État des lieux sur la biopsie auriculaire dans les dispositifs “BVD” - Le Point Vétérinaire expert rural n° 343 du 01/03/2014
Le Point Vétérinaire expert rural n° 343 du 01/03/2014

LUTTE SANITAIRE BOVINE

Questions-réponses

Auteur(s) : Béatrice Bouquet

Fonctions : 8, rue des Déportés
80220 Gamaches

En ce qui concerne le recours au prélèvement par biopsie auriculaire pour le dépistage des bovins IPI, il apparaît une grande diversité locale en France. Frein au progrès épidémiologique ou richesse à préserver ?

Au départ, une question simple : dans quelle mesure le prélèvement par biopsie auriculaire à la naissance est-il utilisé dans le schéma local de lutte/garanties vis-à-vis de la diarrhée virale bovine ou Bovine Virale Diarrhea (BVD) en France ? Des réponses diverses ont été obtenues à l’est, à l’ouest, au nord et au centre de la France. D’où il ressort que les politiques de lutte contre la BVD se sont adaptées à la demande et aux systèmes humains localement disponibles.

QUELLE ACTUALITÉ POUR L’AGRÉMENT “BOUCLE UNIQUE” ?

Question à Remi Monnet, Allflex Europe

La boucle unique est en phase d’agrément en France (via une étude pilotée par l’Institut de l’élevage pour la Direction générale de l’alimentation [Dgal]). Actuellement ne sont utilisés que de petits boutons à biopsie posés à côté d’une des deux boucles officielles d’identification (photo 1)(1). À terme, une boucle d’identification spéciale sera mise en place dans une des deux oreilles, permettant la réalisation d’une biopsie au moment de la pose.

Les tests en laboratoires ont déjà abouti, ceux en élevages sont en cours (durée totale : 3 ans). Si le retour d’expérience des 60 éleveurs-testeurs répartis dans trois départements donne satisfaction, un agrément provisoire pourrait être envisagé à la fin du premier trimestre 2014 (photos 2a et 2b).

La boucle unique pourra alors sortir des chaînes de production (françaises !) très rapidement. En Suisse, elle a été utilisée pendant 5 ans jusqu’à obtention de l’éradication. En Allemagne, les différents Länder l’utilisent à différentes échelles. Au Luxembourg et surtout en Irlande, elle est généralisée et obligatoire pour avancer à grand pas vers l’éradication. En Belgique, la démarche était, jusqu’à présent, fondée sur le volontariat, mais un arrêté royal a été publié il y a 10 jours et la procédure d’éradication va commencer dans les prochains mois. En Italie, l’ensemble est au stade de la réflexion. Le Danemark et la Suède ont obtenu l’éradication et surveillent le lait de grand mélange.

Le surcoût ne vient pas réellement du prix de la boucle (quelques euros supplémentaires). Les plus grandes variations proviennent du prix d’une analyse BVD pratiquée systématiquement à la naissance (analyse généralisée ou anecdotique). Ce sont les analyses plus ou moins nombreuses et les éventuelles subventions locales qui expliquent la plus grande part des variations du prix facturé à l’éleveur (4 à 10 €).

GRAND EST : QUELS SONT LA DYNAMIQUE LOCALE ET L’IMPACT TRANSFRONTALIER ?

Question à Laurent Fourès, GDS Meuse

Dans le Grand Est, pour la “garantie bovins non IPI” (non infectés permanents immunotolérants), la pratique de la biopsie auriculaire chez le veau qui n’a pas encore bu de colostrum s’est installée en douceur et sur la base du volontariat. Le groupe fusionné de coopératives d’élevage, leader dans la région, EMC2 Élevage, offre une plus-value à la commercialisation d’un bovin garanti non IPI (encadré).

Il existe aussi une certaine pression transfrontalière encourageant à la commercialisation de bovins reproducteurs garantis non IPI. La proximité avec la Suisse et certains Länder d’Allemagne, précurseurs dans l’éradication de la BVD sur la base de la biopsie auriculaire généralisée, y est pour beaucoup (figure 1).

