Plaidoyer pour un maintien prudent de l’usage vétérinaire de la colistine - Le Point Vétérinaire expert rural n° 347 du 01/07/2014
Le Point Vétérinaire expert rural n° 347 du 01/07/2014

USAGE RAISONNÉ DES ANTIBIOTIQUES

Questions-réponses

Auteur(s) : Béatrice Bouquet

Fonctions : 8, rue des Déportés
80220 Gamaches

Dans un contexte de sensibilisation des praticiens au plan ÉcoAntibio 2017 en rurale, la colistine fait une entrée discrète. Les experts de médecine humaine n’encouragent pas sa disparition en médecine vétérinaire, mais restent circonspects.

Le plan ÉcoAntibio 2017 vise une réduction en France de 25 % de l’usage des antibiotiques en 5 ans en développant, entre autres, des solutions alternatives permettant de préserver la santé animale tout en évitant de recourir à ces médicaments. Ses quarante mesures sont issues de la réflexion du Comité national de coordination pour l’usage raisonné des antibiotiques en médecine vétérinaire. Il s’ajoute aux orientations définies par le Parlement européen et aux recommandations de la Commission européenne de 2011, mais aussi, sur le plan mondial, aux orientations de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE).

En France, au cours des 12 derniers mois, il n’existe pas un outil de formation qui n’y fasse allusion en pratique rurale. Avec le Forum de buiatrie à l’automne 2013, la Journée bovine bretonne en février 2014, les Journées nationales des groupements techniques vétérinaires (GTV) et le numéro spécial rural “Actualités en thérapeutique des bovins” du Point vétérinaire en mai dernier, le sujet est décliné sous différentes formes pour aider le praticien à atteindre les objectifs promus [1, 4-6]. Il s’agit de mieux comprendre les mécanismes de l’antibiorésistance, de cerner l’ampleur de ce phénomène et d’apprendre à prescrire les antibiotiques d’une façon de plus en plus raisonnée.

Même les vétérinaires qui se déclaraient parmi les plus sceptiques au départ quant à la faisabilité d’un tel changement en pratiques rurales entrent dans la démarche [4]. Sur le fond, des évolutions sont perceptibles. Alors que les antibiotiques critiques occupaient le devant de la scène en fin d’année dernière, la colistine, vieille molécule, défendait son rôle, plus discrètement. Saisie par la Commission européenne, l’Agence européenne du médicament humain et vétérinaire s’invite à l’écriture du scénario, analysant, dans un rapport publié le 19 juillet 2013, les doutes émis en médecine humaine vis-à-vis de l’usage vétérinaire de la colistine [3].

D’OU VIENNENT LES DOUTES À L’ÉGARD DE LA COLISTINE EN MÉDECINE VÉTÉRINAIRE ?

L’analyse est axée sur le développement de résistances et l’impact possible en santé humaine et animale. Le rapport souligne des manques d’information et des zones où la prudence doit être accrue, mais ne conseille ni d’interdire les usages vétérinaires de la colistine, ni de la classer comme un antibiotique critique de dernier recours (encadré 1).

L’incitation à la prudence vétérinaire émise relève du principe de précaution : « Il n’y a pas de preuve que l’usage de la colistine en médecine vétérinaire dans les espèces de production a conduit à un transfert de résistance en humaine (et inversement). Néanmoins, cela ne peut pas être absolument exclu, au regard de ce qui est documenté pour d’autres antibiotiques via un contact direct ou alimentaire » [3].

POURQUOI UNE INTERDICTION TOTALE EST-ELLE EXCLUE POUR L’INSTANT ?

Si la colistine n’est plus disponible en médecine vétérinaire, alors il pourrait se produire un transfert vers d’autres antibiotiques ou alternances thérapeutiques (tel l’oxyde de zinc vis-à-vis des diarrhées porcines), en l’absence d’avancées dans les domaines de la biosécurité, de la vaccination, de l’hygiène, etc.

Or l’oxyde de zinc, par exemple, amène à des préoccupations environnementales.

