La science rendue accessible en pratique rurale - Le Point Vétérinaire expert rural n° 340 du 01/11/2013
Le Point Vétérinaire expert rural n° 340 du 01/11/2013

LIGNE ÉDITORIALE DU POINT VÉTÉRINAIRE

Article de synthèse

Auteur(s) : Béatrice Bouquet

Fonctions : Cabinet vétérinaire,
8, rue des Déportés,
80220 Gamaches

Acidose, aff ections de pied, syndromes hémolytiques…, l’angle d’approche scientifique sur ces aff ections a changé en 40 ans. Le Point Vétérinaire a évolué avec la pratique rurale.

Du courage était nécessaire dans les années 1970 pour le vétérinaire rural lisant la toute jeune revue Le Point Vétérinaire. Par exemple, neuf pages sur la physiologie de l’acidose traduite de l’Allemand Dirksen, enseignant à la faculté vétérinaire de Munich, ne rebutaient pas [8]. Certes, le praticien rural trouvait encore le temps de lire au (long) repas du midi, après sa (grande) tournée de petits actes (ou de grandes chirurgies) dans une série de petites étables…

Les temps ont changé. Les élevages et les vétérinaires se sont chacun regroupés : les temps de déplacement se sont accrus, la productivité est à l’honneur.

Les praticiens à l’ère du fast food rédigent leurs comptes rendus d’audit d’élevage jusque tard dans la nuit devant “l’ordi”. Ils consultent alors à l’occasion les articles du Point Vétérinaire sur Internet pour approfondir tel ou tel aspect. Articles raccourcis, infographie enrichie et apports du multimédia traduisent une volonté d’accompagner le praticien dans l’évolution des temps en exercice rural.

FRACTIONNEMENT ET INTERNET

Dans les années 1970, le Britannique Ford publie dans le Point Vétérinaire une dizaine de pages sur la sémiologie paraclinique et s’excuse, en conclusion, d’avoir été bref [12]. Cinq pages sont désormais une limite raisonnable dans nos colonnes pour une synthèse. Face à la longueur et la profondeur des articles publiés dans le Point Vétérinaire (souvent ressenti comme un gage de qualité), les confrères archivent. Mais seuls certains stakhanovistes du classement savent par la suite s’y retrouver. Dans quel numéro du Point Vétérinaire se trouvait donc ce “truc” sur la surcharge hépatique, ou cet autre sur l’acidose 40 ans après, les moteurs de recherche sont passés par là (et même deux successifs, pour améliorer le service rendu). Pour (re)trouver un article du Point Vétérinaire, des mots clés sont saisis dans la base de données. Les ordinateurs des vétérinaires ruraux sont désormais presque systématiquement reliés à Internet, grâce à l’administration et à l’obligation d’accéder à la désormais incontournable base de données sur les élevages, BDIVet. Le Point Vétérinaire a longtemps souffert d’un excès d’anticipation technologique et il a parfois précédé les besoins dans le domaine de la formation continue.

Aujourd’hui, en tapant “acidose vache” dans Archives PV Mixte, la base de données de recherche d’archives du Point Vétérinaire(1), divers articles sur le sujet publiés ces dernières années sont proposés :

– des cas cliniques à l’échelle du troupeau [7, 17, 18] ;

– un article en questions-réponses, où il est dit que les idées reçues sur l’acidose doivent être revues à la lumière d’une médecine plus factuelle, c’est-à-dire fondée sur les preuves scientifiques (figure) ;

– un article “Pas à pas” avec de nombreuses illustrations, mais issu d’une étude scientifique en élevage par l’équipe d’Oniris (École nationale vétérinaire, agroalimentaire et de l’alimentation de Nantes Atlantique-Oniris) [16] ;

– une fiche de rappels sur la physiopathologie de l’acidose subclinique [6].

Sur la forme, c’est un résultat fractionné (Enseigner, c’est répéter…), mais bien moins rébarbatif que les 18 pages de pure physiologie par Dirksen dans les années 1970 [8]. Sur le fond, la science continue de veiller.

Le Point Vétérinaire s’attache à entretenir la qualité du discours scientifique du praticien rural (donc son efficacité diagnostique) dans un monde d’éleveurs encore soumis aux habitudes séculaires et à l’empirisme.

