédant des propriétés neuroprotectrices, offrent de nombreux avantages, démontrés par plusieurs études, comparés à des anesthésiques volatils lors d’une hypertension intracrânienne [1]. Dans ce cas, une anesthésie totalement intraveineuse est donc recommandée [1]. De plus, l’utilisation de benzodiazépines ou d’opioïdes permet de diminuer les doses des autres agents anesthésiques, minimisant ainsi leurs effets indésirables [1]. Les benzodiazépines (midazolam et diazépam) ont ainsi une action sédative avec peu d’effets cérébraux et cardiovasculaires, sans pour autant avoir une activité analgésique [1].

D’autres molécules ont été étudiées, qui restent pour le moment controversées, voire non recommandées, pour une utilisation dans le cadre d’un traumatisme crânien : la kétamine, la médétomidine, l’étomidate (tableau 2) [1, 2].

2 Prise en charge pharmacologique spécifique : stabilisation intracrânienne

Agents hyperosmotiques

La thérapie hyperosmolaire est le traitement de choix de l’hypertension intracrânienne [2, 8]. Elle est cependant plus efficace sur un tissu cérébral sain que lésé, puisque les agents osmotiques sont efficaces si la barrière hématoméningée est imperméable [2]. Le mannitol, diurétique osmotique, est traditionnellement utilisé. Les solutés hypertoniques de sodium, présentant de moindres risques à l’administration, ont aussi été testés [8].

MANNITOL

Le mannitol est le traitement de première ligne pour diminuer la pression intracrânienne et améliorer la pression de perfusion cérébrale chez les animaux présentant un traumatisme crânien et une dégradation neurologique progressive [2, 8]. Il diminue la pression intracrânienne par plusieurs mécanismes d’action [1, 3]. Certains sont cependant limités dans un cerveau traumatisé (figure 2) [8].

Les doses recommandées sont variables : de 0,25 à 1,5 g/kg en bolus lent sur 15 à 20 minutes selon les sources [1-3, 5, 8, 10]. Une étude a montré que des doses élevées (1 à 1,5 g/kg) apportent une amélioration neurologique significative par rapport à des doses plus basses, avec des effets rapidement visibles après l’injection [3, 8]. Cependant, le mannitol n’est pas recommandé pour une utilisation prophylactique car son efficacité est relative au degré d’hypertension intracrânienne et la réponse diminue avec l’augmentation des doses cumulatives [2]. De plus, le médicament peut s’accumuler dans le parenchyme cérébral, excédant la concentration intravasculaire et entraînant un effet rebond qui peut aggraver l’œdème, notamment en cas de dysfonction de la barrière hématoméningée [1, 3, 8, 10]. Cet effet est plus marqué lorsque le mannitol reste dans la circulation sanguine sur de longues périodes. Ainsi, cette molécule doit être administrée en bolus, pouvant être répétés, plutôt qu’en CRI [3, 8, 10].

L’administration de mannitol doit concerner des animaux normovolémiques et être suivie de celle de cristalloïdes pour prévenir la déshydratation, l’hypotension et les anomalies électrolytiques secondaires à l’effet diurétique [2, 8].

L’exacerbation des hémorragies intracrâniennes actives a été évoquée avec le mannitol, mais aucune évidence clinique de cette théorie n’a été apportée et les bénéfices du traitement surpassent les risques théoriques [5, 8].

CRISTALLOÏDES HYPERTONIQUES

Les cristalloïdes hypertoniques, utiles dans la première phase de la prise en charge (restauration de la volémie), ont aussi été étudiés dans le cadre de la gestion de l’œdème cérébral et de l’augmentation de la pression intracrânienne [8].

Ils agissent grâce à différents mécanismes (figure 3) [2, 3, 5, 8, 10].

Les doses recommandées sont de 4 ml/kg de NaCl 7,5 % ou de 5,3 à 5,4 ml/kg de NaCl 3 % (NaCl 7,5 % et 10 % disponibles en France ; le NaCl 10 % peut être dilué pour obtenir du NaCl 7,5 % et du NaCl 3 %), administrées sur quelques minutes [1, 2, 8]. Même si les effets d’expansion volumique apparaissent après quelques minutes et durent approximativement de 15 à 75 minutes, l’action bénéfique sur la pression intracrânienne dure plus longtemps [8].

