Options de choix et compromis face à une épiphysite distale du tibia - Le Point Vétérinaire expert rural n° 349 du 01/10/2014
Le Point Vétérinaire expert rural n° 349 du 01/10/2014

ORTHOPÉDIE DU VEAU CHAROLAIS

Cas clinique

Auteur(s) : Michaël Lallemand

Fonctions : Clinique vétérinaire Saint-Léonard,
La Barre, 49120 Chemillé-Melay

Lors d’épiphysite distale du tibia, en pratique, le choix entre les diverses options thérapeutiques dépend aussi de l’éleveur.

Les arthrites sont fréquentes chez le jeune veau. Elles sont le plus souvent consécutives à la diffusion, par voie hématogène, de microbes issus d’un foyer infectieux primitif (entérite, omphalite, pneumonie, etc.).

CAS CLINIQUE

1. Anamnèse et commémoratifs

Le 9 avril 2014, un éleveur de bovins charolais souhaite l’examen d’un veau âgé de 1 mois. Depuis 1 semaine, celui-ci présente une boiterie sévère du membre postérieur droit, avec un gonflement de l’articulation du jarret. Dès l’apparition de ces signes, l’éleveur a mis en place un traitement antibiotique à base de cefquinome (Cobactan® 2,5 % par voie intramusculaire, à la dose de 2 mg/kg une fois par jour pendant 7 jours). Aucune amélioration n’a été constatée depuis lors.

Vers l’âge de 1 semaine, ce veau a également été traité par son propriétaire pour une entérite, avec le même antibiotique (et à une dose identique pendant 3 jours), associé à des réhydratants oraux.

2. Examen clinique

L’état général de l’animal est modérément altéré. L’examen clinique révèle une hydratation normale, une température rectale de 38,9 °C et une fréquence cardiaque de 120 battements/min. Le veau, maigre, présente une boiterie sévère du membre postérieur droit, avec une suppression totale d’appui. Malgré tout, il cherche toujours à téter sa mère. L’entérite dont il a été atteint 3 semaines auparavant semble guérie. Aucune anomalie ombilicale n’est détectée.

L’examen rapproché du membre postérieur droit montre un gonflement marqué de l’articulation du jarret. La manipulation est douloureuse, mais ne révèle ni déviation de l’axe du membre, ni craquement. Les autres articulations sont palpées et mobilisées sans découvrir d’anomalie.

3. Hypothèses diagnostiques

Le tableau clinique est marqué par une boiterie sévère, un amaigrissement et une distension de l’articulation du jarret, apparus une dizaine de jours après la fin d’un épisode d’entérite, sans amélioration après une semaine d’antibiothérapie à large spectre. Les hypothèses diagnostiques sont donc, par ordre de priorité :

- une arthrite septique (de loin la plus probable) ;

- une fracture ;

- une lésion ligamentaire (entorse) ;

- une arthrite idiopathique.

4. Examens complémentaires, 1re étape

Afin de confirmer la principale hypothèse à moindre coût et d’initier un éventuel rinçage articulaire, une arthrocentèse est réalisée. La sédation et l’analgésie sont assurées par une rachianesthésie (injection dans l’espace lombo-sacré d’un mélange de xylazine à la dose de 0,05 mg/kg et de lidocaïne à la dose de 2 mg/kg). Puis le veau est placé en décubitus latéral droit pendant une dizaine de minutes, afin de favoriser la diffusion de l’anesthésique du côté atteint. Il est ensuite mis en décubitus latéral gauche, avec le membre postérieur droit suspendu. Aucun trauma cutané n’est détecté. La zone tondue est préparée chirurgicalement à l’aide d’un savon à la chlorhexidine, puis d’applications alternées d’alcool et de chlorhexidine solution. L’articulation est tellement distendue que les compartiments proximaux sont aisément identifiables. L’étage tibio-tarsien est ponctionné avec une aiguille 18 G, médialement à l’extenseur des doigts. Un liquide synovial anormalement fluide et purulent s’écoule, ce qui confirme l’hypothèse d’arthrite. En raison des commémoratifs d’entérite et de l’absence de lésion cutanée, celle-ci est vraisemblablement septique et d’origine hématogène.

