ÉTAPE 3 : Exploration de la vision et examen neuro-ophtalmologique - Le Point Vétérinaire n° 355 du 01/05/2015
Le Point Vétérinaire n° 355 du 01/05/2015

EN 10 ÉTAPES

Auteur(s) : Guillaume Payen

Fonctions : CHV Frégis
43, avenue Aristide-Briand
94110 Arcueil

L’examen neuro-ophtalmologique de base a pour objectif de vérifier l’intégrité des voies nerveuses impliquées dans la vision, ainsi que les voies pupillomotrices.

L’examen neuro-ophtalmologique de base est fondamental, car ses conclusions contribuent largement à localiser une lésion ou un déficit le long des voies visuelles et pupillomotrices, parfois à l’origine d’une cécité (ou d’amaurose dans ce cas) ou d’une anisocorie.

VÉRIFICATION DE LA MOTRICITÉ PALPÉBRALE ET DE LA SENSIBILITÉ DES ANNEXES DE L’ŒIL

L’examen neuro-ophtalmologique doit débuter par la vérification de l’intégrité du fonctionnement du nerf facial (nerf crânien VII) et des rameaux sensitifs du nerf trijumeau (nerf crânien V).

Le nerf facial innerve les muscles de la face dont le muscle orbiculaire permet la fermeture des paupières. Les déficits nerveux du nerf facial sont relativement fréquents chez le chien. Ils sont souvent d’origine idiopathique, ou associés à des lésions de l’oreille moyenne ou des bulles tympaniques qui peuvent ainsi provoquer une paralysie faciale. Dans de tels cas, le test de clignement à la menace est faussement négatif : lorsque l’œil est stimulé, une procidence de la membrane nictitante est observable en raison d’une énophtalmie générée par la menace (participation du nerf abducens, nerf VI à l’origine de l’énophtalmie par rétraction du globe oculaire dans l’orbite). Des lésions du nerf facial peuvent être responsables, notamment chez les races brachycéphales, d’une kératopathie neuroparalytique souvent compliquée d’un ulcère cornéen central d’exposition. Chez les races brachycéphales, ce type d’ulcère d’exposition peut fréquemment se surinfecter et dégénérer en ulcère stromal profond, voire perforant.

Le contingent parasympathique du nerf VII est responsable de l’innervation autonome des glandes lacrymales. Une lésion en regard du tronc cérébral et des noyaux du nerf facial peut donc s’accompagner, à la fois d’un déficit de fermeture des paupières et d’une insuffisance lacrymale sévère. Cette dernière peut accélérer le développement et la progression d’ulcères cornéens centraux, notamment chez un chien brachycéphale. Néanmoins, en cas de déficit du nerf facial d’origine idiopathique, il est rare que le contingent parasympathique (donc la production de larmes) soit altéré.

L’intégrité de fonctionnement des rameaux sensitifs du nerf V doit également être vérifiée. Cette évaluation s’effectue par la réalisation des réflexes palpébral et cornéen. Pour les mettre en œuvre, il convient de ne pas stimuler le champ visuel de l’animal, donc d’approcher le stimulus sensitif par le côté. Lorsque les contingents sensitifs du nerf V sont atteints, ces réflexes sont partiellement ou totalement abolis : aucun clignement des paupières n’est alors observé.

Il est ainsi important de s’assurer du bon fonctionnement des nerfs V et VII, car ceux-ci peuvent être responsables de lésions de cornée parfois sévères et parce que le défaut de fonctionnement du nerf facial (VII) peut conduire à une mauvaise interprétation des tests de clignement à la menace et du réflexe de clignement à l’éclair lumineux dont la réponse se traduit par une fermeture des paupières.

EXPLORATION DE LA VISION

Il existe plusieurs façons d’évaluer la fonction visuelle chez le chien, bien qu’elles soient extrêmement sommaires et ne permettent pas de préciser l’acuité visuelle comme chez l’homme. Il est seulement possible de déterminer trois catégories d’acuité visuelle : de bonne à seulement correcte, médiocre et absente.

