Ténectomie des tendons profonds et superficiels d’un onglon chez un bovin - Le Point Vétérinaire expert rural n° 329 du 01/10/2012
Le Point Vétérinaire expert rural n° 329 du 01/10/2012

CHIRURGIE ORTHOPÉDIQUE DES BOVINS

Article de synthèse

Auteur(s) : Hélène Michaux*, Marie Babkine**, Pierre-Yves Mulon***

Fonctions :
*Département des sciences cliniques,
faculté de médecine vétérinaire,
université de Montréal,
3200, rue Sicotte, Saint-Hyacinthe
Québec Canada J2S 7C6
**Département des sciences cliniques,
faculté de médecine vétérinaire,
université de Montréal,
3200, rue Sicotte, Saint-Hyacinthe
Québec Canada J2S 7C6
***Hôpital vétérinaire Lachute,
431 Principale, Lachute
Québec Canada J8H 1Y4

La ténectomie est envisagée pour un cas d’arthrite septique entre les phalanges 2 et 3, compliquée de ténosynovite. L’ankylose de l’articulation est une technique conservatrice qui évite l’amputation.

L’arthrite interphalangienne distale est une complication fréquente des lésions podales graves. Dans certains cas plus rares, l’infection peut atteindre les tendons des muscles fléchisseurs superficiels et profonds. L’ankylose facilitée de l’articulation associée à une ténectomie serait une des techniques conservatrices pour traiter l’arthrite en permettant à la vache de continuer sa carrière de productrice.

CAS CLINIQUE

1. Diagnostic d’arthrite et ténosynovite

Le pied du membre postérieur gauche d’une vache âgée de 5 ans, présentée pour boiterie, montre un ulcère de sole infecté et une tuméfaction importante du bourrelet coronaire du doigt latéral au tiers distal de l’os métatarsien IV (photo 1). Une chaleur anormale et une douleur importante sont mises en évidence lors de la palpation. La radiographie latéro-médiale du pied révèle une communication entre l’ulcère de sole et l’articulation interphalangienne distale (photos 2, 3 et 4). Elle dévoile également une ostéolyse de la deuxième (P2) et de la troisième (P3) phalange et de l’os sésamoïdien distal, ainsi que la présence de gaz face aux tendons fléchisseurs du doigt. Une échographie des tendons fléchisseurs et profonds confirme une tendinite et une ténosynovite avec la présence de liquide dans la gaine tendineuse (photo 5).

2. Préparation de l’intervention

Un cathéter veineux long terme (21 jours) est posé en face dorsale du membre (photo 6). Cela permet une anesthésie locorégionale par voie intraveineuse avec 20 ml de lidocaïne à 2 % (Xylocaïne(r) à 2 %) sous garrot et les injections ultérieures locorégionales sous garrot d’antibiotique. Ce type d’anesthésie peut également être réalisée à l’aide d’une aiguille épicrânienne. La ténectomie entraînant l’extension de l’onglon, un cerclage métallique est passé en pince des deux onglons afin d’aligner l’onglon atteint à l’onglon sain.

3. Intervention

Voies d’abord et incision

→ Voies d’abord et incision de l’ankylose facilitée : l’approche est bulbaire avec une incision en goutte d’eau autour de l’ulcère en regard de l’articulation P2-P3 et de l’os sésamoïdien distal (photo 7).

→ Voies d’abord et incision de la ténectomie : l’incision cutanée curvilinéaire commence environ 7 cm proximalement à l’onglon accessoire. L’incision est effectuée haut pour retirer une large portion des tendons infectés et s’assurer de ne laisser que du tissu sain. Elle longe l’onglon accessoire médialement en respectant une distance de 5 mm environ, puis rejoint l’incision bulbaire préalablement réalisée.

Ankylose facilitée et approche des tendons

→ Ankylose facilitée : après l’exérèse du sésamoïdien distal, l’articulation P2-P3 est grattée avec une curette pour éliminer l’os atteint et faciliter l’ankylose.

→ Ténectomie : le ligament annulaire plantaire est incisé. Une pince est placée sous la gaine des tendons indivi-dualisée par palpation pour guider son incision qui doit être la plus latérale possible et accéder aux tendons (photo 8).

Résection des tendons superficiels et profonds

Toute la partie infectée et/ou nécrosée des tendons du doigt atteint est excisée de P3 à la limite proximale de l’incision (photo 9). Il convient de retirer toute la partie de tissus lésés tout en restant distal à la bifurcation des tendons. Il est parfois nécessaire de retirer la gaine des tendons.

Les tissus nécrotiques autour de l’articulation et de la gaine des tendons sont débridés autant que possible.

4. Suture et bandage

Plusieurs points de tension sont réalisés pour faciliter la contraction des tissus lors de la granulation. Un bandage wet to dry est posé en appliquant des gazes imbibées d’une solution iodée diluée au fond de la plaie, recouvertes de gazes sèches (photo 10). D’autres gazes sèches sont plaquées contre la plaie et entourées d’une bande de gaze. Puis un bandage rembourré et compressif est réalisé avec des tissus lavables ou une bande ouatée. Le tout doit être protégé de l’humidité à l’aide d’une bande adhésive épaisse imperméable (photo 11).

