Douleur des animaux de rente : mécanismes et signes cliniques - Le Point Vétérinaire expert rural n° 343 du 01/03/2014
Le Point Vétérinaire expert rural n° 343 du 01/03/2014

DOULEUR DES RUMINANTS

Article de synthèse

Auteur(s) : Alice de Boyer des Roches*, Marion Faure**, Raphaël Guatteo***, Stéphane Junot****, Luc Mounier*****, Denys Durand******, Alain Boissy*******, Isabelle Veissier********

Fonctions :
*Université de Lyon, VetAgro Sup,
UMR1213 Herbivores, 69280 Marcy-L’Étoile
**Inra, UMR1213 Herbivores,
63122 Saint-Genès-Champanelle
***Université de Lyon, VetAgro Sup,
UMR1213 Herbivores, 69280 Marcy-L’Étoile
****Inra, UMR1213 Herbivores,
63122 Saint-Genès-Champanelle
*****Oniris, Département Santé des animaux d’élevage
et santé publique, 44307 Nantes Cedex 03
******Université de Lyon, VetAgro Sup, Unité ACSAI,
anesthésie réanimation, 69280 Marcy-L’Étoile
*******Université de Lyon, VetAgro Sup,
UMR1213 Herbivores, 69280 Marcy-L’Étoile
********Inra, UMR1213 Herbivores,
63122 Saint-Genès-Champanelle
*********Université de Lyon, VetAgro Sup,
UMR1213 Herbivores, 69280 Marcy-L’Étoile
**********Inra, UMR1213 Herbivores,
63122 Saint-Genès-Champanelle
***********Université de Lyon, VetAgro Sup,
UMR1213 Herbivores, 69280 Marcy-L’Étoile
************Inra, UMR1213 Herbivores,
63122 Saint-Genès-Champanelle
*************Université de Lyon, VetAgro Sup,
UMR1213 Herbivores, 69280 Marcy-L’Étoile
**************Inra, UMR1213 Herbivores,
63122 Saint-Genès-Champanelle

L’évaluation de la douleur des animaux de rente grâce à différents critères aisément observables permet au praticien de mieux la prendre en charge et d’adapter son traitement.

La douleur est un phénomène perceptif qui comporte une composante sensorielle et une composante émotionnelle (encadré 1). L’une de ses caractéristiques essentielles est qu’elle est modifiable par plusieurs facteurs : physiques, psychologiques et pharmacologiques.

PHYSIOLOGIE DE LA DOULEUR

1. Du message nociceptif à la perception de douleur

La douleur est une notion subjective qui suppose l’intégration corticale du message nociceptif. Ce message est acheminé au niveau cortical par des processus de transduction et transmission (encadré 2) [1, 6, 7].

2. Modulation de la douleur

La transmission du message nociceptif est soumise à divers systèmes de modulation (excitateurs et inhibiteurs) au niveau périphérique et central, de la perception de la douleur et de la plasticité des réponses comportementales.

Modulation excitatrice de la douleur

Un phénomène de sensibilisation (périphérique et centrale) se met rapidement en place à la suite d’une agression : le seuil d’excitabilité des nocicepteurs est abaissé et l’extraction médullaire du signal est facilitée. En conséquence, la douleur est entretenue et amplifiée. Au niveau périphérique, les substances libérées lors d’une lésion tissulaire ou d’un processus inflammatoire activent durablement les nocicepteurs et abaissent leur seuil d’activation. Ce processus est également étendu aux nocicepteurs environnant la zone altérée. Sur le plan central, la réponse des neurones nociceptifs spinaux est de longue durée et ce phénomène s’amplifie avec le temps : leur stimulation peut ainsi être multipliée par vingt et se prolonger même après l’arrêt du stimulus initial.

