Diagnostic de la cystite idiopathique chez le chat - Le Point Vétérinaire n° 331 du 01/12/2012
Le Point Vétérinaire n° 331 du 01/12/2012

UROLOGIE FÉLINE

DOSSIER

Auteur(s) : Mathieu Faucher

Fonctions : Clinique vétérinaire Alliance
8, boulevard Godard
33300 Bordeaux

Le diagnostic de la cystite idiopathique féline est établi par exclusion des autres causes d’affection urinaire.

Lors d’affection du bas appareil urinaire (ABAU) chez le chat, la cystite idiopathique féline (CIF) est le diagnostic le plus fréquent (environ deux tiers des cas) [3, 4, 5]. Le diagnostic de la CIF nécessite d’exclure les autres causes d’ABAU. Les examens complémentaires doivent cependant être adaptés à la sévérité et à la fréquence des signes.

1 Hiérarchisation des hypothèses diagnostiques

Lors d’ABAU, l’animal est présenté pour une combinaison de signes cliniques : dysurie, pollakiurie, strangurie, hématurie et périurie. Ces signes sont absents lors de marquage urinaire ou de malpropreté d’origine comportementale. Une confusion peut toutefois exister car lors d’ABAU, l’animal est souvent présenté pour malpropreté. La description de la séquence d’élimination par le propriétaire permet le plus souvent de lever cette ambiguïté.

Le signalement du chat et les commémoratifs contiennent souvent des éléments permettant de hiérarchiser les hypothèses diagnostiques.

L’âge du chat oriente le praticien : un chat jeune adulte présenté pour des signes d’ABAU va courir plus de risques de CIF ou d’urolithiase alors qu’un diagnostic de cystite bactérienne ou de néoplasie est plus probable chez un individu âgé (figure) [1, 7].

Le mode de vie est également important. La CIF survient le plus souvent chez des animaux d’intérieur. En outre, les foyers où vivent plusieurs chats sont à risque. Lors de CIF, il est fréquent que l’individu soit exclusivement nourri avec une alimentation sèche [2, 3].

En cas de CIF, un événement stressant peut être rapporté (déménagement, absence inhabituelle des propriétaires, changement d’alimentation, introduction d’un nouvel individu dans le foyer, par exemple) [6].

L’examen clinique apporte souvent peu d’informations. L’obésité est régulièrement rencontrée, elle est un facteur de risque de la CIF [2]. Il est fréquent d’identifier une vessie vide, parfois douloureuse et un pénis extériorisé. L’examen doit être complet et minutieux afin de rechercher les signes d’une maladie chronique (reins petits et bosselés en cas de maladie rénale chronique, nodule cervical en cas d’hyperthyroïdie, etc.) qui prédisposeraient le chat au développement d’une infection urinaire [8].

2 Examens complémentaires lors d’un premier épisode

Lorsqu’un chat est présenté pour des signes d’ABAU pour la première fois, il n’est pas justifié d’effectuer une recherche diagnostique exhaustive. En effet, la plupart des chats atteints de CIF montrent une rémission spontanée de leurs symptômes en quelques jours.

Analyse urinaire

L’analyse urinaire doit cependant être effectuée. Le prélèvement peut nécessiter au préalable d’hospitaliser l’animal et de lui fournir une analgésie. En effet, beaucoup de chats sont présentés avec une vessie vide lorsque la pollakiurie est intense. La densité urinaire est un paramètre important :

– si elle est élevée (supérieure à 1,050), elle est un facteur de risque de développer une CIF ;

– si elle est diminuée (inférieure à 1,035), il convient de s’interroger sur une affection générale (insuffisance rénale chronique en particulier) ayant pu prédisposer l’animal au développement d’une infection urinaire [2].

Dans le cas particulier du diabète sucré, une densité urinaire élevée est identifiée alors que le chat est à risque d’infection urinaire.

Divers degrés d’hématurie et de protéinurie sont observés. L’examen du culot urinaire révèle en général une hématurie, une leucocyturie modérée et parfois une cristallurie à struvites (photo 1). Cette dernière est souvent identifiée et ne doit pas être considérée comme la cause des symptômes.

La bactériologie urinaire est conseillée mais n’est pas obligatoire. En effet, une étiologie infectieuse n’est qu’exceptionnellement identifiée lorsqu’un animal jeune est présenté pour des signes d’ABAU (2 % environ) [5]. Cependant, en cas de suspicion de maladie générale, de densité urinaire faible (< 1,035) ou de gestes diagnostiques ou thérapeutiques antérieurs sur le tractus urinaire, elle doit être obligatoirement réalisée. Les urines doivent être récoltées par cystocentèse.