Et les solutions alternatives à la colistine consistent en d’autres antibiotiques, dont ceux qui sont jugés critiques (céphalosporines des troisième et quatrième générations, fluoroquinolones).

QUELLES SONT LES PARTICULARITÉS DE LA COLISTINE SUR LE PLAN DE LA RÉSISTANCE ?

En plus des résistances naturelles, celles acquises sont possibles, mais uniquement par le biais de mutations pour cet antibiotique (encadré 2). Des subpopulations résistantes sont susceptibles d’émerger à la faveur de l’usage de ce médicament : « L’antibiorésistance est un effet indésirable systématique », a expliqué Alain Bousquet-Melou de l’École nationale vétérinaire de Toulouse lors de la Journée vétérinaire bretonne de 2014 [1]. Le sous-dosage est un facteur de risque d’apparition de ce type de résistance.

En théorie, associer la colistine à d’autres antibiotiques peut être théoriquement envisagé pour un effet de synergie qui limite l’émergence de ces résistances, mais, pour la colistine comme pour d’autres molécules, l’intérêt de combiner deux antibiotiques n’est pas souvent établi scientifiquement.

Récemment, l’approche de pharmacocinétique-pharmacodynamie (PKPD) conduit à rechercher la dose qui maximise l’efficacité tout en minimisant l’émergence de résistances (clonales).

Dans les années 2010, les mécanismes de résistance à la colistine ont été approfondis à la lumière de la génomique. Pour l’essentiel, les résistances acquises ne sont pas stables. L’absence de processus de transfert horizontal de la résistance (plasmidique) conduit à un faible risque de dissémination rapide de celle-ci (mis en évidence pour Acinetobacter).

Pour les klebsielles, un blocage de transfert de gènes de multirésistance par les mutants résistants à la colistine est rapporté. Des schémas thérapeutiques ont été imaginés dans lesquels la colistine préviendrait, par exemple, l’émergence de la résistance à l’aminoglycoside utilisé en alternance.

Plus récemment, il a été mis en évidence que la résistance à la colistine (et peut-être la seule présence de cette molécule) perturberait la formation du biofilm, donc le transfert de résistance.

L’émergence et l’extension géographique de mutants résistants à la colistine et à plusieurs autres antibiotiques sont néanmoins possibles. Un clone de ce type (ST258) circule largement dans les hôpitaux de Grèce, et a été importé au Royaume-Uni, en Hongrie et aux États-Unis.

POURQUOI LA COLISTINE EST-ELLE IMPORTANTE EN MÉDECINE HUMAINE ?

À la suite de l’extension de bactéries multirésistantes acquises à l’hôpital, ce “vieil” antibiotique, longtemps restreint dans ses usages pour cause de toxicité, a acquis un rôle majeur en santé publique (encadré 3). Cela explique que l’Agence européenne du médicament (EMA) ait examiné l’an dernier les conséquences possibles de l’usage vétérinaire de cette molécule.

Initialement utilisée en médecine humaine uniquement par voie topique (cutanée, ophtalmique) en raison de sa toxicité générale par voie parentérale, la colistine est devenue un recours dans le cadre des infections nosocomiales, vis-à-vis des colibacilles et des klebsielles productrices de carbapénases (ou de métallo-enzymes) et des Pseudomonas et Acinetobacter multirésistants. Elle est désormais souvent administrée en médecine humaine sous la forme d’une prodrogue métaboliquement inactive et non toxique : le méthane sulfate de colistine ou colistimethate sodium (CMS).

En médecine humaine, elle est assez souvent associée à la tigécycline, à la rifampicine ou aux carbapénèmes, sans que le bénéfice clinique de cette synergie vis-à-vis des septicémies à Klebsielles ou à Acinetobacter baumanii soit toujours bien établi.

Dans le cadre des pneumonies hospitalières qui relèvent d’une mise sous ventilation artificielle, l’intérêt du recours à la colistine n’est pas non plus particulièrement démontré.

