Traitement de la paramphistomose à l’oxyclozanide à l’aide d’une mélangeuse : résultats d’un essai - Le Point Vétérinaire expert rural n° 320 du 01/11/2011
Le Point Vétérinaire expert rural n° 320 du 01/11/2011

PARASITOLOGIE DES BOVINS

Étude

Auteur(s) : François Courouble*, Nathalie Butty**, Damien Remmy***, Aurélie Lopez****

Fonctions :
*26, rue Mallard 71360 Sully
**Ceva Santé Animale
10, avenue la Ballastière
33500 Libourne
***Ceva Santé Animale
10, avenue la Ballastière
33500 Libourne
****Ceva Santé Animale
10, avenue la Ballastière
33500 Libourne

La comparaison de la distribution d’oxyclozanide individuelle au pistolet doseur et de celle, collective, par l’alimentation à l’aide d’une mélangeuse montre qu’elles sont aussi efficaces.

La paramphistomose est une parasitose bien installée en France, en particulier dans le bassin charolais, depuis plus de 25 ans [6, 7, 8]. Le traitement repose sur l’oxyclozanide par voie orale (prescription et posologie “hors autorisation de mise sur le marché ou AMM” de 10,2 à 15,3 mg/kg, soit de 30 à 45 ml/100 kg) [1, 4, 9]. La contention pour son administration chez des bovins adultes pose des difficultés de contention. De plus, le grand volume à administrer (300 ml pour une vache charolaise de taille moyenne) est difficile à faire ingérer en totalité. La réalisation de ce traitement est aussi chronophage pour les éleveurs, souvent en sous-effectif dans les exploitations. Ces difficultés sont un frein à la bonne observance de la prescription, dont le vétérinaire est personnellement responsable dans le cas d’une prescription “hors AMM”.

Le développement de la stabulation libre avec cornadis et la distribution de nourriture à l’aide d’une mélangeuse ont conduit à la mise en place, ponctuellement, de traitements par voie orale sur l’ensemble des animaux, en mélangeant une solution antiparasitaire à la ration, sans que l’efficacité individuelle d’une telle pratique ait été vérifiée.

OBJECTIFS

Cet essai a pour objectif de comparer l’efficacité, à l’échelle individuelle, d’un traitement administré, soit au pistolet drogueur, soit à l’aide d’une distribution via la mélangeuse dans une ration.

MATÉRIELS ET MÉTHODES

1. Lots d’animaux

Le protocole est mis en place en 2009 dans un troupeau constitué de 130 vaches de race charolaise. Ces animaux sont nourris au pâturage entre mi-mars et début décembre sans apport complémentaire, puis placés en stabulation libre de décembre à avril 2010. Ils sont alors nourris avec une ration mélangée d’ensilage d’herbe, de foin et de paille complémentée avec un aliment du commerce, et distribuée une fois par jour à l’aide de la mélangeuse.

Trois lots sont constitués à partir de six cases, contenant 76 vaches (figure 1) :

– un lot témoin sans traitement (23 vaches, cases 4 et 6) ;

– un lot traité par voie orale au pistolet drogueur (23 vaches, cases 3 et 5). Le poids moyen des animaux est estimé, en accord avec l’éleveur, à environ 700 kg. La dose utilisée est de 15,3 mg/kg d’oxyclozanide (soit 45 ml/100 kg de Douvistome(r), Ceva) ;

– un lot traité par l’intermédiaire de la mélangeuse (30 vaches, cases 1 et 2). Une dose de 45 ml pour 100 kg (15,3 mg/kg) pour un poids estimé de 700 kg par vache, soit un total de 21 000 kg pour les 30 animaux, est incorporée (soit 10 l de Douvistome(r)).

Les animaux étant déjà dans les cases, il n’a pas été possible de les répartir aléatoirement.

2. Prélèvements

Des prélèvements individuels de fèces sont réalisés le 5 janvier 2009 (J-7) chez les 76 vaches et des coproscopies individuelles sont effectuées au cabinet vétérinaire d’Épinac [3].

Les résultats montrent une prévalence des infestations par les paramphistomes de 100 % et des valeurs de 14 à 1 068 œufs de paramphistome par gramme de fèces (OPG), avec une moyenne de 147 OPG.

Le traitement a lieu le 12 janvier 2009 au matin pour les deux lots traités (J0).

Pour limiter le risque de refus dans le lot “mélangeuse”, seul un quart de la ration habituelle est distribuée vers 9 h 30 au lieu de 7 h. Les animaux impatients ont alors tendance à se jeter sur la nourriture. Le reste de la ration est distribué l’après-midi.

