Le bien-être des vaches laitières françaises passé au crible : approche épidémiologique - Le Point Vétérinaire expert rural n° 347 du 01/07/2014
Le Point Vétérinaire expert rural n° 347 du 01/07/2014

BIEN-ÊTRE DES BOVINS

Étude

Auteur(s) : Alice de Boyer des Roche*, Isabelle Veissier**, Maud Coignard***, Nathalie Bareille****, Raphaël Guatteo*****, Jacques Capdeville******, Emmanuelle Gilot-Fromont*******, Luc Mounier********

Fonctions :
*Université de Lyon, VetAgro Sup, UMR1213 Herbivores,
69280 Marcy-L’Étoile
** INRA, UMR1213 Herbivores,
63122 Saint-Genès-Champanelle
***Université de Lyon, VetAgro Sup, UMR1213 Herbivores,
69280 Marcy-L’Étoile
**** INRA, UMR1213 Herbivores,
63122 Saint-Genès-Champanelle
*****LUNAM, Oniris, Inra, UMR1300 BIOEPAR,
CS 40706, 44307 Nantes
******LUNAM, Oniris, Inra, UMR1300 BIOEPAR,
CS 40706, 44307 Nantes
*******LUNAM, Oniris, Inra, UMR1300 BIOEPAR,
CS 40706, 44307 Nantes
********Université de Lyon, VetAgro Sup,
69280 Marcy-L’Étoile
*********Université de Lyon, Université Lyon 1, UMR CNRS
5558 – LBBE, 69622 Villeurbanne
alice.deboyerdesroches@vetagro-sup.fr
**********Université de Lyon, VetAgro Sup, UMR1213 Herbivores,
69280 Marcy-L’Étoile
*********** INRA, UMR1213 Herbivores,
63122 Saint-Genès-Champanelle

La prise en charge de la douleur, la santé des animaux et leur confort de couchage sont les points faibles principaux observés dans les exploitations laitières, quelles que soient leurs caractéristiques.

Face aux attentes sociétales, l’amélioration du bien-être des animaux d’élevage est un enjeu fort des productions animales [11]. Dans le contexte actuel d’intensification des systèmes bovins laitiers, la question du bien-être des vaches laitières est posée [12].

Dans un rapport de 2009, les experts de l’European Food Safety Authority (EFSA) identifient les boiteries, les mammites, les troubles métaboliques, les troubles de la fertilité et de longévité comme les éléments majeurs de bien-être des vaches laitières. Toutefois, cette étude a tenu compte essentiellement de la santé des vaches et peu des autres dimensions du bien-être : l’expression des comportements propres à l’espèce, l’absence de peur et d’anxiété, le logement approprié et l’absence de faim et de soif [13]. De plus, actuellement, aucune étude n’identifie ni ne compare les principaux éléments les uns par rapport aux autres. Pour conseiller des plans d’action visant à améliorer le bien-être des vaches laitières, il est essentiel d’évaluer toutes les dimensions et d’identifier les risques majeurs sur la base de leur gravité et de la probabilité d’exposition, comme le permet le protocole d’évaluation Welfare Quality® [24].

Pour le vétérinaire, une autre question importante est de savoir si certaines caractéristiques des fermes (type de logement, race, système de traite, taille du troupeau et localisation géographique) peuvent être plus à risque pour le bien-être des animaux.

OBJECTIFS

Une enquête a été menée dans des exploitations laitières françaises, où les conditions de vie des vaches sont diverses, afin de mettre en évidence les problèmes de bien-être les plus importants, quelles que soient les caractéristiques des fermes, et de savoir dans quelle mesure les caractéristiques des exploitations agricoles peuvent être associées aux variations du bien-être des vaches.

MÉTHODE

1. Fermes visitées

Les observations ont été réalisées sur un échantillon stratifié de 131 exploitations laitières françaises pendant l’hiver 2010-2011. Cinq critères de stratification sont retenus : la localisation géographique (plaine ou montagne), la race des vaches (holstein ou montbéliarde), le nombre de vaches en lactation (plus ou moins de 50), les systèmes de logement en stabulation libre (aire paillée ou logettes) et de traite (salle de traite ou robot) (tableau 1). En moyenne, 22 fermes ont été visitées par système d’élevage (race, logement, système de traite). Elles comportaient de 21 à 120 vaches laitières en lactation (moyenne +/- standard error (SE) : 51,2 +/- 1,51), avec des vêlages non groupés. Le stade moyen de lactation des vaches était de 109,5 à 261,3 jours, avec une moyenne (+/- SE) de 168,2 (+/- 2,7).

