Des canetons même chétifs séroconvertissent vis-à-vis des parviroses - Le Point Vétérinaire expert rural n° 341 du 01/12/2013
Le Point Vétérinaire expert rural n° 341 du 01/12/2013

ÉVALUATION DE LA QUALITÉ POUR LES VACCINATIONS

Étude

Auteur(s) : Charles Facon*, Franck Belaud**, Mathieu Couteau***, Clémentine Caudron****, Benoît Mousset*****, Christophe Cazaban******, Vilmos Palya*******

Fonctions :
*Labovet Conseil, ZAC de la Buzenière,
85500 Les Herbiers
**Labovet Conseil, ZAC de la Buzenière,
85500 Les Herbiers
***Ceva Santé animale,
10, avenue de la Ballastière, 33500 Libourne
****Ceva Santé animale,
10, avenue de la Ballastière, 33500 Libourne
*****Ceva Santé animale,
10, avenue de la Ballastière, 33500 Libourne
******Ceva Santé animale,
10, avenue de la Ballastière, 33500 Libourne
*******Ceva Phylaxia, 1107 Budapest,
Szállás St 5, Hongrie

Chez les oiseaux, l’électrophorèse des protéines plasmatiques est préférée pour évaluer l’inflammation.

Les Parvovirus des palmipèdes, petits virus à ADN non enveloppés, sont particulièrement résistants dans le milieu extérieur. Ils sévissent en France. Le canard de barbarie est sensible aux deux types pathogènes recensés sur notre territoire :

– l’agent de la parvovirose du canard de barbarie (DPV, Duck Parvovirus) ;

– l’agent de la maladie de Derzsy (GPV, Goose Parvovirus), qui touche également les canards mulards.

En élevage, les individus affectés présentent des retards de croissance et un défaut d’emplumement caractéristique (photo 1).

Les éleveurs observent le plus souvent une morbidité limitée à 1 %, mais il arrive qu’une proportion moins négligeable de canards soit malade (5 %, voire plus de 10 %). Les pertes économiques peuvent alors être conséquentes. Malgré l’existence de vaccins efficaces dont l’usage s’est systématisé, la maîtrise des parvoviroses reste incomplète sur le terrain. Les cas sont fréquents dans les Pays-de-la-Loire depuis 2011. De nombreuses causes peuvent expliquer les difficultés actuelles (encadré 1).

L’occurrence d’un cas clinique de parvovirose signifie le début d’une période à risque pour plusieurs bandes d’un site d’élevage.

CONTEXTE ET OBJECTIFS DE L’ÉTUDE

Dans un large site d’élevage de canards de barbarie des Pays-de-la-Loire (4 500 m2), la parvovirose sévit à des prévalences modérées à faibles lot après lot, malgré les efforts de formation des équipes de vaccination et le renforcement de la procédure de nettoyage et de désinfection.

L’équipe de suivi technique et vétérinaire de l’élevage décide d’évaluer, dans ce contexte, la réponse vaccinale des canetons à la spécialité Deparmune(r) administrée depuis plusieurs années. Les oiseaux les plus chétifs d’un lot sont-ils capables de produire une réponse vaccinale ? De fait, les proportions d’individus plus petits dans un lot peuvent correspondre aux prévalences de la parvovirose en élevage (photo 2).

MATÉRIEL ET MÉTHODE

1. Protocole vaccinal

Un vaccin inactivé contre les parvoviroses des palmipèdes (Deparmune(r)) est administré chez les canetons au couvoir à la dose de 0,2 ml par voie sous-cutanée. Un rappel est réalisé en élevage à l’âge de 16 jours, selon les préconisations du résumé des caractéristiques du produit (RCP).

2. Protocole de prélèvement

À l’âge de 10 jours, une prise de sang (sur tubes hépariné et sec) est réalisée chez 5 canetons mâles sélectionnés au hasard parmi ceux de morphologie normale (groupe A) et chez 5 autres plus petits, qualifiés de “chétifs” (groupe B). Les animaux sont pesés individuellement et sacrifiés. Les bourses de Fabricius et les rates sont pesées.

