ÉTAPE 5 Analyse du sédiment urinaire - Le Point Vétérinaire n° 345 du 01/05/2014
Le Point Vétérinaire n° 345 du 01/05/2014

EN 10 ÉTAPES

Auteur(s) : Laetitia Piane*, Catherine Trumel**

Fonctions :
*Laboratoire central de biologie médicale, INP,
ENV de Toulouse, 23, chemin des Capelles,
31076 Toulouse
**Laboratoire central de biologie médicale, INP,
ENV de Toulouse, 23, chemin des Capelles,
31076 Toulouse

L’analyse d’urines ne comporte pas seulement la réalisation d’une bandelette et la mesure de la densité par réfractométrie, elle doit être systématiquement complétée par l’évaluation microscopique du sédiment urinaire.

L’interprétation de l’analyse macroscopique et de la bandelette urinaire est largement améliorée par la connaissance de la composition du sédiment urinaire. Par exemple, une protéinurie modérée détectée à la bandelette urinaire, en l’absence d’hématurie ou de leucocyturie significative à l’analyse microscopique du sédiment urinaire, peut faire suspecter qu’elle est d’origine rénale. Cette protéinurie reste à confirmer et à quantifier par un rapport protéine/ créatinine urinaires (RPCU). De plus, l’examen du sédiment urinaire est particulièrement important pour mettre en évidence la présence de cylindres, de cristaux, de leucocytes, de cellules épithéliales et d’agents infectieux.

RÉALISATION DU SÉDIMENT URINAIRE ET MÉTHODE DE LECTURE

1. Importance de l’analyse du sédiment urinaire

L’évaluation microscopique du sédiment urinaire devrait être réalisée sur chaque analyse d’urines, même si aucune anomalie n’est détectée à la bandelette urinaire. Plusieurs études montrent que près de 16 % des prélèvements d’urines sans anomalie à la bandelette peuvent avoir un culot anormal (pyurie, bactériurie, etc.) [1, 2].

2. Mode de prélèvement

Les urines peuvent être récoltées par cystocentèse, sondage ou encore par miction spontanée. La cystocentèse reste la méthode la plus simple pour interpréter le culot, en évitant la présence de cellules et de flores bactériennes provenant des voies urogénitales externes. Avant l’interprétation, il convient de connaître le mode de prélèvement, l’aspect cytologique pouvant être différent selon ce dernier [3, 4, 7].

3. Préparation du culot urinaire

Les urines prélevées sont centrifugées à 400 G (environ 1 500 à 2 000 tours par minute pour les centrifugeuses de paillasse) pendant 5 minutes ou en position “urine” pour les centrifugeuses non réglables. Le surnageant est éliminé et le culot est remis en suspension délicatement. Une goutte placée entre lame et lamelle est observée au microscope (condenseur abaissé et diaphragme fermé), à faible grossissement (x 100 à 200), puis à fort grossissement (x 400) [3, 4, 7].

4. Méthode de lecture

L’ensemble des champs (au grossissement × 400) sous la lamelle, ainsi que les bords doivent être regardés. Les éléments figurés sont ensuite comptés sur dix champs et une moyenne est réalisée (encadré).

Le culot urinaire doit être analysé dans les minutes qui suivent le prélèvement pour permettre l’évaluation semi-quantitative la plus précise possible. Les cylindres sont les éléments les plus labiles et commencent à être lysés dans les 2 heures qui suivent le prélèvement. Les cellules perdent leur intégrité après 2 à 4 heures selon l’osmolalité urinaire. La réfrigération à 4 à 6 °C (jusqu’à 6 heures) préserve les propriétés physico-chimiques des urines et retarde la dégénérescence des cellules. Cependant, elle favorise la formation de cristaux de type oxalate de calcium [3, 4], 7].

RECONNAISSANCE DES CELLULES

1. Hématies

Les hématies sont de petits éléments ronds, jaune orangé, à bords lisses ou crénelés, de taille constante et à contenu homogène (photo 1a). Elles ne doivent pas être confondues avec des globules gras, qui sont plutôt verdâtres et réfringents et de taille variable (photo 1b). Il convient également de les différencier des leucocytes [3, 4], 7].