2. Mesure du bien-être

Le bien-être des vaches laitières a été évalué à l’aide du protocole Welfare Quality® [32]. Dans ce protocole, 11 critères indépendants, représentant l’ensemble des dimensions du bien-être, sont évalués à l’aide de 33 mesures réalisées sur le terrain : “Absence de faim prolongée”, “Absence de soif prolongée”, “Confort de couchage”, “Facilité de mouvement”, “Absence de blessure”, “Absence de maladie”, “Absence de douleurs liées aux pratiques d’élevage”, “Expression du comportement social”, “Expression des autres comportements propres à l’espèce”, “Bonne relation homme-animal” et “État émotionnel positif”.

Les résultats des 33 mesures correspondant à un critère sont combinés pour obtenir le score du critère. Les formules mathématiques d’agrégation utilisées pour calculer ces scores ont été paramétrées lors du projet Welfare Quality® à partir d’avis d’experts en sciences animales. Le niveau de conformité des fermes à chaque critère est exprimé par des scores compris entre 0 et 100, un score inférieur à 50 traduisant une dégradation du bien-être [2].

3. Statistiques

Des statistiques descriptives ont été utilisées pour décrire la distribution des scores au sein des 131 fermes, ainsi que des modèles linéaires multivariés (1) (analyses de variance) pour évaluer l’association entre les caractéristiques des fermes et les scores.

RÉSULTATS

Les résultats synthétiques présentés correspondent aux médianes observées des scores des critères et des mesures réalisées sur les 131 fermes (figure et tableau 2).

1. Niveaux de bien-être dans les fermes visitées

Absence de faim prolongée : score médian non satisfaisant (49,3 ; 1er quartile : 27,6, 3e quartile : 100)

Seules 25 % des exploitations visitées ne comptaient aucune vache trop maigre (c’est-à-dire avec une note d’état corporel inférieure à 2,5 sur l’échelle de 1 à 5 de la grille d’Edmonson), alors que 25 % d’entre elles en comptaient entre 23,1 % et 87,5 % [10].

Absence de soif prolongée : score médian satisfaisant (60)

29,8 % des fermes mettent à disposition plusieurs points d’eau en même temps, avec au moins un bol ou un bac de 60 cm de long pour 10 vaches, et obtiennent ainsi un score de 100 pour ce critère. À l’inverse, 25,2 % des fermes n’ont pas assez de points d’eau (plus de 15 vaches par point d’eau), obtenant ainsi un score de 3. Les autres fermes disposent soit d’un seul point d’eau disponible en permanence (entre 10 et 15 vaches par point d’eau), soit de points d’eau sales et obtiennent un score compris entre 20 et 60.

Confort de couchage : score médian non satisfaisant (38,5 ; δquartiles = 22,4)

Le mouvement de coucher est réalisé en 5,9 secondes (δquartiles = 1,5 seconde). 27,1 % (δquartiles = 42,3 %) des vaches se cognent lorsqu’elles réalisent ce mouvement, et certaines se couchent hors des logettes ou de l’aire paillée dans 25 fermes. De plus, 21,8 % (δquartiles = 26,3 %) des vaches ont la mamelle sale, 52,5 % (δquartiles = 47,2 %) l’arrière-train sale et 88 % (δquartiles = 25,5 %) les membres postérieurs sales.

Facilité de mouvement : score de 100

Toutes les fermes visitées comportent une stabulation libre et obtiennent le score de 100 pour ce critère.

Absence de blessure : score médian satisfaisant (54,7 ; δquartiles = 29,6)

En moyenne, 9,2 % des vaches sont modérément boiteuses (note 3 de la grille de Winckler et Willen) et aucune ne l’est sévèrement (note 4 ou 5) [34]. En ce qui concerne les altérations de la peau, 15,9 % des vaches présentent au moins une zone sans poil et 33,4 % au moins une lésion ou un gonflement.

Absence de maladie : score non satisfaisant (33,3 ; δquartiles = 17,4)

L’observation clinique des animaux met en évidence un jetage nasal chez 14,5 % des vaches. Aucune d’entre elles ne présente un écoulement oculaire, une respiration anormale, une diarrhée ou un écoulement vulvaire. La fréquence de toux est de 0,4 par vache et par heure. Les données du contrôle laitier montrent que 19 % des vaches ont un taux élevé de cellules somatiques du lait (plus de 400 000 cellules/ml au moins une fois au cours des 3 mois précédant la visite). Durant les 12 mois précédant la visite, il montre également 2 % de mortalité, 5 % de dystocie et 4 % d’animaux présentant le syndrome de la vache couchée.