5. Conduite thérapeutique

Rinçage articulaire

Comme l’arthrocentèse tibio-tarsienne laisse facilement s’écouler le liquide synovial, un rinçage articulaire est proposé à l’éleveur (encadré 1, photos 1 et 2).

Aucune déformation n’étant clairement identifiée distalement, une arthrocentèse tarso-métatarsienne n’est pas tentée en première intention.

Antibiothérapie intraveineuse sous garrot

Les injections de cefquinome par voie intramusculaire mises en œuvre par l’éleveur en première intention sont arrêtées. Et 50 mg de ceftiofur solution (Cevaxel® 1 ml) sont injectés dans la veine saphène latérale à l’aide d’une aiguille 23 G, en aval d’un garrot caoutchouc. Il est convenu avec l’éleveur de répéter cette double procédure (rinçage et antibiothérapie intraveineuse sous garrot) deux fois à 24 heures d’intervalle.

Malgré cela, aucune amélioration clinique n’est constatée : l’articulation reste extrêmement distendue et l’appui supprimé.

6. Examens complémentaires, 2e étape

Le jour du dernier rinçage, une radiographie est proposée à l’éleveur. Une incidence médio-latérale est choisie. Il s’agit de dépister une éventuelle complication ou un facteur favorisant cette arthrite, dont le traitement est pour le moment un échec.

Une ostéomyélite épiphysaire (OE), ou épiphysite du tibia, est diagnostiquée (photo 3) [1]. Les surfaces articulaires distales à cet os, celle du talus en particulier, semblent intactes. L’OE serait donc primaire, associée à une synovite. En raison du délai minimal de 5 jours entre le déclenchement d’une ostéomyélite et l’apparition des premiers signes radiographiques, l’OE était probablement déjà présente lors de l’examen clinique initial [15].

7. Traitement de seconde intention

À la suite des observations radiologiques, deux options conservatrices sont proposées à l’éleveur :

- un traitement chirurgical. Un curetage et la pose d’implants imprégnés d’antibiotiques sont présentés comme le traitement de choix(1) ;

- un traitement médical. Une antibiothérapie par voie générale au long cours (au minimum 3 semaines) peut aussi être entreprise.

Dans les deux cas, le pronostic est présenté comme réservé.

Pour une question de coût et sans doute aussi par manque de recul vis-à-vis de l’efficacité de la pose d’implants, l’éleveur opte pour le traitement médical. Si ce dernier devait échouer, il est convenu avec lui de pratiquer une amputation.

Une antibiothérapie à large spectre ayant déjà été initiée par l’éleveur avant que le veau soit présenté, aucune analyse bactériologique n’a été réalisée. Le choix de l’antibiotique est empirique. D’après une étude rétrospective réalisée outre-Atlantique par Francoz et coll. (faculté de médecine vétérinaire de Saint-Hyacinthe, Canada), les bactéries les plus fréquemment isolées lors d’arthrite septique chez le jeune animal sont Truepurella pyogenes (nouvelle dénomination d’Arcanobacterium pyogenes) et le genre Streptococcus [8]. Ces auteurs rapportent aussi un impact sous-estimé des mycoplasmes (la procédure d’isolement spécifique n’a pas toujours été mise en œuvre pour cette famille de bactéries). Depuis cette publication, les recherches plus systématisées de mycoplasmes ont conduit à considérer qu’il s’agit d’un agent pathogène majeur lors d’arthrite, du moins outre-Atlantique.

Lors d’épiphysite septique, une proportion élevée de Streptococcus suis semble être isolée au Canada [André Desrochers, à paraître].

En définitive, l’antibiothérapie parentérale instaurée dans ce cas est orientée vers les bactéries à Gram positif : de l’amoxicilline, sous une forme longue action pour faciliter le travail de l’éleveur (Vetrimoxin® 48 heures, à la dose de 15 mg/kg, soit 1 ml pour 10 kg, par voie intramusculaire toutes les 48 heures). Vingt et un jours de traitement sont prévus, avec un contrôle programmé à l’échéance. Cette durée de prescription est bien supérieure à celle prévue par le résumé des caractéristiques du produit (RCP).