LA PRATIQUE ET LES TECHNIQUES

Si le Point Vétérinaire persiste à diffuser une “science” rendue agréable, il sait aussi depuis toujours l’entrecouper de recommandations pratiques. Toujours dans l’exemple de l’acidose, des synthèses réalisées par des enseignants et des conduites à tenir de praticiens y trouvent pareillement leur place [1, 10, 11, 14].

Dès les années 1970, ont été publiées “L’utilisation pratique des profils métaboliques”, des “Applications pratiques (…) sur l’induction du part” et des “Conseils pratiques pour le traitement des affections des onglons” [23]. Aujourd’hui érigées en rubrique, les “conduites à tenir” sont destinées à faciliter le travail du praticien et ressortent d’une demande des lecteurs. Ces avis qui remontent vers les rédacteurs à chaque changement de maquette sont un leitmotiv.

De tout temps, les colonnes du Point Vétérinaire sont restées ouvertes aux jeunes auteurs, par exemple à partir d’une thèse, car l’expertise n’attend pas toujours le nombre des années (tout un dossier sur la dermatite digitée, maladie émergente en élevage laitier, a été orchestré par la toute jeune Anne Relun, aux côtés d’enseignants d’Oniris [19, 20]).

Aller chercher les meilleurs connaisseurs de tel ou tel sujet jusqu’en dehors de nos frontières n’a jamais effrayé non plus les rédacteurs du Point Vétérinaire (encadré).

Pour vivre avec son temps sur le fond comme sur la forme. Le Point Vétérinaire décide dans les années 2000 d’aller plus loin dans la déclinaison des sujets. Dans l’exemple de l’acidose, la plume est tendue à la confrérie des techniciens en alimentation animale : Bruno Bertheloz, ingénieur d’une firme de semence, explique comment détecter un risque dès l’examen du silo de maïs. De jeunes ingénieurs partagent en questions-réponses leur expertise de l’alimentation des bovins avec les praticiens vétérinaires. Denis Chapuisde la Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire décrit les grands principes et l’impact sanitaire de la couverture végétale des silos d’ensilage (photo 1) [5]. Les sujets d’intérêt du praticien rural tendent à rejoindre ceux des agronomes (les classes préparatoires aux concours puis les écoles de ces deux entités se sont rapprochées). En pratique rurale, le travail d’équipe avec des techniciens de l’alimentation, du parage ou encore des bâtiments d’élevage est une réalité dans les cabinets qui proposent une approche globale et suivie en élevage.

ILLUSTRER POUR MIEUX CAPTER

Pour faciliter la lecture, les auteurs sont incités à choisir un angle et à mettre en valeur les nouveautés sur un sujet, plutôt qu’à privilégier l’exhaustivité : faire court pour être efficace vis-à-vis de lecteurs de plus en plus pressés. Alors il s’agit de découper, de résumer… Et dans le même temps, les vilains petits croquis anatomiques ou physiologiques se voient transformés en belles planches d’infographie. Le “beau” n’est pas l’ennemi du “bon”.

Le Point Vétérinaire illustre les gestes utiles au quotidien du praticien en exercice rural. Les évolutions de la maquette, l’enrichissement de l’illustration vont dans ce sens.

La technique illustrée occasionnellement et qui débordait de la maquette dans les années 1970 devient une rubrique régulière : “En images” ou “Pas à pas”. Les photos se colorisent, se multiplient, puis s’agrandissent grâce aux progrès dans la résolution des appareils photos numériques. Abondamment légendées pour favoriser la lecture, elles sont fléchées pour faciliter la compréhension. Dans les années 1970, Ströber illustrait les différentes manières de lever le pied d’une vache et la cage de parage était une voiturette manuelle de couchage [23]. Tout aussi pratique, mais plus richement illustrée, dans les années 2000, Anne Relun décrit la méthode mise au point à Oniris pour détecter facilement à l’aide d’un miroir une affection émergente chez les laitières hautes productrices : la dermatite digitée et le logiciel dédié (photos 2a et 2b) [20].

Des vidéos peuvent désormais être proposées en ligne, associées aux articles du Point Vétérinaire, avec l’essor du taux de raccordement à Internet des lecteurs. Dans les années de la “vache folle” (1990), elles auraient utilement appuyé le discours décrivant les symptômes d’encéphalopathies spongiformes. L’image animée obtenue en un clic vient soutenir dans les années 1990 la description d’une nouvelle affection neuro-motrice d’origine génétique dans la race rouge des prés (ex-maine anjou) [24].