Absence de douleurs liées aux pratiques d’élevage : score médian le plus faible de tous les critères (28)

Dans toutes les fermes, les vaches sont écornées. La pratique majoritaire est l’ébourgeonnage des veaux (129 fermes, dont 113 fermes le réalisent au fer chaud et 15 autres à la pâte caustique). Dans la majorité des cas, cette procédure est réalisée sans anesthésique ni analgésique (fer : 83 fermes, score = 28 ; pâte caustique : 15 fermes, score = 20). Parmi les éleveurs ébourgeonnant au fer chaud, 24 ont utilisé un anesthésique local (score = 49), 3 un analgésique (score = 52) et 3 les deux (score = 70). Dans très peu de fermes, les vaches étaient écornées à l’âge adulte, avec une anesthésie locale (1 ferme, score = 14) ou sans traitement de la douleur (deux fermes, score = 2).

Expression des comportements sociaux : score médian non satisfaisant (42 ; δquartiles = 42,1)

Les vaches réalisent 0,5 coup de tête chacune et par heure (δquartiles = 0,7) et un autre type d’interaction agonistique par vache et par heure (δquartiles = 0,9).

Expression des autres comportements propres à l’espèce : score médian satisfaisant (82,3 ; δquartiles = 75,3)

Les troupeaux des fermes visitées passent 229 jours par an et 16 heures par jour à la pâture.

Bonne relation homme-animal : score médian non satisfaisant (42 ; δquartiles = 17,1)

Lors du test d’approche au cornadis, 8,9 % des vaches ont pu être touchées, 47,1 % approchées à moins de 50 cm mais pas touchées, 33,3 % approchées entre 1 m et 50 cm ; et 3,2 % n’ont pu être approchées à moins de 1 m.

État émotionnel positif : score médian non satisfaisant (49,0 ; δquartiles = 31,5)

2. Liens entre caractéristiques des fermes et bien-être

Les scores des critères “Bonne relation homme-animal” et “Absence de douleurs liées aux pratiques d’élevages” ne varient pas significativement selon les caractéristiques des fermes.

Association entre les caractéristiques des fermes et les scores

La localisation géographique et la taille du troupeau ne font pas varier les scores de critères. Les modèles finaux expliquent de 5,38 % (“Absence de soif prolongée”) à 42,5 % (“Confort de couchage”) de la variabilité observée entre les fermes (tableau 3).

Le système de logement est associé aux scores de quatre critères (“Confort de couchage”, “Absence de blessure”, “Absence de maladie” et “Expression des autres comportements propres à l’espèce”). Dans tous les cas, les systèmes en aire paillée obtiennent de meilleurs scores que les systèmes de logettes.

La race présente un effet significatif pour quatre critères : les troupeaux de vaches montbéliardes obtiennent des scores plus élevés pour “Absence de faim prolongée”, “Confort de couchage” et “Absence de maladie”, alors que les scores des troupeaux avec des holsteins sont plus élevés pour “Expression des comportements sociaux”.

Le système de traite est associé à trois critères (“Absence de blessure”, “Absence de maladie” et “Expression des autres comportements”), les fermes avec salle de traite ayant des scores plus élevés que celles utilisant un robot dans tous les cas.

En aire paillée, les scores des troupeaux de montbéliardes sont inférieurs à ceux des troupeaux holsteins pour “Absence de soif prolongée” (part de variabilité expliquée [F] = 4,61, probabilité associée [p] = 0,036) et pour “État émotionnel positif” (F = 5,68, p = 0,021), alors que l’inverse est observé en système de logettes pour “État émotionnel positif” (F = 5,96, p = 0,017). En système de logettes, aucune différence entre les races n’est mise en évidence pour “Absence de soif prolongée” (F = 0,57, p = 0,449).

Risques spécifiques pour chaque type d’élevage

Toutes les sous-populations de fermes obtiennent des scores inférieurs à 50 pour “Confort de couchage”, “Absence de maladie”, “Absence de douleurs liées aux pratiques d’élevages” et “Bonne relation homme-animal”. Les scores des critères “Expression des comportements sociaux” sont également inférieurs à 50, sauf chez les vaches holsteins en logettes et traites avec un robot. Seule une sous-population obtient des scores inférieurs à 50 pour “Absence de soif prolongée” (vaches montbéliardes logées en aire paillée et traites en salle de traite) et deux sous-populations pour le critère “Expression d’autres comportements” (vaches montbéliardes ou holsteins traites par un robot). Les vaches holsteins en système de logettes ont les scores les plus faibles (inférieurs à 25) pour les critères “Confort de couchage” et “Absence de maladie” (tableau 4).