8. Évolutions clinique et radiologique

Après une dizaine de jours de ce traitement, la boiterie commence à s’estomper. Lors du contrôle prévu à 21 jours, l’amélioration clinique est nette : le veau s’appuie de nouveau sur sa patte et le jarret est moins enflé.

La radiographie en incidence médio-latérale est renouvelée afin de contrôler l’évolution des lésions (photo 4).

Malgré des lésions apparemment plus marquées radiologiquement, l’amélioration clinique prend le dessus. Il est décidé de prolonger l’antibiothérapie de 3 semaines supplémentaires, à la même dose (un décalage existe toujours entre la clinique et l’aspect radiographique des lésions [1]).

L’état du veau continue de s’améliorer. L’animal rattrape son retard de croissance par rapport à ses congénères.

Six semaines après le début du traitement, l’éleveur ne le voit presque plus boiter. L’antibiothérapie est interrompue. Quinze jours plus tard, aucune rechute n’est notée. L’appui sur le membre est complet. Seule une légère déformation est observable (photo 5). L’amplitude de mouvement en flexion reste moindre, ce qui n’empêche pas le veau de se déplacer normalement.

Sur le plan radiographique, l’état de l’articulation s’est amélioré (photo 6).

Un mois après le dernier cliché, aucune rechute n’est survenue. Le veau est considéré comme guéri, avec des séquelles modérées pour son avenir productif.

DISCUSSION

1. Une entité peu décrite en médecine bovine

Bien que l’arthrite septique soit un motif d’appel régulier en pathologie néonatale bovine, peu de données sont disponibles sur son importance relative [5]. Les données scientifiques sont assez pauvres en cas d’ostéomyélite épiphysaire, qui est pourtant l’une de ses composantes principales. La plupart des cas publiés d’ostéomyélite chez le veau datent de plus de 30 ans [2, 10, 13].

Parmi les exemples plus récents, seul un cas d’ostéomyélite du carpe, traité par une arthrodèse carpo-métacarpienne, se rapproche de la présentation clinique décrite ici : une arthrite septique de type E, caractérisée par une infection de l’os sous-chondral (encadré 2) [12].

En pratique, la radiographie, qui permet d’effectuer le diagnostic différentiel, n’est pas systématiquement proposée aux éleveurs lors d’arthrite septique. Dans ce cas, elle a été motivée par l’échec du traitement initial. Sa réalisation précoce aurait permis de proposer d’emblée l’usage d’implants imprégnés d’antibiotique, sans faire les frais de rinçages articulaires perçus comme infructueux par l’éleveur.

La principale lésion radiographique qui doit être recherchée en cas de suspicion d’ostéomyélite est une ostéolyse. Elle est sous-chondrale et plutôt bien définie lors d’arthrite septique de type E (ostéomyélite épiphysaire), et médullaire, à proximité de la plaque de croissance, lors de type P (ostéomyélite physaire).

Des lésions de sclérose et une réaction périostée peuvent aussi être découvertes [1]. Les signes radiographiques d’ostéomyélite apparaissent seulement plus de 5 jours après le début des manifestations cliniques. Cela est à prendre en compte si l’animal est présenté en consultation précocement [15]. Plus généralement, l’aspect radiographique des lésions d’arthrite septique est retardé de 10 à 14 jours par rapport au processus réel [5].

2. L’antibiothérapie raisonnée, une vraie difficulté en pratique courante

Ce cas illustre parfaitement les difficultés auxquelles est confronté le praticien de terrain face à une arthrite, en particulier lorsqu’il s’agit de mettre en place une antibiothérapie raisonnée. Idéalement, le choix d’un antibiotique est éclairé par un examen bactériologique de routine du liquide synovial, une culture anaérobie et une recherche spécifique de mycoplasmes. Dans l’attente des résultats de l’antibiogramme, les jeunes animaux devraient recevoir une antibiothérapie à large spectre en première intention, active contre les mycoplasmes, prolongée au moins 3 à 4 semaines après l’amélioration clinique. De plus, trois facteurs qui influencent la diffusion et l’efficacité de l’antibiotique sont à prendre en compte : le pH intra-articulaire qui devient acide ; la présence de nombreux débris tissulaires dans l’articulation ; l’état enflammé de la membrane synoviale qui peut influencer la propagation de l’antibiotique, même si elle est souvent considérer devenir plus perméable [5].

