Ration ménagère pour chien atteint d’insuffisance pancréatique exocrine - Le Point Vétérinaire n° 338 du 01/09/2013
Le Point Vétérinaire n° 338 du 01/09/2013

NUTRITION CANINE

Cas clinique

Auteur(s) : Caroline Daumas

Fonctions : Unité de nutrition et d’endocrinologie,
Oniris, Atlanpôle La Chantrerie,
Route de Gachet BP 40706,
44307 Nantes Cedex 3
caroline.daumas@oniris-nantes.fr

Lors d’insuffisance pancréatique exocrine, une ration ménagère associée à des compléments enzymatiques adaptés représente un traitement alternatif aux aliments industriels.

Un berger allemand mâle entier de 3 ans, est présenté en consultation pour des diarrhées profuses depuis 2 mois.

CAS CLINIQUE

1. Commémoratifs

Correctement vacciné et vermifugé, le chien a reçu différents traitements symptomatiques lors de l’apparition des premiers symptômes diarrhéiques : pansements intestinaux (Smectivet®) et vermifugations (Ascatène® et Milbemax®), sans succès thérapeutique. Compte tenu des commémoratifs et en considérant la race et l’âge du chien, le diagnostic le plus probable était celui d’une insuffisance pancréatique exocrine (IPE). Cette hypothèse a été par la suite testée et confirmée par le faible taux de canine trysine like immunoreactivity (1,4 µg/l, norme supérieure à 5 µg/l). Une hyperfolatémie (15,4 µg/l, norme inférieure à 12 µg/l) ainsi qu’une diminution du taux plasmatique de vitamine B12 (291 ng/l, norme : de 350 à 850 ng/l) témoignent d’une prolifération bactérienne intestinale concomitante.

Le traitement de l’IPE repose sur deux principes :

– associer un aliment hyperdigestible en fractionnant la prise alimentaire (au minimum deux repas par jour) ;

– apporter des enzymes exogènes (lipases, amylases, protéases) à chaque repas pour pallier le déficit de sécrétions enzymatiques pancréatiques de l’animal.

Le chien a reçu un aliment industriel sec vétérinaire hyperdigestible (successivement 440 g/j de Gastro Intestinal® Royal Canin, puis Specific Digest® Dechra) en deux repas. Un complément vétérinaire d’enzymes pancréatiques de synthèse en poudre est ajouté (Canizyme®). Il est distribué à la dose de 15 g de poudre à fractionner par le nombre de repas (dose extrapolée à partir des recommandations d’utilisation du fabricant « chien de plus de 20 kg : 12,5 g/j » ). Un traitement antibiotique (association de spiramycine et de métronidazole [Stomorgyl®] à la dose de 12,5 mg/kg/j) a aussi été prescrit pour 3 semaines. Une injection mensuelle de vitamine B12 par voie intramusculaire (100 µg/kg) a complété le traitement (le chien en a reçu trois lors des 3 premiers mois après le diagnostic).

Malgré une bonne observance du traitement, les troubles digestifs sont toujours présents (appétit exacerbé et diarrhées quotidiennes avec des scores fécaux de 6 à 7/7) après 7 semaines de traitement. Le propriétaire qui travaille dans la filière des viandes destinées à la consommation humaine réclame une ration ménagère. Le chien est alors référé au service de nutrition d’Oniris.

2. Examen clinique

Lors de la consultation de nutrition, les propriétaires décrivent des selles boueuses à très liquides, nauséabondes et de score fécal entre 6 et 7/7 (figure).

De plus, le chien a considérablement maigri en passant de 33 à 27 kg en 2 mois (perte de 18 % de son poids), malgré un appétit décuplé. Son état corporel est évalué en le palpant et la note d’état corporel de 3/9 lui est attribuée, avec une perte notable de masse musculaire (photo 1). Le pelage de l’animal, terne et sec, reflète son état de malnutrition chronique. Le reste de l’examen général ne présente pas d’anomalie.

3. Prescription d’une ration ménagère

Une ration ménagère est calculée sur la base du poids de forme du chien, connu car il est consigné lors des rappels de vaccination annuels (encadré 1).

Ici, le besoin théorique du chien est de 130 x 33)0,75 kcal d’énergie métabolisable (EM) par jour, soit 1 790 kcal EM par jour.

Les rations ménagères pour chien insuffisant pancréatique exocrine répondent aux mêmes critères d’exigence que pour les chiens adultes à l’entretien. Les besoins en nutriments essentiels doivent être couverts (protéines, acides gras essentiels, vitamines) et l’équilibre nutritionnel est à respecter.