Une hématurie microscopique peut être d’origine iatrogène, liée au mode de prélèvement (cystocentèse ou sondage). Si le prélèvement est réalisé par miction spontanée, l’hématurie est toujours pathologique [3, 4], 7]. Lorsqu’elle est pathologique, l’hématurie peut être de différentes origines, dont [3, 4], 7] :

– les reins : elle est alors potentiellement associée à la présence de cylindres hématiques ;

– le bas appareil urinaire : calculs, inflammation, traumatisme, tumeur ;

– l’appareil génital : oestrus, maladie prostatique avec, dans ce cas, la présence de macrophages et, éventuellement, de spermatozoïdes ;

– des troubles de l’hémostase.

2. Leucocytes

Les leucocytes sont de plus grande taille que les hématies (environ le double). Ils sont ronds, avec un contenu granuleux (photos 2a et 2b). Ils ne doivent pas être confondus avec des cellules urothéliales. Celles-ci sont généralement de plus grande taille, mais la distinction est parfois délicate et une lame colorée au May-Grünwald-Giemsa (MGG) après cytocentrifugation est alors requise [3, 4], 7].

La présence de leucocytes en quantité significative signe l’existence d’une inflammation, qu’elle soit primaire (infection du tractus urogénital [ITU] alors associée à la présence d’agents pathogènes) ou secondaire (calculs, traumatisme, tumeur, cyclophosphamide, etc.). Lors d’inflammation secondaire, des cristaux (phosphate ammoniaco-magnésien [PAM], oxalates, etc.) ou des cellules tumorales, par exemple, peuvent être retrouvés selon la cause [3, 4], 7].

3. Cellules épithéliales

Deux types de cellules épithéliales sont distingués :

– les cellules squameuses, présentes uniquement sur le tiers distal de l’urètre et en regard des voies génitales ;

– les cellules urothéliales (urètre proximal, vessie, uretères, bassinet, tubules rénaux).

Les cellules squameuses sont de très grande taille, aplaties à bords anguleux et avec de petits noyaux (photo 3a). Elles sont physiologiquement présentes dans les prélèvements obtenus par miction spontanée ou, éventuellement, par cathétérisme. Elles sont observées lors d’affection prostatique, d’inflammation chronique ou de processus néoplasique [3, 4, 7].

Les cellules urothéliales sont de taille variable (petite à grande) selon leur origine. Elles sont souvent associées les unes aux autres (amas cohésifs), de forme ronde, dite bombée pour les opposer aux cellules squameuses, avec un cytoplasme granuleux, et parfois difficiles à différencier des leucocytes pour les plus petites d’entre elles (photo 3b).

Elles peuvent être présentes normalement dans les prélèvements réalisés par sondage urinaire. Elles sont aussi observées lors :

– d’inflammation (associées à des cellules inflammatoires) ;

– de processus néoplasique (carcinome transitionnel), et sont alors caractérisées par des atypies cytonucléaires qui pourront être mises en évidence lors de la réalisation d’une cytologie conventionnelle ;

– de chimiothérapie au cyclophosphamide [3, 4, 7].

4. Cylindres

Les cylindres sont des éléments d’aspect rectangulaire qui épousent la forme des tubules rénaux. Il en existe plusieurs types :

– les cylindres hyalins sont le résultat de la précipitation dans les tubules d’une protéine dite de Tamm-Horsfall, sécrétée par la branche ascendante de l’anse de Henlé et possiblement par le tubule distal. Ils sont transparents et réfringents à la lumière. Ils peuvent être retrouvés chez des individus sains (0 ou 1 par champ au grossissement x 400). Lorsqu’ils sont nombreux (plus de 2 par champ à x 400), ils sont le signe d’une atteinte rénale [3, 4], 7] ;

– les cylindres granuleux sont constitués de matériel cellulaire dégradé. Ils apparaissent sous la forme de cylindres composés de grains et sont toujours le signe d’une souffrance rénale (comme une insuffisance, une maladie infectieuse dont la leptospirose) (photos 4a et 4b). Cependant, l’absence de cylindres granuleux (ou hyalins) ne permet pas d’exclure la possibilité d’une atteinte rénale [3, 4], 7] ;

– il existe aussi des cylindres hématiques, cireux, graisseux ou encore leucocytaires, leur nom dépendant du contenu incorporé au sein de la matrice protéique [3, 4], 7].

5. Cristaux

Les cristaux se forment dans des urines sursaturées en substances cristallogènes. Il en existe plusieurs types, selon la composition et le pH des urines. Les plus fréquemment rencontrés sont évoqués ici.