Dans la Meuse, la phase test remonte à janvier ? 2012 avec une cinquantaine de cheptels engagés. Une dynamique locale entre le groupement de défense sanitaire (GDS), le groupement technique vétérinaire (GTV) et le laboratoire d’analyses s’est établie à l’échelle du département. La réceptivité de cette pratique sur le terrain a été observée, sans pression, avec 1,5 % de veaux testés non IPI.

Sur les 3 000 bovins analysés, la technique a bien fonctionné et le cheminement des prélèvements est apparu efficace (envoi direct de l’éleveur au laboratoire) avec un réel intérêt pour l’éleveur.

Le département s’est alors lancé dans une véritable action collective de détection d’animaux IPI, toujours sur la base du volontariat. Dix mille veaux ont été testés, soit 15 % des naissances, davantage allaitants que laitiers. Un programme de 20 000 veaux est maintenant engagé.

La Moselle, voisine, a dépassé la Meuse, avec 700 élevages équipés à ce jour pour le bouclage-biopsie BVD.

Une réflexion est engagée pour passer à une phase non seulement collective, mais aussi obligatoire à l’horizon 2015-2016, sous réserve que la boucle unique (identification + biopsie) obtienne l’agrément et que le dispositif réglementaire soit adapté.

Il sera pertinent de mesurer le niveau d’acceptation de ce changement de pratique dans les différents départements engagés (16 en France).

Le prix participe à l’acceptation. Localement, un tarif éleveur à 2,35 € par analyse est pratiqué, grâce à une subvention à hauteur de 70 % du prix de revient.

BRETAGNE : LE DIAGNOSTIC SUR BIOPSIE COMME COMPLÉMENT ?

Question à Thierry Le Falher, coordinateur action BVD Bretagne, et Alain Joly, GDS 56 et UMR Bio EpAR

La boucle test est utilisée en Bretagne comme un outil complémentaire aux critères épidémiologiques du plan de maîtrise de la BVD, tant dans le cadre de l’éradication que pour la garantie des troupeaux non IPI allaitants ou laitiers assainis (l’accent est surtout mis désormais sur la biosécurité).

Elle reste une possibilité inscrite comme telle dans le cahier des charges. Elle propose une solution dans des cheptels en assainissement ou allaitants (1,36 % des élevages l’utilisaient 20 mois après le lancement). Cela représente 6 396 prélèvements en 16 mois, soit 0,77 % des bovins nés en 12 mois (figures 2 à 4). Par comparaison, une garantie a été apportée à 193 881 veaux laitiers en 2013 sur la base de critères épidémiologiques.

Elle présente toutefois l’intérêt de “boucher les trous” du dispositif.

Le plan de lutte breton contre la BVD initié depuis une douzaine d’années conduit pour plus de 80 % d’élevages à une situation favorable, c’est-à-dire très peu de vaches séropositives. Cela s’est effectué sur la base d’analyses sur lait de tank, et en élevage allaitant sur une sérologie de mélange. Le dispositif s’est étoffé au fil des années, intégrant les évolutions techniques dont la biopsie auriculaire. Les GDS bretons ont aussi défini plusieurs critères de garantie non fondés sur des tests individuels. Ces garanties permettent de valoriser les données épidémiologiques enregistrées depuis le début du plan, qui ont démontré leur intérêt et leur fiabilité (www.bvd-day2013.eu). Ainsi, le dispositif de garantie pour le veau de moins de 8 jours est en place sur la base d’un suivi du lait de grand mélange et d’achats sécurisés. À ce jour 60 % et bientôt 90 % des veaux seront garantis non IPI sans recours à une analyse individuelle.

La biopsie auriculaire a l’avantage de la précocité de détection. La traçabilité de ce système est presque parfaite (système de code-barres). La sensibilité analytique est équivalente, voire meilleure (les virémies BVD ne sont pas toujours importantes, les charges virales sur tissus sont plus fiables). En 2 à 3 ans, un élevage donné peut atteindre un statut indemne pour peu que la contamination de voisinage soit détectée (c’est-à-dire aussi qu’il existe une faible densité d’élevages et une prévalence faible dans la région).

La garantie non IPI constitue une plus-value du plan de maîtrise d’un intérêt majeur lors de la vente d’animaux.