La ration suivante est donc proposée :

– 600 g de viande de filet de bœuf ;

– 200 g de haricots verts ;

– 640 g de pâtes très cuites ;

– 7 cuillères à café d’huile de colza crue (soit l’équivalent de 30 g) ;

– un complément vitaminique et minéral : Sofcanis® adulte poudre (3 cuillères à café par jour).

Cette ration est fractionnée en deux repas (matin et soir) accompagnée des enzymes Canizyme® à la même dose que précédemment prescrits (soit 7,5 g à chaque repas).

La comparaison nutritionnelle de la ration ménagère est possible avec les deux rations industrielles consommées antérieurement (tableau 1). Le rapport protido-calorique (RPC) de la ration ménagère a été choisi pour avoisiner les 65 g/Mcal d’EM, valeur actuellement admise comme recommandation d’experts pour les rations ménagères chez les chiens de grande race [4].

4. Suivi après la mise en place de la ration ménagère

À 6 semaines

Lors du premier suivi nutritionnel 6 semaines plus tard, les propriétaires décrivent une amélioration de la qualité des selles de l’animal, mais le score fécal évolue toujours entre 4/7 et 7/7 selon les jours. Le chien a toujours un appétit effréné et cherche sans cesse à voler des aliments. Son poids semble s’être stabilisé à 27 kg. Les résultats sont donc peu probants.

La dose de suppléments enzymatiques est alors doublée (soit 30 g de poudre Canizyme®par jour à diviser en deux et à distribuer lors des deux repas quotidiens).

À 11 semaines

Au deuxième contrôle, 5 semaines plus tard, le poids du chien est constant (27 kg) et les symptômes digestifs persistent (score fécal entre 4/7 et 7/7, appétit exacerbé). Un changement d’enzymes pancréatiques est alors proposé avec l’Eurobiol® 25 000(1). Les autres compléments enzymatiques vétérinaires existants étaient soit indisponibles sur le marché (Tryplase®), soit de concentration enzymatique non renseignée (Pancréatine®). La ration ménagère est conservée, mais accompagnée de deux gélules d’Eurobiol® 25 000(1), à faire avaler au cours de chaque repas.

À 17 semaines

Lors de la troisième visite de suivi, 6 semaines plus tard, les résultats sont très encourageants. Le score fécal du chien s’est nettement amélioré pour atteindre 3/7. Le chien a repris du poids et pèse 31 kg. Les propriétaires sont très satisfaits. Un contrôle biochimique montre la persistance d’une hyperfolatémie (15 µg/l) sans hypovitaminose B12 (385 ng/l). Afin d’optimiser la reprise de poids et de masse musculaire, la ration journalière est modifiée.

Le chien reçoit donc :

– 700 g de filet de bœuf ;

– 250 g d’haricots verts ;

– 600 g de pâtes très cuites ;

– 10 cuillères à café d’huile de colza crue (soit 40 g) ;

– un aliment minéral et vitaminique : Sofcanis® adulte poudre : 3 cuillères à café par jour.

Cette ration ménagère apporte 1 990 kcal d’EM. Elle présente un RPC de 70 g de protéines/Mcal. Les protéines apportent 28 % des calories de la ration, les lipides 34 % et les glucides 38 %.

À 6 mois

Au dernier contrôle 2 mois plus tard, le chien apparaît en excellent état corporel (photo 2). Il pèse 32,5 kg et a récupéré une bonne condition musculaire. Son pelage paraît plus brillant et l’animal est plus enjoué. Les propriétaires confirment un excellent état général, une absence de troubles diarrhéiques et un chien rassasié.

DISCUSSION

1. Insuffisance pancréatique exocrine : définition

L’insuffisance pancréatique exocrine est une cause de malnutrition par maldigestion et malabsorption. Le déficit de production d’enzymes pancréatiques est le plus souvent provoqué par un mécanisme auto-immun, qui a pour conséquence l’atrophie des acini pancréatiques [16]. Le tissu pancréatique exocrine est considéré comme partiellement, voire totalement improductif. Cette insuffisance doit être traitée tout au long de la vie de l’animal, même si les doses d’enzymes peuvent par la suite être réduites une fois le chien stabilisé. Parmi les races de chiens atteints par cette maladie, les jeunes bergers allemands de 1 à 5 ans sont surreprésentés [3]. Les études les plus récentes tendent à montrer qu’il ne s’agit pas d’une maladie génétique à transmission autosomale récessive, mais plutôt d’une affection à modèle polygénétique complexe [8, 15].