Les cristalloïdes hypertoniques ne doivent pas être administrés aux animaux présentant des anomalies électrolytiques [2]. En effet, lors d’hyponatrémie chronique, une élévation trop rapide de la natrémie peut induire une déshydratation cérébrale et des signes cliniques neurologiques [8]. Ces solutés sont également contre-indiqués chez des animaux déshydratés ou hypernatrémiques [2, 5]. Enfin, leur administration doit être suivie de celle de cristalloïdes isotoniques pour maintenir une hydratation tissulaire adéquate [2, 5, 8].

Étant donné leurs effets rapides d’expansion plasmatique, les cristalloïdes hypertoniques peuvent aggraver les œdèmes ou les contusions pulmonaires chez les animaux atteints d’affections cardiaques ou respiratoires sous-jacentes [8]. Cependant, ce risque existe aussi avec le mannitol et est même parfois aggravé avec ce dernier en cas de contusions pulmonaires [8].

COMPARAISON MANNITOL ET CRISTALLOÏDES HYPERTONIQUES

Les études de comparaison disponibles entre le mannitol et les cristalloïdes hypertoniques de sodium dans les cas d’hypertension intracrânienne donnent des résultats contradictoires [1, 2]. En médecine humaine, le mannitol reste le traitement de première ligne lors d’augmentation de la pression intracrânienne à la suite d’un traumatisme crânien [8]. Cependant, des études récentes semblent montrer que les cristalloïdes hypertoniques contrôlent mieux l’hypertension intracrânienne que le mannitol, avec moins d’effets indésirables [8]. Ils devraient notamment être préférés chez les animaux hypovolémiques, puisque le sodium est réabsorbé au niveau rénal, facilitant la réabsorption liquidienne vers l’espace vasculaire [2, 3, 8]. Ils peuvent aussi être associés à des colloïdes pour prolonger l’effet d’expansion volumique [3, 8]. Mais, chez les animaux euvolémiques, les deux options (mannitol ou cristalloïdes hypertoniques) se justifient. De plus amples études sont nécessaires [8].

Corticostéroïdes

Des études en médecine humaine ont montré que l’utilisation de corticostéroïdes augmente la mortalité chez les patients atteints d’un traumatisme crânien [2, 3, 8]. De plus, ces molécules entraînent une hyperglycémie, une immunosuppression, une diminution de la cicatrisation des plaies, des ulcérations gastriques et une exacerbation des états cataboliques [5, 8]. Les corticostéroïdes ne sont donc plus recommandés [2, 3, 5, 8, 10].

Furosémide

Par le passé, le furosémide a été administré seul ou ajouté à du mannitol pour son effet synergique dans la gestion de l’œdème cérébral [3, 8]. Cependant, il a été démontré que son association au mannitol n’avait pas d’effet bénéfique additionnel [2, 8]. Il n’est donc plus recommandé de l’utiliser en plus du mannitol, notamment en raison de son effet diurétique induisant des risques d’aggravation de l’hypovolémie et de diminution de la perfusion cérébrale [3, 8]. L’emploi du furosémide seul est déconseillé pour les mêmes raisons, sauf lors d’indication particulière, comme l’œdème pulmonaire [3, 8].

Thérapies anticonvulsivantes

APPARITION DES CONVULSIONS

Des crises convulsives compliquent parfois la prise en charge des animaux qui présentent un traumatisme crânien, en entraînant une hyperthermie, une hypoxémie et un œdème cérébral [8]. Elles augmentent la demande métabolique cérébrale, la pression intracrânienne, et conduisent à la libération de neurotransmetteurs excitateurs, favorisant des lésions cérébrales secondaires [2].

Les crises convulsives post-traumatiques sont classées selon leur délai d’apparition après l’accident : crises immédiates (dans les 24 heures), précoces (de 24 heures à 7 jours) et tardives (plus de 7 jours) [2].

TRAITEMENT PROPHYLACTIQUE

Chez l’homme, une méta-analyse récente a montré que les thérapies anticonvulsivantes prophylactiques sont efficaces pour réduire les crises précoces. Leur efficacité est moins avérée pour prévenir des crises tardives [2, 8]. Il n’existe actuellement aucune recommandation claire concernant le traitement anticonvulsivant prophylactique en médecine vétérinaire [2, 8]. En médecine humaine, une thérapie prophylactique est conseillée pendant 7 jours après le traumatisme [2, 8]. Chez l’animal, s’il existe des facteurs de risque (plaie pénétrante du crâne, par exemple), il est donc raisonnable de considérer un traitement prophylactique au cours des 7 premiers jours en suivant les recommandations de la médecine humaine [2].

