TECHNOLOGIES DE LA REPRODUCTION
Article de synthèse
Auteur(s) : Claire Ponsart*, Daniel Le Bourhis**, Serge Lacaze***, Frédéric Charreaux****, Alexandre Morel*****, David Dupassieux******, Catherine Guyader-Joly*******, Sébastien Fritz********
Fonctions :
*UNCEIA R&D, 13 rue Jouet 94704 Maisons-Alfort
**UNCEIA R&D, 13 rue Jouet 94704 Maisons-Alfort
***Midatest, 64230 Denguin
****Evolution, 35000 Rennes
*****Evolution, 35000 Rennes
******Umotest, 01250 Cezeyriat
*******UNCEIA R&D, 38300 Chateauvillain
********UNCEIA Département fédéral, Inra GA, Jouy-en-Josas
La sélection génomique associée au développement de technologies de la reproduction permet de réaliser le génotypage préimplantatoire et l’indexation des embryons pour trois grandes races bovines.
La sélection génomique a induit une révolution dans les schémas de sélection mis en œuvre pour l’élevage bovin. Les entreprises coopératives du monde de la génétique (les entreprises de sélection, l’Union nationale des coopératives agricoles d’élevage et d’insémination animale [UNCEIA] en collaboration avec l’Institut national de la recherche agronomique [Inra], et l’Institut de l’élevage) ont placé la France dans le peloton de tête des pays leaders en génomique pour la sélection des bovins des grandes races laitières prim’holstein, montbéliarde et normande. Les animaux peuvent être sélectionnés sur la base de leur potentiel génétique prédit par un set de 54 000 marqueurs dits single nucleotide polymorphisms (SNP), qui balisent le génome entier (encadré 1).
Afin de produire suffisamment de candidats, des stratégies d’évaluation génétique des embryons collectés 7 jours après insémination sont combinées à la biopsie de cellules embryonnaires, à la superovulation, au transfert d’embryon (TE) et à la ponction d’ovocytes (ovum pick up - fécondation in vitro [OPU-FIV]) [10]. Les différentes étapes conduisant à l’estimation du potentiel génétique de l’embryon et les principaux aspects pratiques assurant un génotypage réussi ont été mis au point par l’UNCEIA(1). Ces outils devraient faciliter la gestion des receveuses dans les troupeaux et le diagnostic précoce des anomalies génétiques. Le premier veau génotypé et indexé au stade embryonnaire est né en 2011. Une parfaite concordance a été observée entre ses index estimés avant son implantation et ceux calculés après sa naissance (photo 1).
L’une des principales contraintes vécues par les éleveurs et les entreprises de sélection en Europe reste la disponibilité limitée des femelles receveuses. Depuis 20 ans, le nombre d’embryons à transférer est limité par un diagnostic du sexe avant transfert grâce à la technique de biopsie d’embryons combinée à la polymerase chain reaction (PCR) [3, 18]. Elle consiste à prélever des cellules embryonnaires, puis à amplifier leur acide désoxyribonucléique (ADN) et à révéler une séquence spécifique du chromosome Y.
Le compromis à atteindre réside dans la viabilité de l’embryon, tout en obtenant une quantité d’ADN suffisante pour cette analyse. Ainsi, lors d’une biopsie, 5 à 10 cellules sont prélevées par embryon (encadré 2).
Elles sont ensuite placées dans un milieu de conservation et soumises aux protocoles d’amplification d’ADN avant génotypage. Les embryons biopsiés sont cultivés in vitro pendant 24 à 48 heures ou immédiatement transférés frais ou congelés chez des receveuses synchronisées [6, 7, 12]. Les taux de gestation varient de 47,3 à 62,3 % après transfert direct d’embryons biopsiés congelés, selon le stade de développement embryonnaire ou la méthode de biopsie (tableau 1). Avec la méthode de biopsie au “microcouteau”, des taux élevés de survie in vitro ont été observés après 48 heures de culture in vitro lorsque les embryons ont été biopsiés et congelés respectivement aux stades blastocyste et morula (respectivement 97,1 % (100/103) et 88,4 % (38/43), UNCEIA, données non publiées).