2. Caractéristiques de la supplémentation enzymatique

La supplémentation enzymatique est l’autre point clé du traitement. Différentes spécialités d’enzymes pancréatiques sont disponibles sur le marché.

Résistance à la digestion

Il est nécessaire que les suppléments enzymatiques atteignent le compartiment intestinal sans subir de dégradation au préalable pour exercer pleinement leur activité. Il convient donc de choisir des formes gastro-résistantes. Les lipases et amylases, très sensibles à la dégradation par l’acidité de l’estomac, sont rapidement détruites si elles ne sont pas protégées, au contraire des protéases [9].

Forme galénique

L’efficacité des différentes spécialités enzymatiques doit être maximale dans l’intestin grêle. Pour cela, elles doivent accompagner le bol alimentaire. Les formes galéniques, qui permettent une libération tardive des principes actifs doivent donc être favorisées [16]. La formulation en microgranules gastrorésistantes protège les enzymes de l’acidité gastrique et permet d’exprimer l’activité enzymatique sur le site d’action. C’est le cas de l’Eurobiol® 25 000(1).

Une étude in vitro réalisée avec l’Eurobiol(1) de formulation microgranules enrobées gastrorésistantes (Eurobiol® 25 000) ou granulés (Eurobiol® 12 500) a montré que les compléments non enrobés ont une dissolution très rapide avec des pH compris entre 4 et 5 (68 % du contenu se dissout après 15 min à pH = 4,5), alors que les formulations enrobées gastrorésistantes ne libèrent leur contenu qu’à partir de pH = 5 (40 % de dissolution est obtenue après 60 min avec à pH = 5) [1]. Cela montre que des formulations identiques dans leur composition ne sont pas équivalentes dans leur biodisponibilité in situ.

Dans notre cas, comme aucun équivalent de forme galénique n’est disponible en pharmacopée vétérinaire, la prescription de l’Eurobiol® 25 000(1) a été réalisée dans le respect de la cascade thérapeutique.

Composition

Certains compléments enzymatiques présentent des activités enzymatiques protéolytiques, amylolytiques ou lipolytiques plus fortes que d’autres (tableau 2). Dans notre cas, la comparaison des activités enzymatiques entre la dose journalière de 30 g de Canizyme® (le double de la recommandation d’utilisation du fabricant) et la dose journalière de quatre gélules d’Eurobiol® 25 000(1) montre une différence importante pour les activités amylolytique, lipolytique et protéolytique.Pour l’activité lipolytique, l’Eurobiol® 25 000(1) est plus fortement concentré en enzymes (environ quatre fois plus), ainsi que pour l’activité amylolytique (18 fois).

En considérant le fait que les glucides peuvent représenter entre 30 et 60 % du total de l’énergie dans les rations pour chien et que les enzymes lipasique et amylasique sont les plus sensibles à la dégradation, il semble important que leur activité soit élevée. Pour l’activité protéolytique, le Canizyme® est plus fortement dosé (six fois plus) que l’Eurobiol®25 000(1). Dans notre cas, et même lorsque la ration ménagère a été enrichie en protéines, le chien n’a pas montré de signes de maldigestion, ce qui laisse supposer que la concentration contenue dans l’Eurobiol® 25 000(1) était suffisante pour combler le déficit protéolytique (partiel ou total) de ce chien.

De plus, certains auteurs ont montré que les enzymes de synthèse (obtenues par fermentation fongique, comme le Canizyme®) ne remplacent pas efficacement les enzymes à base de pancréas d’origine animale [10]. Le doute est permis sur l’efficacité in situ de certaines enzymes qui ne sont pas décrites comme gastrorésistantes et ne sont pas issues de tissus pancréatiques vivants.

3. Traitement par l’alimentation

Objectifs

L’utilisation d’aliments hyperdigestibles est recommandée lors de la prise en charge initiale de ce type d’affection [7]. Ils permettent de limiter la quantité de résidus non digérés et de prévenir les phénomènes de diarrhées osmotiques et de fermentations intestinales excessives, qui induisent une prolifération bactérienne anormale.

Cela est particulièrement important lorsque cette maladie affecte des chiens de grande race. Il a en effet été démontré que ces derniers présentent une plus forte activité fermentaire que les chiens de petite race et une perméabilité intestinale plus élevée [13]. Cela expliquerait une diminution de leur qualité fécale et une probable amplification de l’expression de leurs troubles digestifs.