TRAITEMENT DES CONVULSIONS PRÉSENTES

Toute crise convulsive déclarée doit être traitée agressivement pour diminuer les lésions cérébrales secondaires [2, 5]. Le diazépam est un anticonvulsivant de choix pour arrêter une crise en cours, grâce à son effet rapide. La dose recommandée est de 0,5 mg/kg par voie IV ou intrarectale renouvelable [2].

Dans le cadre de la prévention des crises suivantes, il peut être utilisé en CRI à la dose de 0,2 à 1 mg/kg/h [2, 5]. Le phénobarbital est souvent préféré, avec une dose de charge de 12 à 20 mg/kg IV ou per os (PO), divisée en trois ou quatre bolus sur 24 heures, puis à une dose de 2,5 mg/kg IV ou PO deux fois par jour chez le chien et de 1 à 2 mg/kg IV ou PO une fois par jour chez le chat [2]. Les doses sont variables selon les auteurs. Une surveillance de la ventilation est requise car le phénobarbital peut entraîner une dépression respiratoire [5, 8]. Le traitement peut être continué pendant 3 à 6 mois après le traumatisme, puis diminué progressivement jusqu’à son arrêt en l’absence de nouvelles crises [5].

Le lévétiracétam peut être choisi à la place du phénobarbital à des doses de 20 à 30 mg/kg IV ou PO trois fois par jour, sans dose de charge nécessaire [2]. Ses avantages sont sa rapidité d’efficacité, le peu d’effets secondaires et sa faible toxicité [2].

Le propofol est aussi indiqué, avec un bolus de 1 à 4 mg/kg IV, suivi d’une CRI de 0,05 à 0,4 mg/kg/min, en cas d’absence de réponse au diazépam ou au phénobarbital [2]. D’autres molécules comme le bromure de potassium (non recommandé chez le chat), le zonisamide, la gabapentine ou le pentobarbital peuvent aussi être utilisées [2].

Barbituriques

Les barbituriques ont la capacité de diminuer la demande en énergie du tissu cérébral et, par conséquent, celle en oxygène [5, 8]. Cela mène à une vasoconstriction et à une baisse du débit sanguin, réduisant la pression intracrânienne [8]. Ils diminuent aussi les lésions secondaires à la libération de radicaux libres et ont une activité anticonvulsivante. Les complications associées à leur utilisation sont des dépressions cardiovasculaire et respiratoire, nécessitant un monitoring important et souvent une ventilation assistée [8]. Le pentobarbital est employé en médecine humaine pour induire des comas artificiels afin de diminuer le métabolisme cérébral, lorsque les autres thérapies échouent [8]. Les doses recommandées sont de 2 à 15 mg/kg en bolus sur 20 minutes, puis de 0,2 à 1 mg/kg/h en CRI [2, 8].

Un coma aux barbituriques (induit avec du phénobarbital et d’autres molécules) a récemment été décrit en association avec une hypothermie thérapeutique chez un chien présentant un traumatisme crânien et des crises convulsives réfractaires, qui a récupéré [2]. Cependant, les comas aux barbituriques sont peu décrits en médecine vétérinaire [8]. En médecine humaine, il n’existe pas de protocoles standards d’utilisation des barbituriques, mais cette option est envisageable dans les cas réfractaires aux traitements médicaux et/ou chirurgicaux [3, 8].

Nouvelles thérapies

Plusieurs nouvelles molécules ont été testées dans les cas d’hypertension intracrânienne [1, 2, 10]. Des thérapies innovantes, visant notamment la toxicité des neuromédiateurs excitateurs et la production de dérivés réactifs de l’oxygène, sont actuellement en cours d’évaluation en médecine humaine [2]. Aucune d’entre elles n’a encore été étudiée en médecine vétérinaire [2].

Conclusion

La prise en charge des animaux traumatisés crâniens doit être rapide. Une attention particulière doit être portée à la résolution des anomalies systémiques, fréquentes en cas de polytraumatisme, car elles augmentent le risque de lésions cérébrales secondaires. Ainsi, la fluidothérapie, la ventilation manuelle ou mécanique, l’oxygénation, ainsi que la gestion de la douleur occupe une place centrale dans la gestion des animaux traumatisés crâniens. De plus, l’apparition d’une hypertension intracrânienne doit être décelée à l’admission et lors du suivi de l’hospitalisation pour la traiter rapidement. Certaines thérapies médicales spécifiques sont encore controversées et de plus amples études, notamment en médecine vétérinaire, sont requises.

Références

  • 1. Armitage-Chan E, Wetmore L, Chan D. Anesthetic management of head trauma patient. J. Vet. Emerg. Crit. Care 2007;17(1):5-14.
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Conflit d’intérêts

Aucun.

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