La brucellose dans la faune sauvage française - Le Point Vétérinaire expert rural n° 332 du 01/01/2013
Le Point Vétérinaire expert rural n° 332 du 01/01/2013

MALADIES INFECTIEUSES

Fiche

Auteur(s) : Jean Hars*, Bruno Garin Bastuji**

Fonctions :
*Office national de la chasse
et de la faune sauvage,
Unité sanitaire de la faune, 38610 Gières
**Université Paris-Est, Anses, Laboratoire
de santé animale, Unité zoonoses
bactériennes, LNR des brucelloses animales, CNR des Brucella,
94704 Maisons-Alfort Cedex

Cet article présente un état des lieux actuel de la maladie chez le sanglier, le lièvre, les cervidés, le chamois et le bouquetin.

En France, la brucellose apparaît comme une maladie du passé depuis son éradication chez les ruminants en 2003. Pourtant, cette zoonose reste présente dans des espèces de la faune sauvage, ce qui rappelle que la vigilance doit rester d’actualité(1).

Chez le sanglier

L’infection brucellique à Brucella suis biovar 2 est très largement répandue dans la population de sangliers. En effet, les résultats du programme national de surveillance sérologique, conduit entre 2000 et 2004 sur un échantillon de 5 842 sangliers tués à la chasse, et les enquêtes départementales ultérieures ont montré que la séroprévalence apparente moyenne était de l’ordre de 40 % sur le continent (la Corse serait indemne) et dépassait 50 % dans de nombreux départements (figure) [1-3]. Lors de plusieurs enquêtes, la bactériologie a confirmé la présence de B. suis biovar 2 dans la rate de plus de 10 % des sangliers qui semblaient en bon état. Seule la surveillance active réalisée chez des sangliers tués à la chasse a permis de révéler l’ampleur de cette infection brucellique. En effet, la surveillance événementielle, assurée par le réseau Sagir(2), détecte mal les cas cliniques d’orchites ou d’avortements, qui plus est sur un échantillon restreint de sangliers collecté à l’échelon national par le réseau. Cette enzootie semble avoir peu d’effet sur la démographie de l’espèce sanglier (Sus scrofa), très prolifique et adaptable, et dont les effectifs ont été multipliés par cinq entre les années 1990 et 2010. En revanche, la principale conséquence est la transmission de B. suis biovar 2, par voie vénérienne essentiellement, aux truies domestiques lorsque des sangliers mâles s’introduisent dans des élevages en plein air mal protégés.

Chez le lièvre

Brucella suis biovar 2 est également présente chez le lièvre (Lepus europaeus). Trente-deux souches ont été isolées chez des lièvres collectés par Sagir entre 2002 et 2011 dans quinze départements. Le rôle de cette espèce dans l’épidémiologie de la brucellose est toutefois mal déterminé.

Chez les cervidés

Concernant B. abortus et B. melitensis, de très rares cas ont été mentionnés chez les cervidés dans les années 1980, en pleine période d’enzootie chez les ruminants domestiques : deux cas cliniques chez des jeunes chevreuils des Hautes-Pyrénées et deux autres cas chez un cerf et un mouflon dans les Hautes-Alpes [D. Gauthier, communication personnelle]. Des contrôles sérologiques effectués en routine à l’initiative de plusieurs fédérations départementales de chasseurs se sont toujours révélés négatifs. De plus, des enquêtes plus ciblées, conduites autour de foyers de brucellose domestique en Lozère en 1999-2000 et dans la Drôme en 2000-2001, n’ont jamais mis de réservoir en évidence chez les cervidés.

Chez le chamois

Chez le chamois, en revanche, plusieurs cas ou foyers de brucellose ont été observés dans les Hautes-Alpes (1982-1993, secteur du Lautaret, B. melitensis biovar 3) et en Savoie (1995-2001, massif du Mont-Cenis, B. abortus biovar 1 ; 1996-2001, massif du Beaufortain, B. melitensis biovar 3 ; 2001, dernier cas isolé en vallée de Maurienne, B. melitensis biovar 3). Dans chaque foyer, un ou plusieurs chamois, mâles ou femelles, ont été retrouvés atteints d’une brucellose clinique au stade final, avec des orchites systématiques chez les mâles, des polyarthrites, des kératites ou une évolution aiguë fébrile avec une bactériémie généralisée (photos 1 et 2). Hormis pour le cas isolé de Maurienne, l’origine de la contamination a été établie : les chamois touchés cohabitaient en alpage avec des troupeaux ovins ou bovins infectés par les souches bactériennes mises en cause. Dans tous les cas, un suivi clinique et sérologique des populations a été effectué pendant plusieurs années. Après que la source de contamination domestique a été supprimée, la maladie semble s’être éteinte naturellement chez le chamois au fur et à mesure de la disparition de la cohorte d’animaux primo-infectée. Cela avait conduit à la conclusion que le chamois était très certainement un cul-de-sac épidémiologique.

Chez le bouquetin

Chez le bouquetin, la brucellose n’avait jamais été décrite en France, ni cliniquement, ni sérologiquement, jusqu’en 2012, alors que plusieurs centaines d’animaux ont été examinés et testés au cours des programmes de suivi et de translocation réalisés depuis une trentaine d’années dans les parcs nationaux et réserves de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) abritant l’espèce [D. Gauthier et P. Gibert, communications personnelles]. En septembre 2012, à la suite de la détection d’un cas de brucellose aiguë chez un enfant, relié quelques mois plus tard à un foyer bovin sur la commune du Grand-Bornand (Haute-Savoie), une enquête épidémiologique a été mise en œuvre chez les ongulés sauvages du massif du Bargy, qui a permis d’identifier un chamois infecté et un probable réservoir important chez les bouquetins. Les investigations sur ce foyer sauvage de brucellose sont en cours et doivent être poursuivies en 2013.

  • (1) Voir l’article “La brucellose : actualités sanitaires et réglementaires” de B. Dufour et coll., dans ce numéro.

  • (2) Réseau national ONCFS/FNC/FDC de surveillance sanitaire des mortalités de la faune sauvage française. ONCFS : Office national de la chasse et de la faune sauvage. FNC : Fédération nationale des chasseurs. FDC : Fédération départementale des chasseurs.

Références

  • 1. Garin-Bastuji B, Hars J. Situation épidémiologique de la brucellose à Brucella suis biovar 2 en France. Bull. Épidémiol. Santé Anim. Alim. 2001;2:5-6.
  • 2. Payne A, Rossi S, Lacour S et coll. Bilan sanitaire du sanglier vis-à-vis de la trichinellose, de la maladie d’Aujeszky, de la brucellose, de l’hépatite E et des virus influenza porcins en France. Bull. Épidémiol. Santé Anim. Alim. 2011;44:2-8.
  • 3. Rossi S, Hars J, Garin-Bastuji B et coll. Résultats de l’enquête nationale sérologique menée chez le sanglier sauvage (2000-2004). Bull. Épidémiol. Santé Anim. Alim. 2008;29:5-7.

REMERCIEMENTS

L’auteur remercie tout particulièrement les agents de l’ONCFS, dont les Drs Sophie Rossi et Philippe Gibert, les chasseurs et leurs fédérations départementales, le Dr Dominique Gauthier (LVD05) et Yvette Game (LVD73).

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à notre Newsletter

Découvrez en avant-première chaque mois le sommaire du Point Vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr