La PAC : influence et perception par les éleveurs laitiers - Le Point Vétérinaire expert rural n° 341 du 01/12/2013
Le Point Vétérinaire expert rural n° 341 du 01/12/2013

POLITIQUE AGRICOLE

Article original

Auteur(s) : Julie Lambert*, Loïc Commun**

Fonctions :
*Équipe de médecine des populations
(zootechnie), VetAgro Sup, Campus vétérinaire
de Lyon, 1, avenue Bourgelat,
69280 Marcy-L’Étoile
**Auteur correspondant

Une enquête sur l’incidence de la politique agricole commune sur les exploitations laitières révèle la part importante des subventions et l’inquiétude des éleveurs face à la suppression des quotas.

La politique agricole commune (PAC) a fêté ses 50 années d’existence en 2012. Depuis sa création, elle possède une forte influence à la fois technique et économique sur les exploitations agricoles européennes. Cependant, les contraintes qu’elle impose sont parfois critiquées par le monde agricole. Dans le secteur bovin laitier, en particulier, la crise du lait en 2009 a témoigné des difficultés des éleveurs face à l’instabilité des prix. Si la grogne des éleveurs s’est amoindrie à la suite de la mise en place de comités de conciliation, en revanche, de sérieuses inquiétudes persistent dans la filière, notamment dans la perspective d’une suppression des quotas prévue pour 2015.

C’est dans ce contexte qu’une enquête a été réalisée auprès de quatre-vingt-dix éleveurs français de bovins laitiers dans différents bassins de production (Lorraine, Bretagne et Auvergne) entre décembre 2010 et mai 2011, concernant l’incidence de la PAC sur les exploitations. À travers ce questionnaire, dont certaines parties faisaient appel à des chiffres remontant à 1991, les exploitants ont également pu donner leur avis concernant les politiques de l’entreprise, et énoncer leurs positions et leurs souhaits pour l’avenir.

INCIDENCE FINANCIÉRE DE LA PAC SUR LES EXPLOITATIONS

Avec 19 663 € par structure et par an en 2009, les subventions européennes représentent à elles seules, dans notre échantillon, plus du tiers de l’excédent brut d’exploitation (EBE) des entreprises agricoles (contre un quart 10 ans auparavant). La part des aides PAC dans l’EBE est plus importante pour les exploitations uniquement laitières que pour les autres. Cependant, ce n’est pas le montant des subventions qui explique cette différence (p > 0,05), mais la valeur de l’EBE moyen, qui est moins élevée au sein de la filière laitière (p < 0,05). Également pour 2009, le montant des aides a été évalué par le Réseau d’information comptable agricole (Rica) à 26 100 € par exploitation laitière et par an, soit 53,6 % de l’EBE [1]. La situation nationale semble donc encore plus marquée qu’au sein de notre étude. Ces données indiquent aussi que les investissements dans le secteur laitier se chiffrent à 26 000 € par exploitation et par an (devant la filière bovine viande avec 18 100 € par exploitation et par an) [2]. Ainsi, si les aides et la part importante qu’elles représentent dans l’EBE des entreprises agricoles ont augmenté depuis 10 ans, elles complètent les investissements réalisés pour moderniser les exploitations, lesquels dans leur grande majorité répondent à des contraintes de mises aux normes imposées par l’Europe.

INCIDENCE DE LA PAC SUR LES INVESTISSEMENTS

Des mises aux normes sous contrainte européenne ont été réalisées par 61 % des éleveurs interrogés entre 1991 et 2009, qu’elles consistent en des investissements de structure, concernant, par exemple, les bâtiments, ou en des changements de pratiques culturales.

En revanche, peu de mises aux normes volontaires sont dénombrées. Elles ne représentent que 13,6 % des exploitations du panel sur les 19 années considérées. Elles sont réalisées surtout par des structures d’âge moyen, les plus récentes étant souvent dans l’impossibilité de financer de tels investissements, et les plus anciennes, étant généralement peu motivées pour ce genre de dépense, surtout avant un potentiel départ à la retraite sans repreneur.