Certains cristaux (PAM, oxalates) sont parfois présents en faible quantité chez des animaux sains, sans qu’ils soient à l’origine de la formation d’un calcul. Les cristaux sont aussi observés chez des animaux malades. Leur mise en évidence peut revêtir une grande importance diagnostique (exemple des urates d’ammonium). Cependant, ils ne sont pas toujours le reflet exact de la composition des calculs [3, 4], 7].

PAM

Les cristaux de PAM se forment à pH basique ou neutre. Ils sont incolores, tridimensionnels à contours géométriques, parallélépipédiques, et leur forme évoque parfois celle d’un cercueil (photo 5a). Ils ont toujours une base rectangulaire. Ils peuvent être retrouvés chez des animaux sains en faible quantité, chez des individus présentant des calculs et lors d’infection du tractus urinaire [3, 4], 7].

Oxalates

Les cristaux d’oxalate se forment dans les urines neutres ou acides, et éventuellement dans les urines basiques. Ils se présentent sous deux formes. Les oxalates dihydrates sont incolores, tridimentionnels, de forme bipyramidale avec une base triangulaire, et les oxalates monohydrates peuvent former des structures plus planes, incolores, en forme d’hexagone à bords mousses, d’haltère ou de gélule (photo 5b). Ils sont parfois présents en faible nombre chez des animaux sains, mais, en quantité significative, ils sont possiblement associés à des calculs, retrouvés lors d’intoxication à l’éthylène glycol (hyperoxalurie avec surtout des monohydrates) ou d’hypercalciurie [3, 4], 7].

Urates d’ammonium

Les cristaux d’urate d’ammonium sont de couleur jaunâtre à marron et de forme ronde avec de longs spicules (photo 5c). Ils sont retrouvés fréquemment chez le dalmatien et les bouledogues anglais, et lors de maladies hépatiques ou de shunt porto-systémique [3, 4], 7].

Bilirubine

Les cristaux de bilirubine sont de couleur jaune orangé, en forme de spicules, d’oursin ou de grains (photo 5d). Ils peuvent être physiologiques chez le chien, en faible quantité, et observés dans des urines très concentrées. Cependant, présents en quantité importante sur plusieurs analyses d’urines consécutives, ils sont le signe d’une hyperbilirubinurie avec une hyperbilirubinémie (hémolyse, atteinte hépatique, cholestase, etc.). Ils sont toujours pathologiques chez le chat [3, 4], 7].

Cystine

Les cristaux de cystine sont incolores et ont une forme caractéristique hexagonale (noyau de benzène). Ils peuvent être isolés ou, le plus souvent, regroupés en couche. Ils se développent le plus souvent dans les urines acides concentrées. Leur formation est toujours pathologique et survient chez des animaux atteints d’une anomalie congénitale caractérisée par un défaut de réabsorption tubulaire de la cystine (bulldog anglais, teckel, chihuahua, bull mastiff). Cependant, les animaux présentant une cystinurie ne développent pas tous des calculs de cystine (photo 5e) [3, 4], 7].

6. Agents infectieux

La détection de bactéries dans les urines doit conduire à une suspicion d’infection du tractus urinaire si elles sont associées à des leucocytes. Cependant, le mode de prélèvement doit être pris en compte (contamination cutanée lors de miction spontanée ou de défaut d’asepsie).

Les bacilles sont faciles à reconnaître car ils se présentent sous forme de bâtonnets isolés ou en chaînette, et en mouvement (photo 6a). Les coques sont plus difficiles à discerner et requièrent le plus souvent une cytologie conventionnelle [3, 4], 7]. Cependant, la bactériologie est l’examen de choix pour leur quantification, leur identification et la réalisation d’un antibiogramme.

Les levures et les champignons représentent généralement des contaminants. Plus rarement, des champignons sont observés dans le sédiment urinaire d’un animal atteint de mycose systémique intéressant notamment l’appareil urinaire, et tout particulièrement les reins (photo 6b) [3, 4], 7].

Des œufs de parasites peuvent également être présents, qui ne doivent pas être confondus avec du pollen. Ils traduisent le plus souvent une contamination fécale. Cependant, des oeufs de Capillaria plica (parasite de la vessie du chien et du chat) et, exceptionnellement, Dioctophyma renale (vers géant détruisant le rein du chien) sont parfois retrouvés (photo 6c). De manière exceptionnelle, des microfilaires sont également observés.