Certes, la photo n’est parfois que simple prétexte (vache ingérant sa ration complète, veaux aux cornadis, vue d’ensemble des bâtiments de cet élevage, etc.). Ce type d’illustration paraît bien superficiel face à la profondeur informative de tel ou tel tableau ou arbre décisionnel. La photo du quotidien constitue pourtant un aimant efficace pour un lecteur qui a quitté les bancs des amphithéâtres.

DE LA FORMATION DE PROFESSIONNELS

Dans une médecine rurale (encore) peu spécialisée, les sujets sont à première vue toujours les mêmes depuis les années 1970.

En 1978, les connaissances sur la transfusion sanguine chez le bovin étaient exposées par Marc Savey dans une version toujours valable. Dans un article plus récent, cette même technique est illustrée, avec des précisions sur le matériel à utiliser [15].

Le Point Vétérinaire compose avec les émergences. Bien rare dans l’espèce, l’ictère hémolytique du nouveau-né a cédé la place à l’explication d’une nouvelle maladie immune à composante hémorragique chez le veau : la pancytopénie néonatale [21, 22].

Bien que mensuel à comité de lecture, le Point Vétérinaire sait bousculer le sommaire si l’actualité l’exige et convoque les meilleurs experts du sujet (FCO, Schmallenberg [13, 25]).

La revue reste le fruit d’une réflexion journalistique et d’un travail éditorial. Les rédacteurs du Point Vétérinaire qui tendent la plume aux fins connaisseurs de tel ou tel sujet ont tous été, à un moment donné, praticiens à 100 % et sont entraînés à la formation continue.

Récemment, des confrères du secteur privé ont été sollicités pour écrire (avec une belle alternance quant à leur appartenance aux différentes firmes pharmaceutiques : Intervet, Merial, MSD, Pfizer, Virbac, notamment).

La problématique du conflit d’intérêts apparaît, mais celui-ci se déclare désormais en tête d’article (dans un exemple d’article récemment publié : « Les auteurs exercent une activité de veille et d’audit comme employés d’entreprises commercialisant des produits d’hygiène et des médicaments vétérinaires. Ils sont tous deux membres du National Mastitis Council » [9]. Il s’agit de ne pas priver les lecteurs du creuset des connaissances accumulées par les confrères du privé. Tout article est visé par deux rédacteurs qui sont aussi vétérinaires, relu par un membre du comité de lecture et un autre expert si le sujet l’exige, puis soumis à une correction journalistique par les secrétaires de rédaction.

L’indépendance et le travail éditorial que le lecteur achète en s’abonnant au Point Vétérinaire n’est pas un leurre.

Conclusion

Ainsi, Le Point Vétérinaire a traversé 4 décennies pour proposer au lecteur une information scientifique agréable à lire. Les élevages changent (jusque dans le nom des races bovines), des maladies nouvelles apparaissent, l’abord préventif se développe, etc. Le Point Vétérinaire continue de veiller.

Jeunes lecteurs-praticiens pressés et exigeants, confrontés à des éleveurs qui vous ressemblent, dans ces colonnes, depuis 40 ans, des articles sont écrits pour être lus et, désormais, consultés sur Internet.