Les investissements visant la gestion des effluents concerne 55,6 % des exploitations interrogées, avec, essentiellement, des installations de stockage (photo). La création de plans prévisionnels de fumure et de cahiers d’enregistrement d’épandage conformes est plus marginale, avec seulement 15 % d’entreprises agricoles concernées. Le volet “bâtiment d’élevage”, quant à lui, touche 31,5 % des fermes du panel (aménagement de locaux d’infirmerie et/ou de vêlage, mise aux normes des logements pour les veaux).

AVIS DES ÉLEVEURS

→ Les éleveurs sont 41,8 % à déplorer une part trop importante des aides PAC dans leur revenu, tandis que 47,7 % la jugent satisfaisante et que 10,5 % la disent trop faible. Cinquante pour cent des exploitants interrogés voudraient une augmentation du montant des subventions. Cela témoigne de la nécessité des aides européennes : les éleveurs préféreraient largement vivre sans elles, mais, actuellement, elles leur restent indispensables.

→ Concernant le prix souhaitable du lait, les avis se partagent principalement en deux groupes : les exploitants qui désirent un montant de 0,35 €/l (30 % des éleveurs interrogés) et ceux qui en demandent 0,40 €/l (45 %). Plus marginalement, 15 % se satisferaient de 0,30 à 0,35 €/l, tandis que 6 %, essentiellement des éleveurs “bio”, vont jusqu’à en réclamer entre 0,60 et 0,70 €/l (le prix du “lait standard” était de 0,27 €/l en moyenne en 2010).

→ La conditionnalité représente une contrainte pour les éleveurs, et ils sont près de 40 % à demander son allégement et 28,6 % à souhaiter même sa suppression.

→ Enfin, 82,9 % des exploitants du panel sont défavorables à la suppression des quotas, craignant la dérégulation des marchés, donc des cours. La crise du lait en 2008 et 2009 a démontré l’incidence néfaste de la hausse des quotas sur les marchés. Leur abrogation totale d’ici à 2015 serait susceptible de provoquer une fluctuation importante des cours. Face à la concurrence étrangère, et dans un souci de santé et de protection environnementale, la proposition d’un standard qualitatif ou la taxation des productions non écoresponsables pourraient être envisagées.

Conclusion

L’élevage laitier français s’avère particulièrement dépendant des aides européennes. Avec les mises aux normes imposées, les revenus propres dégagés par les exploitations sont souvent trop bas pour permettre une viabilité à eux seuls. Toutefois, si Bruxelles soutient massivement l’agriculture, en revanche, le versement des subventions dépend du respect de mesures de conditionnalité contraignantes, qui imposent aux éleveurs de réinvestir la quasi-totalité de ces aides pour se conformer à la législation en vigueur.

Un des axes actuellement suivis par les législateurs européens est la dérégulation du marché du lait, avec pour conséquence la reprise de l’intensification du secteur. Cependant, certains élus et représentants professionnels refusent cette perspective, et militent pour le modèle européen d’une agriculture durable et compétitive, soucieuse de préserver l’environnement, de maintenir la vitalité du monde rural et d’assurer une alimentation suffisante, saine et de qualité, à un prix raisonnable [3].

Ainsi, l’avenir de la filière reste suspendu à l’annonce du budget et des modalités concrètes de la prochaine PAC, qui devrait paraître en 2014.

Références

  • 1. La statistique, l’évaluation et la prospective agricole (Agreste). Les subventions d’exploitation. Les dossiers. 2012;14:15-18.
  • 2. La statistique, l’évaluation et la prospective agricole (Agreste). L’actif et l’investissement. Les dossiers. 2012;14:31-36.
  • 3. Raison M. Situation du secteur laitier. Rapport de l’Assemblée nationale n° 2067. 2009:45p.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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