Caractéristiques des aliments industriels hyperdigestibles

Plusieurs éléments caractérisent les aliments industriels hyperdigestibles à visée gastro-intestinale : la nature des protéines, des glucides et des lipides sélectionnés (qui leur assure une grande digestibilité), unefaible part de fibres dans la ration et une quantité de lipides généralement modérée. La parfaite maîtrise des procédés technologiques employés lors de leur fabrication participe aussi à la garantie de leur qualité (le procédé de cuisson-extrusion doit être parfaitement contrôlé avec un taux de gélatinisation élevé au risque de diminuer la digestibilité de l’amidon).

4. Pourquoi prescrire une ration ménagère

Les essais cliniques effectués chez des chiens insuffisants pancréatiques soumis à différents types de ration n’ont pas permis de mettre en évidence un profil de régime optimal. Aucune supériorité dans les résultats thérapeutiques n’a été démontrée avec des régimes à haute teneur en lipides ou en fibres [14]. Il semble, au contraire, que le résultat thérapeutique soit variable d’un chien à l’autre, ce qui peut déconcerter le clinicien. La prescription nutritionnelle doit donc être individualisée et en adéquation avec le supplément enzymatique utilisé.

La ration ménagère est une solution alternative aux aliments industriels lorsque ceux-ci sont rejetés par l’animal ou que le résultat attendu n’est pas satisfaisant.

Elle offre l’avantage de pouvoir choisir les différents ingrédients qui la composent selon les préférences de l’animal, ce qui facilite l’observance et permet de moduler l’équilibre nutritionnel. Le propriétaire de ce chien travaillant dans la filière viande de l’industrie agroalimentaire humaine, le coût de cette ration n’a pas été un obstacle. Ce sont en effet les sources de protéines qui sont les ingrédients les plus onéreux de la ration.

5. Intérêts de la ration ménagère

Grande digestibilité

Lors d’essais expérimentaux, des rations ménagères ont présenté une digestibilité élevée avec des coefficients de digestibilité apparente de la matière organique, des protéines, des lipides et de l’énergie de 93, 92, 96 et 92 % respectivement [5]. Les rations ménagères bien maîtrisées sont donc hautement digestibles. Cela est très utile en début de traitement pour lutter contre la persistance des diarrhées osmotiques et rétablir le confort digestif du chien.

Variation des ingrédients

La composition de la ration ménagère peut être révisée selon la réponse clinique en faisant varier les ingrédients, ce qui en fait un atout. Dans notre cas, la seconde ration a volontairement été enrichie en protéines et en lipides. Cela a permis une reprise de poids et une récupération totale de la masse musculaire. Dans ce cas, les rations ménagères prescrites ont présenté une teneur plus faible en fibres que pour un chien à l’entretien (seulement 3 % de l’énergie) afin de ne pas pénaliser la digestibilité totale de la ration [6].

La ration ménagère présente donc l’intérêt de faciliter les adaptations individuelles pendant le traitement et en fonction de la réponse de l’animal, et de garantir une digestibilité élevée lorsqu’elle est bien maîtrisée. Cet intérêt thérapeutique doit toujours être mis en perspective avec les moyens financiers des propriétaires.

6. Bases d’une ration ménagère

Les rations ménagères prescrites lors d’une insuffisance pancréatique exocrine doivent respecter l’équilibre nutritionnel pour un chien adulte à l’entretien. Elles doivent aussi être constituées d’ingrédients de choix pour optimiser la digestibilité.

Dans une ration ménagère pour chien à l’entretien, 25 % de calories doivent être apportées par les protéines. Les lipides apportent au minimum 7 % de l’énergie. Entre 5 et 10 % de l’énergie est apporté par des fibres afin d’assurer d’un bon confort digestif (en complétant la ration avec des légumes). Les apports en glucides servent à combler le déficit énergétique sur la ration finale. Enfin, un complément en vitamines et en minéraux est indispensable, car les ingrédients de la ration sont généralement pauvres en calcium et le ratio Ca/P (calcium/phosphore) doit être compris entre 1 et 2 dans la ration finale [12].

Aliments utilisables

Les ingrédients qui composent une ration ménagère sont classiquement des aliments de bonne qualité destinés initialement à la consommation humaine.