DISCUSSION

L’utilisation d’une échelle commune (de 0 à 100) pour estimer le niveau de conformité des fermes à chaque critère de bien-être du protocole Welfare Quality® permet de hiérarchiser les risques auxquels sont confrontées les vaches laitières, de mettre en évidence la contribution des caractéristiques des fermes à ces risques et d’identifier les risques spécifiques à chaque sous-population de fermes.

1. Données

Les prévalences de questions de bien-être observées sont similaires à celles publiées pour les maladies, les diffi­cultés des vaches pour se coucher, la saleté des vaches, les altérations de la peau, le comportement social (tableau 5) [5, 9, 14, 20, 22, 23, 31, 33]. Ces similitudes suggèrent que les résultats sont généralisables, au moins pour des systèmes similaires (vaches en stabulation libre en hiver et au pâturage en été).

2. Scores bas

Les critères obtenant les scores les plus bas sont “Absence de douleurs liées aux pratiques d’élevage” (28), “Absence de maladie” (33) et “Confort de couchage” (38,5). Ces observations ont déjà été publiées [4, 12, 17, 22]. Toutefois, le calcul des scores permet d’attirer l’attention du vétérinaire sur les problèmes particuliers, d’en souligner l’importance et le besoin de mesures de contrôle visant à améliorer de manière significative le bien-être des vaches.

Douleur

Les scores pour le critère “Absence de douleurs liées aux pratiques d’élevages” sont faibles dans presque toutes les fermes, et ne varient pas en fonction de leurs caractéristiques. Ils sont liés à l’ébourgeonnage des veaux, réalisé sans prise en charge de la douleur. L’utilisation d’anesthésiques et d’analgésiques a été largement recommandée [26, 27]. Pourtant, ils ne sont pas encore couramment utilisés en Europe ni aux États-Unis [1, 16, 28]. Le vétérinaire constitue un acteur central pour informer les éleveurs des effets négatifs de la douleur sur la santé et le bien-être des veaux et des moyens pour la réduire, notamment en encourageant l’utilisation des anti-inflammatoires [26]. Enfin, une réflexion autour de la formation des éleveurs à l’emploi d’anesthésiques locaux pour l’écornage pourrait être conduite, comme cela est réalisé en Suisse (2).

Maladie et couchage

Une grande variation des scores est observée pour les critères “Absence de maladie” et “Confort de couchage” : des scores élevés indiquant qu’une bonne gestion permet d’assurer la santé et le confort des vaches. De plus, cette grande variation peut également être expliquée par les caractéristiques des fermes. Ces résultats suggèrent que des plans de contrôle autour du bien-être des vaches laitières devraient être adaptés aux caractéristiques spécifiques des fermes (race des vaches, logement et système de traite). Pour le vétérinaire, ces résultats peuvent être utilisés en visite d’élevage pour orienter ses observations prioritairement sur certains aspects du bien-être. Par exemple, il peut considérer prioritairement la note d’état corporel (NEC) des vaches lorsqu’il visite des élevages de holsteins.

Pour le critère “Absence de maladie”, les scores les plus bas sont observés dans les fermes avec des vaches holsteins en logettes. Des travaux antérieurs ont souligné que les vaches hautes productrices (comme les holsteins) sont plus à risque pour les questions de santé [12]. Nos résultats suggèrent que c’est particulièrement le cas lorsque les vaches sont en logettes. Les fermes avec des logettes obtiennent également les scores les plus faibles pour le critère “Confort de couchage”, comme ce qui a été précédemment observé [7, 15]. Ainsi, lorsque le vétérinaire praticien réalise une consultation dans un élevage avec des vaches holsteins en système de logettes, il doit être particulièrement attentif à ces deux aspects de bien-être : maladie et confort autour du couchage (photo).

Les logettes peuvent empêcher les vaches de se mouvoir avec facilité pendant le lever et le coucher, et générer ainsi des blessures [19-21, 29]. Cela est lié au réglage de la logette (barre de garrot, positionnement de l’arrêtoir au sol, etc.) [6]. Une étude de ces réglages dans leur ensemble permettrait de déterminer les causes exactes des problèmes rencontrés.

3. Scores modérés à élevés

Les fermes visitées ont obtenu des scores médians modérés à élevés pour plusieurs critères : “Expression des comportements sociaux” (42), “Bonne relation homme-animal” (42), “État émotionnel positif” (49), “Absence de faim prolongée” (49,3), “Absence de blessure” (54,7), “Absence de soif prolongée” (60) et “Expression d’autres comportements” (82,3).