Elle était depuis longtemps utilisée chez les patients atteints de mucoviscidose, sous une forme inhalée, vis-à-vis de Pseudomonas aeruginosa.

QUEL USAGE EN MEDECINE HUMAINE EST-IL FORTEMENT REMIS EN CAUSE ?

En Grèce, gros consommateur en médecine humaine, l’incidence des résistances est passée de 0 en 2007 à 8,13 en 2008 et à 24,3 en 2009 (figure 1). L’emploi pour la décontamination digestive est pointé du doigt.

La montée des résistances depuis le retour en force de la colistine pour cause de multirésistance à d’autres antibiotiques a été constatée entre 2010 et 2013. Plusieurs rapports de 2013 font état de foyers à Klebsiella pneumoniae ou à d’autres bactéries tout aussi pathogènes, devenues résistantes en cours de traitement et qui se sont transmises.

LES SIGNES DE REMISE EN CAUSE DE LA COLISTINE EN MÉDECINE VÉTÉRINAIRE SONT-ILS FONDÉS ?

À tort, en pratique rurale, certains praticiens commencent à remettre actuellement en question une prescription de première intention de cet antibiotique lors de diarrhées à colibacilles, « par principe », citant le rapport EMA :

– sur la base de son importance pour la médecine humaine ;

– parce que l’émergence de résistances est possible en médecine humaine et que la voie digestive est pointée du doigt (le tube digestif est un lieu majeur d’émergence de résistances par la quantité et la diversité des bactéries présentes).

Les études focales de terrain qui se multiplient en rurale attestent le peu de résistances à la colistine, comme l’essai en Vendée qui compare des veaux sains à des malades et comportant la réalisation d’un E-test pour les souches intermédiaires en termes de sensibilité à la colistine [4].

Certaines indications vétérinaires sont remises en cause. Le Royaume-Uni a saisi l’Agence européenne du médicament en 2009 devant la diversité des posologies et des temps d’attente constatée dans les pays de l’Union, pour des spécialités vétérinaires buvables à base de colistine à 2 M UI/ml. L’Agence a conclu à un rapport bénéfice/risque négatif pour l’indication contre les salmonelles, mais uniquement pour les produits buvables (elle a confirmé son intérêt dans le traitement des colibacilloses digestives non septicémiques et sensibles, à la dose de 100 000 UI/kg de poids vif chez les bovins, les ovins et les porcs, et à celle de 75 000 UI chez les volailles, pendant 3 à 5 jours).

QUEL LIEN EXISTE-T-IL ENTRE USAGE ET RÉSISTANCE EN MÉDECINE VÉTÉRINAIRE ?

Les experts européens constatent que, malgré un usage très fréquent de la colistine en médecine vétérinaire depuis plus de 50?ans, en l’état des connaissances, la transmission de résistances à cet antibiotique par plasmide de résistance n’a pas été observée chez les bactéries à Gram négatif.

Pourtant, cela est envisageable, à partir de l’exemple des conséquences de l’emploi de la colistine comme “décontaminant”(1) digestif en médecine humaine.

Les données sont à prendre avec précaution en raison du manque d’études épidémiologiques approfondies sur le sujet en médecine vétérinaire (encadré 4).

Les données sur le phénomène, constaté en médecine humaine, du blocage de la multirésistance grâce à un recours intermittent à la colistine à l’échelle d’une ferme n’existent pas, mais prendraient tout leur sens.

Les experts souhaitent tout particulièrement un monitoring étroit de la résistance chez le veau de boucherie et le porc.

QUELLES PARTICULARITÉS POUR LA MISE EN ÉVIDENCE DES RÉSISTANCES À LA COLISTINE ?

Les seuils de sensibilité pour la détermination des concentrations minimales inhibitrices (CMI) sont régulièrement réévalués, mais les tests sont peu fiables, ce qui n’aide pas à établir un lien entre l’usage et la résistance.