Modulation inhibitrice de la douleur

Au niveau médullaire, le message nociceptif peut être modulé par l’action inhibitrice des fibres afférentes de gros diamètres (Aα et AΒ), qui transmettent les messages sensoriels non nociceptifs (tactiles) et qui peuvent bloquer les neurones nociceptifs. L’effet obtenu est local dans la zone où ces fibres sont activées. Parallèlement, des voies descendantes (voies noradrénergiques et sérotoninergiques) provenant du tronc cérébral inhibent la transmission du message nociceptif au niveau médullaire.

3. Pas une, mais des douleurs

Les expressions douloureuses rencontrées chez l’animal sont multiples. Ainsi, au-delà de la douleur, ce sont plutôt des douleurs que le praticien doit savoir identifier, pour mieux les traiter, en fonction de leur localisation et de leur profil évolutif et neurophysiologique (encadré 3).

ÉVALUATION DE LA DOULEUR CHEZ LES ANIMAUX D’ÉLEVAGE

Pour lutter contre la douleur, il convient de l’identifier et, si possible, de mesurer son intensité. Chez l’homme, il est admis que la meilleure évaluation est l’autoévaluation qui repose sur la communication orale ou écrite. L’auto­évaluation n’est pas possible chez l’animal et seule une hétéro-évaluation de la douleur est réalisée, à partir de l’observation de différents indicateurs.

Dans les publications, la plupart des critères d’évaluation de la douleur correspondent à des modifications physiologiques ou comportementales, visant à arrêter le phénomène en cause et/ou à diminuer les conséquences du stimulus nociceptif qui menace l’intégrité de l’individu [7, 13]. Ces changements interviennent très souvent dans les états de stress, d’anxiété ou d’inconfort, et c’est pourquoi il est difficile d’identifier des critères qui indiquent spécifiquement la présence de douleurs. Ces altérations peuvent être à l’origine d’une baisse des performances zootechniques, mais elles sont tardives. L’identification de lésions dont les conséquences sont supposées douloureuses peut également faire partie de l’appréciation de la douleur (photos 1 et 2). Actuellement, il convient de combiner plusieurs types de critères pour évaluer la douleur. Ces différents types de critères présentent des atouts et des contraintes (tableau).

1. Critères lésionnels

L’examen clinique, l’autopsie ou l’analyse histopathologique peuvent révéler des lésions à l’origine d’une douleur telle que des fractures, des atteintes cutanées, des abcès, une inflammation et des névromes.

En élevage, une approche classique consiste à relever, en regard des différentes zones du corps (épaules, dos, genoux, tarses, carpes, mamelles, etc.), le nombre et la gravité des blessures, les abcès et, dans les cas extrêmes, les fractures. À partir du dénombrement de ces lésions et/ou de leur gravité, il est possible d’établir des scores(1) (photo 3).

2. Critères physiologiques

L’activation du système nerveux impliqué dans la perception de la douleur déclenche également celles de l’axe cortico-surrénalien (axe corticotrope) et du système nerveux orthosympathique [8]. Cependant, ces mêmes manifestations physiologiques peuvent être induites par des événements stressants, sans qu’une douleur apparaisse, comme la manipulation de l’animal. Il est donc essentiel de ne pas confondre les effets liés à la douleur et ceux en relation avec l’environnement.

Axe corticotrope

La réalisation d’une opération douloureuse chez les bovins (castration ou écornage, par exemple) engendre une augmentation du cortisol plasmatique, dont l’amplitude et la durée sont réduites par une anesthésie locale [17].

Système nerveux orthosympathique

L’activation du système nerveux orthosympathique à la suite d’une intervention chez un animal peut être mesurée directement par les concentrations de certaines hormones (comme les catécholamines : adrénaline et noradrénaline) ou indirectement, par le rythme respiratoire, le rythme cardiaque et sa variabilité, le diamètre de la pupille, la pression artérielle, la température du corps ou la concentration plasmatique de métabolites énergétiques (lactate, glucose, acides gras, etc.) (figure 2) [16]. Le système orthosympathique est très sensible à l’action des stimulations nociceptives et les délais de réponse sont généralement très courts. Cependant, ce système est également très sensible aux facteurs de stress (manipulation, modifications de l’environnement). La variation de ces paramètres n’est donc pas spécifique de la douleur et son interprétation doit tenir compte du contexte.