Les scores pour “Absence de faim prolongée” et “Absence de blessure” sont variables entre les fermes, ce qui s’explique en partie par les caractéristiques de celles-ci. Pour “Absence de blessure”, les fermes avec des logettes ont les scores les plus faibles (comme cela a déjà été rapporté) [7, 15]. Ce n’est probablement pas la logette qui induit des blessures, mais la façon dont elle a été conçue.

Les scores pour le critère “Absence de faim prolongée” sont particulièrement bas dans les fermes avec une race spécialisée pour le lait (holstein). Les NEC plus basses pour les holsteins pourraient être liées à la conformation de ces vaches. Toutefois, dans Welfare Quality®, la grille utilisée pour évaluer la NEC est adaptée à la race de la vache observée (race spécialisée lait versus race mixte). Par conséquent, la maigreur fréquente des holsteins devrait être attribuée à leur production plus élevée de lait, et au risque de déficit nutritionnel, au moins en début de lactation, et ce malgré une alimentation riche et distribuée ad libitum [25]. Cependant, il est difficile de savoir si la grande mobilisation des réserves corporelles pendant la lactation chez les vaches hautes productrices s’accompagne de faim, donc de mal-être. Cette question pourrait être étudiée en conditions expérimentales avec un dispositif de type conditionnement opérant, pour mesurer la motivation des vaches pour manger [8]. Le score de “Bonne relation homme-animal” variait entre fermes, mais, selon nos résultats, ces variations n’étaient pas liées à leurs caractéristiques (race, logement, système de traite). Ainsi, d’autres facteurs seraient susceptibles de jouer un rôle, par exemple l’attitude et les comportements de l’éleveur envers ses animaux, et pourraient influencer en retour les réponses des animaux à l’homme [3, 18, 30]. Encore une fois, ces résultats soulignent le rôle central joué par l’éleveur pour le bien-être de ses animaux, au travers de son attitude, de ses comportements et de sa manière de gérer son exploitation.

Conclusion

Les vaches laitières sont exposées à diverses difficultés en ce qui concerne leur bien-être, dont les plus importantes (en termes de gravité et de prévalence) sont, selon le protocole Welfare Quality®, la douleur liée à l’écornage, les troubles de santé (notamment maladies et blessures) et un mauvais confort de couchage. Des plans d’action devraient être conduits et le vétérinaire rural constitue un acteur majeur dans cette démarche.

Cette étude confirme que le logement nécessite des améliorations pour garantir un bon confort de couchage et réduire les blessures, et que les vaches hautes productrices sont à haut risque pour une NEC faible et les troubles de santé. Elle montre également que le bien-être des vaches ne dépend pas uniquement des caractéristiques des fermes, mais également de leur gestion. Il existe de nombreuses possibilités pour améliorer le bien-être des vaches. Certaines fermes qui ont obtenu des scores de bien-être très élevés pourraient servir de modèle pour d’autres, au regard de leur système ou de leur gestion.

  • (1) Chaque modèle a été construit en deux temps. Dans un premier temps, l’effet de chaque facteur et des interactions d’ordre 1 ont été testé sur le score par des analyses de variance et des tests de Student avec ajustement de Bonferroni. Les facteurs et les interactions associés à une probabilité 0,20 ou moins ont été retenus. Puisque ni la taille de troupeau ni la localisation géographique avaient un effet sur les scores de bien-être, seules trois caractéristiques (la race, le système de logement et le système de traite) ont été conservées pour la suite des analyses. Le modèle a été ensuite simplifié, sur la base du critère d’Akaike (AIC). La proportion de variabilité expliquée par le modèle final et par chaque facteur au sein du modèle est exprimée par le coefficient R2. L’homogénéité et la normalité des résidus ont été vérifiées.

  • (2) Article 16 de la loi fédérale sur la protection des animaux, 2005.

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Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Les scores les plus faibles sont observés pour le système de logettes, la traite avec un robot et pour la race holstein.

→ Dans tous les systèmes, les scores obtenus sont inférieurs à 50 pour les critères “Absence de douleurs liées aux pratiques d’élevage” (en raison de l’écornage sans prise en charge de la douleur), “Confort de couchage”, “Absence de maladie” et “Bonne relation homme-animal”.

→ Le rôle joué par l’éleveur pour le bien-être de ses animaux, au travers de son attitude et de sa manière de gérer son exploitation, est central et le praticien doit l’y aider.

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L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

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