1. Voies nerveuses impliquées

Tester la fonction visuelle d’un œil revient à vérifier l’intégrité de la rétine, du nerf optique, du chiasma optique, des tractus optiques, des corps genouillés latéraux, des radiations optiques corticales et des aires occipitales de la vision (figure 1).

2. Test de clignement à la menace

Le test de clignement à la menace consiste à exécuter un geste menaçant vers l’œil de l’animal, sans provoquer de mouvement d’air ni le toucher. La réponse est un clignement de la paupière, voire une tentative d’esquive. Il s’agit bien d’une réponse et non d’un réflexe car ce test demande une intégration corticale de l’information par l’animal. Une paralysie du nerf facial (VII) peut entraîner un test faussement négatif (comme cela a été mentionné ci-avant). La réponse au test n’est présente qu’à partir de l’âge de 3 mois. De plus, une atteinte cérébelleuse, sans atteinte du cortex occipital (aires de la vision), peut s’accompagner d’un test négatif sans pour autant que la vision soit affectée [4].

Pour mettre en évidence la réponse, il convient de capter au préalable l’attention de l’animal en lui tapotant l’aile du nez ou encore en claquant dans ses doigts. De plus, l’interprétation des premiers tests effectués est fondamentale. En effet, au bout de plusieurs tentatives, l’animal ne réagit en général presque plus, dans la mesure où il a intégré le fait qu’il ne s’agissait que d’une menace “sans conséquence” pour lui. Enfin, l’intérêt de ce test réside dans le fait qu’il s’agit probablement du plus “objectif” pour évaluer la vision et qu’il est vraiment le seul à pouvoir distinguer sans équivoque la vision à droite et à gauche.

3. Test de la boule de coton

Ce test consiste à faire tomber devant l’animal une boule de coton. Cette dernière doit être placée à un niveau un peu supérieur par rapport à la tête de l’animal et à 30 cm environ devant lui (photo 1a). Il convient au préalable de stimuler l’animal pour capter son attention. La boule de coton étant inodore et ne faisant aucun bruit en tombant sur la table, seule la vision est stimulée (photo 1b). Une solution alternative peut consister à examiner le suivi d’un objet en le déplaçant dans le champ de vision de l’animal. Pour évaluer la réponse de l’animal, il est préférable de se focaliser sur le haut du crâne ou la base des oreilles, plutôt que sur les yeux. Les premières tentatives sont importantes, car leur répétition s’accompagne d’un désintérêt de l’animal pour la boule de coton, qu’il ne suit alors plus du regard.

4. Test de placer visuel

Le test de placer visuel consiste à vérifier l’extension des membres antérieurs de l’animal lorsque celui-ci, alors placé dans le vide et porté sous le thorax, est rapproché d’un support horizontal [1]. Ce test est néanmoins difficile à mettre en œuvre chez un chien de grand gabarit.

5. Parcours d’obstacles

Des obstacles sont interposés entre l’animal et son maître. Pour cela, de petits plots de couleurs orange et blanche sont nécessaires. Ensuite, les déplacements de l’animal et sa faculté à éviter les obstacles sont évalués. Il est important d’effectuer le parcours à la fois dans l’ambiance lumineuse de la salle de consultation et dans la pénombre. En effet, la plupart des affections dégénératives de la rétine d’origine héréditaire (aussi appelées atrophies progressives de la rétine) atteignent, dans un premier temps, la vision dirigée par les bâtonnets (cellules photoréceptrices stimulées dans une ambiance lumineuse de faible intensité) et non celle dirigée par les cônes. Ainsi, une différence significative du niveau d’autonomie de l’animal peut être mise en évidence entre les deux ambiances lumineuses en cas d’atrophie progressive de la rétine.