Parmi les élevages utilisant la biopsie auriculaire, 23 % le font en garantie et 76 % en assainissement. La Bretagne ne compte que 30 à 50 élevages nouvellement infectés par an, mais le risque qu’il y naisse beaucoup de bovins IPI est important (vaches séronégatives), d’où l’intérêt de choisir la technique la plus précoce lors d’assainissement. La détection par biopsie auriculaire dès la naissance est une possibilité. En raison de la faible prévalence, le risque de mettre en évidence des élevages positifs en excès existe. Le dispositif d’alerte par augmentation du taux d’anticorps dans le lait n’est pas spécifique à 100 %.

La biopsie auriculaire, c’est facile, pratique, rapide… mais le coût estimé par animal est de 12 €. Par comparaison, le coût de l’action BVD en Bretagne est estimé à 0,80 € par bovin et par an.

BOURGOGNE : LA BOUCLE PEUT-ELLE SUFFIRE ?

Question à Étienne Petit, FRGDS Bourgogne

Actuellement, la Bourgogne ne vise ni l’éradication, ni la maîtrise de la circulation virale, mais souhaite plus généralement la protection des cheptels par des mesures vaccinales et de biosécurité.

Les élevages sont très ouverts, au sens épidémiologique, dans la région. Le contexte ne se prête pas à une logique d’éradication (la tuberculose et la rhinotrachéite infectieuse bovine [IBR] occupent davantage les esprits et les budgets). Il n’existe pas non plus de valorisation via une coopérative d’élevages comme dans l’Est. L’idée de coupler la recherche BVD via la biopsie avec les tests génétiques a émergé dans le milieu des sélectionneurs, mais n’a pas encore été concrétisée.

La Bourgogne est en grande partie tournée vers le marché export de bovins vivants. Il devrait y avoir une demande de garantie “non IPI” qui s’exprimera sur les ventes de reproducteurs (faible nombre, forte valeur ajoutée), mais aussi à terme sur les animaux destinés à l’engraissement dans des zones engagées dans l’éradication.

Actuellement, en Bourgogne, la vaccination est une façon satisfaisante de ne pas produire de veaux IPI. Dépister les bovins IPI à la naissance pourra être utile pour produire une garantie, mais restera largement insuffisant pour une éventuelle éradication en raison du fort risque lié au voisinage. Dans un éventuel objectif d’éradication, il faut imaginer une phase d’assainissement compatible avec les conditions d’élevage de la région et aussi des outils de surveillance spécifiques aux élevages allaitants. Les GDS de Bourgogne réfléchissent à différentes stratégies, en s’appuyant sur des modélisations développées par Oniris, qui intégreraient à la fois les dimensions épidémiologique et économique de la maladie. Dans ce contexte, les analyses par petits mélanges de sang réalisés à la faveur de la prophylaxie chez les bovins de 24 à 36 mois pourraient présenter un intérêt pour la surveillance des cheptels allaitants.

QUELLE SOLUTION ALTERNATIVE À FAIBLE COÛT ?

Question à Serges Nouzières, GDS Loir-et-Cher

Les dépistages par petits mélanges de sang de bovins âgés de 24 à 36 mois sont pratiqués depuis 5 ans localement, à la faveur de la prophylaxie. L’engagement en ce sens a été collectif. Pour 14 € par an et par élevage, la maîtrise de la circulation de la BVD avance ainsi à grands pas. Le département bénéficie certes d’un contexte favorable : faible densité d’élevages, moitié élevage allaitant, moitié production de lait (surveillé dans le tank) et faible prévalence (80 % d’élevages indemnes).

Le département voisin du Cher, plus allaitant (85 % environ), plus dense en élevages et plus impacté (prévalence forte), travaille aussi de cette manière depuis 7 ans, mais la situation est plus compliquée à gérer, avec des élevages qui peuvent changer de statut rapidement.