Lorsque les embryons sont transférés à l’état frais, les taux de gestation ont tendance à être corrélés à leur qualité et au stade embryonnaire. La congélation des embryons produits in vitro et biopsiés reste un défi technique pour utiliser le génotypage combiné à la production d’embryons in vitro. Les taux de survie après décongélation des blastocystes congelés lentement à – 25 °C dans le glycérol seul (53,8 %) sont plus bas que ceux des blastocystes congelés à – 25 °C ou à – 30 °C dans ce milieu additionné de sucrose (91,3 %) [23]. Les effets positifs du sucrose sont également rapportés chez les embryons collectés in vivo puis biopsiés (taux de gestation atteignant 55,8 % dans le milieu contenant le sucrose versus 40,8 % dans le milieu constitué de glycérol seul) [11, 12].
→ Les avantages du génotypage de l’embryon ont été rapportés dès que la sélection assistée par marqueurs (SAM) reposant sur un nombre limité de marqueurs microsatellites a été utilisée, en raison de l’estimation simultanée de plusieurs caractères à un stade précoce de dé-ve-lop-pement [21]. Cependant, un des défis majeurs de la sélection génomique au stade embryonnaire est la détection de SNP à partir d’un petit échantillon d’ADN prélevé chez un embryon préimplantatoire. Pour obtenir suffisamment de matériel au départ, des stratégies différentes ont été testées [10, 17, 21, 25].
→ Plusieurs études ont rapporté que le faible nombre de cellules par biopsie est suffisant pour le diagnostic pré-implantatoire d’un seul caractère en utilisant la technique d’amplification PCR suivie d’une électrophorèse [4, 14, 22]. Toutefois, il en résulte une quantité limitée d’ADN génomique, ce qui restreint le nombre de marqueurs à tester. En effet, l’efficacité d’une méthode PCR pour la détermination du sexe est proportionnelle au nombre de cellules (de 85,5 % pour moins de 3 cellules, à 100 % pour plus de 7 cellules, p < 0,005) [11]. C’est pourquoi de nouvelles stratégies ont été développées pour augmenter la quantité d’ADN génomique disponible pour le géno-typage “multiple”.
→ Récemment, l’amplification du pangénome (méthode whole genome amplification [WGA]) est possible grâce à de nouvelles techniques de biologie moléculaire (figure). Cette méthode WGA a été développée pour la préamplification de petites quantités d’ADN génomique afin d’utiliser une cellule unique [5, 19]. De plus, la méthode WGA a été utilisée dans une variété d’applications incluant le génotypage à haut débit, la puce Affymetrix® et la puce de 54 000 SNPs, SNP50®, commercialisée par Illumina pour l’espèce bovine [9, 19, 20]. Des kits commerciaux d’amplification selon la méthode WGA sont disponibles avec de bonnes fiabilité et exactitude [24]. De plus, l’ADN génomique préamplifié à partir de cellules embryonnaires issues de diverses espèces (porcine, caprine, bovine et humaine) est utilisé dans de nombreuses études. L’objectif est de développer des tests de diagnostic génétique préimplantatoire qui incluent des caractères spécifiques comme le sexe, la sensibilité vis-à-vis du prion chez des embryons caprins ou des anomalies génétiques, comme la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD) chez l’homme [1, 8].
Différentes expériences ont été conçues pour affiner les conditions assurant une quantité suffisante d’ADN génomique après préamplification.
→ Les premiers tests ont visé à détecter un ensemble restreint de 58 marqueurs SNP selon le nombre de cellules embryonnaires prélevées (tableau 2). Après amplification WGA, les échantillons de 5 à 10 cellules ont présenté des taux de détection de marqueurs (proportion de marqueurs détectés ou call rate, CR) significativement plus élevés que les échantillons comportant au maximum 5 cellules (98 % versus 75 %) [13].
