État des lieux sur un nouveau venu européen : le virus Schmallenberg - Le Point Vétérinaire expert rural n° 322 du 01/01/2012
Le Point Vétérinaire expert rural n° 322 du 01/01/2012

ÉMERGENCE CHEZ LES RUMINANTS

Question-Réponses

Auteur(s) : Morgane Dominguez*, Emmanuel Bréard**, Stéphan Zientara***

Fonctions :
*Anses, Plateforme nationale de surveillance
épidémiologique en santé animale,
27-31, avenue du Général-Leclerc,
94700 Maisons-Alfort
**Anses, Laboratoire de santé animale
de Maisons-Alfort, 23, avenue du Général-de-Gaulle,
94700 Maisons-Alfort
***Anses, Laboratoire de santé animale
de Maisons-Alfort, 23, avenue du Général-de-Gaulle,
94700 Maisons-Alfort

Le rôle causal du virus Schmallenberg dans les diarrhées et malformations rapportées chez les ruminants d’Allemagne-Benelux est très fortement suggéré.

Une émergence virale est fortement suspectée chez les ruminants, qui rappelle curieusement celle de la fièvre catarrhale ovine (FCO) de sérotype 8 en 2006 dans une région proche, entre Pays-Bas, Allemagne et Belgique. Un nom vient d’être mis sur l’agent pathogène impliqué.

LE RÔLE CAUSAL DU VIRUS SCHMALLENBERG ISOLÉ EST-IL ÉTABLI ?

Deux aspects doivent être distingués. Le rôle éventuel du virus Schmallenberg dans les manifestations rapportées cet été chez des bovins (hyperthermie, diarrhée, chute de production, avortements) et dans les malformations décelées cet automne chez des ovins.

En ce qui concerne les troubles observés cet été, le virus Schmallenberg a été identifié dans des prélèvements d’animaux présentant des troubles aigus en Allemagne et aux Pays-Bas. Aucun autre agent pathogène n’a été associé à ces manifestations chez ces individus et ce virus n’a pas été identifié chez des animaux non malades, provenant de régions apparemment non touchées. Enfin, à la suite d’une inoculation expérimentale conduite par le Friedrich Loeffler Institut (FLI) sur 3 vaches, l’une d’entre elles a développé une hyperthermie (40,5 °C) et une autre, une diarrhée modérée. Même si ces éléments concernent un très petit nombre d’animaux et qu’ils demandent à être reproduits et confirmés, le rôle causal du virus Schmallenberg dans la survenue des troubles rapportés cet été est très fortement suggéré.

Pour les malformations apparues chez les ovins, et plus récemment chez un caprin et chez un bovin, le virus schmallenberg a été identifié dans des prélèvements de cerveau et de sang d’individus malformes (photos 1a à 1c). Aucun autre agent pathogène n’a été associé aux malformations chez ces animaux. De plus, les orthobunyavirus sont connus pour provoquer des malformations à la suite d’infections intra-utérines. Le rôle causal du virus schmallenberg dans leur survenue est donc tres probable, mais doit être confirmé.

Les investigations sur ce nouveau virus sont en cours.

SUR L’EXTENSION GÉOGRAPHIQUE : LE BERCEAU EN EUROPE EST-IL À SCHMALLENBERG ?

Les premières données disponibles sur l’extension géographique montrent que le virus Schmallenberg semble, à ce jour (début janvier 2012), largement répandu sur tout le territoire des Pays-Bas (figure). En Allemagne, il semble actuellement concentré en Rhénanie du Nord-Westphalie. Enfin, en Belgique, des régions proches des Pays-Bas sont atteintes. D’autres États européens (la France et le Royaume-Uni, par exemple) ont initié une surveillance pour détecter la présence éventuelle de ce virus. La présence du virus vient d’être détectée (23 janvier) dans la partie sud-ouest du Royaume-Uni.

Il n’est pas pertinent de parler de “berceau”. L’endroit et le moment où un virus est détecté peuvent être (très) différents du lieu et de sa date d’apparition. Actuellement, aucune hypothèse sur l’origine de ce virus n’a été proposée. En revanche, il convient de saluer la capacité des dispositifs de surveillance allemands et hollandais à déceler une émergence.

EXISTE-T-IL DES VACCINS CONTRE LES ORTHOBUNYAVIRUS ?

Des vaccins ont été mis au point contre certains orthobunyavirus, le virus Akabane par exemple, mais il n’en existe encore aucun contre le virus Schmallenberg, qui vient juste d’être identifié. Rien ne permet de déterminer si un vaccin contre le virus Akabane procurerait une protection croisée contre le virus Schmallenberg. Des instituts allemands et hollandais travaillent sur ces questions, qui ont indiqué qu’un éventuel vaccin contre le virus Schmallenberg ne serait probablement pas disponible avant la reprise de l’activité des vecteurs en 2012.

AKABANE EST LA PLUS CÉLÈBRE ÉPIZOOTIE À ORTHOBUNYAVIRUS : PARCE QU’ELLE A ÉTÉ LA PLUS GRAVE ?

L’importance de cette épizootie est tout d’abord historique, puisque le virus Akabane a été isolé pour la première fois au Japon (dans la région homonyme). Entre 1972 et 1975, ce virus a provoqué dans ce pays la naissance d’environ 42 000 veaux malformés. Akabane est enzootique en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie et en Australie, et, lorsque le virus circule continuellement dans une zone, les femelles sont généralement infectées avant leur première gestation : il est donc extrêmement rare que soient observés des cas de malformations à la suite d’exposition de femelles naïves pendant leur gestation. En effet, celles-ci ont le plus souvent été exposées avant. Le nombre considérable de veaux malformés lors de l’épizootie japonaise s’explique probablement par l’introduction du virus Akabane dans une population immunologiquement naïve.