En routine, la technique usuelle de diffusion sur disque ne convient pas pour la colistine, car cette molécule diffuse mal en gélose. Il convient d’ajouter une étape de prédiffusion ou de préférer l’E-test. De nouvelles méthodes plus rapides de mise en évidence de la résistance à la colistine sont en cours de développement. Les résultats pourraient être obtenus en 2 heures, au lieu de 2 jours.

QUEL USAGE VÉTÉRINAIRE DE LA COLISTINE EN EUROPE ?

Au sein de l’Union européenne, la colistine est disponible dans des médicaments visant diverses espèces de production, surtout sous la forme orale, mais également en présentation parentérale ou intramammaire.

Les polymyxines sont le cinquième groupe d’antimicrobiens vétérinaires vendus (4,5 %, en corrigeant avec la population, assez loin derrière les tétracyclines, les pénicillines, les sulfamides et les macrolides).

En Finlande, en Islande, en Irlande et en Norvège, la colistine n’est pas utilisée (elle n’entre pas dans la composition des spécialités commerciales disponibles).

Au Royaume-Uni, en Suède et au Danemark, elle l’est très peu (chiffres rapportés aux effectifs).

À l’inverse, l’Espagne et le Portugal en sont de grands consommateurs (figures 2 et 3).

La France se situe dans un pourcentage de vente intermédiaire, tout comme la Belgique.

Les experts s’attardent sur le cas de ce pays, reprenant les chiffres issus de nombreuses publications qui le concernent. Ainsi, 41,3 pour 1 000 porcs en finition et 58,9 pour 1 000 veaux de boucherie sont traités avec cet antibiotique. La colistine représente 30 % des usages antimicrobiens chez le porc et 15 % chez le veau de boucherie. Sur le terrain, des usages empiriques sont constatés. En élevage laitier, en veau allaitant et en volaille, l’emploi semble plus restreint (en Belgique).

La colistine est aussi utilisée en aquaculture dans l’Union, mais les niveaux de vente ne sont pas disponibles, alors qu’en Australie cet usage est documenté, par exemple.

Conclusion

La colistine vétérinaire indiquée de « 3 à 5 jours », selon les divers résumés des caractéristiques du produit des spécialités sur le marché (3 jours maximum par voie parentérale).

“Nos” pharmacologues encouragent les praticiens à réévaluer la pertinence de poursuivre une antibiothérapie dès 3 jours après l’initiation du traitement, et pas seulement pour les antibiotiques concentration-dépendants. « Aucun essai clinique ne valide la durée de traitement en humaine comme en vétérinaire, a expliqué Alain Bousquet-Melou à la dernière Journée bretonne vétérinaire. Il convient d’éviter des durées d’exposition des flores digestives trop prolongées » [1]. Notre confrère souligne aussi l’apparition de travaux sur l’intérêt de l’usage séquentiel des antibiotiques (alternance d’une concentration, puis d’un temps-dépendant).

  • (1) Voir rapport AFSSAPS novembre 2007 “Utilisation de préparations hospitalières dans la décontamination digestive sélective”.

Références

  • 1. Bousquet-Melou A, Ferran A et Toutain JP. Choisir un antibiotique et déterminer un schéma posologique. Traiter vite, fort, longtemps, est-ce toujours d’actualité ? In: Proceedings 4e JBN Ispaia Ploufragan, 18?février 2014:31-38.
  • 2. DMV. 18e éd. Éd. du Point vétérinaire. 2014. https://www.lepointveterinaire.fr/dmv/consulter.html.
  • 3. EMA. Use of colistin in food-producing animals in the European Union: development of resistance and impact on human and animal health. EMA/755938/2012. Consultable en ligne http://www.ema.europa.eu/docs/en_GB/document_library/Report/2013/07/WC500146813.pdf publié 19 juillet 2013:25p.
  • 4. Genthon-Troncy V, Nicollet P, Quillet JM et coll. Antibiorésistance d’E. coli isolés sur fèces de veaux allaitants. J. Nat. GTV Reims, 21-23 mai 2014:661-672.
  • 5. Madec Y. Transmission de l’antibiorésistance de l’animal à l’homme, mythe ou réalité ? Symposium Merial Antibiorésistance “Mieux la connaître pour mieux la combattre”, en marge du Forum européen de buiatrie, Marseille, 28 novembre 2013.
  • 6. Milleman Y, Belbis G, Assié S et coll. Usage raisonné des antibiotiques chez les bovins : indications, quand ne pas traiter ? Point Vét. 2014;n°spéc. “Actualités en thérapeutique des bovins”: 44-49.
  • 7. Puyt JD. Antibiotiques polypeptidiques. Cours Oniris de pharmacologie 2013-2014:75-84.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1
Synthèse des conclusions de l’Agence européenne du médicament sur l’usage vétérinaire de la colistine