Structures du système nerveux impliquées dans la détection/perception ou le contrôle de la douleur

En réponse à la douleur, l’organisme sécrète des opioïdes endogènes, tels que les endorphines ou les enképhalines, qui peuvent être utilisés comme indicateurs. De plus, l’acti­vité électrique du cerveau, mesurée par un électroencéphalogramme, est parfois modifiée sous l’effet de stimuli nociceptifs. Par exemple, l’activité électrique du cerveau des veaux est modifiée dans les minutes qui suivent l’écornage. Cet effet disparaît lorsqu’un anesthésique local est utilisé [5].

Marqueurs de l’inflammation

La mesure des protéines de la phase aiguë de l’inflammation (haptoglobine, fibrinogène, etc.) constitue un indicateur indirect de la douleur car l’inflammation est généralement source de douleur [12]. Toutefois, ces critères restent actuellement très complexes à mettre en œuvre dans un contexte d’élevage.

3. Critères zootechniques

Les altérations comportementales et physiologiques dues à la douleur peuvent être à l’origine d’une baisse des performances zootechniques. Ainsi, les critères zootechniques, malgré une spécificité et une sensibilité faibles, peuvent constituer un système d’alerte, notamment lorsque l’observation individuelle des animaux est difficile.

Actuellement, l’effet de la douleur sur les performances des bovins n’a fait l’objet que d’un très faible nombre d’études. C’est surtout l’effet du stress sur les performances qui a été décrit [7]. Toutefois, des troubles locomoteurs en début de lactation allongent de 6 à 30 jours l’intervalle entre deux vêlages [4]. Concernant les bovins allaitants, réduire la douleur lors de la castration par une anesthésie locale ou l’utilisation d’anti-inflammatoires non stéroïdiens permet de limiter la perte de poids consécutive à cette intervention et l’incidence des troubles respiratoires [2, 3].

4. Critères comportementaux

L’évaluation comportementale de la douleur fait l’objet d’un autre article du même auteur dans ce numéro(2).

QUELS SONT LES OUTILS DONT LE PRATICIEN DISPOSE ?

L’ensemble des réactions physiologiques et comportementales à la douleur, ainsi que les baisses de performances zootechniques constituent donc un tableau clinique à partir duquel le vétérinaire peut évaluer la douleur de l’animal. Cependant, les critères physiologiques sont difficiles à mettre en œuvre en élevage, et les critères zootechniques sont peu sensibles et peu spécifiques, et ne peuvent constituer qu’un système d’alerte. Par conséquent, les données lésionnelles et comportementales sont celles que le praticien peut utiliser le plus facilement sur le terrain.

1. Critères lésionnels

Pour conduire son examen clinique, le praticien doit garder à l’esprit que :

– chaque paramètre pris individuellement ne peut pas refléter à lui seul le degré de douleur ;

– l’observation simultanée de plusieurs signes évocateurs de douleur est corrélée avec une plus forte probabilité que l’animal soit sujet à des douleurs ;

– l’accroissement de l’intensité de ces douleurs est proportionnel à l’augmentation du nombre et de la sévérité des signes observés.

2. Critères comportementaux

Le vétérinaire doit également s’attacher à respecter certaines règles :

– connaître les comportements “normaux” afin d’être en mesure d’identifier une diminution de ceux qui sont attendus et une augmentation des conduites anormales ;

– ne pas interagir avec les animaux ;

– choisir le moment qui lui semble approprié à l’observation de ce qu’il souhaite évaluer, c’est-à-dire un laps de temps calme ;

– choisir un lieu adapté ;

– être neutre et noter ce qu’il observe en utilisant les grilles d’observation qui sont à sa disposition.