À 28 jours, les mêmes prélèvements (PS + examen post-mortem) sont réalisés sur 5 autres canetons de types A et B, sélectionnés au hasard.

À 45 jours, des prises de sang sont effectuées sur tube sec chez des canetons de types A et B (n = 4 pour chaque type).

Les prélèvements sont stockés et acheminés conformément aux recommandations usuelles pour les analyses envisagées, pratiquées à Labovet Analyses et à Ceva Phylaxia.

3. Électrophorèse des protéines plasmatiques

Des électrophorèses sont pratiquées pour évaluer l’état inflammatoire des palmipèdes (encadré 2, figures 1a et 1b).

4. Sérologies

Des sérologies Elisa de type “double sandwich-compétition” sont réalisées à partir des prélèvements sur tube sec aux différents âges (figure 2, encadré 3). À la faveur de plusieurs essais effectués chez des animaux vaccinés, une excellente corrélation a été établie entre les titres Elisa et ceux en séroneutralisation. Les titres en anticorps dans le sérum mesurés par cet Elisa reflètent donc la protection des animaux.

Les valeurs de 4 à 5 en titres Elisa correspondent au seuil admis de protection pour l’immunité active [2].

5. Tests statistiques

Des tests Anova au seuil de p = 0,05 ont été réalisés pour l’analyse des résultats, avec le logiciel Statview(r).

RÉSULTATS

1. Résultats à 10 jours

À 10 jours, les poids vifs sont significativement différents entre les deux groupes (p < 0,001), avec une homogénéité correcte dans chacun d’entre eux (coefficient de variation inférieur à 12 %). Le poids des canetons normaux est 152 % supérieur à celui des individus chétifs. Les poids des bourses de Fabricius (PBF) sont significativement différents entre les groupes (p < 0,02), mais les ratios PBF ou poids de la rate (PR) sur poids vif sont semblables. Les électrophorèses des protéines plasmatiques (EPP) révèlent un état plus inflammatoire dans le groupe B (tableau 1).

Les titres sérologiques observés à cet âge peuvent être liés à la présence d’anticorps d’origine maternelle et/ou à la réponse immunitaire à la première injection du vaccin, à 1 jour de vie (tableau 2).

2. Résultats à 28 jours

À 28 jours, les poids vifs et les résultats de pesées de la bourse et de la rate sont significativement différents entre les deux groupes (p < 0,005). Les individus normaux ont un poids 265 % supérieur à celui des canetons chétifs. L’EPP montre toujours à cet âge un état inflammatoire plus marqué dans le groupe B (tableau 3). La réponse sérologique à la vaccination des canetons chétifs est satisfaisante sur l’échantillon, tous les animaux étant positifs au-delà du seuil de protection de 4 (à cet âge, l’immunité maternelle ne persiste plus) (tableau 4).

Dans le groupe des individus normaux, la réponse sérologique n’atteint pas le seuil de protection pour 3 canetons sur 5. L’un d’eux répond manifestement à une infection par un DPV sauvage (caneton 3/A2). Le rapport albumine/globulines (A/G) reste élevé, à 0,78 : les γ-globulines produites ne modifient pas le profil électrophorétique.

Les résultats individuels extrêmes dans le groupe des canetons normaux à cet âge ne semblent pas corrélés aux résultats d’EPP, qui restent homogènes (coefficient de variation de 14 %).

3. Résultats à 45 jours

À 45 jours, tous les canetons prélevés sont protégés, sans réponse sérologique traduisant une infection sauvage (tableau 5). L’individu 4/A2 est supposé en cours de séroconversion. Aucun signe clinique de parvovirose n’a été observé pendant toute la durée d’élevage.

DISCUSSION

1. Suivi par les pesées

Le suivi de la réponse à une infection (ou à une vaccination) par le poids vif et les pesées d’organes lymphoïdes n’est ni spécifique ni validé chez les palmipèdes.