Les aliments susceptibles de remplir les contraintes énoncées sont ceux contenant :

– des protéines : morceaux de viande maigres destinés à la consommation humaine (filet de bœuf, de poulet par exemple) ;

– des lipides : huile végétale riche en oméga 3 et oméga 6 capable d’assurer l’apport en acides gras essentiels comme l’huile de colza ;

– des fibres : légumes comme les haricots verts, les courgettes ou les carottes ;

– de l’amidon : riz ou pâtes très cuits (deux fois plus que pour une consommation humaine) pour assurer une gélatinisation de l’amidon nécessaire à une bonne digestibilité (encadré 2).

7. Objectifs de l’antibiothérapie

La prescription d’une antibiothérapie dans le cadre de la lutte contre la prolifération bactérienne intestinale se justifie lors de la première phase du traitement ou de rechutes fréquentes au cours du traitement. La prolifération bactérienne est la conséquence directe de la maldigestion et de la malabsorption par insuffisance enzymatique. Elle est favorisée par l’augmentation des substrats non digérés, qui sont disponibles pour les bactéries intestinales et par la diminution des facteurs bactériostatiques normalement présents dans les sécrétions pancréatiques. Une étude a mis en évidence que plus de 70 % des chiens insuffisants pancréatiques présentent une surpopulation bactérienne intestinale concomitante [17]. Les antibiotiques peuvent donc être prescrits lors de l’initiation du traitement ou quand la réponse à celui-ci est insatisfaisante. La prescription ne devrait pas être systématique et dépend de la durée de la perturbation intestinale, de la réponse clinique de l’animal au traitement et de la capacité de la flore intestinale à recouvrer un équilibre stable. Ici, l’antibiothérapie a été prescrite après le diagnostic d’insuffisance pancréatique exocrine car le chien présentait des troubles intestinaux depuis plusieurs semaines et que les analyses concordaient avec une prolifération bactérienne (hyperfolatémie). Les molécules les plus couramment employées sont les tétracyclines et le métronidazole, qui ont montré une efficacité dans ce contexte clinique [16]. La durée d’administration varie selon l’évolution des désordres digestifs et des rechutes en cours de traitement. Dans le cas décrit, l’administration initiale de 3 semaines de métronidazole a contribué à limiter les proliférations bactériennes excessives. Cependant, il convient de toujours stopper les phénomènes de malabsorption afin de maximiser l’action suppressive sur les dérives de flore intestinale. L’antibiothérapie doit être considérée comme un adjuvant au traitement et ne peut se substituer à la prise en charge nutritionnelle et enzymatique.

8. Supplémentation en vitamine B12

La diminution du taux plasmatique de vitamine B12 est expliquée, d’une part, par son incapacité à être absorbée sans l’action des protéases pancréatiques, et des facteurs pancréatiques et, d’autre part, par sa consommation possible par les bactéries de l’intestin grêle à la suite de la prolifération bactérienne secondaire à l’insuffisance pancréatique exocrine, comme c’est le cas chez plus de 70 % des chiens insuffisantes pancréatiques exocrines [10, 17]. Elle doit faire l’objet d’injections intramusculaires ou sous-cutanées compensatrices le temps de stabiliser l’ensemble du système intestinal. Une injection intramusculaire par mois, pendant 3 mois, a été réalisée au début de la prise en charge de l’animal. Idéalement, des dosages de vitamine B12 doivent être réalisés régulièrement et l’administration à l’animal doit être effectuée jusqu’à la normalisation du taux sanguin de vitamine B12. Une faible concentration sanguine en vitamine B12 est associée à des taux de survie faibles lors d’études rétrospectives [2].

Conclusion

Les difficultés qui peuvent être rencontrées lors de la prise en charge de l’IPE expliquent des réponses thérapeutiques très variables. La réussite thérapeutique s’exprime lorsque tous les paramètres (ration, supplémentation enzymatique, gestion des proliférations bactériennes secondaires) sont maîtrisés. La stabilisation de ce genre d’affection peut être longue et des adaptations de la prescription, selon le résultat clinique lors des premiers mois, sont toujours nécessaires. Dans les cas extrêmes, les troubles digestifs persistants, lors de la première année de traitement, peuvent condamner certains chiens à l’euthanasie. Il convient donc d’adapter la ration et/ou les compléments enzymatiques afin d’obtenir une meilleure efficacité thérapeutique.

  • (1) Médicament humain.