Selon notre expérience, le vétérinaire intervient rarement en première intention sur les cas d’arthrite. La plupart des veaux que le praticien est amené à examiner n’ont pas guéri après un traitement de première intention mis en place par l’éleveur. La présentation tardive des veaux arthritiques assombrit le pronostic des traitements médicaux et chirurgicaux proposés par le vétérinaire, et complique aussi l’application de bonnes pratiques d’antibiothérapie. La pertinence des analyses bactériologiques et de l’antibiogramme (y compris dans une perspective coût/bénéfice) est remise en cause après l’administration d’un ou de plusieurs antibiotiques (surtout à large spectre, de dernière génération, voire “critique”, comme ici le cefquinome). Le principal motif qui explique la présentation tardive de ce veau est d’ordre économique. Toute la démarche diagnostique et thérapeutique adoptée dans ce cas, même si elle a abouti à une guérison, a été fondée sur des compromis acceptés par l’éleveur entre ce qu’il était prêt à payer et un traitement de choix guidé par les recommandations publiées et de bonnes pratiques d’antibiothérapie (encadré 3) [5].

Seule la durée du traitement systémique a été conforme aux recommandations. Celles-ci restent toutefois empiriques : «  Poursuivre 3 à 4 semaines après amélioration clinique  » (dans ce cas : 6 semaines).

3. Quelles options thérapeutiques face à une arthrite de type E

Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte lors du choix entre les options médicales (antibiothérapie systémique et locorégionale) et chirurgicales (arthrotomie, arthrodèse, amputation), comme l’âge de l’animal, le type et le nombre d’articulations touchées, la chronicité de la maladie, les affections intercurrentes (entérites, omphalites, pneumonies, otites, etc.), la valeur de l’animal et, le cas échéant, le micro-organisme isolé.

En pratique courante, la chronicité est un élément essentiel. En effet, la réaction inflammatoire de l’organisme est au moins autant, voire plus délétère pour l’articulation que les toxines bactériennes. En phase aiguë, un traitement médical qui associe une antibiothérapie et un lavage articulaire peut donner de bons résultats. Le lavage permet de diminuer la concentration de fibrine, de bactéries et de produits de l’inflammation. Il limite ainsi le risque de formation d’un pannus, du tissu fibrovascularisé qui entrave l’action des antibiotiques. Une étude rétrospective, réalisée sur 20 veaux qui n’ont pas répondu à un traitement antibiotique parentéral de première intention, a montré que l’état de 80 % des individus s’est amélioré après deux rinçages ou plus, l’articulation du tarse présentant le pronostic le plus favorable [9]. Les résultats des essais rétrospectifs doivent être interprétés avec prudence, et rapportés au type de veaux étudiés et aux conditions de la mise en œuvre du traitement (hospitalières ou de terrain). Ainsi, à l’inverse, dans une étude comparant des traitements médicaux (antibiothérapie systémique et intra-articulaire) et chirurgicaux (arthrotomie) sur 81 cas d’arthrite, un meilleur pronostic a été obtenu lors de chirurgie : 69 % de guérisons, contre 33 % avec les médicaments, avec, cette fois-ci, le moins bon pronostic pour le tarse [14]. Pareil résultat est communément rapporté chez les bovins [3].

Autant que possible, l’antibiotique doit être administré par voie locorégionale, afin d’augmenter les concentrations intra-articulaires, tout en limitant les doses, le coût et la toxicité du médicament. Élégante mais difficile en pratique courante, la pose et l’entretien d’une voie veineuse proche de l’articulation, à l’aide d’un cathéter polyuréthane long terme, représentent l’option de choix, afin d’administrer l’ensemble du traitement par voie intraveineuse sous garrot. Sur le terrain, plus que le coût du matériel, la disponibilité de l’éleveur et les conditions dans lesquelles il peut contenir et manipuler son veau au quotidien sont les principaux facteurs limitant l’emploi de cette technique. À défaut, le traitement peut être initié par voie intraveineuse et relayé par une administration systémique, comme dans notre cas [5].