→ Dans un deuxième ensemble d’expériences, l’amplification de l’ADN génomique issue d’embryons collectés in vivoa été combinée au génotypage utilisant la puce bovine Illumina SNP50® selon le nombre de cellules par biopsie. Le CR moyen était significativement plus élevé (p < 0,05) pour une biopsie d’embryon de 8 à 10 cellules que pour un prélèvement de 5 à 7 cellules (tableau 3).
Dans des conditions de terrain, l’ADN issu de biopsies d’embryon bovins est désormais amplifié avec le mini-kit ultrarapide WGA-REPLI-g, selon un protocole mis au point par l’UNCEIA (Qiagen, France) [16]. Après amplification, le processus génère une quantité d’ADN génomique de 5 à 7 µg, c’est-à-dire 40 000 fois supérieure, au minimum, à la quantité initiale. Lorsque le génotypage est exécuté dans un laboratoire moléculaire centralisé incluant amplification et génotypage sur la puce, les cellules embryonnaires sont transportées dans un petit volume de milieu (moins de 2 µl) et envoyées par La Poste (source : UNCEIA). Pour assurer le succès du génotypage, il est conseillé de garder les échantillons congelés durant le transport.
La faisabilité de l’indexation génomique des embryons a été vérifiée en comparant les taux de marqueurs détectés à partir de cellules embryonnaires (embryons collectés in vivo) et d’un prélèvement de sang chez le veau issu du transfert. Le génotypage a été réalisé à l’aide de la puce bovine Illumina SNP50®. Les CR moyens obtenus à partir des cellules embryonnaires préamplifiées ont été significativement plus bas que ceux obtenus à partir du sang de veau, mais ont avoisiné 88 % (encadré 3).
Toutefois, des phénomènes de “perte d’allèles” sont observés. La perte d’un des deux allèles parentaux peut conduire à des erreurs d’interprétation du génotype, conduisant à considérer des marqueurs “homozygotes” alors qu’un seul allèle est détecté. Il a donc été nécessaire d’adapter la méthode de calcul utilisée pour l’indexation et de fixer un seuil en deçà duquel le génotypage n’est pas possible. En calculant le pourcentage de perte d’allèle en fonction du CR, le génotypage est estimé possible pour des CR supérieurs à 85 %, ce qui correspond à des erreurs inférieures à 1 % [15].
Cette valeur seuil de CR de 85 % a donc été validée comme une étape préalable à l’indexation des embryons. Ce seuil a été atteint pour 85,5 % des embryons biopsiés, mais des améliorations rapides doivent être développées pour une efficacité optimale.
En raison des phénomènes de perte d’allèles, la méthode d’indexation fait intervenir un modèle d’imputation dans lequel seuls les marqueurs “fiables” sont pris en compte pour l’estimation des index génomiques. L’imputation consiste à prédire l’ensemble des marqueurs, à partir des informations génétiques du candidat, combinées à celles de ses parents. En utilisant ces méthodes développées dans le cadre du consortium européen Eurogenomics, les index génomiques (production de lait, caractères morphologiques et fonctionnels) ont été calculés chez les embryons, puis comparés à ceux des veaux correspondants prélevés après leur naissance (tableau 4). Pour le moment, le génotypage des embryons ne peut être effectué avec fiabilité que pour les trois grandes races laitières prim’holstein, montbéliarde et normande car l’interprétation du génotypage nécessite de disposer d’une population importante comme base de référence afin d’imputer certains marqueurs. À partir de 37 couples de valeurs, une très bonne corrélation entre les index calculés chez le veau et l’embryon a été observée, avec un écart maximal de 5 points d’indice dans un cas. Dans 95 % des cas (35 couples), l’écart maximal a atteint 2 points d’index entre le veau et l’embryon.
Sur le plan pratique, l’indexation génomique des embryons est désormais opérationnelle pour les trois grandes races laitières. Sa mise en œuvre nécessite de faire appel à une équipe de transfert embryonnaire formée à la micromanipulation des embryons et à la préparation de l’ADN avant génotypage. L’ADN est ensuite transmis à un laboratoire de génotypage et l’étape finale d’indexation est suivie par Valogene, société en charge de la vente de puces et de la partie commerciale de l’indexation pour les schémas de sélection bovins. Toutes les opérations de transfert embryonnaire sont placées sous la responsabilité d’un vétérinaire d’équipe qui supervise les aspects techniques et sanitaires du transfert embryonnaire.