La benne est chargée avec l’ensilage d’herbe (photo 1a). L’ensilage est réparti en surélevant les bords pour éviter que le produit ne coule à l’extérieur (photo 1b). Le produit est versé en le répartissant sur toute la surface (photos 2a et 2b). La mélangeuse est ensuite mise en route pendant quelques minutes (temps estimé par l’éleveur selon son expérience de la mélangeuse) (photo 3). Les vaches sont bloquées au cornadis et le mélange est distribué (photos 4a et 4b). Aucun refus n’est observé et l’ensemble de la nourriture est consommé avant midi. À midi, les vaches sont libérées du cornadis.

Des prélèvements individuels de fèces sont réalisés le 16 février (J35) et le 17 mars 2009 (J64). Des coproscopies individuelles sont effectuées sur ces prélèvements au cabinet vétérinaire d’Épinac.

RÉSULTATS

1. Résultats bruts

Le nombre moyen d’œufs excrétés et le pourcentage de bovins positifs (excrétion d’œufs de paramphistome) sont mesurés dans chaque lot à la date de constitution de lot (J-7), après 1 mois (J35) et 2 mois de traitement (J64) (tableau 1, figures 2 et 3).

2. Analyse statistique

Outils statistiques utilisés

Les nombres moyens d’œufs par lots sont comparés :

– à l’aide d’un test T de Student pour comparer les deux lots traités ;

– à l’aide d’un test de Dunnett pour comparer les lots traités au lot témoin.

Les pourcentages d’animaux positifs selon les lots sont comparés avec un test du x2 ou test exact de Fisher selon les hypothèses du test.

Le risque de première espèce est fixé α = 5 %. La significativité du test sera donnée en comparaison α = 2,5 % en raison de l’ajustement de Bonferroni sur la multiplicité des tests.

Résultats statistiques

→ Nombres moyens d’œufs de paramphistome

Il n’existe pas de différences significatives entre les trois lots à l’inclusion en ce qui concerne les nombres moyens d’œufs (tableau 2). La différence est statistiquement significative à 35 et 64 jours après traitement entre chaque lot traité et le lot témoin. Aucune différence statistiquement significative n’est observée (à J35 comme à J64) entre le lot traité au pistolet et le lot traité via la mélangeuse.

→ Pourcentages d’animaux à coproscopie positive 100 % des animaux sont positifs dans les trois lots à l’inclusion. La différence est statistiquement significative entre chaque lot traité et le lot témoin à 35 et 64 jours après traitement. Il n’existe pas de différence statistiquement significative à J35 comme à J64 entre les deux lots traités.

DISCUSSION

1. Recommandations de traitement de la paramphistomose avec l’oxyclozanide : utilisation hors RCP

Les deux suspensions buvables d’oxyclozanide disponibles sur le marché sont, selon leur résumé officiel des caractéristiques du produit (RCP), indiquées comme douvicides à la dose de 10,3 mg/kg avec une stop dose pour les animaux d’un poids supérieur à 350 kg (soit 100 ml de la spécialité) [1]. Dans ces conditions, le temps d’attente lait est nul et celui pour la viande de 14 jours [5]. La posologie proposée contre les paramphistomes, de 15,3 mg/kg per os, permet de rester sous la limite maximale de résidus définie pour l’oxyclozanide en production laitière, car les études ayant permis d’obtenir le délai d’attente lait nul ont été effectuées à la posologie de 15 mg/kg sans stop dose [2, 4]. La réglementation sur la cascade ne s’oppose pas à la conservation d’un temps d’attente lait nul dans ce type de changement d’indication dans la même espèce cible.

Lors de l’utilisation d’une méthode de distribution différente de celle qui est prévue dans le RCP, la biodisponibilité de l’antiparasitaire pourrait être plus élevée que par une administration directe. Pour des raisons réglementaires et pour prévenir un risque potentiel associé à une dose supérieure chez un animal, il convient de se référer aux temps d’attente forfaitaires minimaux de la cascade, soit 7 jours pour le lait et 28 jours pour la viande et les abats.