→ Une interdiction globale est exclue, tout comme une recommandation d’usage en seconde intention ou purement individuel, en raison, entre autres, du risque de report sur d’autres molécules plus critiques (céphalosporines des troisième et quatrième générations et fluoroquinolones).

→ « La colistine est d’importance thérapeutique en médecine vétérinaire pour le traitement des maladies intestinales dans certaines espèces où il y a peu d’alternatives thérapeutiques efficaces dans certaines indications. » L’existence de pays “sans” colistine vétérinaire suggère qu’il est envisageable de faire avec moins de colistine. Améliorer la biosécurité est une piste.

→ Le traitement individuel est préférable. Toute indication préventive serait à supprimer pour la colistine afin d’en réduire l’usage global par précaution vis-à-vis de la possibilité d’émergence de résistances et de transfert à l’homme (la métaphylaxie reste possible). Un soin tout particulier à l’examen de futures demandes d’extension d’indications, ou de changement de formulations ou d’espèces (poisson) est recommandé.

→ L’indication salmonelles devrait être supprimée et les indications générales « tous pathogènes confondus » sont à éviter.

→ Tout médicament pour lequel la colistine est associée à un autre antibiotique devrait être retiré du marché, à moins de prouver que cela correspond à un usage responsable des antibiotiques. Les associations avec des antimicrobiens critiques sont particulièrement visées (sont concernés ici les céphalosporines des troisième et quatrième générations, les fluoroquinolones et les macrolides).

→ La durée de traitement est à limiter au temps strictement nécessaire à la guérison.

→ Un usage sur la base de tests de sensibilité est à encourager malgré leurs limites pour la colistine.

→ Davantage de données pharmacologiques et épidémiologiques sont réclamées : sur l’excrétion et l’efficacité, sur les usages (par espèces, types de production et catégories de poids), sur l’évolution de la sensibilité, en particulier vis-à-vis des colibacilles et des salmonelles (ce point doit devenir une obligation pour tout pays membre). Il convient que la surveillance (de type Resapath en France) s’étende au sein de l’Union [3].

ENCADRÉ 2
Spectre et diffusion de la colistine

→ La colistine est un antibiotique polypeptidique de la classe des polymyxines découvert dans les années 1950. Appelée colimycine au départ, et synonyme de polymyxine E, elle possède un pouvoir bactéricide contre un large spectre de bactéries à Gram négatif, dont les entérobactéries et en particulier E. coli. Elle est très peu active contre les Gram positif, les anaérobies et les mollicutes (Mycoplasma). Certaines bactéries lui sont naturellement résistantes : les genres Proteus et Serratia notamment.

Elle est très peu absorbée au niveau digestif en l’absence de lésion. Elle est presque exclusivement éliminée dans les fèces après une administration orale : aucun métabolisme n’est signalé [7].

→ Outre les formes orales sous différentes présentations, la colistine est disponible en formulations injectable, intra-utérine et intramammaire, associée à la néomycine, à l’érythromycine, aux pénicillines A ou aux sulfamides-triméthoprime (en théorie, cet antibiotique bactéricide actif sur les agents pathogènes au repos comme en multiplication peut être combiné à un bactéricide actif sur les agents pathogènes en croissance, de type Β-lactamines, ou non [fluoroquinolones], ou à un antibiotique bactériostatique) (tableau, photo).