3. Grilles d’évaluation

Il est recommandé d’utiliser des grilles multiparamétriques permettant d’évaluer l’intensité (faible à sévère), la fréquence (ponctuelle à continue), la durée (aiguë à chronique) et la qualité de la douleur ressentie par l’animal. Toutefois, contrairement à ce qui est à disposition dans les publications pour les rongeurs, les carnivores domestiques et les chevaux, il n’existe pas de grille multiparamétrique pour les bovins, sinon une échelle pour l’étude des douleurs viscérales des bovins et un prototype de grille à la suite d’une intervention chirurgicale [10, 14]. Enfin, le groupe Boreve(3) recommande d’adopter une échelle subjective à quatre paliers (0 = absence de douleur ; I = douleur légère ; II = douleur modérée ; III = douleur intense), fondés principalement sur des signes comportementaux, qui permettent d’adapter les traitements contre la douleur en trois paliers (I, II ou III). La spécificité et la sensibilité de cette échelle dépendent de l’expérience de l’opérateur et sa pertinence repose sur la réussite du traitement mis en œuvre.

Le praticien dispose de grilles d’évaluation relativement simples, lui permettant de détecter des troubles. La grille de Sprecher, par exemple, utilise une association de trois indicateurs pour évaluer la locomotion des bovins : la courbure du dos (à l’arrêt et en mouvement), la foulée et la durée d’appui de chaque pied [15]. De même, le protocole Welfare Quality(r) calcule un score de blessure en fonction du nombre et de la gravité (dépilation, lésion ou croûte et gonflement) des altérations de la peau [19].

De plus, les systèmes embarqués (podomètres, accéléromètres) peuvent être employés pour suivre l’activité des animaux [18]. Ils sont en mesure d’informer le vétérinaire sur la fréquence et la durée des phases d’activité et de repos des animaux. Cependant, ces technologies ne sont pas assez sensibles actuellement pour détecter des comportements plus spécifiques, tels que les mouvements de tête.

Conclusion

Toute procédure associée à un traumatisme tissulaire peut induire une douleur chez l’animal. Si rien n’est tenté pour limiter cette dernière, une hyperalgésie peut se mettre en place. Parmi les critères dont dispose le praticien pour évaluer la douleur, les critères comportementaux, dont certains font l’objet de grilles d’observation, sont les plus aisés à utiliser sur le terrain.

Les travaux menés actuellement à l’UMRH Inra VetAgro Sup(4) ont pour objectif de développer des grilles d’évaluation de la douleur dans différents contextes (écornage, chirurgie, etc.).

  • (1) Voir, par exemple, Protocole Welfare Quality(r) : http://www.welfare­qualitynetwork.net/network/45848/7/0/40).

  • (2) Voir l’article “Critères comportementaux d’évaluation de la douleur chez les ruminants en élevage” du même auteur, dans ce numéro.

  • (3) www.boreve.fr

  • (4) Ces travaux sont menés en étroite collaboration avec différentes unités de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) (Tours, Rennes), les écoles vétérinaires (VetAgro Sup, Oniris), le CHU de Clermont-Ferrand, et en lien avec les instituts professionnels (Institut de l’élevage, chambre régionale d’agriculture de Bretagne, groupements de défense sanitaire, etc.).