L’indexation des embryons suit la même chaîne informatique et le même calendrier que les autres animaux, ce qui permet d’envisager une utilisation à plus large échelle. Actuellement, plusieurs équipes TE agréées, dépendant des entreprises de sélection, sont en mesure de proposer ce service, mais il est encore réservé principalement aux schémas de sélection, dans cette phase de dé-ve-lop-pement. En outre, le surcoût pour un embryon est de l’ordre de 150 à 200 €. Ces tarifs qui incluent un génotypage “complet” devraient baisser avec des offres de service incluant un diagnostic préimplantatoire ciblé sur quelques anomalies, caractères particuliers (par exemple : sexe, caractère sans corne, type de caséine, facteur rouge, etc.), ou l’émergence de nouvelles puces ou méthodes de traitement des biopsies.
La sélection génomique permet aux équipes de TE de produire du matériel de valeur issu d’une ressource très limitée (donneuse d’embryons de génotype caractérisé) pour mener à bien des études cliniques et fonctionnelles. De plus, elle démontre la possibilité d’un diagnostic génétique avant implantation, combiné à la congélation et au transfert d’embryons. Utilisé seul ou en association avec le sexage d’embryon, le développement de cette stratégie de sélection de l’embryon devrait dépendre de la demande des éleveurs vis-à-vis de caractères spécifiques, comme l’aptitude fromagère du lait, l’absence de corne ou la couleur de la robe.
(1) Avec les principales entreprises de sélection françaises, Labogena (en charge du génotypage), ainsi que dans le cadre d’une collaboration avec CRV, entreprise hollandaise.
Les auteurs n’ont pas transmis de conflit d’intérêts.
Depuis quelques années, les outils génomiques permettent :
– d’évaluer l’aléa de méiose (différence entre la valeur génétique du veau testé et le potentiel moyen des parents) sans aucun test de descendance, avec une fiabilité qui augmente avec le développement de nouveaux algorithmes de calcul ;
– d’évaluer un nombre plus important de candidats ;
– de sélectionner les animaux sur des caractères présentant une faible héritabilité, comme les aptitudes fonctionnelles [2]. Cela s’accompagne d’une augmentation de la pression de sélection pour ces caractères.
La biopsie de cellules embryonnaires exige des opérateurs hautement qualifiés et formés à l’utilisation d’un équipement spécifique tel un microscope inversé combiné avec des micromanipulateurs. Selon le stade de l’embryon, deux méthodes sont disponibles (photos 2a à 2d et 3a à 3d).
→ Équipe : UNCEIA
→ Nombre de biopsies : 117
→ Call rate (CR) : 87,7 % ± 12,5 %
→ Biopsies avec CR > 85 % : 85,5 %
UNCEIA : Union nationale des coopératives agricoles d’élevage et d’insémination animale. d’après [16].
→ La sélection génomique permet de choisir les animaux sur leurs aptitudes fonctionnelles en plus des caractères liés à la production et de détecter des anomalies génétiques.
→ La ponction d’ovocytes, la production d’embryons IN VITROet le transfert embryonnaire augmentent le nombre de candidats à la sélection.
→ Le sexage par biopsie embryonnaire couplée à la polymerase chain reaction limite le nombre d’embryons à transférer et donc facilite la gestion des vaches receveuses.
→ Les marqueurs qui balisent le génome sont détectés à partir d’un petit échantillon d’ADN, constitué de quelques cellules, ce qui assure la viabilité des embryons. Le génotypage est possible lorsque 85 % des marqueurs sont retrouvés, ce qui est le cas pour 80 % des embryons micromanipulés.
→ L’utilisation de ces techniques est possible au cours des indexations de routine pour les trois grandes races laitières, pour lesquelles l’indexation génomique des embryons est ainsi possible.
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