Examen radiographique

Un diagnostic différentiel important est celui d’une urolithiase. Une radiographie abdominale est donc conseillée en première intention. Lorsque le contenu colique est volumineux, un lavement peut être nécessaire avant de pouvoir interpréter correctement les clichés. Cet examen a l’avantage d’être simple, peu coûteux et d’explorer le tractus urinaire dans son ensemble. Les calculs urinaires les plus fréquemment rencontrés sont les struvites et les oxalates de calcium, tous deux radio-opaques (photo 2). Lors d’urolithiase, la radiographie abdominale peut parfois être normale lorsque les calculs sont petits (inférieurs à 3 mm) ou radiotransparents (urates).

Examen échographique

L’échographie abdominale (discutée ci-après) peut être utilisée à ce stade à la place de la radiographie, notamment si une cystocentèse échoguidée est pratiquée. Cette technique d’imagerie est complémentaire de la radiographie qui peut alors être réalisée en deuxième intention.

3 Tests diagnostiques lors de cas récurrents

Une minorité de chats présentés pour une CIF manifestent des signes persistants ou très récurrents. Les examens complémentaires visent alors à parfaire l’exclusion des autres hypothèses diagnostiques sur laquelle repose le diagnostic de la CIF.

La bactériologie urinaire est à ce stade obligatoire, même si l’animal ne présente apparemment pas de prédisposition au développement d’une infection urinaire.

Des examens d’imagerie plus poussés sont également recommandés. L’échographie abdominale doit donc être effectuée. Elle permet d’exclure une lithiase vésicale non détectée par la radiographie abdominale, une anomalie anatomique (diverticule ouraquien, par exemple) ou une masse. Lors de cystite idiopathique, il est fréquent d’identifier une paroi vésicale épaissie : cela constitue une donnée subjective car l’épaisseur de la paroi varie selon le volume de remplissage. Un contenu vésical anéchogène, contenant parfois des échos clairsemés ou sédimentés et générant un cône d’ombre, est également identifié (photo 3) [2]. L’échographie a le défaut de ne pas explorer l’urètre.

L’urétrographie rétrograde peut permettre d’identifier une sténose, une masse ou une lithiase [9]. Elle est particulièrement indiquée si le chat a déjà subi un ou plusieurs sondages urétraux. Elle est indispensable avant d’effectuer une urétrostomie périnéale qui se révélerait inefficace en cas de lésion obstructive urétrale proximale au site d’urétrostomie [9].

L’urétrocystoscopie peut être pratiquée sur les cas récurrents. Elle permet d’exclure des anomalies anatomiques non identifiées par ailleurs (notamment un uretère ectopique), les affections urétrales néoplasiques, les sténoses, les masses et d’observer la muqueuse vésicale afin de détecter les glomérulations caractéristiques de la cystite idiopathique. Chez les chats mâles, l’utilisation d’un endoscope flexible ne permet pas une visualisation correcte de la muqueuse vésicale [9].

Conclusion

Le diagnostic de cystite idiopathique reste à ce jour un diagnostic d’exclusion. Il convient cependant d’adapter les examens complémentaires au profil de l’animal, à ses antécédents et à la fréquence des signes. Des biomarqueurs urinaires sont à l’étude et devraient faciliter le diagnostic de cette affection dans le futur.

Références

  • 1. Bartges JW. What’s new in feline LUTD ? Proceedings, 12th ECVIM-CA/ESVIM Congress, 2002.
  • 2. Buffington CAT, Chew DJ. Management of non-obstructive idiopathic/interstitial cystitis in cats. In: Elliott J, Grauer GF. BSAVA Manual of canine and feline nephrology and urology. 2nd ed. Ed. BSAVA, Gloucester. 2007:264-281.
  • 3. Buffington CA, Chew DJ, Kendall MS et coll. Clinical evaluation of cats with nonobstructive urinary tract diseases. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1997;210:46-50.
  • 4. Gerber B, Boretti FS, Kley S et coll. Evaluation of clinical signs and causes of lower urinary tract disease in European cats. J. Small. Anim. Pract. 2005;46:571-577.
  • 5. Kruger JM, Osborne CA, Goyal SM et coll. Clinical evaluation of cats with lower urinary tract disease. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1991;199(2):211-216.
  • 6. Kruger JM, Osborne CA, Lulich JP. Changing paradigms of feline idiopathic cystitis. Vet. Clin. North. Am. Small. Anim. Pract. 2009;39:15-40.
  • 7. Lekcharoensuk C, Osborne CA, Lulich JP. Epidemiologic study of risk factors for lower urinary tract diseases in cats. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2001;218:1429-1435.
  • 8. Mayer-Roenne B, Goldstein RE, Erb HN. Urinary tract infections in cats with hyperthyroidism, diabetes mellitus and chronic kidney disease. J. Feline. Med. Surg. 2007;9:124-132.
  • 9. Westropp JL, Buffington CAT. Lower urinary tract disorders in cats. In: Ettinger SJ, Feldman EC. Textbook of veterinary internal medicine. 7th ed. Ed. Saunders, Missouri. 2010;2:1964-1988.
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