Les résistances des Escherichia coli chez l’homme corrélées aux antibiotiques vétérinaires - Le Point Vétérinaire n° 353 du 01/03/2015
Le Point Vétérinaire n° 353 du 01/03/2015

RAPPORT EUROPÉEN INÉDIT

Thérapeutique

Auteur(s) : Éric Vandaële

Fonctions : Le Fougerais
44850
Saint-Mars-du-Désert

Pour la première fois, les agences sanitaires européennes mettent en évidence des liens statistiques entre les pays consommateurs d’antibiotiques chez les animaux et leur niveau de résistance de E. coli chez l’homme.

Les usages des antibiotiques chez les animaux ont-ils vraiment un impact, mineur ou majeur, sur le taux global des résistances chez l’homme ? « C’est probablement le cas à l’échelle de l’Europe », répond en substance, pour la première fois, un rapport officiel commandé par la Commission européenne. Celui-ci compare deux chiffres pour chaque pays : les usages d’une classe d’antibiotiques dans chacun des 26 pays et le taux de résistance d’une des trois bactéries suivantes : E. coli, les salmonelles et les campylobactéries.

C’est sur cette base que sont établies des corrélations statistiquement significatives. Pour les pessimistes, les pays les plus fortement consommateurs d’antibiotiques critiques chez les animaux sont souvent ceux qui présentent aussi les taux de résistance de E. coli à ces médicaments les plus élevés. Pour les optimistes, l’inverse est également vérifié. Ces corrélations significatives sont aussi liées que les résistances sont faibles dans les pays peu consommateurs de ces antibiotiques chez les animaux.

Prudence, prudence et encore prudence…

« Ces résultats doivent être interprétés avec prudence. » Cette mise en garde est répétée vingt fois tout au long des 114 pages du rapport des trois agences sanitaires européennes, l’Agence européenne du médicament (EMA), l’Autorité européenne de la sécurité alimentaire (EFSA) et l’Agence de santé humaine (e-CDC). Publié le 30 janvier 2015, ce premier rapport commun sur, entre autres, l’impact de l’usage des antibiotiques chez les animaux sur les taux de résistance observés chez l’homme s’appuie sur les données 2012 des ventes et des taux de résistance.

Corrélations toujours significatives chez les animaux

→ Entre les ventes d’antibiotiques vétérinaires et le niveau de résistance des bactéries animales, toutes les corrélations étudiées sont positives et significatives (tableau). Les bactéries testées sont isolées chez des animaux sains dans le cadre de plans de surveillance de la résistance chez les bovins, les porcs et les volailles. Les prélèvements sont réalisés à l’abattoir sur les trois bactéries habituelles indicatrices ou zoonotiques : E. coli, les salmonelles et les campylobactéries.

→ Le rapport énumère, toutefois, de nombreuses précautions dans l’interprétation de ces résultats. Les taux de résistance observés en 2012 découlent d’une pression de sélection des usages au cours des années, voire des décennies, précédentes. Mais l’analyse statistique ne s’intéresse qu’aux seules consommations de 2012. De plus, la corrélation ne tient compte ni de la répartition des usages d’antibiotiques par espèces animales et par voies d’administration, ni des doses, des indications, des mécanismes de résistance (mutation ou diffusion de plasmides), de la corésistance ou encore des mouvements d’animaux entre pays qui favorisent la diffusion des résistances dans des États faiblement consommateurs d’antibiotiques.

D’où vient la résistance des bactéries zoonotiques ?

À l’inverse de chez les animaux, les corrélations entre les ventes d’antibiotiques humains et le niveau de résistance des mêmes bactéries (E. coli, salmonelles et campylobactéries) isolées de cas cliniques chez l’homme ne sont pas toutes positives et significatives. La corrélation est mise en évidence avec la résistance de E. coli, mais elle ne l’est pas dans les cas cliniques à salmonelles ou à campylobactéries d’origine probablement animale (infections zoonotiques). Cette observation laisse à penser que la pression de sélection des antibiotiques prescrits chez l’homme ne serait pas à l’origine de ces résistances.

Les usages vétérinaires ont aussi un impact sur les E. coli de l’homme

La corrélation entre l’usage des antibiotiques vétérinaires et les résistances chez l’homme est le point plus original et le plus inattendu de ce rapport. Car cela laisse à penser que les usages vétérinaires auraient un impact significatif sur les résistances observées en médecine humaine. Cette corrélation est surtout observée pour les entérobactéries : E. coli et salmonelles. Mais, pour les colibacilles, la résistance de ces bactéries semble davantage corrélée à l’usage des mêmes antibiotiques chez l’homme que chez les animaux.

ENCADRÉ
Les vétérinaires français prescrivent moins d’antibiotiques que les médecins en mg/kg

La comparaison des tonnages d’antibiotiques utilisés en Europe chez l’homme ou les animaux n’est pas vraiment en défaveur des vétérinaires (figure). Certes, les vétérinaires des 26 pays européens inclus dans ce rapport prescrivent 8 000 tonnes d’antibiotiques en productions animales, soit plus du double du tonnage prescrit par les médecins (3 400 tonnes). Cependant, cette analyse n’a aucun sens s’il n’est pas tenu compte de la biomasse des deux milliards d’animaux de production : 55 millions de tonnes de poids vif. En comparaison, les 507 millions d’habitants des 26 pays représentent une biomasse de 29 millions de tonnes, avec un poids moyen de 62,5 kg par individu. Par rapport à un poids standard adulte de 70 kg, cette moyenne prend en compte le poids plus léger des enfants.

116 mg/kg chez l’homme, 144 mg/kg chez les animaux

En proportion de la biomasse, la consommation d’antibiotiques chez les animaux est de 144 mg/kg en Europe, contre 116 mg/kg chez l’homme. En France, les vétérinaires ont prescrit 99 mg/kg d’antibiotiques chez les animaux de production. À l’inverse, les médecins français décrochent la médaille d’or de la prescription d’antibiotiques en Europe à 176 mg/kg.

De plus, dans la plupart des pays européens (18 sur 26), la consommation d’antibiotiques chez les animaux est inférieure à celle des êtres humains. Cependant, ce sont les ventes élevées d’antibiotiques vétérinaires de 7 États européens sur 26, l’Europe du Sud, l’Allemagne, la Pologne et la Belgique, qui conduisent à ce que les animaux soient, en moyenne, davantage exposés aux antibiotiques que les êtres humains (+ 24  %).

Quinze fois plus de C3G/C4G chez l’homme que chez les animaux

Dans tous les pays d’Europe, les médecins sont de beaucoup plus grands prescripteurs que les vétérinaires en antibiotiques critiques : les céphalosporines de troisième et quatrième générations (C3G/C4G) et les fluoroquinolones.

Les médecins privilégient toujours les β-lactamines à large spectre. Ainsi, les prescriptions des C3G/C4G sont quinze fois plus élevées pour les êtres humains (3,5 mg/kg) que pour les animaux de production (0,24 mg/kg). Celles des fluoroquinolones sont près de trois fois plus fortes chez l’homme (7,04 mg/kg) que chez les animaux de production (2,47 mg/kg).

Source

e-CDC/EFSA/EMA first joint report on the integrated analysis of the consumption of antimicrobial agents and occurrence of antimicrobial resistance in bacteria from humans and food-producing animals. http://www.ema.europa.eu/docs/en_GB/document_library/Report/2015/01/WC500181485.pdf

Conflit d’intérêts

Aucun.

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