État de nécessité, force majeure et hiérarchie des espèces - Le Point Vétérinaire n° 350 du 01/11/2014
Le Point Vétérinaire n° 350 du 01/11/2014

PROTECTION DES BIENS ET PRÉJUDICE

Juridique

Auteur(s) : Christian Diaz

Fonctions : 7, rue Saint-Jean
31130 Balma

Le juge apprécie souverainement l’état de nécessité.

Une chienne s’introduit dans le poulailler d’un voisin et entreprend de décimer la basse-cour. Un autre voisin, armé d’un fusil de chasse, tue l’animal. Le propriétaire de la chienne abattue intente une action en justice contre le Nemrod(1) pour obtenir réparation de son préjudice (la chienne de race portant 7 chiots pratiquement à terme) sur le fondement de l’article 1382 du Code civil («  Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage […]  »), en se limitant au seul aspect matériel. Le chasseur, quant à lui, invoque la force majeure, sans succès. La cour d’appel le condamne à réparer l’entier préjudice, soit 4 288 €(2).

Exclusion de la force majeure

La force majeure suppose un événement extérieur, imprévisible, irrésistible ou au moins inévitable, condition que les juges considèrent comme non remplie. Le chasseur avait le choix de son comportement : laisser se produire le dommage ou s’y opposer en commettant une faute.

Une telle situation aurait pu relever de l’état de nécessité.

Les juges ne retiennent pas l’état de nécessité

D’un point de vue juridique, l’état de nécessité est un fait justificatif qui enlève à un comportement délictueux son aspect répréhensible en raison de son caractère exceptionnellement utile à la société. L’individu commet certes une infraction, qui est un mal, mais pour éviter un dommage plus grand.

Pour qu’un état de nécessité se trouve caractérisé, le juge doit déterminer si l’infraction commise s’est révélée socialement utile, en comparant les valeurs sauvegardées et sacrifiées. Or cette tâche se révèle particulièrement délicate lorsque les valeurs en conflit impliquent des vies animales.

En l’occurrence, l’existence d’un péril ne faisait pas difficulté, même si celui-ci menaçait ce que le Code civil dénomme encore un bien.

Il est possible de s’interroger sur le caractère nécessaire de l’acte de sauvegarde car il existait peut-être un moyen de neutraliser l’animal sans avoir à le tuer. L’arrêt relève que la chienne n’était pas particulièrement agressive, ce qui sous-entend qu’une autre solution aurait pu être envisagée pour la neutraliser.

Les juges ont, en réalité, voulu démontrer que le défendeur n’était pas lui-même réellement menacé, et qu’il ne disposait donc, à ce titre, d’aucun motif légitime de tuer, eu égard à la troisième condition de l’état de nécessité : l’utilité de l’acte et sa proportionnalité à l’objectif poursuivi.

Est-il possible de hiérarchiser la vie des espèces animales ?

Les juges ont-ils considéré que la notion de proportionnalité n’était pas satisfaite, la valeur sacrifiée (la vie de la chienne) étant supérieure à celle des volailles préservées ?

Ou bien, sans hiérarchiser la vie d’espèces animales différentes, ont-ils jugé que, les valeurs en jeu étant équivalentes, l’acte attaqué ne présentait pas d’utilité sociale justifiant l’état de nécessité ?

Dans tous les cas, ce jugement va à l’encontre de quelques décisions récentes :

– la Cour de cassation (8 mars 2011) a considéré que l’état de nécessité s’applique dans le cas où un chien agressant un autre chien est abattu par le propriétaire de ce dernier, impuissant à lui faire lâcher prise ;

– le chasseur qui tue un chien afin de protéger les canards appelants peut bénéficier de l’état de nécessité (Cour de cassation, 5 avril 2011) ;

– l’abattage du lapin du voisin qui ravage un champ de carottes peut aussi relever de cette notion (cour d’appel de Grenoble, 1999).

En l’occurrence, si l’acte de tuer la chienne est bien une faute intentionnelle, en revanche, le fait de la laisser vagabonder relève de la négligence. Les magistrats auraient pu tout aussi bien conclure à un partage des responsabilités.

  • (1) Personnage biblique qui est un chasseur passionné, tuant beaucoup de gibier.

  • (2) Jugement de la cour d’appel de Toulouse, 10 septembre 2013.

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