Dans le Loir-et-Cher, le recours à la biopsie auriculaire est aussi envisagé, sereinement, parmi d’autres moyens disponibles. Le dispositif serait mis en place progressivement et d’une manière ciblée chez les sélectionneurs, fortement demandeurs, mais aussi dans le cadre des plans d’assainissement (auxquels les praticiens sont associés). La biopsie serait un outil intéressant surtout en deuxième année pour gérer la problématique des éleveurs qui cherchent à trop regrouper les dépistages, pour rentabiliser les interventions sanitaires, tardant ainsi à détecter leurs animaux IPI. En ciblant les élevages avec circulation de BVD, la biopsie serait réservée à un faible nombre d’élevages (moins de 20 %).

L’éradication n’est pas une utopie dans un département comme le Loir-et-Cher. Actuellement, le cahier des charges “BVD-bovin non IPI” de l’Association pour la certification en santé animale (Acersa) a intégré des critères fondés sur un niveau de garantie. Il s’agit là d’une exigence de résultat et pas seulement d’une obligation de moyens. Ce concept devrait laisser une certaine liberté locale dans les outils utilisés.

Conclusion

Le GDS France a engagé une réflexion sur la stratégie collective à envisager en ce qui concerne la BVD, destinée en particulier à évaluer l’intérêt de l’éradiquer, au-delà de la seule garantie “non IPI” mise en œuvre par l’Acersa. Les travaux devraient aboutir au premier semestre 2015. Les aspects des coûts et des retours sur investissement ne seront pas oubliés, explique Sophie Mémeteau : « Certaines régions arrivent à la limite de leurs actions et veulent progresser, d’où la nécessité d’un travail de synthèse et de propositions à l’échelle nationale. » Les boucles auriculaires à biopsie, dont l’agrément comme identification est en attente, font partie des outils envisagés. En effet, plusieurs méthodes et/ou protocoles différents peuvent être reconnus équivalents pour atteindre un même objectif.

En raison de la fluidité des échanges, il convient aussi de prendre en compte l’état d’avancement de l’éradication chez nos voisins.

  • (1) Voir l’article “Le dépistage de la BVD sur biopsies auriculaires est fiable”, de É. Le Dréan, dans ce numéro.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ
À l’Est : des progrès tirés en avant par les marchands

→ La coopérative EMC2 Élevage est une structure issue du regroupement d’anciennes coopératives agricoles réparties dans sept départements de l’est de la France (Aube, Champagne, Haute-Marne, Marne, Meuse, Moselle, Vosges)

→ Elle offre une plus-value à la commercialisation d’un bovin garanti non IPI (+ 7 € pour un veau laitier de 8 jours et + 10 € pour un broutard allaitant, répercutés à l’acheteur). Elle a vu dans le système “boucle blanche” un outil de sécurité supplémentaire. Autrefois, les mauvaises surprises en ce qui concerne les veaux IPI complexifiaient les transactions. Selon Yoann Lux, intervenant en élevage pour EMC2 Élevage dans la Meuse, les éleveurs apprécient sans être particulièrement demandeurs : la campagne de communication sur le veau « boucle blanche, garanti non IPI » a été restreinte car la demande tendait à dépasser l’offre.

IPI : infecté permanent immuotolérant.

Points forts

→ Le coût d’un diagnostic sur une biopsie auriculaire dépend de la quantité d’analyses (donc de leur caractère collectif ou obligatoire) et des subventions locales.

→ Une plus-value chez les veaux “garantis non IPI” (non infectés permanents immunotolérants) a renforcé la demande à l’Est.

→ En Bretagne, la boucle test vient en complément des critères épidémiologiques.

→ En Bourgogne, dépister les bovins IPI à la naissance pourra produire une garantie, mais ne suffira pas à l’éradication en raison du risque de recontamination.

→ Les boucles à biopsie pourraient satisfaire les sélectionneurs ou faciliter l’assainissement la deuxième année, en relais d’un dépistage sur sang des mélanges des classes d’âge de 24 à 36 mois.

VOIR AUSSI

– Colloque européen BVD days, Nantes 14-15 nov. 2013. Conférences disponibles en ligne www.bvd-day2013.eu

– Lars F et Memeteau S. L’acersa a conscience du besoin d’information sur l’appellation non IPI. La Semaine Vétérinaire. 2012;1527:9-10.

– Meyer A. Une certification vétérinaire sans acte vétérinaire. La Semaine Vétérinaire. 2013;1523:14-15.

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