Lorsque l’arthrite est chronique et le contenu de l’articulation fibrineux (situation fréquente), ou encore à la suite de l’échec d’un traitement médical, l’option chirurgicale est privilégiée car les débris et les lambeaux fibrineux viennent obstruer les aiguilles. L’articulation est incisée en plusieurs points, afin d’éliminer un maximum de fibrine et de rincer correctement l’articulation.

Dans le cas particulier de notre arthrite de type E, le curetage de l’épiphyse et la pose au contact de la lésion d’implants imprégnés d’antibiotique, qui vont le relarguer progressivement sur le principe de l’élution, constituent l’option de choix (1). D’autres solutions extrêmes ont été envisagées (encadré 4).

Conclusion

Les arthrites sont fréquentes chez le veau. Malgré des recommandations transmises aux éleveurs de notre clientèle par le biais d’une lettre d’information mensuelle et parfois mentionnées dans leur bilan sanitaire, les bovins atteints sont souvent présentés tardivement, après un premier traitement d’automédication. Cela complique l’identification systématique de la bactérie en cause et la mise en place d’une antibiothérapie conforme aux bonnes pratiques. Sur un cas sévère d’ostéomyélite épiphysaire, le traitement de choix est chirurgical, mais soumis à l’approbation de l’éleveur. Son coût (de l’ordre de 250 à 300 €), les contraintes liées aux soins postopératoires ou les doutes sur l’efficacité d’une opération encore peu connue sont les principaux facteurs limitants.

Un traitement médical peut être proposé à l’éleveur, sous réserve de le prévenir que le succès de l’antibiothérapie est conditionné par le choix raisonné de la molécule et la durée d’administration (3 semaines au minimum, avec une prolongation de 3 à 4 semaines après l’amélioration clinique). Même en médecine humaine, aucun consensus n’existe sur la durée idéale de l’antibiothérapie. En médecine bovine, les recommandations restent empiriques et largement supérieures aux durées de traitement préconisées par les RCP des antibiotiques actuellement disponibles. Dans le débat actuel sur la limitation de l’usage des antibiotiques en élevage, le manque de données concernant les arthrites complique la prescription de tels traitements au long cours. 

  • (1) Voir l’article “Préparation d’implants de plâtre imprégnés de gentamicine” du même auteur, dans ce numéro.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1
Rinçage articulaire à la suite de l’arthrocentèse tibio-tarsienne

→ Trois aiguilles 18 G supplémentaires sont implantées dans les deux compartiments proximaux de l’articulation : tibio-tarsien, latéralement à la première aiguille, et intertarsien proximal, médialement et latéralement (technique “through and through” : le soluté de rinçage entre par une aiguille et s’écoule par les autres).

→ Une poche de 1 l de NaCl 0,9 % stérile est introduite à l’intérieur de la manche à pression. Celle-ci est composée de deux parois : un ballon et un filet inextensible, solidaires l’un de l’autre. La mise sous pression de la partie gonflable permet de comprimer la poche de soluté contre le filet.

→ Les compartiments tibio-tarsien et intertarsien proximal communiquent toujours [5]. En revanche, la communication avec les étages intertarsien distal et tarso-métatarsien n’est qu’occasionnelle [5]. La ponction de ces compartiments est très délicate sans échoguidage, d’autant plus que leur faible volume limite une éventuelle distension.

→ La mise sous pression du compartiment tibio-tarsien permet un écoulement abondant par toutes les aiguilles, ce qui facilite la procédure. Aucune distension tarso-métatarsienne n’est détectée. À l’issue du rinçage, le liquide s’échappant des aiguilles est translucide.

ENCADRÉ 2
Typage des arthrites septiques

Le type E est l’un des deux types dominants d’une classification des arthrites septiques d’origine hématogène qui en comporte trois. Firth a décrit ce typage d’abord chez le poulain, avant de l’appliquer à une étude rétrospective consacrée aux bovins [6, 7].