Références

  • 1. Boureau F. La douleur, la nociception et l’analgésie. Dans : Neurophysiologie. Éd. Elsevier Masson. 2011:53-62.
  • 2. Coetzee JF, Edwards LN, Mosher RA et coll. Effect of oral meloxicam on health and performance of beef steers relative to bulls castrated on arrival at the feedlot. J. Anim. Sci. 2012;90:1026-1039.
  • 3. Earley B, Crowe MA. Effects of ketoprofen alone or in combination with local anesthesia during the castration of bull calves on plasma cortisol, immunological, and inflammatory responses. J. Anim. Sci. 2002;80(4):1044-1052.
  • 4. Fourichon C, Seegers H, Malher X. Effect of disease on reproduction in the dairy cow: a meta-analysis. Theriogenology. 2000;53(9):1729-1759.
  • 5. Gibson TJ, Johnson CB, Stafford KJ et coll. Validation of the acute electroencephalographic responses of calves to noxious stimulus with scoop dehorning. N. Z. Vet. J. 2007;55(4):152-157.
  • 6. Grogny M, Holopherne D. Qu’est-ce que la douleur Dépêche Vét. 2005;96(Suppl. tech.):8-10.
  • 7. Le Neindre P, Guatteo R, Guémené D et coll. Douleurs animales : les identifier, les comprendre, les limiter chez les animaux d’élevage. Expertise scientifique collective, rapport d’expertise, Inra (France). 2009:340p. http://inra.dam.front.pad.brainsonic.com/ressources/afile/234209-2d3c1-resource-expertise-douleurs-animales-rapport-complet.html
  • 8. Mellor DJ, Cook CJ, Stafford KJ. Quantifying some responses to pain as a stressor. In: Moberg GP, Mench JA. The biology of animal stress: basic principles and implications for animal welfare. CAB International, Wallingford, UK. 2000:171-198.
  • 9. Molony V, Kent JE. Assessment of acute pain in farm animals using behavioral and physiological measurements. J. Anim. Sci. 1997;75(1):266-272.
  • 10. Paulmier V, Boissy A, Faure M et coll. Évaluation et traitement de la douleur chez la vache suite à une intervention chirurgicale. Renc. Rech. Rumin. 2012;19:330.
  • 11. Peers A, Mellor DJ, Wintour EM et coll. Blood pressure, heart rate, hormonal and other acute responses to rubber-ring castration and tail docking in lambs. N. Z. Vet. J. 2002;50(2):56-62.
  • 12. Petersen HH, Nielsen JP, Heegaard PM. Application of acute phase protein measurements in veterinary clinical chemistry. Vet. Res. 2004;35(2):163-187.
  • 13. Prunier A, Mounier L, Le Neindre P et coll. Identifying and monitoring pain in farm animals : a review. Animal. 2013;7(6):998-1010 [IF12=1.648] DOI:10.1017/S1751731112002406.
  • 14. Rialland P, Aubry P, Gauvin D. Évaluation de la douleur et efficacité des analgésiques chez les bovins : données actuelles et bilan de la littérature. Bull. GTV. 2008;44:19-24.
  • 15. Sprecher DJ, Hostetler DE, Kaneene JB. A lameness scoring system that uses posture and gait to predict dairy cattle reproductive performance. Theriogenology. 1997;47:1179-1187.
  • 16. Stewart M, Stafford KJ, Dowling SK et coll. Eye temperature and heart rate variability of calves disbudded with or without local anaesthetic. Physiol. Behav. 2008;93:789-797.
  • 17. Stock ML, Baldridge SL, Griffin D et coll. Bovine dehorning : Assessing pain and providing analgesic management. Vet. Clin. North Am. Food Anim. Pract. 2013;29(1):103-133.
  • 18. Theurer ME, Amrine DE, White BJ. Remote noninvasive assessment of pain and health status in cattle. Vet. Clin. North Am. Food Anim. Pract. 2013;29:59-74.
  • 19. Welfare Quality(r). Welfare Quality(r) Assessment Protocol for Cattle. Leylystad, the Netherlands. 2009. http://www.welfarequality.net/everyone

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1
Définition de la nociception et de la douleur chez l’animal

→ La nociception désigne le système physiologique qui permet de détecter les stimulations susceptibles de menacer l’intégrité de l’organisme. La notion de douleur n’intervient qu’une fois que le message nociceptif est intégré dans le cerveau.

→ Chez l’animal, la douleur correspond à « une expérience sensorielle et émotionnelle aversive, représentée par la “conscience” [qu’il] a de la rupture ou de la menace de rupture de l’intégrité de ses tissus » [9]. Ainsi, la douleur est un phénomène perceptif, neuropsychologique, qui comporte une composante sensorielle (sensori-discriminative) et une composante émotionnelle. La composante sensorielle correspond aux opérations de détection, de localisation, de décodage de la qualité et de l’intensité d’une douleur. La composante émotionnelle désigne la tonalité affective désagréable, plus ou moins supportable, et l’état d’anxiété qui accompagne la douleur.