RÉFLEXES PHOTOMOTEURS

1. Mise en œuvre

Les réflexes photomoteurs (RPM) directs et consensuels doivent être évalués dans la pénombre, de manière à ce que le diamètre pupillaire soit maximal avant illumination. Avant de tester les RPM, il est nécessaire, alors que l’animal a été placé dans la pénombre pendant 30 secondes à 1 minute, d’évaluer avec la plus faible source lumineuse possible le diamètre pupillaire des deux yeux, afin de s’assurer que les pupilles soient relativement dilatées et qu’aucune d’anisocorie (c’est-à-dire de différence significative de diamètre entre les deux pupilles “au repos”) ne soit observée (photo 2a). Ensuite, une source lumineuse intense et focalisée (comme celle d’un transilluminateur de type Finoff) est braquée sur le premier œil : le RPM direct est alors évalué (photo 2b). Puis la lumière est rapidement braquée sur l’autre œil afin de vérifier si la pupille s’est contractée (RPM indirect ou consensuel). Ensuite, l’animal est de nouveau laissé dans la pénombre pendant 30 secondes à 1 minute de façon à ce que les deux pupilles se dilatent de nouveau. Enfin, l’évaluation des RPM est réalisée en stimulant le second œil.

2. Interprétation des réflexes photomoteurs

Chez la plupart des mammifères, le RPM direct est habituellement discrètement plus rapide que le RPM indirect (ou consensuel) en raison du taux de décussation des axones impliqués dans les voies pupillomotrices (figure 2). En clinique, cette différence est néanmoins difficile à identifier. La partie afférente de l’arc réflexe inclut la rétine, le nerf optique, le chiasma optique, le tractus optique et le noyau (ou l’aire) prétectal (e). Ainsi, jusqu’au chiasma inclus, les voies sensorielles (vision) et les voies nerveuses pupillomotrices sont communes, sans qu’il soit possible de distinguer anatomiquement, au niveau de ces voies, les axones transmettant une information sensorielle de ceux diffusant l’information pupillomotrice dépendant de l’ambiance lumineuse dans laquelle évolue l’animal. La partie efférente de l’arc réflexe inclut le noyau parasympathique du nerf oculomoteur commun (troisième paire de nerfs crâniens), les fibres parasympathiques du nerf III, et les fibres musculaires lisses du muscle sphincter de l’iris, à l’origine d’une constriction de la pupille [3].

L’évaluation des RPM ne revient pas à explorer la vision. L’intégration du réflexe s’effectue à un étage sous-cortical (mésencéphalique), tandis que la fonction visuelle fait intervenir le cortex visuel (aires occipitales). Il est important de savoir si les réflexes sont complets ou non, et de connaître la rapidité de ces derniers. En effet, en cas d’atrophie progressive de la rétine, il est fréquent de conserver des RPM jusqu’en fin d’évolution de l’affection, mais ceux-ci sont fréquemment ralentis dans ce cas.

Un autre piège à l’interprétation des RPM correspond à l’atrophie sénile du muscle sphincter de l’iris (responsable de la constriction de la pupille), rencontrée dans de nombreuses races (petites en général) de chien, pouvant parfois se manifester dès l’âge de 6 ans. Cette dégénérescence du muscle sphincter de l’iris peut se traduire par une mydriase aréflective, sans pour autant que la fonction visuelle ne soit altérée. La mydriase est fréquemment asymétrique entre les deux yeux, la dégénérescence du muscle sphincter de l’iris ne se développant pas de façon simultanée et homogène entre les deux yeux.

RÉFLEXE DE CLIGNEMENT À L’ÉCLAIR LUMINEUX OU “DAZZLE REFLEX

1. Voies nerveuses impliquées et mise en œuvre

La partie afférente de l’arc réflexe de clignement à l’éclair lumineux est commune avec celle des RPM et de la première partie des voies visuelles : rétine, nerf optique, chiasma optique. L’intégration du réflexe s’effectue, comme pour les RPM, à un étage sous-cortical mésencéphalique, à proximité ou en regard des collicules rostraux. Après intégration, des connexions nerveuses stimulent le noyau du nerf facial (septième paire de nerfs crâniens) pour provoquer une fermeture des paupières de l’œil stimulé, mais aussi fréquemment de l’œil adelphe. Pour mettre en évidence ce réflexe, il convient d’avoir recours à une source lumineuse puissante et focalisée (comme celle du transilluminateur de type Finoff). La lumière est rapidement braquée sur l’œil ouvert à une courte distance de celui-ci (quelques centimètres) et la réponse observée (photo 3).

2. Applications

Dans la mesure où la partie afférente de cet arc réflexe est relativement commune avec celle des RPM, les informations fournies par l’interprétation de ce réflexe sont similaires ou complémentaires par rapport à celles apportées par les RPM.