Ces outils facilement accessibles permettent d’appréhender l’évolution de cibles organiques des Parvovirus, mais aussi d’autres virus comme le Circovirus, non recherché ici. Ce dernier est souvent détecté en élevage, y compris dans des contextes d’infection par les Parvovirus (par PCR, polymerase chain reaction), mais son implication pathogène reste à définir dans les lots de canards de barbarie (co-infection virale ? frein à une bonne prise vaccinale ?) [5].

L’index poids de la bourse de Fabricius sur poids du corps a été développé initialement chez le poulet. Il permet un suivi dans le contexte particulier de la maladie de Gumboro (“bursite infectieuse”, Birnavirus) [1]. Dans notre étude, des ratios PBF sur poids vif ont été évalués, ainsi que des ratios PR sur poids vif. Des valeurs usuelles ont ainsi été collectées dans l’espèce canard de barbarie. Le ratio PBF sur poids vif observé ici est proche des valeurs de référence dans l’espèce du poulet de chair (0,18) [4]. L’index PR sur poids vif est équivalent quels que soient le groupe et l’âge.

Pour valider le suivi de l’infection à Parvovirus par des ratios de poids vif et de pesées de rate et/ou de bourses de Fabricius, d’autres évaluations sont requises.

2. Évaluation de l’inflammation

Les canetons chétifs d’un lot de canards de barbarie présentent un rapport albumine/globulines dans le sang significativement réduit à J10 et à J28 en comparaison des canetons normaux.

Les globulines de types α et Β (celles positionnées après l’albumine dans les profils électrophorétiques) traduisent une inflammation aiguë active. Ces individus ont été pénalisés dans leur croissance par des troubles, infectieux ou non, qui ont engendré la production de globulines (une autre hypothèse est qu’ils seraient issus de l’éclosion d’un œuf plus petit).

Les canetons chétifs de cette étude possèdent un système immunitaire déjà sollicité mas pas déprimé. Ils sont capables de mettre en place une immunité spécifique lors de vaccination contre la parvovirose. La réponse sérologique Elisa de ces animaux (qui est corrélée aux résultats de la séroneutralisation) est au moins aussi bonne comparativement à celle d’individus normaux.

Le protocole vaccinal (âge et modalités d’injection) mérite d’être scrupuleusement respecté, y compris dans des contextes et chez des animaux qui font suspecter un passage infectieux (hétérogénéité de poids).

Pour prévenir les parvoviroses, il convient de protéger rapidement et fortement les canetons, avec une injection à J1 et un rappel dans la troisième semaine de vie.

Alors que le critère de morphologie est au centre de notre étude, à J28, il apparaît que des canetons bien conformés ne sont pas protégés, et inversement. La protection n’a pas été évaluée par challenge infectieux dans les conditions d’élevage.

D’après notre enquête, l’hétérogénéité des lots n’est pas directement liée à un défaut de réponse vaccinale. Toutefois, elle reste une difficulté technique pour la qualité de l’injection du vaccin, que celle-ci soit manuelle ou semi-automatisée. Les risques d’administration du vaccin hors du caneton (à côté ou par double perforation du plan peaucier) ou dans une région anatomique inappropriée sont majeurs lorsque des animaux de corpulences diverses se succèdent entre les mains de l’opérateur.

Le lot de canards de barbarie inclus dans cette étude n’était pas affecté cliniquement par la parvovirose ou la maladie de Derzsy. Des efforts soutenus ont été réalisés pour limiter l’impact des infections sauvages identifiées, et les protocoles de nettoyage et de désinfection ont été optimisés. À travers l’infection par un Parvovirus “sauvage” identifiée ici, il apparaît que la pression infectieuse par les Parvovirus reste intense en élevage commercial.

Conclusion

Dans un lot de canetons de barbarie, certains individus se développent à un rythme moins soutenu que leurs congénères. Malgré leur retard de croissance caractérisé et un état inflammatoire actif, leur organisme réussit à mettre en place une immunité spécifique contre les parvoviroses après administration d’un vaccin inactivé contre les deux Parvovirus pathogènes des palmipèdes, DPV et GPV.