2. Mode de distribution

La réussite de ce type de traitement passe par l’ingestion de la quantité de matière active nécessaire à chaque bovin, en écartant les risques de surdosage. Le respect des points suivants est préconisé :

– le matériel utilisé doit être de type “mélangeuse” avec un brassage mécanique efficace des différents éléments qui composent l’ensemble de la ration. Le mélange “artisanal” à la main ne permet pas de garantir une bonne homogénéité. L’utilisation de matériel type dessileuse ne convient pas ;

– l’homogénéité est plus facile à obtenir avec un volume important. Avec une posologie recommandée de 15,3 mg/kg, soit 45 ml de la suspension buvable pour 100 kg, le risque d’une mauvaise répartition est faible ;

– le rapport d’incorporation est augmenté en ne distribuant qu’une fraction de la ration quotidienne (environ 1/4 de la ration dans notre étude) ;

– la suspension buvable doit être incorporée après tous les autres composants de la ration. Cela s’effectue progressivement, en maintenant la mélangeuse en fonctionnement, y compris après la fin de l’incorporation du principe actif, ce temps pouvant varier selon le matériel utilisé et le type de ration (grossière ou plus fine). L’éleveur connaît parfaitement le temps nécessaire à cette bonne homogénéisation ;

– lors de la distribution, l’opérateur doit veiller à maintenir une distribution homogène (régime moteur et allure constante) au sein d’une case ;

– les animaux de chaque case doivent être homogènes en poids. Le mélange de générations au sein d’un groupe est à éviter car il rend difficile l’ingestion de la dose de matière active nécessaire à chaque bovin notamment en raison de la compétition à l’auge ;

– la compétition à l’auge est limitée par une contention individuelle des animaux (cornadis) et une distribution plus tardive dans la journée ;

– la vidange de la mélangeuse (avec un balai) permet de distribuer la fraction de matière active restante aux bovins.

Conclusion

Les résultats obtenus par le traitement à l’oxyclozanide sont conformes à ceux qui ont été publiés en 2003 et en 2004. Ils confortent la dose préconisée de 15,3 mg/kg d’oxyclozanide pour le traitement de la paramphistomose [2, 4]. L’efficacité du traitement lors de l’incorporation de l’oxyclozanide dans l’alimentation est équivalente à celle obtenue après une administration au pistolet, tant en ce qui concerne le nombre moyen d’œufs que de pourcentage d’animaux à coproscopies positives. L’administration à la mélangeuse présente l’avantage d’une facilité de manipulation incomparable.

Références

  • 1. Alzieu JP, Bergeaud JP, Dorchies P. Essai de traitement de la paramphistomose bovine par l’oxyclozanide. Rev. Méd. Vét. 1999;150(8-9):715-718.
  • 2. Berteloot B, Chevallier O, Hubschwerlen G et coll. Paramphistomose en Bourgogne : essai multicentrique utilisant l’oxyclozanide (Douvistome(r)) à une nouvelle posologie. Journées GTV Bourgogne. 2003.
  • 3. Courouble F. Résultats comparés d’une méthode de coproscopie utilisant le sulfate de zinc comme liquide de flottaison et facile à mettre en œuvre en cabinet vétérinaire, et la méthode de référence utilisant le iodo-mercurate de potassium. Proceedings JNGTV, Nantes. 2003:737.
  • 4. Courouble F, Rizet X, Remmy D. Contrôle de la paramphistomose chez les bovins : essai de protocoles avec l’oxyclozanide. Bull. GTV. 2004;23:341-345.
  • 5. Desfontis JC. L’oxyclozanide, un rempart contre les paramphistomes. Point Vét. 2006;268:82.
  • 6. Dorchies P, Bergeaud JP, Duranton C et coll. Extension de la paramphistomose bovine en France : résultats d’une enquête coproscopique sur 465 bovins dans treize départements. Rev. Méd. Vét. 1998;149(11):1029-1032.
  • 7. Dorchies P, Lacroux C, Navetat H et coll. Trois cas d’une nouvelle entité pathologique : la paramphistomose larvaire chez les bovins. Bull. Group. tech. vét. 2002;13:5-7.
  • 8. Mage C, Dorchies P. Paramphistomose des bovins : étude des relations coproscopie-populations parasitaires. Rev. Méd. Vét. 1998;149(10):927-929.
  • 9. Paraud C, Remmy D, Chartier C. Paramphistomose caprine : évaluation de l’efficacité de l’oxyclozanide en conditions expérimentales. Bull. GTV. 2008;44:71-74.

Points forts

→ Les deux méthodes de traitement, individuelle au pistolet et collective via la mélangeuse, ont la même efficacité à la dose de 15,3 mg/kg.

→ Le matériel utilisé doit être de type mélangeuse, un brassage à la main n’étant pas suffisant, et la distribution homogène.

→ La solution buvable est à incorporer après les autres constituants de la ration.

→ Le temps d’attente forfaitaire de la cascade doit être appliqué (lait : 7 jours, viande et abats : 28 jours).

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