Le diagnostic différentiel entre les types est avant tout radiographique. Il est délicat, sinon impossible, de faire la différence entre les types S et E, ou l’association des deux, lors de l’examen clinique initial.

→ Type S, pour synovial. Après une phase de bactériémie, l’infection se localise dans la membrane synoviale.

→ Type E, pour epiphysis. L’infection se situe dans l’os sous-chondral. Les particularités de la vascularisation articulaire expliquent que ces deux types sont prédominants chez le jeune de moins de 10 jours. En effet, jusqu’à l’âge de 7 à 10 jours, des vaisseaux transphysaires connectent l’artère nourricière, qui irrigue la métaphyse, à l’artériole qui irrigue conjointement la membrane synoviale et l’épiphyse. Les bactéries se localisent alors préférentiellement sur ces deux dernières.

→ Type P, pour physis. L’infection se localise dans le fût osseux, du côté métaphysaire de la plaque de croissance. La fermeture de la connexion entre la métaphyse et l’épiphyse, assurée pendant une dizaine de jours par les vaisseaux transphysaires, explique que ce dernier type soit plutôt rencontré chez des animaux plus vieux.

ENCADRÉ 3
Compromis de ce cas

→ L’examen radiologique n’a été réalisé qu’à la suite d’une évolution défavorable, alors qu’il aurait mieux valu le recommander d’emblée.

→ Aucune analyse bactériologique n’a été effectuée. Le coût de l’analyse et l’antibiothérapie à large spectre déjà mise en place sont les principaux facteurs qui expliquent son absence. Le choix de l’amoxicilline longue action au long cours a (par conséquent) été empirique, sur la base de trois éléments :

- l’élevage n’a aucun historique d’infection par les mycoplasmes et rien ne permet de les suspecter plus particulièrement dans ce cas isolé d’arthrite ;

- dans une étude rétrospective réalisée par la faculté de médecine vétérinaire de Saint-Hyacinthe (Canada) de 1980 à 2000, les deux genres les plus fréquemment rencontrés lors d’arthrite chez le veau sont Truepurella (nouvelle dénomination d’Arcanobacterium) et Streptococcus [8] ;

Streptococcus suis semble fréquemment impliqué dans les cas d’épiphysite [André Desrochers, communication personnelle].

→ La voie locorégionale aurait dû être privilégiée, afin d’augmenter les concentrations et de réduire les doses globales d’antibiotique utilisées. La pose d’un cathéter polyuréthane à long terme dans la veine céphalique craniale était inenvisageable, en raison des contraintes d’entretien du dispositif et de son coût global. L’implantation de demi-sphères de plâtre imprégnées de gentamicine à la concentration de 1/20e a été proposée mais refusée par l’éleveur, en raison du coût supérieur de l’intervention par rapport au traitement médical seul, mais aussi probablement par méconnaissance de la technique et de ses résultats. En relais de l’antibiothérapie par voie générale initiale, une antibiothérapie intraveineuse sous garrot a été mise en place, pendant seulement 3 jours consécutifs, en parallèle des rinçages articulaires. La dose de 50 mg de ceftiofur a été employée, alors qu’une dose de 500 mg est recommandée pour un bovin adulte [11]. Cet antibiotique a été jugé compatible avec le cefquinome administré auparavant. Par la suite, l’option d’une antibiothérapie systémique prolongée a été préférée.

Points forts

→ L’ostéomyélite épiphysaire, ou arthrite septique de type E, est l’une des deux formes les plus fréquentes d’arthrite septique d’origine hématogène chez le jeune bovin.

→ Les lésions radiographiques d’ostéomyélite apparaissent au minimum 5 jours après le début des signes cliniques.

→ Le traitement médical de première intention d’une arthrite chez le veau devrait faire appel à une antibiothérapie à large spectre, active contre les mycoplasmes, pour une durée minimale de 3 semaines, initiée dans l’attente des résultats de bactériologie.