Points forts

→ Une disparition de la colistine en médecine vétérinaire risquerait de provoquer un transfert vers d’autres antibiotiques ou médications en l’absence d’avancées dans la prévention ou la biosécurité en élevage.

→ La colistine est un antibiotique exceptionnel par l’absence de résistance plasmidique et les très faibles taux de résistances chromosomiques, malgré 60 ans d’utilisation en médecine vétérinaire.

→ L’Agence européenne recommande d’éviter un usage préventif de la colistine, simultanément associée à un autre antibiotique, ou une administration trop prolongée.

ENCADRÉ 3
Toxicité de la colistine

→ Présente dans différentes spécialités vétérinaires, seule ou associée, la colistine appartient à la liste I des substances vénéneuses. Par voie orale, elle n’est pas (ou très peu) résorbée au niveau digestif.

La toxicité concerne surtout la voie parentérale. La fenêtre thérapeutique est étroite.

Après administration par cette voie, elle est presque exclusivement éliminée dans les urines (aucun résidu détectable dans les fèces). Sa néphrotoxicité (risque de nécrose tubulaire aiguë) est assez bien renseignée. Cette voie est peu utilisée en médecine humaine, et, si c’est le cas, sous monitoring de la clairance rénale. Certains résumés de caractéristiques du produit (RCP) mentionnent de ne pas associer cette molécule à d’autres médicaments néphrotoxiques, en particulier les aminoglycosides.

Sur la fœtotoxicité, les RCP restent souvent peu explicites. Certains signalent une utilisation possible lors de gravidité. Elle ne traverse pas la barrière placentaire.

Rares sont les RCP qui soulignent la neurotoxicité potentielle en médecine vétérinaire lors d’un usage par voie orale, en raison de sa non-résorption digestive. Pour Colidiaryl(r), par exemple (solution buvable et injectable), il est précisé : « […] ataxie et apathie chez les veaux. Chez les porcins, dans de rares cas, en cas de lésions gastro-intestinales responsables d’une augmentation de la résorption, des symptômes neurotoxiques (dont des troubles de l’équilibre et une ataxie) et des lésions de la fonction rénale peuvent être observés » [2].

→ En médecine humaine, l’apparition d’une paresthésie, de vertiges, d’une faiblesse, de perturbations visuelles, d’une confusion, d’une ataxie et de blocages neuromusculaires, pouvant s’étendre à l’arbre respiratoire, est possible.

Avec l’émergence de résistances en médecine humaine, il est envisagé de remonter les doses de la forme prodrogue administrée (méthane sulfate de colistine [CMS]), pourtant réputée moins toxique. La dose idéale n’est pas facile à établir, car il s’agit d’un mélange de composés naturels, et deux unités coexistent pour cette molécule dans les publications (g de colistine base ou UI). D’autres dérivés des polymyxines, moins toxiques, seraient en cours d’évaluation.

ENCADRÉ 4
La résistance lors d’usage vétérinaire de la colistine selon les espèces

→ En Europe, seulement 0,2 pour 1 000 bovins sont traités avec de la colistine en filières de production traditionnelles (lait et viande), contre 60 pour 1 000 veaux de boucherie (à rapporter aux 417 pour 1 000 tous antibiotiques confondus). L’évolution de la multirésistance dans cette dernière filière est inquiétante, mais la résistance à la colistine y reste faible, voire nulle.

En pratique porcine en Belgique, la colistine est largement utilisée (200/1 000 au minimum) et, avec des tests appropriés, il apparaît que la résistance est récente et en augmentation (10 % pour les colibacilles). Aux Pays-Bas, la sensibilité reste la règle (vis-à-vis des colibacilles et des salmonelles).

→ En production de volaille, la consommation est autour de 100 animaux pour 1 000 (rare en Belgique, en décroissance de moitié aux Pays-Bas). La résistance à la colistine dans cette espèce semble difficile à évaluer.

Le même manque de données (voire leur absence) est observé en aquaculture alors que l’Australie dispose de chiffres (55,5 % pour Aeromonas) [3].

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