DES CAS MORTELS LORS D’INFECTION AVEC LE VIRUS SCHMALLENBERG SONT-ILS SURVENUS ?

La diversité de l’expression clinique de l’infection d’un ruminant par le virus Schmallenberg n’est pas encore caractérisée. Cependant, les orthobunyavirus provoquent généralement des manifestations légères chez les animaux non gestants. De plus, les signes rapportés cet été en Allemagne et aux Pays-Bas (diarrhée, hyperthermie, chute de production) ont été spontanément résolutifs en quelques jours. En revanche, les avortements et les malformations résultant d’une infection in utero représentent des conséquences sévères de l’infection.

L’IMPACT POSSIBLE DE LA MALADIE EST-IL ÉTUDIÉ EN REGARD DES PÉRIODES D’ACTIVITÉ des CULICOIDES ?

Il est prématuré de se prononcer sur la diffusion du virus en période d’activité des vecteurs. Les orthobunyavirus sont essentiellement transmis par les Culicoides. Cependant, les espèces de Culicoides vectrices de ce virus dans la région dans laquelle des cas cliniques ont été observés, et a fortiori sur notre territoire, ne sont pas identifiées. Or la diffusion virale serait, entre autres facteurs, conditionnée par la distribution géographique et la capacité vectorielle de celles-ci. De plus, d’autres éléments, encore mal ou non documentés, influeraient fortement sur le potentiel de diffusion du virus Schmallenberg, tels que la sensibilité des animaux, la durée de la virémie chez les ruminants infectés, l’existence éventuelle de réservoirs, etc. Le fait que des cas (et des isolements de virus) ont été détectés entre août et décembre 2011 dans une région étendue (les Pays-Bas dans leur ensemble, des régions d’Allemagne et de Belgique) et depuis le 23 janvier au Royaume-Uni indique qu’une diffusion assez large a déjà été opérée, très vraisemblablement par voie vectorielle, ce qui témoigne déjà d’une certaine “réussite” de ce virus. Si ce sont bien les mêmes vecteurs qui transmettent la maladie, la FCO a démontré que la France est concernée au même titre que les Pays-Bas ou l’Allemagne.

LE RÔLE DES TIQUES ET DES MOUSTIQUES EST-IL ENVISAGÉ ?

Pour l’heure, le mode de transmission supposé du virus Schmallenberg est déduit de ce qui est connu pour les autres orthobunyavirus. Ces virus sont principalement transmis par voies vectorielle et verticale. Les principaux vecteurs impliqués dans la contamination sont les Culicoides. Ces virus peuvent également être transmis par des moustiques (des genres Aedes, Culex et Anopheles). Cependant, le rôle de ces derniers dans la transmission est généralement mineur par rapport à celui des Culicoides. Enfin, une contamination mécanique par d’autres arthropodes hématophages comme les tiques est aussi possible. Les spécificités de la transmission du virus Schmallenberg doivent encore être étudiées.

QUELLE SORTE DE “PRÉCÉDENT” CONSTITUE LA FCO ?

En Europe, et depuis la crise sanitaire de la FCO, la communication et les collaborations entre les laboratoires nationaux de référence européens ont été renforcées. C’est ainsi que le Laboratoire de santé animale de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) à Maisons-Alfort a été alerté dès la mise en évidence de la présence de ce virus en Allemagne. Un transfert de technologies s’est très rapidement opéré : celles employées pour la détection et l’isolement de ce virus sont disponibles à Maisons-Alfort. L’ampleur de la crise de la FCO en France a également nécessité la mise en place d’un réseau de laboratoires départementaux dès 2007. Constitué de 67 laboratoires répartis sur toute la France, celui-ci pourrait, si nécessaire, très rapidement réaliser le diagnostic par RT-PCR (reverse transcription-polymerase chain reaction) de ce virus. De plus, la Plateforme nationale de surveillance épidémiologique en santé animale récemment créée en partenariat avec l’État (Direction générale de l’alimentation), l’Anses, les organisations professionnelles et vétérinaires (Fédération nationale des groupements de défense sanitaire [GDS France], Coop de France, Société nationale des groupements techniques vétérinaires [SNGTV]), et les laboratoires d’analyses (association des directeurs : Adilva) contribue au renforcement des capacités de surveillance épidémiologique sur notre territoire. Elle devrait faciliter le déploiement rapide d’un dispositif de surveillance adapté, ainsi que la centralisation des données sur un phénomène émergent.

EST-IL JUSTIFIÉ DE RAPPROCHER LES VIRUS SCHMALLENBERG ET BTV-8 ?

Ces deux virus ne sont nullement apparentés. Un rapprochement ne se justifie pas.

Points forts

→ Les techniques pour la détection et l’isolement de ce virus sont déjà disponibles à l’Anses de Maisons-Alfort.

→ Actuellement aucune hypothèse n’est avancée sur l’origine de ce virus.

→ La plate-forme nationale de surveillance épidémiologique en santé animale et le réseau de laboratoires nationaux de référence contribuent au renforcement des capacités de surveillance épidémiologique en France.

EN SAVOIR PLUS

– AFSCA Flash. Nouveau virus détecté aux Pays-Bas et en Allemagne : virus Schmallenberg. Déc. 2011. http://www.afsca.be/newsletters-fr/veterinaires/newsletter-flash09.asp

– Bouquet B. Un cousin de l’Akabane suit le chemin du BTV-8. Semaine Vét. 2012;1478:18.

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