Références

  • 1. Aloulou A, Puccinelli D, Sarles J et coll. In vitro comparative study of three pancreatic enzyme preparations: dissolution profiles, active enzyme release and acid stability. Alim. Pharmaco. Therap. 2008;27(3):283-292.
  • 2. Batchelor DJ, Noble PJ, Taylor RH et coll. Prognostic factors in canine exocrine pancreatic insufficiency: prolonged survival is likely if clinical remission is achieved. J. Vet. Intern. Med. 2007;21(1):54-60.
  • 3. Batchelor DJ, Noble PJ, Cripps PJ et coll. Breed associations for canine exocrine pancreatic insufficiency. J. Vet. Intern. Med. 2007;21(2):207-214.
  • 4. Blanchard G. L’alimentation des chiens. Éd. France Agricole, Paris. 2008:174.
  • 5. Blanchard G, Paragon PM, Nguyen P. Digestibility of a home-made diet in healthy dogs and cats. Proceedings of the 15th ESVCN Congress 2011.
  • 6. Burrows CF, Kronfeld DS, Banta CA et Coll. Effects of fiber on digestibility and transit time in dogs. J. Nutr. 1982;112(9):1726-1732.
  • 7. Case L. Nutritional management of gastrointestinal disease. In: Canine and feline nutrition. 2nd ed. Ed. JA Schrefer, St-Louis, USA. 2000:503.
  • 8. Clark KA, Cox ML. Current status of genetic studies of exocrine pancreatic insufficiency in dogs. Topics Companion Anim. Med. 2012;27(3):109-112.
  • 9. Layer P, Kelly J. Lipase supplementation therapy: standards, alternatives and perspectives. Pancreas. 2003;26(1):1-7.
  • 10. Lecoindre P. Gastroentérologie du chien et du chat. Éd. Point vétérinaire, Rueil-Malmaison. 2010:386-387.
  • 11. National Research Council. Nutrient requirements of dogs and cats. The National Academies Press. 2006:35-36.
  • 12. Paragon BM, Debraekeleer J. Formuler une ration ménagère. Nutrition des animaux de compagnie. 4e éd. Mark Norris Institute, Missouri. 2000.
  • 13. Weber MP, Hernot D, Nguyen PG et coll. Effect of size on electrolyte apparent absorption rates and fermentative activity in dogs. J. Anim. Physiol. Anim. Nutr. 2004;88(9-10):356-365.
  • 14. Westermarck E, Wiberg ME. Effects of diet on clinical signs of exocrine pancreatic insufficiency in dogs. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2006;22(2):225-229.
  • 15. Westermarck E, Saari SAM, Wiberg ME. Heritability of exocrine pancreatic insufficiency in German Shepherd dogs. J. Vet. Intern. Med. 2010;24(2):450-452.
  • 16. Westermarck E, Wiberg M. Exocrine pancreatic insufficiency in dogs: historical background, diagnosis, and treatment. Topics Companion Anim. Med. 2012;27(3):96-103.
  • 17. Williams DA, Batt RM, McLean L. Bacterial overgrowth in the duodenum of dogs with exocrine pancreatic insufficiency. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1987;191(2):201-206.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1
Calcul du besoin énergétique journalier d’un chien

Pour un chien adulte non stérilisé à l’entretien, les besoins énergétiques sont établis selon les recommandations du National Research Council, 2006, grâce à la formule suivante [11] :

BEE = 130 x PM kcal d’EM, en considérant chez le chien : PM = PC0,75

BEE : besoin énergétique d’entretien; PM : poids métabolique ; EM : énergie métabolisable ; PC : poids corporel.

ENCADRÉ 2
Exemple de ration ménagère pour chien adulte à l’entretien de 10 kg

– 140 g de viande à 5 % de matière grasse ;

– 5 g d’huile de colza crue ;

– 100 g de carottes ;

– 380 g de riz blanc cuit ;

– 5 g d’un aliment minéral et vitaminique (avec le ratio Ca/P supérieur ou égal à 2 et le Ca supérieur à 10 %).

D’après B.-M. Paragon et J. Debraekeleer [12].

Points forts

→ L’insuffisance pancréatique exocrine est une maladie caractérisée par une maldigestion et une malabsorption des nutriments.

→ Les compléments enzymatiques sont extraits de pancréas d’origine animale ou des enzymes de synthèse. Leur forme galénique (gastrorésistante ou non) et leur concentration sont variables.

→ En cas de mauvais résultat thérapeutique lors de la prise en charge initiale, il est utile d’adapter la ration et/ou le complément enzymatique.

→ La ration ménagère permet de moduler le profil nutritionnel de la ration en fonction des besoins de l’animal.

REMERCIEMENTs

Au professeur Henri Dumon pour sa relecture attentive.

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