Dans le cadre d’une amaurose, c’est-à-dire d’une cécité sans lésion oculaire décelable, il est possible de distinguer des lésions préchiasmatiques (rétine, nerf optique, chiasma) de lésions postchiasmatiques (tractus optiques, radiations et cortex visuel). En cas d’atteinte chiasmatique ou préchiasmatique, la cécité est associée à une atteinte concomitante des RPM avec des pupilles en mydriase (peu ou pas réflectives) et à une abolition du réflexe de clignement à l’éclair lumineux. À l’inverse, des atteintes corticales des voies visuelles (lésions postchiasmatiques) se traduisent par une cécité sans disparition des RPM ou du réflexe de clignement à l’éclair lumineux [2].

Parfois, comme cela a été en partie mentionné ci-avant, les RPM sont abolis pour d’autres raisons qu’une atteinte des voies nerveuses impliquées dans l’arc réflexe. C’est le cas des dégénérescences séniles du muscle sphincter de l’iris, fréquentes chez les chiens de petite race, mais aussi en cas de synéchies postérieures, séquelles d’une uvéite. Dans ce cas, seul le réflexe de clignement à l’éclair lumineux permet de vérifier, sommairement, l’intégrité de la rétine, du nerf optique et du chiasma.

Parfois également, les RPM ne peuvent être analysés en raison d’une opacification du segment antérieur de l’œil, comme en cas d’œdème diffus de la cornée, d’ulcère perforant ou encore d’hyphéma volumineux. Dans ces cas, le réflexe de clignement à l’éclair lumineux a une valeur pronostique importante en ce qui concerne l’état de fonctionnement de la rétine et la présence ou l’absence de lésion importante dans le segment postérieur. Ainsi, dans certains cas, l’interprétation du Dazzle reflex peut constituer une aide à la décision opératoire (ulcère perforant notamment).

Conclusion

L’examen neuro-ophtalmologique de base doit être effectué avec méthode et dans des conditions permettant de faire varier l’intensité lumineuse de la salle d’examen. L’interprétation combinée des tests d’exploration de la vision, des réflexes photomoteurs et du réflexe de clignement à l’éclair lumineux permet au clinicien de préciser la neurolocalisation d’une lésion en cas d’atteinte de la vision et/ou de la fonction pupillomotrice.

Références

  • 1. Colson A, Fanuel-Baret D. œil et affections nerveuses chez le chien et le chat. Nouv. Prat. Vét. 2011;48:38-43.
  • 2. Maggs DJ. Basic diagnostic techniques. In: Slatter’s fundamentals of veterinary ophthalmology. Eds. Maggs DJ, Miller PE, Ofri R. 4th ed. Saunders, Elsevier, St Louis, MO. 2008: 81-106.
  • 3. Scagliotti RH. Comparative neuro-ophthalmology. In: Veterinary ophthalmology. Ed. Gelatt KN. 3rd ed. Lippincott Williams and Wilkins, Baltimore, MD. 1999;1307-1400.
  • 4. Webb AA, Cullen SC. Neuro-ophthalmology. In: Veterinary ophthalmology. Ed. Gelatt KN. 5th ed. Blackwell Publishing, Ames, IA. 2013:1820-1896.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ L’interprétation combinée des tests d’exploration de la fonction visuelle, des réflexes photomoteurs (RPM) et du réflexe de clignement à l’éclair lumineux permet de neurolocaliser une affection le long des voies nerveuses empruntées.

→ Les atteintes de la rétine, du (des) nerf (s) optique (s) ainsi que du chiasma optique se traduisent par un déficit simultané des fonctions sensorielle et pupillomotrice.

→ Beaucoup d’affections rétiniennes se traduisent par une perte de la fonction visuelle tandis que les RPM sont conservés pendant une très longue période.

→ Une opacification des milieux intra-oculaires (notamment du cristallin en cas de cataracte) ne modifie pas les RPM.

→ Un déficit visuel secondaire à une lésion postchiasmatique (tractus optique jusqu’au cortex) se traduit par une conservation de la fonction pupillomotrice et du réflexe de clignement à l’éclair lumineux.

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