7. Autres éléments

Les globules gras sont fréquents chez le chat. Ils sont ronds, réfringents et de taille variable.

Des spermatozoïdes sont parfois observés dans le sédiment urinaire de chiens et de chats mâles non castrés. Ils sont alors le signe d’une éjaculation rétrograde (photo 7). Il a été démontré que la contamination des urines par des protéines séminales est susceptible d’affecter la concentration en protéines des urines et de positiver la plage correspondante de la bandelette urinaire, que des spermatozoïdes soient observés dans le sédiment urinaire ou non 5]. Cette protéine séminale a été identifiée comme étant une arginine estérase, une protéine de 25 à 30 kDa 6].

Ainsi, une protéinurie doit être interprétée avec précaution chez un mâle non castré. La présence de spermatozoïdes dans le sédiment urinaire peut aider à l’interprétation de la bandelette, mais leur absence ne permet pas d’exclure une possible contamination.

Des contaminants sont également fréquemment observés, avec notamment des bulles d’air, des fibres végétales ou encore des grains de pollen.

Conclusion

L’évaluation microscopique du sédiment urinaire peut apporter de nombreuses informations, même si aucune anomalie n’est détectée à la bandelette. Elle permet notamment, si une protéinurie est dépistée à la bandelette, d’en déterminer l’origine (rénale ou postrénale), et de mettre en évidence des anomalies telles que la présence de cylindres, de cristaux, de leucocytes, de spermatozoïdes ou encore d’agents infectieux. .

  • (1) PAM : phosphates ammoniaco-magnésiens.

Références

  • 1. Barlough JE, Osborne CA, Steven JB. Canine and feline urianalysis: value of macroscopic and microscopic examinations. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1981;184:61-63.
  • 2. Fettman MJ. Evaluation of the usefulness of routine microscopy in canine urianalysis. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1987;190:892-896.
  • 3. Meyer DJ. Microscopic examination of urinary sediment. In: Canine and feline cytology: a color atlas and interpretation guide. 2nd ed. Saunders Elsevier, Saint Louis. 2010:260-273.
  • 4. Osborne CA. Stevens BJ. Urianalysis : a clinical guide to compassionate patient care. Bayer Corporation, USA, 1999.
  • 5. Prober LG, Johnson CA, Olivier NB et coll. Effect of semen in urine specimens on urine protein concentration determined by means of dipstick analysis. Am. J. Vet. Res. 2010;71:288-292.
  • 6. Schellenberg S, Mettler M, Gentilini F et coll. The effects of hydrocortisone on systemic arterial blood pressure and urinary protein excretion in dogs. J. Vet. Intern. Med. 2008;22:273-281.
  • 7. Zinkl JG. Examination of the urinary sediment. In: Diagnostic cytology and hematology of the dog and cat. 3rd ed. Mosby Elsevier, Saint Louis. 2008: 350-368.

Conflit d’intérêts

aucun.

ENCADRÉ
Éléments retrouvés dans des urines normales

→ Hématies : moins de 5 par champ.

→ Leucocytes : moins de 5 par champ.

→ cellules épithéliales : moins de 2 par champ.

→ Pas d’agents pathogènes.

→ Pas de cylindres. Sauf éventuellement quelques cylindres hyalins, soit 0 ou 1 par lamelle.

→ Pas de cristaux.

Sauf éventuellement quelques PaM (1) et oxalates.

→ Spermatozoïdes.

→ Globules gras chez le chat.

Points forts

→ Avant toute interprétation, il convient de connaître le mode de prélèvement, l’aspect cytologique pouvant en dépendre.

→ Le culot urinaire doit être analysé dans les minutes qui suivent le prélèvement pour permettre l’évaluation semi-quantitative la plus précise possible.

→ Les leucocytes sont parfois difficiles à différencier des petites cellules urothéliales et un examen cytologique associée à une coloration au May-Grünwald-Giemsa peut se révéler nécessaire.

→ Les types de cristaux observés à l’analyse du sédiment urinaire peuvent présenter une importance diagnostique, thérapeutique et pronostique chez les animaux malades.

→ La présence de spermatozoïdes dans un sédiment urinaire doit conduire à interpréter avec précaution une éventuelle protéinurie détectée à la bandelette urinaire.

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