Références

  • 1. Aubadié Ladrix M. Prévenir l’acidose dans un contexte à risque. Point Vét. 2007;272:46-49.
  • 2. Bertheloz B, Vagneur M. Examen du silo de maïs en pratique. Point Vét. 2008;39(284):39-43.
  • 3. Bouquet B. Des idées reçues sur l’acidose sont revues. Point Vét. 2013;336(rural):44-47.
  • 4. Buczinski S, Francoz D. Médecine factuelle : des ressources de formation. Point Vét. 2010;41(n° spécial rural):145-150.
  • 5. Chapuis D. Couverture végétale des silos d’ensilage : grands principes et impact sanitaire. Point Vét. 2011;315(rural):60-63.
  • 6. Commun L. Physiopathologie de l’acidose subclinique. Point Vét. 2011;321(rural):56-57.
  • 7. Debeauvais Y, Commun L. Acidose ruminale subaiguë dans un troupeau de vaches laitières. Point Vét. 2011;321(rural):50-54.
  • 8. Dirksen G. L’acidose du rumen. 1976;18:9-18.
  • 9. Durel L, Verhaegke J. Quelles nouveautés aux journées annuelles du National mastitis control ? Point Vét. 2013;339:64-66.
  • 10. Enjalbert F. Conseil alimentaire et maladies métaboliques en élevage. Point Vét. 1995;27(n° spécial “Maladies métaboliques des ruminants”):713-718.
  • 11. Ferrouillet C. Diagnostic de l’acidose subaiguë du rumen. Point Vét. 2004;244:42-45.
  • 12. Ford EJH. Sémiologie paraclinique chez le bovin, partie 1. Point Vét. 1977;6(26):43.
  • 13. Gourreau JM, Zientara S. Fièvre catarrhale ovine : quand la suspecter ? Point Vét. 2006;269:46-51.
  • 14. Guatteo R. Comment traiter l’acidose aiguë chez les bovins adultes ? Point Vét. 2002;33(224):9.
  • 15. Guatteo R. La transfusion sanguine chez les bovins. Point Vét. 2003:52-53.
  • 16. Guédon M, Guatteo R. Pertinence des différents signes d’acidose. Point Vét. 2013;336(rural):48-49.
  • 17. Le Sobre G, Commun L. Audit d’élevage en référé : étude des documents et constatations en ferme. Point Vét. 2013;337(rural):44-50.
  • 18. Peyraud JL, Apper-Bossard E. Suivi de troupeau en alimentation : étude d’un cas. Point Vét. 2011;319:50-57.
  • 19. Stöber M. Conseils pratiques pour le traitement des affections des onglons chez les bovins. 1977;26:21.
  • 20. Relun A. Détection rapide de la dermatite digitée. Point Vét. 2012;324(rural):50-54.
  • 21. Relun A, Guatteo et Bareille N. Perspectives de contrôle de la dermatite digitée. Point Vét. 2012;324(rural):64-68.
  • 22. Savey M. Transfusion sanguine chez les bovins et ictère hémolytique du nouveau-né. Point Vét. 1978;31:15.
  • 23. Schelcher F et coll. Pancytopénie néonatale bovine : description d’une nouvelle maladie. Point Vét. 2010;308(rural):50-55.
  • 24. Timsit E et coll. Nouvelle affection neuro-motrice d’origine génétique dans la race rouge des prés. Point Vét. 2010;309(rural):8-9.
  • 25. Zientara S, Languille J, Pelzer S. Nouvelle émergence dans le nord de l’Europe : le virus Schmallenberg. Point Vét. 2012;323(rural):54-58.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Les maladies émergentes ont parfois amené à bousculer le sommaire pour gagner en réactivité.

→ Malgré les liens privilégiés avec des auteurs exerçant à l’étranger, le choix des articles publiés en français ne favorise pas la reconnaissance à l’international (indexation).

→ La vidéo sur le site Internet du Point Vétérinaire vient par exemple soutenir dans les années 1990 la description d’une nouvelle affection neuro-motrice d’origine génétique dans la race rouge des prés.

ENCADRÉ
De l’ouverture vers le monde…

→ Le Point Vétérinaire a précédé la mondialisation pour satisfaire aux besoins du praticien perdu au fin fond des étables françaises. Dès les années 1970, en partenariat avec la Société de buiatrie, la plume était tendue aux vétérinaires allemands ou encore britanniques.

→ Des liens privilégiés ont été depuis lors tissés avec des auteurs du “bout du monde”, à l’université de Montréal en particulier (Saint-Hyacinthe, Canada) ou ailleurs sur le continent américain à travers des articles, des numéros spéciaux, des comptes rendus de congrès ou des demandes de relecture (Sébastien Buczinski, Peter Constable, Cécile Ferrouillet, Stephen Leblanc, etc. [4, 11]).

→ Nos voisins européens sont régulièrement appelés à prendre la plume sur un sujet donné (par exemple Arnaud Sartelet en Belgique sur les anomalies génétiques, Gabriela Hisbrunner en Suisse sur les momifications foetales, etc.).

→ Inversement, certains articles du Point Vétérinaire sont lus par des vétérinaires brésiliens (en portugais) ou par des Italiens grâce aux revues associées A hora veterinaria et Summa.

→ Le choix de notre langue, le français, pour publier ne favorise pas la reconnaissance internationale (indexation). Notre taux de citation reste faible en dehors des pays francophones, avec la montée en puissance inexorable de l’anglais comme langue scientifique universelle. Pour y faire face, les résumés en anglais sont publiés dans le corps du texte des articles parus dans le Point Vétérinaire.

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