ENCADRÉ 2
Transduction et transmission du message nociceptif

Différents stimuli (mécaniques, thermiques et chimiques) sont capables de provoquer la genèse d’un message nociceptif (figure 1).

→ Transduction

La transduction correspond à la transformation d’une énergie chimique, thermique ou mécanique en énergie électrique. Elle est effectuée en regard des terminaisons libres, les nocicepteurs, présentes dans les tissus les plus exposés à des lésions (tissus cutanés, musculaires, ligamentaires). Ces nocicepteurs sont plus rares dans les tissus viscéraux (sauf le cœur, la paroi artérielle ou la pulpe dentaire) et absents dans le cerveau. Les nocicepteurs spécifiques, qui répondent aux stimuli mécaniques lésionnels, se distinguent des nocicepteurs polymodaux, qui répondent à des stimuli tactiles, thermiques ou chimiques et n’engendrent un message nociceptif qu’à partir d’un certain seuil.

→ Transmission

Les neurones afférents primaires issus des nocicepteurs sont des fibres myélinisées A (récepteurs spécifiques) ou des fibres amyéliniques C (récepteurs polymodaux). Les fibres AΔ et C possèdent une vitesse de conduction différente : en cas de lésion, une sensation de type piqûre est véhiculée rapidement par les fibres A et facilement localisable, puis apparaît une sensation de type brûlure, transportée par les fibres C, moins bien localisée et plus étendue.

Les neurones afférents primaires rejoignent majoritairement les neurones médullaires (dans la moelle épinière). La majorité des neurones nociceptifs médullaires croise immédiatement la ligne médiane par les commissures grises et remonte vers les centres nerveux. Le message nociceptif est ensuite transmis au niveau cortical par deux voies principales (voies sensori-discriminative et émotionnelle) où il sera intégré comme douloureux. La voie sensori-discriminative (faisceau spino-thalamique) permet d’évaluer l’intensité de la douleur et de la localiser. La voie émotionnelle (faisceau spino-réticulaire) est impliquée dans les réactions de défense, mais surtout dans la mémorisation, l’apprentissage de la douleur et leurs conséquences émotionnelles.

ENCADRÉ 3
Différents types de douleur

Profil évolutif

→ Douleur aiguë : sensation déclenchée par le système nerveux pour alerter l’ensemble de l’organisme et évoluant, selon la définition utilisée en médecine humaine, depuis moins de 3 mois.

→ Douleur chronique : douleur rebelle à un traitement symptomatique et étiologique bien adapté. Elle perdure au-delà de 3 à 6 mois. Dans ce contexte, elle a perdu toute valeur protectrice.

Profil neurophysiologique

→ Douleur par excès de nociception (mécanisme le plus usuel) : lésion de tissus qui provoque un influx douloureux dans le système nerveux par stimulation des nocicepteurs.

→ Douleur neuropathique : douleur provoquée par une lésion du système nerveux en amont des nocicepteurs périphériques, au niveau périphérique (par exemple section d’un nerf) ou central (traumatisme médullaire, par exemple).

Tissu affecté

→ Douleur somatique : elle touche les parties superficielles (peau) ou profondes (muscle, tendon, os) de la structure corporelle.

→ Douleur viscérale : elle touche les organes profonds (viscères).

Points forts

→ Le praticien doit identifier non pas une douleur, mais des douleurs, selon les profils évolutif et neurophysiologique, et le tissu affecté.

→ L’évaluation de l’intensité de la douleur chez l’animal repose essentiellement, sur le terrain, sur l’observation d’indicateurs lésionnels et comportementaux.

→ Les critères physiologiques dépendent du stress et doivent être interprétés selon le contexte.

→ Les critères zootechniques, tardifs et peu spécifiques, peuvent alerter à l’échelle du troupeau.

→ Le praticien peut s’aider de grilles d’évaluation.

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