5. Soins postopératoires

Évolution du tissu de granulation

Le bandage doit être changé après 24 à 48 heures afin de nettoyer la plaie. Une hydrothérapie froide et un débridement chirurgical des tissus nécrotiques résiduels favorisent la formation de tissus de granulation en profondeur (photo 12). Ces soins associés au bandage, à un traitement anti-inflammatoire (Metacam(r) à la dose de 0,5 mg/kg) et à l’antibiothérapie par voie générale (ampicilline, 10 mg/kg trois fois par jour par voie intraveineuse) et idéalement locorégionale sous garrot (ampicilline à la dose de 1 g par voie intraveineuse sous garrot durant 30 minutes deux fois par jour) permettent la rétraction de la plaie.

À la suite des soins apportés, de plusieurs nettoyages (tous les 2 jours environ) et de débridements occasionnels de la plaie lors de l’apparition de tissu nécrosé, le tissu observé devient de plus en plus sain (photo 13).

Plaie saine et plâtre

Le tissu de granulation sain comble progressivement la plaie, recouvrant toutes les structures telles que les os (photo 14). L’inflammation est alors largement diminuée et la plaie est saine. Le délai entre la première intervention chirurgicale et cette étape varie mais peut durer 1 mois, voire 2.

Après une désinfection chirurgicale, un plâtre est mis en place pour une durée de 3 semaines afin d’immobiliser complètement l’articulation et de permettre son ankylose (photo 15). Cette dernière étape n’est pas obligatoire et certains chirurgiens choisissent de ne pas poser de plâtre [3]. Dans le cas de sa mise en place, il convient de s’assurer de la stérilité de la plaie.

DISCUSSION

1. Décision thérapeutique

Considérant l’âge de la vache (5 ans), son bon potentiel de production et donc son potentiel économique futur considérable, le tout associé à une inflammation modérée, il a été décidé de pratiquer une ankylose facilitée de l’articulation plutôt qu’une amputation. En effet, cette technique, plus longue et plus coûteuse, compromettrait toutefois moins la carrière de la vache à long terme selon plusieurs études [1, 2]. L’ankylose et la ténectomie ne handicapent pas l’animal en raison de la présence du deuxième onglon sur lequel il peut continuer à prendre appui.

2. Intervention sur le terrain

L’ankylose facilitée seule est une intervention chirurgicale envisageable à l’exploitation, en plaçant la vache debout dans un travail. La ténectomie l’est également mais la contention se révèle plus difficile car le membre doit être attaché plus haut (au-dessus du jarret) et l’acte chirurgical est davantage invasif. Il convient de s’installer dans un endroit au minimum propre et à l’abri de la poussière.

Hormis les instruments de chirurgie de base nécessaires pour le débridement des tissus, une pince gouge stérile (normalement présente dans le kit de parage de pied) est très pratique pour retirer les tissus mous et osseux nécrosés. Une curette à os peut aussi être utile pour gratter superficiellement les tissus mous nécrosés lors des multiples débridements postchirurgicaux.

De plus, ce genre de chirurgie et ses suites demandent une certaine patience de la part du praticien et surtout de l’éleveur. Avant l’intervention, il est ainsi important de bien préciser les délais attendus pour la guérison (de l’ordre de 2 mois), et surtout de pratiquer cette technique avec un exploitant capable de changer lui-même des bandages et de réaliser une hydrothérapie sur la plaie, parfois quotidiennement. Le pronostic est bon si les soins sont effectués correctement [1]. Dans le cas contraire, ou si l’éleveur se révèle peu motivé, ce genre de pratique est voué à l’échec. L’investissement financier est de l’ordre de 700 €, sans compter un éventuel plâtre.

Conclusion

L’arthrite de l’articulation interphalangienne P2-P3 est le plus souvent consécutive à un abcès de sole. La téno-synovite des tendons fléchisseurs est alors une complication de l’arthrite, mais elle peut également apparaître à la suite de la pénétration d’un corps étranger dans la gaine tendineuse. Dans les deux cas, une ténectomie peut être indiquée [3].

Références

  • 1. Desrochers A, St-Jean G, Anderson DE. Use of facilitated ankylosis in the treatment of septic arthritis of the distal interphalangeal joint in cattle: 12 cases (1987-1992). J. Am. Vet. Med. Assoc. 1995;206(12):1923-1927.
  • 2. Heppelmann M, Kofler J, Meyer H et coll. Advances in surgical treatment of septic arthritis of the distal interphalangeal joint in cattle: a review. Vet J. 2009;182(2):162-175. Epub 2008 Aug 1.
  • 3. Kofler J, Martinek B. New surgical approach to the plantar fetlock joint through the digital flexor tendon sheath wall and suspensory ligament apparatus in cases of concurrent septic synovitis in two cattle. Vet. J. 2005;169(3):370-375.

Points forts

→ L’ankylose facilitée et la ténectomie sont indiquées en cas de ténosynovite. Plus contraignantes qu’une amputation, elles compromettent moins la carrière de l’animal.

→ L’incision monte distalement à l’onglon accessoire, et le débridement des tissus lésés ou nécrosés doit être complet, afin de ne laisser que des tissus sains.

→ La décision de réaliser la ténosynovite dépend de la motivation de l’éleveur à effectuer les soins postopératoires dus à la cicatrisation par seconde intention et de l’âge et de la production de l’animal.

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