Références

  • 1. Glick B. Normal growth of the bursa of Fabricius in chickens. Poultry Sci. 1956;35:843-851.
  • 2. Jacquinet C, Palya V, Kardi V et coll. Intérêts du suivi sérologique dans des élevages de canards de barbarie vaccinés avec le vaccin Deparmune(r). Proceedings 7es Journées de la recherche avicole, Tours. 2007:329-333.
  • 3. Roman Y. Contribution à la validation de l’électrophorèse des protéines plasmatiques comme outil diagnostique en médecine aviaire appliquée à la conservation. Thèse universitaire de recherche clinique en pathologie aviaire, Muséum national d’histoire naturelle. 2008:175p.
  • 4. Sellaoui S, Alloui N, Djaaba S. Étude morphométrique et anatomopathologique de la bourse de Fabricius du poulet de chair. 6es Journées de la recherche avicole, Saint-Malo. 2005:433-437.
  • 5. Todd D. Circoviruses: immunosuppressive threats to avian species: a review. Avian Pathol . 2000;29(5):373-394.

Conflit d’intérêts

Les quatre derniers auteurs de cet article exercent au sein d’une firme qui commercialise le vaccin Deparmune(r) utilisé dans cette étude.

Points forts

→ Chez les oiseaux, la numération et la formule sanguines automatisées sont difficiles. L’électrophorèse des protéines est préférée pour évaluer l’inflammation.

→ Les risques d’injection inappropriée du vaccin sont majeurs lors d’hétérogénéité de poids des canetons.

ENCADRÉ 1
Défaut actuel de maîtrise des parvoviroses dans un contexte de vaccination : quelles hypothèses a priori ?

→ Réalisation incomplète du protocole vaccinal.

→ Défaut d’application du vaccin.

→ Défaut de mise en place d’une immunité spécifique par le canard.

→ Rémanence du virus sur un site d’élevage par défaut de nettoyage-désinfection en raison de la capacité intrinsèque de résistance du virus.

ENCADRÉ 2
Pourquoi l’électrophorèse des protéines plasmatiques ?

→ Chez les oiseaux, le noyau des érythrocytes persiste : la numération et la formule sanguines automatisées sont rendues difficiles. L’électrophorèse des protéines plasmatiques est donc privilégiée pour évaluer l’état inflammatoire [3].

→ Les protéines sanguines sont réparties dans un champ électrique selon leur taille. L’albumine se distingue des globulines. Plus le rapport albumine/globulines est bas et plus les globulines circulent, parmi lesquelles des protéines de l’inflammation aiguë et chronique. Pour un échantillon de sang prélevé sur un anticoagulant lithium-héparine, le fibrinogène est conservé parmi les Β-globulines.

Dans cette étude, un automate Hydrasys(r) de Sebiaa été utilisé, avec migration sur gels préfabriqués de 7, 15 ou 30 échantillons “hydragelprotein”, puis coloration, fixation, scan, et recours au logiciel Phoresis(r) de Sebia pour la projection de bandes sur un gel en un profil interprétable. Le sang récolté sur héparine a été préalablement centrifugé, puis le plasma congelé jusqu’au traitement.

ENCADRÉ 3
Étapes d’un test Elisa double sandwich

Une série de dilutions du sérum à tester est préparée et mélangée avec des quantités connues d’antigène Parvovirus Derzsy (GPV) purifié.

1. Des immunoglobulines polyclonales spécifiques du GPV et de l’agent de la parvovirose du canard de barbarie (DPV) sont adsorbées à la surface des puits des plaques Elisa.

Elles lient les antigènes restés libres après l’incubation avec les sérums.

Et quatre des anticorps conjugués à la biotine réagissent avec les antigènes fixés au plateau Elisa. Des enzymes extravidine-peroxydase sont ajoutées (points noirs sur la figure 2).

La réaction est visualisée grâce à une réaction colorée catalysée par l’enzyme peroxydase. La densité optique est proportionnelle à la quantité d’antigènes restés libres, qui est d’autant plus élevée que le titre en anticorps du sérum testé est faible. La densité optique est ainsi inversement proportionnelle au titre du sérum testé.

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