ENCADRÉ 4
Solutions extrêmes

→ Lorsque les traitements médicaux sont infructueux, que la mobilité articulaire est compromise par une fibrose importante ou que des lésions d’ostéomyélite étendues et irréversibles sont découvertes, l’arthrodèse est envisageable.

→ Assez simple à réaliser sur les articulations distales de faible amplitude (interphalangiennes, métacarpo/tarso-phalangiennes), l’arthrodèse est plus délicate en regard du carpe et surtout du tarse. Sur cette dernière articulation, il est plus difficile d’exposer et de cureter les divers étages que sur le carpe. Les os intermédiaires doivent être examinés et leurs cartilages curetés, voire éliminés avec tous ceux de la même rangée, si les lésions d’ostéolyse sont jugées trop sévères. L’espace mort ainsi créé peut être avantageusement comblé par des demi-sphères de plâtre, qui est un bon ostéoconducteur [4]. Le membre entier est immobilisé au moins 6 semaines. Le pronostic est d’autant meilleur que les rangées d’os intermédiaires ont pu être conservées : 87 % de réussite sur le carpe et le tarse lorsque toutes les rangées intermédiaires sont gardées. Ce taux chute pour le carpe à 72 % et à 35 % lorsque, respectivement, une ou les deux rangées sont éliminées [3].

→ En ultime recours, pour des raisons médicales ou économiques, l’amputation peut être proposée à l’éleveur. L’acte chirurgical est relativement simple, mais la possibilité de complications postopératoires est à prendre en compte : déhiscence des sutures et retard de cicatrisation du moignon.

Références

  • 1. Blond L, Beauregard G, Mulon PY. Radiographie des lésions osseuses des membres. Point Vét. 2004;35 (250):24-28.
  • 2. Delahanty D. Hematogenous osteomyelitis in a young calf. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1952;121 (904):18-19.
  • 3. Desrochers A. Septic arthritis. In: Fubini S, Ducharme N, eds. Farm animal surgery. Saunders. 2004:330-336.
  • 4. Desrochers A, Van Lul C. Les implants imprégnés d’antibiotiques chez les bovins. Point Vét. 2007;278:55-59.
  • 5. Desrochers A, Francoz D. Clinical management of septic arthritis in cattle. Vet. Clin. North Am. Food Anim. Pract. 2014;30 (1):177-203.
  • 6. Firth E. Current concepts of infectious polyarthritis in foals. Equine Vet. J. 1983;15:5-9.
  • 7. Firth E, Kersjes A, Dik K, Hagens F. Haematogenous osteomyelitis in cattle. Vet. Rec. 1987;120 (7):148-152.
  • 8. Francoz D, Desrochers A, Fecteau G et coll. A retrospective study of joint bacterial culture in 172 cases of septic arthritis in cattle. Poster: 20th ACVIM forum, Dallas, 2002.
  • 9. Jackson P, Strachan W, Tucker A et coll. Treatment of septic arthritis in calves by joint lavage: a study of 20 cases. Ir. Vet. J. 1999;52 (10):563-569.
  • 10. Moss E, Radostits O, Kaye M et coll. Osteomyelitis in a calf. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1971;158 (8):1369-1372.
  • 11. Navarre C, Zhang L, Sunkara G et coll. Ceftiofur distribution in plasma and joint fluid following regional limb injection in cattle. J. Vet. Pharmacol. Ther. 1999;22 (1):13-19.
  • 12. Riley C, Farrow C. Partial carpal arthrodesis in a calf with chronic infectious arthritis of the carpus and osteomyelitis of the carpal and metacarpal bones. Can. Vet. J. 1998;39 (7):438-441.
  • 13. Rudman J, Fessler J, Blevins W et coll. Hematogenous osteomyelitis caused by Fusobacterium necrophorum in a calf. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1982;180 (8):944-947.
  • 14. Verschooten F, De Moor A, Steenhaut M et coll. Surgical and conservative treatment of infectious arthritis in cattle. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1974;165 (3):271-275.
  • 15. Verschooten F, Vermeiren D, Devriese L. Bone infection in the bovine appendicular skeleton: a clinical, radiographic, and experimental study. Vet. Radiol. Ultrasound. 2000;41 (3):250-260.
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